Aménagement d`une cour de maternelle
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Aménagement d`une cour de maternelle
ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997 Aménagement d’une cour de maternelle Marienthal Les enfants de l’école de Marienthal, dans le Bas-Rhin, ne sont pas peu fiers de leur cour de maternelle. Sous l’impulsion de leur directrice, ils y ont aménagé un arboretum, un jardin aromatique et, dernière animation en date, une mare. Un travail pédagogique d’une rare efficacité. n apprend plus dans les bois que dans les livres.” Anne-Marie Schaff, directrice de l’école maternelle de Marienthal, aime rappeler cette citation de saint Bernard, lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi elle a eu envie de réaliser des chantiers “nature” avec des enfants en bas-âge, a priori peu aptes à mener des tâches de “grands”, comme creuser une mare ou planter des arbres. Le premier chantier des enfants, l’arboretum, eut lieu en 1994. Puis vint la création d’un jardin aromatique, destiné entre autres à favoriser chez les enfants l’exploration de leurs sens. C’est autour de l’eau, un thème toujours fédérateur auprès des tout-petits, que fut élaboré le projet de cette année : créer de toutes pièces une mare et assister à son peuplement végétal et animal. Ces réalisations, qui se prêtent idéalement à la conduite d’une multitude d’expériences pour les enfants – en arts plastiques, en biologie, en travaux manuels… –, ont pu être menées grâce à l’intervention d’instituteurs en formation continue et de professionnels comme un expert de l’ONF* ou un conseiller en environnement. Et les enfants, qui ne savent encore ni lire ni écrire, sont aujourd’hui intarissables sur l’écosystème qu’ils ont fait naître juste sous les fenêtres de leur classe. “O mais était resté tel quel pour des raisons financières. J’avais visité des écoles où des aménagements avaient été réalisés : un arboretum d’essences exotiques, une mare, un jardin aromatique… Dans ces établissements, tout le monde, professeurs comme élèves, était très enthousiaste. Alors que notre pelouse rase de 40 m sur 30 m, elle, n’apportait rien aux enfants. Nous avons donc franchi le pas. Comme nous vivons Entretien avec Anne-Marie Schaff, directrice de l’école maternelle de Marienthal ■ Commençons par la création de l’arboretum… L’école disposait d’un terrain en très mauvais état, qui devait être rénové par la ville 55 dans une région très forestière, l’idée de recréer une mini-forêt dans la cour de l’école s’est imposée. Nous avons organisé une sortie avec un garde de l’ONF* puis effectué des excursions dans les forêts alentour. Notre but était de planter des espèces locales – chêne rouvre, chêne des marais, hêtre, charme, noisetier, sureau, châtaignier, frêne… Le choix s’opérait aussi en fonction du type de feuilles, pour montrer aux enfants que les arbres étaient tous distincts les uns des autres. La thématique principale pouvait se résumer ainsi :“Qu’est-ce qui fait qu’un arbre est différent des autres ?” Aujourd’hui, nos spécimens sont âgés de trois ans et ils se portent très bien. Sur le plan pédagogique, une autre application consistait à comparer la taille des élèves avec celle des arbres. Les bouleaux, qui étaient plus petits que les enfants au moment de la plantation, les dépassent maintenant de quelques têtes. qui indiquaient la quantité d’eau nécessaire, le climat adéquat ou encore l’exposition au soleil requise… Je vous donne une autre illustration. Tout au long du processus, je souhaitais que l’on travaille sur l’utilité de la plante, ses vertus médicinales notamment. Là encore, nous ne pouvions nous contenter d’écrire noir sur blanc le résultat de nos recherches. Nous avons donc dessiné, pour chaque plante, une silhouette humaine et les enfants coloriaient la partie du corps que la plante soulageait. Par exemple, l’estomac dans le cas de la menthe, dont la tisane facilite la digestion. ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997 © DR ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997 Après avoir excavé le trou et ensablé le fond, les enfants posent la bâche en plastique. Une dernière étape avant la mise en eau tant attendue… ■ Le jardin aromatique a-t-il été couronné de succès ? La plantation a eu lieu en avril 1996 et, quatre mois après, à la rentrée, nous avons pu entreprendre notre première cueillette. Une très grande variété d’espèces avait été Ce qui a séduit le Jury ■ Et le jardin aromatique ? Là encore, nous disposions d’une bande de terre en très mauvais état, sablonneuse, boueuse. Nous ne savions pas trop comment l’aménager. Un jardin potager ? Les enfants ont fait la moue à l’idée de cultiver des légumes. Alors, nous nous sommes dit : pourquoi ne pas concevoir un espace qui flatte à la fois le regard et l’odorat ? Ainsi est née l’idée d’un jardin – sur le thème du jardin médiéval – qui serait aromatique, fleuri, et contiendrait en plus des fruits rouges pour les plus petits. Nous avons alors mené des recherches sur les plantes aromatiques. • Le projet est très complet, très cohérent et suppose une grande maîtrise pour qu’il reste adapté à d’aussi jeunes enfants. • La difficulté du “manque du savoir lire et écrire” est intelligemment contournée. • Les objectifs, clairement exprimés, couvrent bien les trois domaines : savoirs, savoir-faire et savoir-être, et la méthode expérimentale est effectivement mise en œuvre. ■ Mais on imagine mal des enfants • L’engagement de l’équipe pédagogique de l’école, de tous les enfants (89), de leurs familles, de la municipalité et des partenaires extérieurs est à souligner. aussi jeunes le nez plongé dans une encyclopédie de botanique ! Bien sûr ! Il nous a fallu imaginer des documents compréhensibles par les petits afin de contourner l’obstacle de la lecture. Lors de la sélection des plantes, nous avons réalisé, pour chaque essence, des pictogrammes • Le thème de l’eau convient particulièrement aux tout-petits. 56 la cour de l’école… plantée : menthe poivrée ou verte, mélisse, verveine,sauge – une feuille très veloutée au toucher –, lavande, romarin, absinthe au feuillage vert cendré, pieds d’angélique, estragon….Au moment de la cueillette, nous avons eu l’idée de vendre notre surplus dans un petit marché. Les plantes ont été séchées dans un dessiccateur,puis disposées dans un “Magasin” ouvert aux parents. Les enfants ont,à cette occasion,appris à se servir d’une balance… Le “Magasin” a connu un vif succès.Les plantes étaient vendues au prix symbolique de 1 F par sachet. Avec le montant de la recette, environ 300 F, les enfants ont pu choisir un jouet dans un catalogue. Je tenais en effet à ce qu’ils acquièrent la notion de salaire en échange de leur travail. Pour la mare, le point de départ était quelque peu différent. Allant régulièrement à la piscine avec mes classes, j’ai pu mesurer l’engouement des enfants pour l’eau. Je voulais donc faire un travail thématique autour de l’eau. Autre constat : l’arboretum et le jardin aromatique n’avaient pas amené les animaux dans l’école.Alors,nous avons réfléchi tous ensemble sur la meilleure façon de créer un site aquatique dans la cour. Au départ, toutes les idées ont fusé – un fleuve, une rivière… – mais les enfants sont rapidement convenus que seule une mare était réalisable. Mais quel type de mare, de quelle forme ? Nous sommes sortis en repérage dans le jardin. Puis les enfants ont fait une ronde afin de délimiter l’emplacement, ont marqué le sol avec de la peinture et ont piqueté l’endroit. Les travaux d’excavation pouvaient commencer. La mare mesure ■ Vous ne vous êtes pas arrêtés là puisqu’une mare orne désormais «Allant régulièrement à la piscine avec mes classes, j’ai pu mesurer l’engouement des enfants pour l’eau» 57 ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997 ils ont tous été très fiers lorsque la mare a été achevée car de très nombreux parents ont visité le site. 3,50 m de diamètre et a une profondeur maximale de 80 cm. ■ Les enfants se sont-ils sentis impliqués par la mare ? ■ Les parents justement ont-ils joué le jeu ? Ils ont eu toutes sortes de réactions. Certains disaient : “On veut pas t’aider.” D’autres au contraire me relançaient sans cesse :“Est-ce qu’on peut prendre nos pelles et nos seaux aujourd’hui ?” Certains trouvaient que la mare était trop profonde, d’autres pas assez. Ils ont vraiment participé à toutes les phases du projet. C’est eux qui ont excavé le sol, ensablé le fond, posé la bâche en plastique, ensablé à nouveau… Et Lorsque le projet a été avancé au conseil d’école, nous avons senti une certaine angoisse de la part des parents. Certains pensaient que la présence d’un point d’eau pouvait constituer un danger. La mairie et l’inspection départementale ont donné leur feu vert à condition que la mare soit entourée d’un grillage de sûreté. Il fallait absolument garder la confiance des parents et nous nous y sommes pliés de bonne grâce. ■ Comment s’est déroulé le peuplement de la mare ? Interview Marie, 5 ans, a participé activement à la réalisation de la mare. Elle n’hésite pas à prendre la parole devant ses camarades de classe pour exposer ce qui l’a motivée. ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997 Nous ne le savons pas. Nous avons également installé des coquillages d’eau douce qui éliminent les algues.A l’origine pour les enfants, tout était possible en ce qui concerne le peuplement de la mare. Des dauphins ? Ils ont réalisé qu’ils vivent dans la mer. L’intérêt était aussi de leur montrer que certaines espèces ne peuvent pas vivre ensemble. répondons à toutes les directives prescrites par les instructions officielles. Par exemple, en comparant une feuille édentée avec une feuille lisse, nous établissons la propriété d’un objet. En faisant un croquis, nous travaillons sur la représentation du réel. Je pense que cet aller-retour constant entre le dedans et le dehors est fabuleux. C’est une pédagogie active, et donc efficace ! ■ Quelles applications pédagogiques tirez-vous de tous ces projets ? ■ Toutes les directrices de maternelle sont-elles aussi dynamiques que vous ? Toutes ces démarches s’intègrent parfaitement aux programmes pédagogiques. Nous abordons l’écrit, les arts plastiques, la biologie, même les mathématiques lorsqu’il s’agit de calculer la taille de la mare. En fait, nous (Rires…) Je ne sais pas, posez-leur la question. Une chose est sûre, je porte un grand respect à la terre et à ses ressources. C’est une tradition de famille. * Voir glossaire p. 109 Au tout début, la mare était parfaitement déserte. Puis le troisième jour est arrivé un dytique. Les enfants ont pêché ce coléoptère aquatique avec une épuisette. Puis des libellules ont fait leur apparition, des guêpes sont venues boire. Et maintenant de nombreux oiseaux se baignent dans la mare. C’est extraordinaire car les petits assistent au spectacle depuis la fenêtre de la classe. Pour les végétaux, nous avons fait appel au directeur du Jardin Botanique de Strasbourg qui nous a fourni des plantes de la région. Nous aurions pu aller dans la forêt cueillir des espèces mais je ne voulais pas inculquer aux enfants l’idée qu’ils pouvaient se servir librement dans la nature. Nous avons alors planté des joncs, des roseaux, de la menthe aquatique… et bien sûr des nénuphars. Nous observons maintenant dans la mare une population d’insectes très dense. Mais il manquait, vous l’avez deviné, des grenouilles… Nous avons introduit deux têtards et une petite grenouille. Pas davantage, de peur de nuire à l’équilibre de l’écosystème. Malheureusement, nous n’arrivons pas à les retrouver pour l’instant.Se cachentils ? Ont-ils été victimes d’un prédateur ? Qu’est-ce que tu préfères dans la mare ? J’aime bien les grenouilles. Mais tu les as vues ? Non mais il y a un têtard qui a des pattes et encore la queue. L’escargot, il nettoie la mare… il mange la saleté. On a aussi des algues et des tout petits nénuphars. Et puis j’aime bien regarder la mare quand il pleut. Ça fait des ronds de plus en plus grands. Qu’est-ce que tu aimerais ajouter à la mare ? J’aimerais bien un poisson rouge. Non, deux. Tes parents ont visité la mare ? Ma maman a vu la mare et elle a dit qu’elle était belle. Mon papa aussi mais il a pas vu le grillage ! 58 59 ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997 Glossaire •ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie • ADEV : Association de Défense de l’Environnement en Vendée • AME : Agence Méditerranéenne pour l’Environnement • BTA : Brevet de Technicien Agricole • CNRS : Centre National de Recherche Scientifique • DIREN : Direction Régionale de l’Environnement • DRIRE : Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement • GR : (Chemin de) Grande Randonnée • IUFM : Institut Universitaire de Formation des Maîtres • LPO : Ligue de Protection des Oiseaux • ONF : Office National des Forêts • STAE : Sciences et Technologies de l’Agronomie et de l’Environnement • SVT : Sciences de la Vie et de la Terre • UNSS : Union Nationale du Sport Scolaire 109