I`Trans repense l`auto et le train

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I`Trans repense l`auto et le train
RÉGION À LA UNE 3
VENDREDI 6 FÉVRIER 2015 COURRIER PICARD
INDUSTRIE
I’Trans repense l’auto et le train
Au bout de dix années d’existence, le pôle de compétitivité commun à la Picardie et au
Nord - Pas-de-Calais valorise ses premières réalisations. Notamment dans l’automobile.
LES FAITS
Le projet qui a du mal
à tenir la cadence
▶ I’Trans, pôle de compétitivité
commun aux régions Picardie
et Nord-Pas-de-Calais, a été
créé en juillet 2005. Il regroupe
450 industriels et grands
groupes (SNCF, RATP, Eurotunnel,
Port de Dinkerque etc.) et 33
laboratoires publics ou privés.
▶ Spécialisé dans les transports
dits durables, il travaille sur
le train et la voiture du futur.
▶ Les premières innovations
sont aujourd’hui en phase
d’industrialisation.
e fut en son temps un modèle
de coopération interrégionale
qui démontre, si besoin en est
encore, qu’il n’était nul besoin de
fusionner les régions pour les faire
travailler
intelligemment
ensemble. I’trans, pôle de compétitivité commun au Nord - Pas-de-Calais et à la Picardie, fêtera en 2015
ses 10 ans d’existence. L’âge de la
maturité des premiers projets initiés par ce pôle de compétitivité
dédié aux transports durables et la
logistique.
C’est vrai dans le domaine ferroviaire avec, par exemple, la
conception d’une nouvelle voie sur
dalle béton expérimentée sur le
site Eurotunnel de Coquelle. C’est
vrai aussi dans le domaine de l’automobile, avec la validation du
concept Sural’hy (comme suralimentation-hybride), mis au point
conjointement par Renault et Valeo. L’incontestable vedette de la
journée de présentation organisée
hier à Amiens autour des projets
automobiles
(deux
journées
consacrées au ferroviaire avaient
eu lieu auparavant à Calais et Valenciennes). Un projet qui devrait
permettre de populariser enfin le
travail réalisé par ce pôle de compétitivité, puisqu’il pourrait trouver sous peu ses premières applications industrielles, et donc faire
son entrée sur le vaste marché de
Ce devait être l’un des projets
phares du pôle de compétitivité
I’Trans. CADEMCE, comme caractérisation dynamique des
moyens de captage électrique,
est un banc d’essai qui permettra
de mettre au point les pantographes du futur. Un outil inédit
qui simulera le déplacement d’un
train à 600 km/h, afin de travailler sur l’usure des bandes de
captage du courant, le tout dans
des conditions extrêmes (de -50o
à +50o C). Tellement inédit que le
projet a du mal à émerger
puisque tout est à développer ex
nihilo. Aussi bien le banc d’essai
que les appareils de froid. Le surcoût d’environ 2 M¤ a nécessité
une augmentation de capital et
une rallonge des Régions. Cet
équipement doit voir sur le site
d’Industrilab, usine du futur
inaugurée récemment à Méaulte.
C
Développé sur une Renault Fluence, le système Sural’hy trouvera ses premières applications industrielles en Allemagne.
l’automobile. Pensé par l’équipementier Valeo et Renault, Sural’hy
donne une seconde vie au turbo
qui a fait les beaux jours de l’industrie automobile à partir des années 1980.
La deuxième vie du turbo
Pour mémoire : dans un turbocompresseur, l’emprunt des gaz
d’échappement permet d’alimenter une turbine qui comprime l’air,
enrichissant en oxygène le mélange carburant-comburant, ce qui
décuple la puissance du moteur.
« Le problème, c’est que le turbo
“classique” a un temps de réaction
assez long, parfois 2 à 3 secondes,
puisqu’il faut atteindre un certain
régime avant qu’il ne s’enclenche,
rappelle Julien Chicot, responsable
de l’équipe architecture systèmes
chez Valeo. Nous, nous avons mis au
point un système quasi instantané
qui réagit au 500 millième de seconde… »
L’idée : mettre en œuvre un compresseur électrique qui fonctionne
grâce à l’énergie récupérée au freinage. « Ce système nous a permis de
passer d’une cylindrée de 1 600 cm3
à 1 200 cm3, sans dégrader les performances du véhicule, indique le
technicien. Sachant que la baisse
des cylindrées est aujourd’hui une
préoccupation majeure ».
Un projet qui illustre bien le
concept de « rupture technologique » mis en avant par I’Trans,
pour qui il s’agit bien de favoriser
« l’innovation » plutôt que « l’évolution ». D’où, l’intérêt de mettre
en place des passerelles entre le
ferroviaire et l’automobile, deux
technologies historiquement éloignées l’une des l’autre. D’où l’intérêt aussi, d’associer au sein de la
structure, industriels et laboratoires de recherche. Valeo, Renault,
PSA, Faiveley, Faurecia et Alstom y
côtoient donc l’Université Technologique de Compiègne ou l’Université de Valenciennes et Hainaut.
Dans un second temps, lorsque
les produits existent, I’Trans met
en relation les développeurs et les
sociétés susceptibles de leur trouver des applications industrielles.
« Le but est bien de passer de l’innovation au marché, autrement dit à la
vie de tous les jours, rappelle Paul
Terrien, directeur général de la
structure. De ce point de vue, I’Trans
fonctionne comme un facilitateur ».
Avec parfois quelques ratés, pas
forcément imputables à la structure. Ainsi, le concept Sural’hy développé dans le Nord de la France,
trouvera-t-il ses premières applications industrielles en… Allemagne. Parce que les berlines
conçues outre-Rhin offrent davantage de volume que les voitures
françaises, l’équipement sera plus
facile à loger, surtout lorsque le véhicule n’a pas été conçu autour de
cette innovation. Comme dirait
l’autre : à la fin, c’est toujours l’Allemagne qui gagne.
Quoi qu’il en soit, en presque dix
ans, I’Trans a labellisé 199 projets
pour un financement total de 1,07
milliard d’euros. Tous ne seront
pas forcément aussi grand public
que Sural’hy. Mais tous devraient à
un moment ou un autre, impacter
notre quotidien.
PHILIPPE FLUCKIGER
DES TEMPS DE DÉVELOPPEMENT TRÈS LONGS
LE CHIFFRE
LA PHRASE
▶Il faut en moyenne 6 à 7 ans
▶Parmi les projets développés
pour passer d’une idée à
l’émergence d’un prototype
susceptible de trouver des
applications industrielles.
dans l’automobile (Valeo, UTC),
CESAM vise à réduire les bruits
des systèmes de ventilation à
bord des véhicules.
entreprises et industriels
regroupés au sein du pôle
450
de compétitivité I’Trans, dans lequel
« I’Trans est d’abord une usine à projets.
Tout l’enjeu aujourd’hui, c’est de passer
à l’usine à produits, de trouver aux
innovations des débouchés industriels »
œuvrent également 1 800 chercheurs
issus de labos privés ou publics.
Jean-Marie Delbecq, président d’I’Trans
TRE0203.