Chevalier_vol.6_Page.. - Groupe Français de Rhéologie

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Chevalier_vol.6_Page.. - Groupe Français de Rhéologie
Chevalier et Marco, Rhéologie, Vol. 6, 45-53 (2004)
45
Applications de la mesure de champs à la caractérisation
uniaxiale ou multiaxiale des matériaux polymères
L. Chevalier1, Y. Marco2
1
LaM – UMLV, 5 boulevard Descartes, 77454 Marne la Vallée cedex, France
2
IUT de Saint-Brieuc, 18 rue H. Wallon, 22000 Saint-Brieuc, France
Reçu le 1er mars 2004 - Version finale acceptée le 30 août 2004
--------------------------
Résumé : Mesurer les déformations sur des polymères reste une entreprise assez délicate. Les grandes déformations
mises en œuvre ainsi que la relative souplesse de ces matériaux interdisent l’utilisation de jauges ou capteurs
traditionnels. Il est donc normal de s’orienter vers des mesures optiques pour suivre les déformations du milieu sans
interférer avec ce dernier. La mise au point d’une technique de mesure de champs de déplacements par analyse d’image
permet de revisiter les tests classiquement utilisés pour caractériser le comportement des polymères : traction simple,
traction plane ou cisaillement, traction biaxiale ou compression. Dans cet article, nous présentons différentes études
menées à l’aide de cet outil, illustrant ainsi les possibilités offertes. Cette technique permet en particulier de constituer
des bases de données expérimentales pertinentes, qui, associées à des méthodes numériques autorisent soit d’identifier
un modèle de comportement, soit de valider ou de mettre en défaut une identification sur un essai complexe non
homogène.
Mots-clé : Mesure de champs, identification de modèles
Abstract: Accurate strain measurements on polymer is quite a challenge. Large deformations and low stiffness of these
materials do not allow the use of strain gauges or extensometers. Using optical methods is the natural development to
measure strain fields without interfering with the behavior of the material. An evaluation of the displacement field
obtained by digital image correlation allows us to evaluate the strain field observed during these tests even if it appears
to be heterogeneous. We present different experimental approaches to identify or discriminate models describing the
mechanical behavior of polymeric materials. Uniaxial and biaxial tests are described to arise the digital image
correlation.
1. Introduction
Les essais mécaniques sur les polymères sont
complexes à plus d’un titre. Outre les effets dus à la
présence de viscosité, même à température
ambiante, il est généralement délicat de chiffrer les
déformations
effectivement
mesurées
pour
différentes causes :
- soit de grandes déformations interdisent
l’utilisation d’extensomètres classiques,
- soit une trop faible rigidité interdit le collage de
tout type de jauges,
- soit la localisation de la déformation génère une
hétérogénéité du champ mesuré et ne permet pas de
revenir aux caractéristiques du matériau,
- soit la diminution importante de l’épaisseur de
l’éprouvette testée induit un glissement dans les
mors.
Toutes ces raisons imposent de suivre l’évolution de
la déformation par des moyens optiques ne
perturbant pas la mesure. Des techniques basées sur
le suivi de points caractéristiques (G’Sell et al. [1],
par exemple) permettent une mesure locale de la
déformation mais ne garantissent pas l’homogénéité.
Au LMT de Cachan, un outil de mesure de champs
de déplacement par analyse d’images a été
développé par Hild et al. [2] et étendu aux grandes
déformations pour des mesures sur les polymères
par Chevalier et al. [3]. Pour des essais homogènes,
cette technique permet d’accéder directement aux
valeurs des déformations, d’évaluer l’hétérogénéité
éventuelle de l’essai dans le cas d’une mise en
position non parfaite de l’éprouvette. Dans une
première partie nous présenterons le principe de la
méthode de corrélation d’images utilisée. Dans une
seconde partie, nous revisiterons des tests
"classiques" grâce aux informations fournies par cet
outil. Dans une dernière partie, nous présenterons
des résultats d’études en cours pour la constitution
d’un outil d’identification et de validation de loi de
comportement, par analyse globale de résultats
d’essais divers et, notamment, d’essais multiaxiaux
non homogènes.
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Chevalier et Marco, Rhéologie, Vol. 6, 45-53 (2004)
2. Analyse d’images : revisiter les essais
classiques
2.1 Principe de la méthode
La technique de corrélation d'images permet de
déterminer le champ de déplacement sur toute une
zone plane en comparant l'image de la surface
déformée avec l'image non déformée. Sur la surface
photographiée, on dépose au préalable un mouchetis
aléatoire (Fig. 1a). C'est le déplacement des points
de ce mouchetis qui permet de construire les cartes
d'iso-déplacement. Le principe de la méthode de
mesure du champ de déplacement par autocorrélation d'images consiste à rechercher dans
l’image de l’échantillon déformé, le même
mouchetis que dans l’image de référence. Un point
de coordonnées (x,y) de l’image initiale est
caractérisé par une valeur f(x,y) qui représente son
niveau de gris. Cette valeur est comprise entre 0 et
255. Après déformation le point (x,y) se trouve en
(X,Y) tels que :
X = x + u(x, y)
C ( x, y ) =
+∞+∞
est maximale pour x = u et y = v. La recherche du
maximum du coefficient de corrélation permet de
déterminer le déplacement d'un point (x, y).
Cette procédure peut être réalisée dans l’espace
d’étude [4-8] ou dans l’espace de Fourier [9-12].
On illustre sur un cas unidimensionel, l'exemple
d’un motif de type "échelon" que l’on a décalé sans
déformation d’une valeur d (Fig. 2, à gauche). Il est
aisé de montrer que dans ce cas, C(x) est une
fonction qui présente un maximum en x = d. C’est le
déplacement du motif initial.
f(α)
1
C(x)
α
0
1
L
x
g(α)
-L+d 0
1
d
L+d
α
(1)
Y = y + v(x, y)
(2)
ò ò f (α , β ).g (α + x, β + y )dα dβ
− ∞− ∞
0
d
L+d
Figure 2 : Visualisation 1D de la méthode. Signal initial
f(α), signal g(α) déplacé de d. La fonction de corrélation
C(x) est maximale en x = d.
Y
X
(a)
Dans l’image globale, on délimite, en cliquant, une
zone d’étude. Sur cette zone, on définit une grille
dont les sommets sont les nœuds, auxquels on
affectera le déplacement, obtenu par corrélation
entre l’image initiale et l’image déformée, d’un
masque dont la taille est indépendante du pas de la
grille. Ainsi, pour de grands déplacements, il sera
préférable de choisir une taille de masque
importante alors qu’une taille de masque plus faible
sera nécessaire dans le cas de petites déformations,
notamment si elles sont hétérogènes.
2.2 Quelques résultats
(b)
Figure 1a et 1b : Eprouvette préparée pour mesure par
caméra. Un mouchetis est réalisé sur la face avant du
barreau. On suit ce mouchetis au cours de la déformation
grâce à la caméra CCD.
Pour déterminer les composantes u et v du
déplacement du point (x,y) par analyse d'image on
compare la fonction f(x,y) "niveau de gris" de
l'image de référence avec la fonction g(x,y) "niveau
de gris" de l'image déformée. On montre que la
fonction de corrélation C(x,y) définie par :
Compte tenu de la forte localisation de la
déformation avant la rupture généralement observée
sur les polymères, nous procédons à un léger
rabotage des bords de l’éprouvette pour circonscrire
la localisation dans une zone photographiée (Fig. 3 a
et b). L’allure du champ de déplacement obtenu par
analyse d’image montre que la déformation est
constante dans chaque section. L’épaisseur et la
largeur minimales sont mesurées avant chaque essai.
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(a)
(b)
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(a)
(b)
Figures 3a et 3b : Composante du déplacement
longitudinal : (a) les lignes de niveau sont légèrement
perturbées par le rabotage. Les déplacements indiqués
sont exprimés en pixels. (b) Grille initiale (bleue) grille
‘déplacée’ (rouge).
La méthode utilisée permet de vérifier
l’homogénéité du champ de déformation, ce qui est
capital pour l’identification. Les Figures 4a à 4c
illustrent la sensibilité des paramètres de la
technique. Pour cet essai de traction biaxiale sur une
plaque de PET (Polyéthylène téréphthalate), le tracé
des lignes iso-déplacements est extrêmement
perturbé lorsque la taille de masque est trop petite
par rapport au déplacement mesuré. Typiquement, la
méthode tombe en défaut si le déplacement mesuré
dépasse la moitié de la taille de masque. Sur
l’exemple présenté, les déplacements maximaux
sont de l’ordre de 20 pixels et la taille de masque
nécessaire pour avoir convergence est de 64 pixels.
3. Essais uniaxiaux homogènes
3.1 Traction et compression
Ces essais sont réalisés sur une machine Deltalab
choisie pour la grande course de sa traverse, nous
permettant d’atteindre 700 % de déformation.
L’échantillon est filmé au cours de sa déformation
par une caméra CCD, les images obtenues sont alors
analysées par le logiciel d’intercorrélation CorreliGD.
(c)
Figures 4 a,b,c : Composante du déplacement : (a) taille
de masque 64 pixels (les lignes de niveau sont
régulièrement réparties, le champ de déformation est assez
homogène) (b) taille de masque 32 pixels (les lignes de
niveau sont courbées aux bords et un défaut de
détermination apparaît dans la bas à gauche de l’image)
(c) taille de masque 16 pixels (seule une petite zone est
correctement représentée).
Cette mesure locale permet de discriminer le
glissement de l’échantillon dans les mors et d’éviter
l’erreur sur la déformation vraie. D’autre part, la
connaissance des déformations transverses à la
direction de traction est particulièrement utile. En
effet, si on évalue le coefficient de Poisson ν en
supposant l’isotropie (λ2 = λ3) et l’incompressibilité
(λ1.λ2.λ3 = 1), on peut alors confronter l’évolution
de ce rapport à celui effectivement mesuré au cours
de l’essai. Le très bon accord obtenu permet de
considérer que les deux hypothèses faites sont vala-
48
bles. Si cela n’avait pas été le cas, une mesure
simultanée des déformations sur la face avant et sur
la tranche permet de vérifier si le matériau est
compressible ou anisotrope. La courbe de
comportement obtenue est portée sur la Figure 5.
Chevalier et Marco, Rhéologie, Vol. 6, 45-53 (2004)
tion et de compression. On définit les fonctions f et
g à partir du potentiel W par :
∂W
∂I 1
= f (I1 )
et
∂W
∂I 2
(3)
= g(I 2 )
Notons que, du fait de la complexité des
expressions, l’identification par simple minimisation
de l’écart entre les données expérimentales et
l’expression analytique peut ne pas être unique. Il
est donc important d’avoir une bonne approximation
initiale avant de commencer le processus de
minimisation. Dans un premier temps, on suppose
que la contribution de g est négligeable devant celle
de f en traction uniaxiale, la fonction f peut alors
être directement identifiée à partir de la contrainte
de traction σT et de λ :
ƒ(I1 ) =
Figure 5 : Données des essais de traction et de
compression, comparées aux modèles identifiés A titre de
comparaison, nous avons aussi tracé les courbes les plus
représentatives des modèles de Mooney et Ogden. Le
premier est meilleur pour représenter le comportement en
compression et le second est plus adapté pour le
comportement en traction
Notons que le dispositif de compression utilisé
comprend un plateau inférieur transparent et un
miroir à 45° afin de vérifier l’homogénéité des
déformations au moins à l’interface matériau/plateau
inférieur, ce qui est la difficulté majeure des essais
de compression. Là encore, l’analyse d’images est
particulièrement précieuse, pour valider le dispositif
expérimental et en particulier l’adhérence ou le
glissement à l’interface entre l’échantillon et le
plateau inférieur. De même que pour la traction,
nous avons pu vérifier les conditions d’isotropie et
d’incompressibilité. La courbe de réponse du
matériau en compression est disponible, elle aussi,
sur la Figure 5.
3.2 Application à l’identification du
comportement hyper-élastique des élastomères
On identifie le potentiel hyper-élastique W découplé
en deux termes qui dépendent des invariants I1, I2
comme cela est proposé dans [13, 14] par exemple.
Pour cela, on utilise les données des essais de trac-
σT
1ö
æ
2ç λ 2 − ÷
λø
è
avec I 1 = λ 2 +
2
λ
et λ > 1
(4)
Nous avons choisi, pour approcher cette fonction,
une forme polynomiale de degré 2. Ce choix offre
une bonne qualité d’approximation pour un nombre
limité de paramètres. La comparaison entre la
prédiction de cette fonction et les données de l’essai
de compression montre clairement l’importance de
la contribution de g pour ce type de sollicitation.
Connaissant la fonction f du premier invariant, nous
sommes maintenant capables d’interpoler g à partir
de l’expression (5) où σc est la contrainte de
compression :
1ö
æ
σ C − 2 f ( I1 )ç λ2 − ÷
λ
è
ø
g (I2 ) =
1ö
æ
2ç λ − 2 ÷
λ ø
è
avec
I1 = λ2 +
2
λ
; I 2 = 2λ +
(5)
1
λ2
et 0 < λ < 1
Même si la contribution de g(I2) pour le cas de la
traction est faible, lorsque nous l’utilisons pour
représenter le comportement du matériau en
traction, la fonction obtenue ne correspond pas
parfaitement aux points expérimentaux. La
procédure d’identification consiste donc dans un
second temps à minimiser l’écart entre la fonction
globale et les valeurs expérimentales. Les fonctions
définitives f et g obtenues sont utilisées pour tracer
le comportement global du SmactaneTM (caoutchouc
naturel vulcanisé développée par Smac Toulon, qui
propose dans cette gamme des élastomères au
caractère plus ou moins amortissant) en traction et
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Les essais ont été réalisés sur une machine de
traction hydraulique MTS de capacité 5 tonnes. La
traverse supérieure est fixe et le vérin inférieur est
piloté en déplacement. Dans le cadre de cette série,
les courses avant rupture étaient largement
inférieures aux limites de la machine (200 mm de
course). Le pilotage du déplacement et l’acquisition
sont réalisés par le système Testar®, la vitesse de
déplacement du vérin est fixée à 0,1 mm/s de telle
sorte que la vitesse de déformation nominale (avant
localisation) soit de 10-3 s-1. La mesure de champs
pour chaque image donne accès aux élongations
longitudinale λ1 et transversale λ2. En faisant
l’hypothèse d’isotropie transverse (λ2 = λ3), on
obtient la variation relative de volume par :
L'altération de surface éventuelle est ici empêchée
par l'utilisation d'une peinture suffisamment ductile
pour ne pas présenter de craquelures. Par ailleurs, on
dépose uniquement des taches et la corrélation se
fait entre deux images successives et non par rapport
à une image de référence, le suivi du champ de
déplacement est donc très fiable.
Une autre difficulté liée à l’acquisition par imagerie
provient de la grande ductilité de certains
polymères. Pour le PA11 par exemple, et malgré le
rabotage effectué, nous avons été obligé d’élargir la
zone filmée, sinon la rupture finale se produisait en
dehors de l’image. Dans ces conditions, on perd de
l’information sur l’image et l’intercorrelation peut
être mise en défaut. Ce point peut être réglé de deux
façons : (1) en asservissant le déplacement de la
caméra à la moitié du déplacement de la traverse de
manière à suivre la zone centrale ; (2) en utilisant la
machine multiaxiale du LMT avec laquelle on peut
0,16
dV/Vo
0,14
0,12
0,1
0,08
0,06
0,04
0,02
0
0,05
0,1
0,15
0,2
(a)
Déformation nominale
cas du PVDF
0,9
0,8
0,7
dV/Vo
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
0
0,5
1
1,5
(b)
Déformation nominale
cas du PA11
0,025
variation relative de volume
(7)
0,18
0
(6)
Ces essais permettent d’observer que les matériaux
étudiés présentent une dilatation volumique
pratiquement linéaire par rapport à la déformation
nominale (réelle, c'est-à-dire mesurée dans la zone
d’étude et non pas moyenne, obtenue par
l’allongement global), soit :
∆V/V0 = δ εN
0,2
dV/Vo
0,02
0,015
0,01
0,005
0
0
0,02
0,04
0,06
0,08
0,1
0,12
(c)
Déformation nominale
cas du PMMA
0,025
variation relative de volume
∆V/V0 = λ1λ2λ3 - 1
cas du HiPS
variation relative de volume
3.3 Application à l’étude de la porosité des
polymères (HiPS, PVDF, PA11, PMMA)
tirer de manière symétrique en laissant fixe un point
central de l’éprouvette.
variation relative de volume
compression sur la Figure 5. Notons d’autre part que
le tracé des fonctions f(I1) et g(I2) en fonction de
l’élongation valide les hypothèses faites pour
identifier f.
dV/Vo
Linéaire (dV/Vo)
0,02
0,015
0,01
0,005
0
0
0,02
0,04
0,06
0,08
Déformation nominale
0,1
0,12
(d)
Figure 6 : Variation relative de volume au cours de la
déformation. (a) HiPS δ = 0.97, (b) PVDF δ = 0.66
(c) PA11 δ = 0.18, (d) PMMA δ = 0.21
50
Chevalier et Marco, Rhéologie, Vol. 6, 45-53 (2004)
Le problème du pilotage à vitesse de déformation
constante est plus délicat à régler. Avec la méthode
retenue, on est capable d’évaluer localement la
vitesse de déformation après l’essai mais pas de
piloter l’essai. En effet, l’essai sur le PA11
correspond à une analyse d'environ 60 images : ce
qui correspond à approximativement 25 minutes de
calcul sur PC. Le traitement d’une image nécessite
donc 30 secondes et ne permet pas de réaction
suffisamment rapide pour l'instant.
Notons enfin que
effectuée après la
déplacement se fait
transformation F et
de :
½(F T. F - 1)
ou
l’analyse des déformations
détermination du champ de
en calculant le gradient de la
en déduisant les composantes
ou
1/2 Log(F T. F)
U - 1 avec U2 = F T. F
La rotation de corps solide disparaît ainsi dans tous
les cas dans ces mesures et la diagonalisation du
tenseur obtenu permet de calculer les déformations
longitudinales et transverses sans distorsion.
4. Essais multiaxiaux et validation de modèle
4.1 Essais biaxiaux sur élastomères
Dans cette étude, nous avons réalisé des essais de
traction biaxiale équilibrée sur des plaques en
élastomère en utilisant une machine multiaxiale
spécifique Astree, ce qui rend la procédure
expérimentale relativement simple. L’observation
des champs de déplacement par analyse d’images
pour ce type d’essai montre qu’ils ne sont pas
homogènes [15]. Il n’est donc pas possible d’évaluer
une déformation locale à partir des déplacements
des mors, d’autant plus que la forte réduction
d’épaisseur de l’échantillon biétiré conduit à du
glissement dans les mors. Cependant, on observe
que les élongations λx et λy sont égales dans la zone
centrale de l’éprouvette, ce qui assure l’état
équibiaxial dans cette zone. On observe également
que la déformation de Green-Lagrange est quasihomogène suivant la diagonale AB. En supposant
que les composantes du tenseur des contraintes sont
homogènes sur cette section AB, nous pouvons
estimer la contrainte biaxiale à partir des efforts F
(Fig. 11). Les données expérimentales montrent que
le chargement est égal dans les deux directions et la
Figure 11 présente la superposition de la contrainte
estimée à partir de F et la prédiction pour la traction
biaxiale faite par le modèle identifié en traction-
Figure 11 : Analyse du chargement biaxial équilibré
compression. Cette première approximation
confirme la bonne identification de g(I2) qui est
prédominante en traction bi-axiale.
Figure 12 : Validation par simulation numérique des
essais de bi-traction équilibrée. (haut gauche) condition
limite extrapolée à partir du champ de déplacement ; (haut
droite) composante ux du déplacement simulée par
éléments finis ; (bas) comparaison entre les résultats de
simulation et les mesures expérimentales.
Chevalier et Marco, Rhéologie, Vol. 6, 45-53 (2004)
Cet essai biaxial a été par la suite simulé sur le code
de calculs par éléments finis Abaqus®. La mesure
des champs de déplacement par CorreliGD permet d'
imposer directement des conditions limites très
proches de celles réellement appliquées à
l’éprouvette, ce qui est une aide considérable. En
imposant les conditions limites directement issues
de l’analyse par intercorrélation (Fig. 12), l’écart
entre les élongations expérimentales et simulées est
inférieur à 1 % dans la zone centrale. L’écart entre
les chargements donnés par la simulation et ceux
mesurés lors de l’essai est alors inférieur à 5 %, ce
qui est très satisfaisant.
51
Les simulations numériques présentées sur la Figure
14 utilisent une résolution par éléments finis, dont la
programmation est effectuée sous Matlab®. La
discrétisation spatiale est réalisée à l'aide d'éléments
4.2 Essais biaxiaux sur du PET
La Figure 13 présente un exemple des résultats
d’essais biaxiaux réalisés à chaud sur des plaques en
PET [16]. Le champ de déplacement est obtenu à
l'aide de la technique d'inter-corrélation d'images, ce
qui nous permet en particulier d'avoir accès
directement au champ complet de déplacement.
Figure 14 : Comparaison expérimentation et simulation
numérique. Grille déformée expérimentale et vecteurs
déplacement simulés.
Figure 13 : Visualisation des déplacements lors d’un essai
équibiaxial sur PET
L'hétérogénéité du champ de déformation mesuré au
cours de ces essais rend difficile l’identification
directe du comportement de l'éprouvette. Un calcul
de structure doit ainsi être associé à ces résultats
dans une démarche d’identification. Par ailleurs,
l'utilisation directe des résultats issus de la mesure
de champ ne permet pas des simulations numériques
satisfaisantes
(éléments
du
maillage
de
reconnaissance distordus, discontinuités des champs
de déplacement, bruit de mesure …). C'est pourquoi
nous utiliserons une version corrigée (lissage
polynomial) des déplacements mesurés aux bords et
imposés comme conditions limites des simulations
numériques. Pour réduire le temps de calcul, nous
faisons l'hypothèse généralement bien vérifiée d'une
répartition symétrique des champs de déplacement
et des efforts mesurés, vis à vis des deux directions
orthogonales de traction.
triangulaires à trois points de Gauss. Les conditions
limites aux bords sont imposées en champs de
vitesse, mesurés et interpolés pour chacune des
images enregistrées par la caméra CCD. Différents
modèles de comportement hyper-élastiques ou
visco-élastiques ont été testés au cours de cette
étude, qui illustre en particulier l'importance du type
de sollicitation sur la réponse du matériau, comme
sur la pertinence des modélisations. Le modèle de
comportement retenu pour les simulations
présentées ici est un modèle moléculaire de type
Pom-Pom couplé à une cinétique de cristallisation et
présenté dans Poitou et al. [17]. Cette modélisation
permet d’avoir accès aux orientations de chaînes
macromoléculaires (la direction de référence est la
verticale sur la Figure 15) et aux taux de
cristallinité. La grossièreté du maillage (dont le pas
est déterminé par le maillage de la corrélation
d'images) conduit à de brusques variations des
valeurs prédites mais l'allure des champs
d'orientation semble bien correspondre aux mesures
expérimentales réalisées par dichroïsme infra-rouge
et diffraction aux grands angles des rayons X [18,
19]. De même, les valeurs des taux de cristallinité
sont comparables aux mesures présentées dans [19,
20]. On illustre ainsi l'importance de disposer de
mesures locales des grandeurs mécaniques, permet-
52
Chevalier et Marco, Rhéologie, Vol. 6, 45-53 (2004)
Remerciements
Correli est développé au LMT-Cachan par François
Hild. Les plaques d’élastomère sont fournies par
Smac Toulon. Les éprouvettes en PET sont injectées
au LTVP (Ensam-Paris). Le PET est fourni par
Eastmann.
6. Références
[1] G'Sell C., Hiver J.M., Dahoun A., Souahi A., VideoControlled Tensile Testing of Polymers and Metals
Beyond the Necking Point, J. Mater. Sci., 27, 5031-5039
(1992).
a
[2] Hild F., Périé J.-N., Coret M., Mesure de champs de
déplacements 2D par intercorrélation d'images:
CORRELI2D, rapport interne 230, LMT-Cachan (1999).
[3] Chevalier L., Calloch S., Hild F., Marco Y., Digital
correlation used to analyse the multiaxial behavior of
rubber-like materials, Eur. J. Mech. A/solid, 20, 169-187
(2001).
[4] Peters W.H., Ranson W.F., Digital Image Techniques
in Experimental Stress Analysis, Opt. Eng., 2, 427-441
(1981).
b
Figure 15 : Evolution des variables microscopiques
Fonction d’orientation (a) et taux de cristallinité (b).
[5] Chu T.C., Ranson W.F., Sutton M.A., Petters W.H.,
Applications of Digital-Image-Correlation Techniques to
Experimental Mechanics, Exp. Mech., 3, 232-244 (1985).
tant des échelles de zones d'observation
comparables à celles des techniques de
caractérisation de la microstructure.
[6] Sutton M.A., Wolters W.J., Peters W.H., Ranson
W.F., McNeill S.R. Determination of Displacements
Using an Improved Digital Correlation Method, Im. Vis.
Comp., 1, 133-139 (1983).
5. Conclusions :
perspectives
[7] Mguil S., Morestin F., Brunet M., Mesure des
déformations par corrélation directe d'images numériques,
Proceedings Photomécanique 98, GAMAC, Marne-laVallée, 361-368 (1998).
travaux
en
cours
et
Nous avons établi l’importance de la mesure de
champs pour la qualification et le dépouillement en
terme d'identification et de validation de modèles de
comportement. La pertinence de cette technique est
d'autant plus vraie que la sensibilité de la réponse,
tant des matériaux polymères que des modèles
rhéologiques classiquement associés, au type de
sollicitation et donc à l'hétérogénéité des champs est
extrêmement importante. Les développements
actuels de recherche dans ce domaine visent à
automatiser le processus d’identification de modèle
de comportement. La mise au point d’un outil de
minimisation d’erreur, couplant résultats expérimentaux et simulations numériques, est donc la
prochaine étape.
[8] Sutton M.A., Mc Neill S.R., Helm J.P., Chao Y.J.,
Advances in Two Dimensional and Three Dimensional
Computer Vision, in Photomechanics, P.K. Rastogi (edt)
Topics in Applied Physics, vol.77, Springer, Berlin
(2000).
[9] Chen D.J., Chiang F.P., Tan Y.S., Don H.S., Digital
Speckle-Displacement Measurement Using a Complex
Spectrum Method, Appl. Opt., 32, 1839-1852 (1993).
[10] Berthaud Y., Scholz J., Thesing J., Méthodes
optiques et acoustiques de mesures des caractéristiques
mécaniques, Proceedings Colloque national MECAMAT
"Mécanismes et mécanique des grandes déformations",
Aussois, 77-80 (1996).
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