Programme Cabaret des Poètes 2016 - La Truffe de Saint

Transcription

Programme Cabaret des Poètes 2016 - La Truffe de Saint
Programme
Cabaret
des Poètes
LES MOTS POUR VIVRE
PALABRAS PARA VIVIR
LIVE THANKS WORD
LAS PARAULAS PER VIVRE
LE PAROLE PER VIVERE
AMAJAMBO ABESHAHO
Vendredi 10 Juin 2016
à Sainte—Alvère
LES MOTS POU
INTRODUCTION
L
e Cabaret des Poètes vous invite cette année à fêter tous
les irréductibles, les enfiévrés, les radicaux de la beauté,
la liberté, d’ici et d’ailleurs.
Nous avons plus que jamais besoin de la parole libre des
poètes qui portent
Cette indépendance d’esprit toujours intacte et qui recherchent, comme l’écrivait Marina Tsvetaeva,
« l’impossible qui émane du domaine des mots ».
Au moment où la création peut sembler menacée dans ce
qu’elle a de plus fondamental, il nous faut réaffirmer et défendre avec force la liberté de création et d’expression qui est
au coeur du geste poétique. La poésie fait surgir des rapprochements inattendus, dirige l’attention vers les choses les plus
humbles comme vers les aspirations les plus élevées.
L’image poétique suscite un nouvel espace mental, les jeux
avec la langue déplacent les points de vue, l’expression des
émotions fondamentales nous relie les uns aux autres.
Quoi de plus exaltant, époustouflant, flamboyant que la liberté, ce sentiment grisant qui redonne espoir aux plus opprimés
d'entre nous, qui nous permet de vivre ensemble. C’est dans
cette optique que cette anthologie aux couleurs de la liberté a
été créée. De célèbres poètes ont su faire passer ces émotions
que tout homme a connu dans sa vie un jour ou l’autre, et ils
ont su par la même occasion nous conforter dans l’idée que la
liberté est un luxe qui n’est pas inaccessible et au nom de laquelle il faut se battre.
R LE VIVRE
Les poèmes seront lus dans les langues d’origines et traduits
en Français pour la majorité d’entre eux.
Donnons la parole aux poètes et laissons les mots comme
les oiseaux s’envoler.
« Ne te laisse pas mourir lentement !Ne te prive pas d'être
heureux ! »
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh là là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !
« Changer la vie ». Rimbaud
EVE GUILLOU
LES MOTS POUR LE VIVRE
Sommaire
PARTIE 1
1- « Désembourbez l’avenir » Vladimir Maïakovski,
2- « Le Loup et le Chien », Jean de La Fontaine
3- « Poesia », Marcela del Pastre
4- « Hirondelle », Louise Michel
5- « Il meurt lentement », Martha Medeiros
6- « Que la vie en vaut la peine », Louis ARAGON
7- « Freedom », Ambrose Bierce
8- « Bread and roses »
9- Poème arménien
10- Extrait de « Oeuvre Sur l'Eau », Erri de Luca
11- « Toucher la lumière », Adonis
ENTRACTE
PARTIE 2
1- « Un portrait », Petru Romosan
2- «Trois ethnies », Ketty Nivyabandi
3- Romance Somnambule, Federico Garcia Lorca
4- « Etat de marche » Laurence Vielle
5- Fuoc de Paraulas
6- « Voyage a Barcelone sur le bateau de… » Nazim Hikmet,
7- « La batailla del verso », poemas fidedignos
8- « Vertical »
9- « La cravate », Jacques Charpentrau
1- « DESEMBOURBEZ L’AVENIR » Vladimir Maïakovski,
-extraits du recueil Ecoutez, Si on allume les étoiles,
écrit entre 1914 et 1925, publié aux éditions Le Temps des Cerises
É
coutez !Puisqu'on allume les étoiles, c'est qu'elles
sont à quelqu'un nécessaires? C'est que quelqu'un désire
qu'elles soient? C'est que quelqu'un dit perles ces crachats? Et, forçant la bourrasque à midi des poussières, il
fonce jusqu'à Dieu, craint d'arriver trop tard, pleure, baise
sa main noueuse, implore il lui faut une étoile! jure qu'il
ne peut supporter son martyre sans étoiles
(Suite)
Ensuite, il promène son angoisse, il fait semblant d'être
calme. Il dit à quelqu'un :" Maintenant, tu vas mieux, n'estce pas? T'as plus peur ? Dis ? "
Écoutez ! Puisqu'on allume les étoiles, c'est qu'elles sont à
quelqu'un nécessaires ?c'est qu'il est indispensable, que tous
les soirs au-dessus des toits se mette à luire seule au moins
une étoile?
2- «LE LOUP ET LE CHIEN », Jean de La Fontaine
(Fable I, IV, 1668)
U
n loup n’avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde,
Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde.
L’attaquer, le mettre en quartier,
Sire loup l'eût fait volontiers.
Mais il fallait livrer bataille ;
Et le matin était de taille
A se défendre hardiment.
Le loup donc l’aborde humblement
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint qu’il admire.
« Il ne tiendra qu’à vous, beau sire,
D’être aussi gras que moi, lui répartit le chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres hères et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? Rien d’assuré ; point de franche lippée :
(Suite)
Tout à la pointe de l’épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. »
Le loup reprit : » Que faudra-t-il faire ?
-Presque rien, dit le chien, donner la chasse aux gens
Portant bâtons et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son maître complaire ;
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons ;
Sans parler de mainte caresse. »
Le loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant il vit le col du chien pelé.
« Qu’est-ce là ? lui dit-il-Rien-Quoi rien ?-Peu de chose.
-Mais encor ?-Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
-Attaché ? dit le loup ; vous ne courez donc pas
Où vous voulez ?- Pas toujours, mais qu’importe ?
-Il importe si bien que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »
Cela dit, maître loup s’enfuit, et court encor.
3- « POESIA », Marcela Delpastre
'
Na rauba de fum, un chapeu de lum, 'na manta de saba en
lo ciau de junh, l'aubre que s'esgaia...Que t'ai cerchada,
poesia ! E sens jamai veire ta facia, onte que sias.
Que l'ai jugada a crotz o facia, ma vita paubra, zo sabes !La
t'ai jugada a crotz o facia. E sens jamai veire ta facia, ai tots
los jorns portat ma crotz. Onte ses ? Onte Eras ? Per te saber,
segur ! Mas per te dire...- Un chapeu de fum, un manteu de
lum, 'na rauba de saba...au ciau de junh, l'aubre s'esgaia.
3bis- traduction
U
ne robe de fumée, un chapeau de lumière, une mante
de sève...dans le ciel de juin, l'arbre qui s'amuse...Je
t'ai cherchée, poésie ! Et sans jamais voir ta face, où que tu
sois. Je l'ai jouée à pile ou face, ma pauvre vie, tu le sais
bien ! Je te l'ai jouée à pile ou face. Et sans jamais voir ta
face, j'ai tous les jours porté ma croix. Où es-tu ? Où étaistu ? Pour te connaître, oui ! Mais pour te dire… Un chapeau
de fumée, un manteau de lumière, une robe de sève… au ciel
de juin, l'arbre s'amuse.
4- « HIRONDELLE », Louise Michel (1871)
H
irondelle qui viens de la nue orageuse,
Hirondelle fidèle, où vas-tu ? Dis-le moi.
Quelle brise t’emporte, errante voyageuse ?
Ecoute, je voudrais m’en aller avec toi,
Bien loin, bien loin d’ici, vers d’immenses rivages,
Vers de grands rochers nus, des grèves, des déserts,
Dans l’inconnu muet, ou bien vers d’autres âges,
Vers les astres errants qui roulent dans les airs.
Ah ! laisse-moi pleurer, pleurer, quand de tes ailes
Tu rases l’herbe verte et qu’aux profonds concerts
Des forêts et des vents tu réponds des tourelles,
Avec ta rauque voix, mon doux oiseau des mers.
Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t’aime !
Je ne sais quel écho par toi m’est apporté
Des rivages lointains ; pour vivre, loi suprême,
Il me faut, comme à toi, l’air et la liberté.
5- « IL MEURT LENTEMENT », Martha Medeiros
Muere lentamente - Falso Neruda es de Martha Medeiros
M
uere lentamente quien no viaja,quien no lee, quien no
escucha música, quien no halla encanto en sí mismo.
Muere lentamente quien destruye su amor propio; quien no
se deja ayudar.
Muere lentamente quien se transforma en esclavo del hábitorepitiendo todos los días los mismos senderos, quien no
cambia de rutina, no se arriesga a vestir un nuevo color o no
conversa con quien desconoce.
Muere lentamente quien evita una pasióny su remolino de
emociones; aquellas que rescatan el brillo de los ojos y los
corazones decaídos. Muere lentamente quien no cambia la
vida cuando está insatisfecho con su trabajo, o su amor,
quien no arriesga lo seguro por lo incierto para ir tras de un
sueño quien no se permite, por lo menos una vez en la vida,
huir de los consejos sensatos...Vive hoy! ¡Arriesga hoy!
¡Haz hoy! No te dejes morir lentamente !
¡NO TE OLVIDES DE SER FELIZ !
5bis- traduction
I
l meurt lentement
Celui qui ne voyage pas, Celui qui ne lit pas, Celui
qui n’écoute pas de musique, Celui qui ne sait pas trouver Grâce à ses yeux.
Il meurt lentement
Celui qui détruit son amour-propre, Celui qui ne se
laisse jamais aider.
Il meurt lentement
Celui qui devient esclave de l'habitude Refaisant tous
les jours les mêmes chemins, Celui qui ne change jamais de repère, Ne se risque jamais à changer la couleur De ses vêtements Ou qui ne parle jamais à un inconnu
Il meurt lentement Celui qui évite la passion Et son
tourbillon d'émotions Celles qui redonnent la lumière
dans les yeux Et réparent les cœurs blessés
Il meurt lentement Celui qui ne change pas de cap
Lorsqu'il est malheureux Au travail ou en amour, Celui
qui ne prend pas de risques Pour réaliser ses rêves, Celui qui, pas une seule fois dans sa vie, N'a fuit les conseils sensés.
Vis maintenant !
Risque-toi aujourd'hui !
Agis tout de suite !
Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d'être heureux !
6- « QUE LA VIE EN VAUT LA PEINE », Louis ARAGON
Les yeux et la mémoire – Chant II – 1954
une chose étrange à la fin que le monde
C 'est
Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d'incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes.
Rien n'est si précieux peut-être qu'on le croit
D'autres viennent. Ils ont le cœur que j'ai moi-même
Ils savent toucher l'herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s'éteignent des voix.
D'autres qui referont comme moi le voyage
D'autres qui souriront d'un enfant rencontré
Qui se retourneront pour leur nom murmuré
D'autres qui lèveront les yeux vers les nuages.
II y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l'aube première
II y aura toujours l'eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n'est le passant.
C'est une chose au fond, que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n'était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre.
Oui je sais cela peut sembler court un moment
Nous sommes ainsi faits que la joie et la peine
Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine
Et la mer à nos soifs n'est qu'un commencement.
Mais pourtant malgré tout malgré les temps farouches
Le sac lourd à l'échine et le cœur dévasté
Cet impossible choix d'être et d'avoir été
Et la douleur qui laisse une ride à la bouche.
Malgré la guerre et l'injustice et l'insomnie
Où l'on porte rongeant votre cœur ce renard
L'amertume et Dieu sait si je l'ai pour ma part
Porté comme un enfant volé toute ma vie.
Malgré la méchanceté des gens et les rires
Quand on trébuche et les monstrueuses raisons
Qu'on vous oppose pour vous faire une prison
De ce qu'on aime et de ce qu'on croit un martyre.
Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fond
Malgré ces nuits sans fin à regarder la haine
Malgré les ennemis les compagnons de chaînes
Mon Dieu mon Dieu qui ne savent pas ce qu'ils font.
Malgré l'âge et lorsque, soudain le cœur vous flanche
L'entourage prêt à tout croire à donner tort
Indifférent à cette chose qui vous mord
Simple histoire de prendre sur vous sa revanche.
La cruauté générale et les saloperies
Qu'on vous jette on ne sait trop qui faisant école
Malgré ce qu'on a pensé souffert les idées folles
Sans pouvoir soulager d'une injure ou d'un cri.
Cet enfer Malgré tout cauchemars et blessures
Les séparations les deuils les camouflets
Et tout ce qu'on voulait pourtant ce qu'on voulait
De toute sa croyance imbécile à l'azur.
Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu'à qui voudra m'entendre à qui je parle ici
N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle.
7- « FREEDOM », Ambrose Bierce (1892)
F
reedom
as every school boy knows,
Once shrieked as Kosciusko fell;
On everywind, indeed, that blows I hear her yell.
She screams whenever monarchs meet,
And parliaments as well,
To bind the chains about her feet
And toll her knell.
(Suite)
And when the sovereign people cast
The votes they cannot spell,
Upon the pestilential blast
Her clamors swell.
For all to whom the power's given
To sway or to compel,
Among themselves apportion
Heaven
And give her
Hell
8-« BREAD AND ROSES »
A
day,
s we come marching, marching in the beauty of the
A million darkened kitchens, a thousand mill lofts gray,
Are touched with all the radiance that a sudden sun discloses,
For the people hear us singing: "Bread and roses! Bread
and roses!"
As we come marching, marching, we battle too for men,
For they are women's children, and we mother them again.
Our lives shall not be sweated from birth until life closes;
Hearts starve as well as bodies; give us bread, but give us
roses!
As we come marching, marching, unnumbered women
dead
Go crying through our singing their ancient cry for bread.
Small art and love and beauty their drudging spirits knew.
Yes, it is bread we fight for , but we fight for roses, too!
As we come marching, marching, we bring the greater
days.
The rising of the women means the rising of the race.
No more the drudge and idler - ten that toil where one reposes,
But a sharing of life's glories: Bread and roses! Bread and
roses!
Chant écrit à partir d’un poème de James Oppenheim, USA 1911, qui
reprend la phrase de la syndicaliste Rose Schneiderman.
Il l’a dédié aux « Femmes de l’ouest », des ouvrières de l’industrie
textile qui avaient manifesté pour dénoncer leurs conditions de travail.
8bis—Traduction « DU PAIN ET DES ROSES »
T
andis que nous marchons, marchons dans la beauté du
jour,
un million de cuisines sombres, un millier de mornes greniers de filatures, s’illuminent, révélés par l’éclat d’un soleil
soudain,
car on nous entend chanter : « Du pain et des roses ! Du pain
et des roses ! »
Tandis que nous marchons, marchons, nous nous battons
aussi pour les hommes, parce qu’ils sont les enfants des
femmes et que nous prenons à nouveau soin d’eux.
Nous ne suerons pas la vie entière, de la naissance jusqu’à ce
que s’éteigne la vie ; les cœurs tout comme les corps meurent de faim :
« Donnez-nous du pain mais donnez-nous aussi des roses. »
Tandis que nous marchons, marchons, d’innombrables
femmes mortes,
à travers notre chant, pleurent leur éternel cri pour du pain.
Leur âme de trimardes connaissait l’art modeste, l’amour et
la beauté.
Oui c’est pour le pain que nous nous battons, mais nous nous
battons aussi pour les roses.
Tandis que nous marchons, marchons, nous amenons des
jours meilleurs.
Le soulèvement des femmes signifie le soulèvement de la
race humaine. Plus de trimards ni d’oisifs, dix qui peinent
pendant qu’un se repose,
mais le partage des beautés de la vie: « Du pain et des roses,
du pain et des roses ! »
9- Poème arménien—Yéghishé Tcharents (1897-1937)
Ե
ղիշե Չարենց «Ես իմ
անուշ Հայաստանի»
Ես իմ անուշ Հայաստանի արևահամ բարն եմ սիրում,
Մեր հին սազի ողբանվագ, լացակումած լարն եմ սիրում,
Արնանման ծաղիկների ու վարդերի բույրը վառման
ՈՒ նաիրյան աղջիկների հեզաճկուն պարն եմ սիրում:
Սիրում եմ մեր երկինքը մուգ, ջրերը ջինջ, լիճը լուսե,
Արևն ամռան ու ձմեռվա վիշապաձայն բուքը վսեմ,
Մթում կորած խրչիթների անհյուրընկալ պատերը սև
ՈՒ հնամյա քաղաքների հազարամյա քարն եմ սիրում:
ՈՒր էլ լինեմ – չեմ մոռանա ես ողբաձայն երգերը մեր,
Չեմ մոռանա աղոթք դարձած երկաթագիր գրերը մեր,
Ինչքան էլ սուր սիրտս խոցեն արյունաքամ վերքերը մեր,
Էլի ես որբ ու արնավառ իմ Հայաստան յարն եմ սիրում:
Իմ կարոտած սրտի համար ոչ մի ուրիչ հեքիաթ չկա,
Նարեկացու, Քուչակի պես լուսապսակ ճակատ չկա,
Աշխարհ անցիր, Արարատի նման ճերմակ գագաթ չկա,
Ինչպես անհաս փարքի չամփա` ես իմ Մասիս սարն եմ սիրում:
9bis—traduction anglaise
O
f my motherland Armenia, its sun-soaked word I
adore,
Of our old, mourning saz, the deep, moving string I adore,
The radiant scent of blood-red roses and sun-dipped flowers
I adore,
And the humble, graceful dance of women of Nairi I adore.
I love our sky – deep blue and high, the waters – clear, and
the lucent lake,
The sun in summer, and the winter’s ferocious frost
outbreak,
The black, dreary walls of the old huts – drowned in the
dark,
And the thousand-year-old, tattered stones of the ancient cities I adore.
Never will I ever forget the mournful tunes of our songs,
Will not forget the iron-script books that have become
prayers long,
However deep my heart is hurt by our blood-drained wounds
of fate,
Still, time and again, though orphaned, weak, but my Armenia I adore.
For my homesick, yearning soul there is no better tale told,
Than Narekatsi’s and Kuchak’s, there are no brighter shining
thoughts.
Cross-pass the world, yet Ararat is the whitest peak to be
sought,
As an everlasting walk to fame, my Mount Masis I adore!
10- Extrait de « OEUVRE SUR L'EAU », Erri de Luca,
éditions poésie Seghers, traduit de l'italien par Danièle Valin
C
onsidero valore ogni forma di vita, la neve, la fragola,
la mosca. Considero valore il regno minerale, la repubblica delle stelle. Considero valore il vino finché dura il pasto, un sorriso involontario, la stanchezza di chi non si e risparmiato, due vecchi que si amano. Considero valore quello
que domani non varrà piu niente e quello che oggi vale ancora poco. Considero valore tutte le ferite. Considero valore
risparmiare acqua, riparare un paio di scarpe, tacere in tempo, occorrere a un grido, chiedere permesso prima de sedersi,
provare gratitudine senza ricordare di che. Considero valore
sapere in una stanza dov'è il nord, qual è il nome del vento
che sta asciugando il bucato. Considero valore il viaggio del
vagabondo, la clausura della monaca, la pazienza del condannato, qualunque colpa sia. Considero valore l'uso del verbo amare e l'ipotesi che esista un creatore. Molti di questi
valori non ho conosciuto
10bis- traduction
de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la
J 'attache
fraise, la mouche. J'attache de la valeur au règne animal et
à la république des étoiles. J'attache de la valeur au vin tant
que dure le repas, au sourire involontaire, à la fatigue de celui qui ne s'est pas épargné, à deux vieux qui s'aiment. J'attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien et à ce
qui aujourd'hui vaut encore peut de chose.
J'attache de la
valeur à toutes les blessures. J'attache de la valeur à économiser l'eau, à réparer une paire de souliers, à se taire à temps,
à accourir à un cri, à demander la permission avant de
s'asseoir, à éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi.
J'attache de la valeur à savoir où se trouve le nord dans une
pièce, quel est le nom du vent en train de sécher la lessive.
J'attache de la valeur au voyage du vagabond, à la clôture de
la moniale, à la patience du condamné quelque soit sa faute.
J'attache de la valeur à l'usage du verbe aimer et à l'hypothèse qu'il existe un créateur. Bien de ces valeurs, je ne les ai
pas connues.
11- « TOUCHER LA LUMIÈRE », Adonis (Syrie)
P
ar une nuit de pleine lune essaye de fixer la galaxie
Tu verras qu’elle est cours d’eau avec tes bras pour affluents
ta poitrine pour estuaire
Aujourd’hui le ciel a écrit son poème à l’encre blanche
Il l’a appelé neige
Ton rêve rajeunit tandis que tu vieillis
Le rêve grandit en marchant vers l’enfance
Le rêve est une jument qui au loin nous emporte sans jamais
se déplacer
Le nuage est las de voyager
Il descend à la plus proche rivière pour laver sa chemise
A peine a-t-il mis les pieds dans l’eau que la chemise se dissout
et disparaît
Une rose sort de son lit prend les mains du matin pour se
frotter les yeux
Le palmier parle avec son tronc la rose avec son odeur
Le vent et l’espace vagabondent main dans la main
Arc-en-ciel ? Unité du ciel et de la terre tressés en une seule
corde
Il marche sur les versants de l’automne appuyé au bras du
printemps
Le ciel pleure lui aussi mais il essuie ses larmes avec le foulard de l’horizon
Quand vient la fatigue le vent déroule le tapis de l’espace
afin de s’y allonger
Dans la forêt de mes jours aucune place sauf pour le vent
Pour toucher la lumière tu dois t'appuyer sur ton ombre
Je sens parfois que le vent est un enfant qui crie porté sur
mes épaules
Comment décrire à l’arbre le goût de son fruit ? A l’arc le
travail de la corde ?
Telle une main la lumière se déplace sur le corps des ténèbres
C’est l’épaule de l’espace qui s’effondre là-bas sous les
nuages noirs
L’espace dans l’œil de la guillotine est lui aussi tête à couper
Tu ne peux être lanterne si tu ne portes la nuit sur tes
épaules
Je conclurai un pacte avec les nuages pour libérer la pluie
Un autre avec le vent pour qu’il nous libère les nuages et
moi
La parole est demeure dans l’exil chemin dans la patrie
Qu’il est étrange ce pacte entre les vagues et le rivage –
le rivage écrit le sable les vagues effacent l’écriture
Mémoire – ton autre demeure où tu ne peux pénétrer
qu’avec un corps devenu souvenir
Adonis, in Toucher la lumière, Ed. Fata Morgana, 1 997. Ouvrage d’artiste en édition limitée à 30 exemplaires, comportant chacun une peinture originale de Farid Belkahia.
Texte traduit de l’arabe par Anne Wade Minkowski.
1- « UN PORTRAIT », Petru Romosan (Roumanie), publié
dans « les cahiers de l'Est » n°17, traduit par Sanda Stolojan
C
'est moi qui écrit les vers dans les vécés
à la craie
Dans les vécés du quartier que j'ai appelé Ithaque
j'écris à la craie rouge Dans les vécés du quartier que
j'ai appelé Ithaque
j'écris à la craie verte Dans les vécés du quartier que
j'ai appelé Ithaque j'écris à la craie blanche
la nuit j'entends par la ville des femmes et des hommes
clamant mes poèmes
il y en a un qu'ils ont chanté à l'église à ce qu'on dit
un poème à la craie blanche
un acteur célèbre l'a récité à la télévision
la milice me recherche
mais moi je vais d'un vécé à l'autre
j'écris un poème rouge
un poème vert
j'attends que ma photo paraisse dans les journaux
« 100 000 lei à celui qui attrapera
le poète des vécés »
salut ! Je m'en vais de ce pas écrire un poème à la craie verte
2- « TROIS ETHNIES », Ketty Nivyabandi (Bur undi),
Texte composé pour l’exposition 'Recyclage d’armes en œuvres
d’art’ Maoni (Collectif d'Art)/Bujumbura, Janvier 2010
T
rois ethnies
Trois jolis sourires,
Trois jeunes destins.
Trois petites filles,
Trois éclats de rires qui chatouillent les manguiers…
Elles jouent en cercle en se
tenant la main,
Sandales et peurs au vent...
Trois rêves ludiques,
Trois chansons.
Un, deux, trois, elles sautillent,
Et petites nattes se hissent à
l’horizon.
Un, deux, trois, elles sautillent,
Six petits pieds se posent
sur la terre fébrile;
Fraîchement violée par ses
fils,
Féconde et porteuse en son
sein de l’Infâme.
Un, deux, trois, et la terre
minée s’ouvre.
Rugissante et béante,
Purulente
de
petits
monstres,
Elle avale les trois chansons.
Trois petits bouts d’enfance
s’envolent en éclats.
Trois rêves déchiquetés,
trois rires muets.
Trois destins étouffés, trois
boutons de fleurs écrasés.
Trois chants inachevés…
Un, deux, trois pleurs identiques s’élèvent dans un
ciel désastré.
Trois silhouettes vêtues
d’imvutano noirs s’allongent, cheveux rasés, âmes
calcinées.
Trois mères.
Trois plaies.
Trois cœurs fendus à jamais.
Hutu. Tutsi. Twa.
Trois ethnies. Une seule
agonie.
Un seul fleuve de larmes
qui s’écoule et s’écoule, à
l’infini.
Et ce silence…
Le silence lourd et écarlate
du sang des innocents.
3- extrait de « EL ROMANCERO GITANO »
Federico Garcia Lorca, Tr aduction J ean Pr évost
V
erde que te quiero verde.
Verde viento. Verdes ramas.
El barco sobre la mar y el caballo en la montaña.
Con la sombra en la cintura ella sueña en su baranda,
verde carne, pelo verde, con ojos de fría plata.
Verde que te quiero verde.
Bajo la luna gitana, las cosas le están mirando y ella no
puede mirarlas.
Verde que te quiero verde.
Grandes estrellas de escarcha, vienen con el pez de sombra
que abre el camino del alba.
La higuera frota su viento con la lija de sus ramas, y el
monte, gato garduño, eriza sus pitas agrias.
¿Pero quién vendrá? ¿Y por dónde...?
Ella sigue en su baranda, verde carne, pelo verde, soñando
en la mar amarga.
Compadre, quiero cambiar mi caballo por su casa,
mi montura por su espejo, mi cuchillo por su manta.
Compadre, vengo sangrando, desde los montes de Cabra.
Si yo pudiera, mocito, ese trato se cerraba. Pero yo ya no
soy yo, ni mi casa es ya mi casa.
Compadre, quiero morir decentemente en mi cama.
De acero, si puede ser, con las sábanas de holanda.
¿No ves la herida que tengo desde el pecho a la garganta?
Trescientas rosas morenas lleva tu pechera blanca.
Tu sangre rezuma y huele alrededor de tu faja.
Pero yo ya no soy yo, ni mi casa es ya mi casa.
Dejadme subir al menos hasta las altas barandas,
dejadme subir, dejadme, hasta las verdes barandas.
Barandales de la luna por donde retumba el agua.
Ya suben los dos compadres
hacia las altas barandas.
Dejando un rastro de sangre.
Dejando un rastro de lágrimas.
Temblaban en los tejados
farolillos de hojalata.
Mil panderos de cristal,
herían la madrugada.
Verde que te quiero verde,
verde viento, verdes ramas.
Los dos compadres subieron.
El largo viento, dejaba
en la boca un raro gusto
de hiel, de menta y de albahaca.
¡Compadre! ¿Dónde está, dime?
¿Dónde está mi niña amarga?
¡Cuántas veces te esperó!
¡Cuántas veces te esperara,
cara fresca, negro pelo,
en esta verde baranda!
Sobre el rostro del aljibe
se mecía la gitana.
Verde carne, pelo verde,
con ojos de fría plata.
Un carámbano de luna
la sostiene sobre el agua.
La noche su puso íntima
como una pequeña plaza.
Guardias civiles borrachos,
en la puerta golpeaban.
Verde que te quiero verde.
Verde viento. Verdes ramas.
El barco sobre la mar.
Y el caballo en la montaña.
3bis- traduction
V
ert et je te veux vert. Vent vert. Vertes branches. Le
bateau sur la mer, le cheval dans la montagne.
L'ombre autour de la ceinture, elle rêve à son balcon, chair
verte, verts cheveux avec des yeux d'argent froid. Vert et je
te veux vert. Dessous la lune gitane, toutes les choses la regardent mais elle ne peut pas les voir. Vert et je te veux vert.
De grandes étoiles de givre suivent le poisson de l'ombre qui
trace à l'aube son chemin. Le figuier frotte le vent à la grille
de ses branches et la montagne, chat rôdeur, hérisse ses durs
agaves. Mais qui peut venir? Et par où? Elle est là sur son
balcon, chair verte, cheveux verts, rêvant à la mer amère.
L'ami, je voudrais changer mon cheval pour ta maison, mon
harnais pour ton miroir, mon couteau pour ta couverture.
L'ami, voilà que je saigne depuis les cols de Cabra. Si je le
pouvais, petit, l'affaire serait déjà faite. Mais moi je ne suis
plus moi et ma maison n'est plus la mienne. L'ami, je voudrais mourir dans mon lit, comme tout le monde. Un lit
d'acier, si possible, avec des draps de hollande. Vois-tu cette
plaie qui va de ma poitrine à ma gorge? Il y a trois cents
roses brunes sur le blanc de ta chemise. Ton sang fume
goutte à goutte aux flanelles de ta ceinture. Mais moi je ne
suis plus moi et ma maison n'est plus la mienne.
(Suite)
Laissez-moi monter au moins jusqu'aux balustrades hautes.
De grâce, laissez-moi monter jusqu'aux vertes balustrades.
Jusqu'aux balcons de la lune là-bas où résonne l'eau. Ils
montent déjà, tous les deux, vers les balustrades hautes.
Laissant un sentier de sang. Laissant un sentier de larmes.
Sur les toitures tremblaient des lanternes de fer-blanc. Mille
tambourins de verre déchiraient le petit jour. Vert et je te
veux vert, vent vert, vertes branches. Ils ont monté, tous les
deux. Le vent laissait dans la bouche un étrange goût de fiel,
de basilic et de menthe. L'ami, dis-moi, où est-elle? Où estelle, ta fille amère? Que de fois elle t'attendait! Que de fois
elle a pu t'attendre, frais visage, cheveux noirs, à la balustrade verte! Sur le ciel de la citerne la gitane se berçait. Chair
verte, cheveux verts avec ses yeux d'argent froid. Un petit
glaçon de lune la soutient par-dessus l'eau. La nuit devint
toute menue, intime comme une place. Des gardes civils
ivres morts donnaient des coups dans la porte. Vert et je te
veux vert. Vent vert. Vertes branches. Le bateau sur la mer,
le cheval dans la montagne.
4- « ETAT DE MARCHE », Laurence Vielle, « Ouf »,
O
n peut être assis, on peut être debout.
On peut rester sur place,
On peut être en mouvement.
On peut rester sur place en étant assis
Ou rester sur place en étant debout.
On peut être en mouvement pour avancer
Ou être en mouvement pour bouger sur place.
On peut avancer en étant assis,
On peut avancer en étant debout.
On peut avancer assis lentement,
On peut avancer assis à très grande vitesse.
On peut avancer debout sans bouger les pieds,
On peut avancer debout en marchant.
Tout homme véritable respire par les talons,
a dit Tchouang Tseu.
On peut marcher vite,
On peut marcher doucement.
On peut marcher avec des chaussures ou sans chaussures,
à l'intérieur ou à l'extérieur, tout nu ou habillé.
On peut marcher avec un sac à dos un sac à main ou sans
sac.
On peut marcher seul ou accompagné, avec un but ou sans
but, avec un domicile fixe ou sans domicile fixe, avec des
papiers ou sans papiers, avec une carte ou sans carte, en étant
joignable avec un portable ou sans être joignable sans portable.
(Suite)
On peut marcher en prenant le chemin le plus court entre
deux points ou en prenant le chemin le plus long entre deux
points.
On peut marcher pour flâner
On peut marcher pour rêver
On peut marcher pour rire
On peut marcher pour pleurer
On peut marcher pour prier
On peut marcher pour marcher
On peut marcher pour rien.
Quand je suis morte je ne marche pas.
Quand je marche je ne suis pas morte.
Quand je marche je défie l'attraction terrestre :
entre deux pas je flotte un tout petit moment c'est vrai.
Je peux marcher en Asie en Afrique en Amérique en Australie en Patagonie au Mexique. Je peux marcher sur le bitume
sur la poussière sur la terre sur l'eau sur le verre sur le plastic
sur le feu dans le vent sur la lune, depuis 1969 je peux marcher sur la Lune. Quand je marche dehors je suis en relation
avec l'univers.
5- « FUOC DE PARAULAS »
fuoc brusla dins mon silenci,
Q ual
quala esbaudada dins ma nuèt ! Cor-pres vos gaiti, nècias
paraulas, vos torcer vivas dins la flambada. O poderosa voluptat
de nonmàs bufar sus la brasa
per qu'espelissan las flors
de la papieralha cussonada. Amaras de sens, paraulas
pesugas, orbas, paraulas baujas,
fonsalhas de la votz, paraulas polsosas,
n'ai pro de vos, vos escupissi,
perqué me rimariatz las potas,
perqué me fariatz crasenar las dents ?
Vos sètz pro garçadas de ieu,
quantas fèures m'avètz donadas !
Uèi vos crami al vostre torn dins un grand revol d'alas rojas
bronzinantas, que lor rebat
dança dins lo blu de mos uèlhs.
5bis-traduction (non lue)
feu brûle dans mon silence,
Q uel
dans ma nuit quel flamboiement !
Le cœur serré, je
vous regarde, mots stupides
vous tordre vivants dans les flammes.
Ô puissante volupté
de n'avoir qu'à souffler sur la braise
pour que s'épanouissent les fleurs
de la paperasse mangée
des vers.
Mots d'un sens amer,
Pesants, aveugles, mots détraqués,
tartre de la voix, mots poussiéreux,
j'en ai assez de vous, je vous recrache,
pourquoi gerceriezvous mes lèvres,
pourquoi me feriez-vous grincer les dents ?
Vous êtes-vous assez moqué de moi,
que de fois m'avez-vous donné la fièvre !
Aujourd'hui, c'est
à vous de brûler
dans un grand vol d'ailes rouges
et bourdonnantes, dont le reflet
danse dans le bleu de mes
yeux.
6- « VOYAGE A BARCELONE SUR LE BATEAU DE... »
"Sur la vie", "De la vie", du poète turc Nazim Hikmet, extraits
du recueil Il neige dans la nuit et autres poèmes, publié chez Gallimard (1999)
E
n prison, sur la pierre de la fontaine Yousouf l’Infortuné a dessiné son bateau. Un prisonnier qui boit à la fontaineRegarde la proue effilée du bateau Glisser sur des mers
sans murs.
Près de la fontaine un arbre tout blanc Un prunier.
Ouvre encore une voile, Yousouf l’Infortuné Attire vers toi
le port où tu vas Et arrache une branche au prunier Pour que
les pigeons de la prison suivent ton sillage.
Prends-moi aussi Yousouf Sur ton bateau. Mon bagage n’est
pas lourd: Un livre, un cahier et une photo.
Allons-nous-en, frère, allons-nous-en Le monde vaut la peine
d’être vu.
La mer s’est calmée Rougeurs dans le ciel C’est l’aurore La
nuit qui nous semblait infinie Est finie. Voici devant nous la
Barcelone du Frente popular Fini notre voyage
(Suite)
Amenez les voiles, l’ancre à la mer! Les pigeons qui suivaient notre sillage s’en retournent dire aux copains que
nous sommes arrivés à bon port.
Et Yousouf, envoyant un juron magnifique Aux fers et aux
murs de là-bas Agite vers la ville qui nous fait face Sa
branche fleurie de prunier. Mon regard va de lui à Barcelone: Et sur la ville, là-bas, tout au fond Je vois des
flammes se tordre là-bas je vois côte à côte Lénine, Bakounine, Robespierre et le paysan Mehmet qui gît à
Doumloupinar…
C’est ainsi que Yousouf et moi Passagers d’un bateau Né de
la fontaine d’une prison Nous avons vu à Barcelone dans
l’aurore La liberté se battre en chair et en os Nous l’avons
regardée les yeux en flammes Et comme la peau brune et
chaude d’une femme De nos mains d’hommes affamés
Nous avons touché la Liberté.
7- « LA BATALLA DEL VERSO », poemas fidedignos,
1967
C
on un verso,
es verdad,
no botas a un tirano. Con un verso no llevas pan y techo
al nino vagabundo,
ni llevas medicinas
al campesino enfermo. Sobre todo, no puedes
hacerlo ahora mismo. Pero, vamos a ver :Un verso bien nacido y vigoroso,
y otro màs encendido, y otro màs desvelado,
y otro màs fuerte y màs veraz,
le dan vida
a un sueño que recogieron tierno,
y este sueño de mucho, ya nutrido,
se vuelve una conciencia,
y esta conciencia, una pasion, un ansia...Hasta que une dia,
Todo -sueño, concienca, anhelo-,compacto se organiza...Y
entonces
viene el grito,
y el puño,
y la conquista...En la esfigie de la conquista
brilla un diadema : el verso.
7bis– traduction « LA BATAILLE DU POÈME »
Traduction Julio Fausto Auguera (Guatemala, 1929)
A
vec un poème,
C’est vrai,
Tu ne chasses pas un tyran.
Avec un poème tu n’apportes ni pain ni toit
À l’enfant vagabond,
Ni remèdes
Au paysan malade.
Surtout, tu ne peux pas
Le faire à l’instant même.
Mais…Nous allons voir.
Un poème
Bien né et vigoureux,
Et un autre plus enflammé,
Et un autre plus vigilant,
Et un autre poème plus fort et plus véridique,
Donne vie
À un rêve qu’ils ont cueilli tout tendre,
Et ce rêve de beaucoup d’hommes, une fois nourri,
Devient une conscience,
Et cette conscience, une passion, un désir angoissé…
Jusqu’au jour où,
Tout -rêve, conscience, désirs’organise, compact…et alors vient le cri,
et le poing, et la conquête…
Dans l’effigie de la conquête
Brille un diadème : le poème.
8- « VERTICAL »
W
ho told me my place ? It takes generations
To breed such true believer, Centuries to produce
Someone who instinctively knew
The only movement possible
Was up or down. No spaceFor me on the earth's surface :
Horizontal equates with delusive
When only the vertical Remains open to my use. But I am
released by language, I escape through speech : Which has
no dimensions,
Demands no local habitation Or allegiance, which sets me
free From whomsoever's definition : Jew. Woman. Poet.
8bis- traduction « VERTICALITÉ »
Q
ui m'a dit ma place ?
Il faut des générations
Pour engendrer un tel véritable croyant.
Il a fallu des siècles pour produire
Un être qui savait d'instinct
Que le seul mouvement possible
Etait vers le haut ou le bas.
Pas d'espace
Pour moi à la surface de la terre.
Horizontal égale illusoire
Quand le seul vertical
Reste ouvert à mon usage.
Mais
Je me libère par le langage,
Je m'évade par le discours,
Qui n'a pas de dimensions,
N'exige pas de localisation
Ni d'allégeance, et me libère
De toute définition :
Juive. Femme. Poète.
9- « LA CRAVATE », Jacques Charpentreau (2015)
O
ui, j’ai découpé la cravate
De mon père,
J’ai brûlé la robe écarlate
De ma mère.
J’ai décousu le grand rideau
Du salon,
J’ai rempli de deux litres d’eau
Le violon.
J’ai mis de l’encre rouge dans
L’aquarium,
J’ai passé tous les cure-dents
Au minium.
J’ai frotté le chien à la crème
Chantilly,
J’ai fait cuire les chrysanthèmes
En bouillie.
J’ai décoré notre loggia
De boudins,
J’ai piétiné les hortensias
Du jardin.
J’ai peinturé tous les portraits.
Et alors ?
Je croyais qu’en France on était
Libre encor !
Remerciements
LECTRICES
Monique BURG
Liliane BODIN
Eve NUZZO
Marta SANTA PAU
INVITES
Venant NZOJIYOBIRI
Mahalia
MUSIQUE
PAPILLON « Raphael CARTON »
ORGANISATION
Eve GUILLOU
RESTAURANT LA P’TITE FACTORY
ASSOCIATION SESAM
COMMUNE DE SAINTE-ALVERE-SAINT-LAURENT
LES BÂTONS
La collation qui vous a été proposée a été réalisé MAISON par des petites
mains bénévoles et celles expertes de La P’tite Factory.
CONTACT
Office de Tourisme de Sainte-Alvère
22 Rue de la République, Sainte-Alvère
24510 Sainte-Alvère-Saint-Laurent Les Bâtons
Tél. : 05.53.73.55.85
Courriel: office –[email protected]
Imprimé par nos soins—Ne pas jeter sur la voie publique

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