Identité numérique, traces, droit à l`oubli

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Identité numérique, traces, droit à l`oubli
Internet responsable – Le mot du juriste
Identité numérique, traces, droit à l’oubli
Pierre PEREZ
Délégation aux Usages de l'Internet (DUI)
Jean DUCHAINE
École supérieure de l'éducation nationale,
de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESENESR)
2009 – actualisation : 2013
Nous dévoilons de plus en plus notre vie, nos goûts, nos occupations et nos comportements. Nous révélons notre
intimité tant par les traces que nous laissons lors de nos navigations, que par les informations que nous publions
volontairement sur les sites des réseaux sociaux. Sur Internet, nos activités et nos déplacements laissent des traces,
à notre insu. "L’impression de facilité qui domine l’univers du web masque la réalité d’une surveillance discrète et
active". La CNIL nous montre sur son site Internet comment nos traces sur Internet peuvent être facilement pistées :
http://www.cnil.fr/vos-libertes/vos-traces/
Les internautes sont souvent à l'origine du problème qui va les rattraper, lorsqu'ils diffusent sur leurs blogs ou sur leur
page personnelle Facebook des informations intimes. À la différence des archives des journaux, les informations sur
Internet restent visibles de façon permanente, comme gravées dans le marbre.
Mais le problème va au-delà des simples indiscrétions volontaires : de nombreuses entreprises ont un intérêt
commercial à collecter des données nominatives pour les exploiter, souvent sans l'assentiment des personnes
concernées. Face à ces questions, on invoque désormais de plus en plus souvent "un droit à l’oubli numérique".
Il n'est pourtant pas facile de se faire oublier sur le Net. Exemple : un adolescent laisse un commentaire grossier sur
un blog. Quelques années plus tard, il cherche un emploi, et un employeur auquel il a envoyé son CV a l'idée de
"googler" son nom et tombe dessus. Autre exemple : un homme sort de prison, parvient à retrouver une vie normale ;
mais son passé reste affiché aux yeux de tous sur divers sites…
Le droit à l'oubli est évoqué comme le droit à ce que les éléments relatifs au passé d'une personne puissent être
retirés des contenus en ligne, ou rendus difficilement accessibles, afin de pouvoir sortir de la mémoire collective et
tomber dans l'oubli. Il ne peut être invoqué en tant que tel, mais différentes règles juridiques permettent de le mettre
en œuvre : l'article 9 du code civil, qui permet de s’opposer à la diffusion de contenus portant atteinte à la vie privée,
les obligations du fournisseur d’hébergement, contraint par la loi pour la confiance dans l'économie numérique de
2004 (LCEN) de retirer les contenus qu’il héberge, dès qu’il prend conscience de leur caractère illicite, ou encore la loi
Informatique et Libertés, qui permet sous certaines conditions le retrait de contenus, facilitant l'oubli.
Ainsi, au titre de l'article 9 du code civil, le juge civil peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser
une atteinte à l'intimité de la vie privée, y compris en référé. Il faut toutefois souligner qu'il n'y a pas d'atteinte à la vie
privée lorsque les prétendues révélations ne sont que la révélation de faits publics ou ne présentent qu'un caractère
anodin.
Au titre de la LCEN, un individu souhaitant faire retirer une information le concernant sur Internet, si cette information
a un caractère illicite, peut le notifier aux hébergeurs. Ceux-ci doivent, dès le moment où ils ont connaissance de
l’existence de ces contenus, agir promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible, s'ils veulent
s'exonérer de leur responsabilité civile et pénale.
Le droit à l’oubli est l’un des principes essentiels qui sous-tend la loi Informatique et Libertés. Celle-ci précise en effet
que la durée de conservation des données ne doit pas excéder la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles les
données sont collectées et traitées. Un site qui conserverait des données nominatives au-delà de la période qu'il a
déclarée lors de l'inscription de l'internaute encourt des sanctions pénales.
Par ailleurs, cette même loi dispose que toute personne peut exiger l'effacement de données la concernant qui sont
inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation
est interdite.
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Plusieurs problèmes semblent encore très difficiles à résoudre pour faire respecter ce droit à l’oubli. On peut en
mentionner deux :

Le copier-coller
Même si l'internaute parvient à faire supprimer des données personnelles sur un site, il se peut que ces
informations aient été transmises ou recopiées ailleurs. Comment les retrouver toutes ? Cela devient très difficile à
vivre, par exemple en cas de diffamation : même si le site "source" est condamné et retire l'article litigieux, il est
fréquent que le texte ait été "copié-collé" par de nombreux sites ou blogs.

L'internationalisation
De nombreux pays ne reconnaissent pas le droit à l'oubli : des informations collectées par Google ou Facebook,
dont le siège social est installé aux États-Unis, peuvent rester stockées indéfiniment.
Le secrétariat d’État à la prospective et au développement de l’économie numérique a lancé une consultation
publique sur Internet sur le droit à l’oubli numérique entre le 15 avril et le 31 mai 2010, qui a abouti à la rédaction
d'une charte de bonnes pratiques visant à renforcer le respect de la vie privée sur Internet. Elle concerne la
gestion des données publiées intentionnellement par des internautes, et la mise en œuvre pour ces données
des droits constituant le "droit à l’oubli". Il s’agit de matérialiser les principes de finalité, de consentement, de droit
à l’information, de droit d’accès, de rectification et d’opposition, prévus par la loi Informatique et Libertés.
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