Chirurgie esthétique parodontale : différentes techniques de greffe
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Chirurgie esthétique parodontale : différentes techniques de greffe
CDF0412_20-22_Hoexter 13.12.12 12:35 Seite 1 I étude de cas _ chirurgie parodontale Chirurgie esthétique parodontale : différentes techniques de greffe gingivale (Partie II) Auteur_ Dr David L. Hoexter, États-Unis _Dans notre nouvelle ère contemporainede l’information, les patients aspirent à une meilleure qualité de vie. Plus que jamais, ils veulent garder le sourire radieux de leur jeunesse, garder leurs dents naturelles ; ils veulent que leurs dents soient en bonne santé et aient meilleure mine ; ils veulent un sourire éclatant. Au cours des dernières années, la dentisterie semble s’être attachée presque exclusivement à la réalisation de ce sourire, en portant ses efforts sur la couronne dentaire. Les dentistes ont pu disposer de matériaux de restauration pour recréer la couleur naturelle, la blancheur et les tonalités chromatiques de la couronne. Elle a été allongée, raccourcie, arrondie, rendue carrée, ovoïde. On a aussi tenté de reproduire sa forme et sa couleur originale. Aujourd’hui, la cible sur laquelle la dentisterie esthétique doit pointer est l’esthétique dans son ensemble, et pas seulement la couronne parfaite ou la restauration parfaite. Les matériaux développés pour donner plus aisément une couleur artistique à la dent sont nombreux, mais le résultat esthétique escompté dépend toujours du fond qui va accentuer l’image souhaitée – une chose que les grands peintres ont de tout temps connu et exploité dans leurs belles toiles à l’huile. Ce fond doit tout à la fois envelopper l’objet et le mettre en valeur. Il peut l’élever aux nues ou en anéantir l’image que les cliniciens voudraient que leurs patients voient. Si le fond est distrayant, l’objet s’estompe. Fig. 1 Fig. 2 Par exemple, d’un point de vue esthétique, si une couronne est joliment restaurée sur un fond de gencive sain et blanc rosé, l’impression d’une ligne harmonieuse du sourire peut être créée et vue comme une complète réussite. Mais si cette même couronne est placée sur une gencive malsaine, rougeâtre et enflammée, l’œil est attiré par cette surface inesthétique. L’effet d’une facette en céramique environnée d’une gencive rose et naturelle est tout simplement plus joli, s’il se concilie avec le fond qui l’entoure. Comme expliqué dans la partie I de cette série, la réussite constante de l’esthétique dentaire, repose essen- 20 I cosmetic dentistry 4_ 2012 tiellement sur la création de l’illusion recherchée. S’assurer que certains principes fondamentaux de la santé sont préservés, respectés et conservés, est le premier pas. Un parodonte sain est la condition préalable et le support de l’image de la santé buccodentaire. Il est indispensable à la restauration esthétique, comme à la dentition naturelle et pour les cliniciens, il est l’atout qui augmente leurs chances de réussir la restauration et de maintenir les résultats. En intégrant l’usage des couleurs, des tonalités chromatiques, des formes et des lignes symétriques des tissus, on peut réaliser et préserver l’objectif esthétique souhaité. Comme dans toute forme d’art, la symétrie des formes, incite l’œil à ne voir que la vision d’ensemble. En supposant l’absence de toute pathologie, la symétrie des couleurs et des tonalités chromatiques est incontournable pour obtenir l’illusion recherchée et détourner l’attention d’une zone imparfaite. La couche gingivale de tissu kératinisé se situe au niveau du rebord des dents naturelles et autour des couronnes. La ligne muco-gingivale délimite la frontière entre la couleur exceptionnelle de la gencive adhérente kératinisée rosâtre et la muqueuse alvéolaire mobile, qui est bleu-rougeâtre. Les colorations naturelles de ces zones de formes symétriques, sont ce que les cliniciens doivent rechercher pour assurer et préserver la santé et l’esthétique. Si, par exemple, une surface suffisante de gencive adhérente était inégalement répartie dans le même quadrant, la muqueuse alvéolaire bleu-rougeâtre serait décalée et attirerait un regard défavorable. En revanche, si la gencive adhérente empiétait localement sur la muqueuse alvéolaire, il y aurait une inversion de teinte qui créerait une zone de couleur rose plus importante et inégale, par rapport à un fond bleu-rougeâtre irrégulier. Dans le passé, on a souvent eu recours à des greffes gingivales libres démesurées, pour remplacer des zones de gencive adhérente absentes ou insuffisantes. Ces grands greffons issus de sites donneurs, offraient une protection mais prenaient un aspect inesthétique ; un CDF0412_20-22_Hoexter 13.12.12 12:35 Seite 2 étude de cas _ chirurgie parodontale empiètement des couleurs s’observait habituellement sur la muqueuse alvéolaire. Même si cet envahissement de rose était plus discret que le débordement bleurougeâtre de la muqueuse alvéolaire sur la gencive, il déformait malgré tout l’image d’un fond symétrique. Un autre exemple est celui d’une prolifération tissulaire, appelée hyperplasie fibreuse, qui modifie la forme du tissu et donne lieu à un recouvrement partiel de la dent et à un aspect différent de sa taille. Si elle est recouverte par une gencive kératinisée hyperplasique, la dent semble plus petite, surtout par rapport à la dent adjacente. Cette prolifération peut être de nature développementale, iatrogène ou systémique. Le résultat est inesthétique et peut ou doit être corrigé, ce dont les prochains articles de cette série parleront. Lorsqu’on évoque l’utilisation des couleurs de la gencive pour créer l’illusion esthétique, il est important de réfléchir aux cas de rupture de la symétrie des couleurs de la gencive. Ils représentent un état maladif et sont une véritable pollution visuelle car ils anéantissent l’esthétique. Une inflammation peut entraîner une pathologie chronique et donner lieu à une exposition radiculaire (récession) irréversible et inesthétique. Une teinte rougeâtre verticale du rebord gingival peut être le signe d’un début de pathologie. On connaît plusieurs techniques permettant de corriger une récession, mais en fait, il n’est pas possible d’en prédire le résultat lors de la cicatrisation. Par conséquent, il est plus simple et esthétiquement plus réalisable de traiter l’inflammation au plus tôt. Sans une surface saine de la gencive adhérente, le rebord de la couronne finira par être exposé et présentera donc un contraste de couleur déplaisant, qui peut se traduire par l’exposition de la limite marginale métallique sousjacente de la couronne ou par la couleur jaune de la racine dentaire touchée par la récession. Sans une surface saine, la plaque dentaire a de fortes chances de s’accumuler sur le rebord d’une facette et de provoquer une inflammation ainsi qu’un saignement de la gencive. Comme il a été dit précédemment, ceci peut non seulement attirer un regard défavorable mais aussi conduire fort probablement à une récession et à des variations du schéma gingival. La partie II de cette série concerne et illustre la chirurgie parodontale esthétique qui a recours à diverses techniques de greffe gingivale pour corriger des imperfections, rétablir la santé et créer des couleurs, des tonalités chromatiques et des formes symétriques. Ce type de chirurgie contribue au bonheur des patients en leur offrant un sourire éclatant et confiant. I _Cas I Une jeune femme s’est présentée à mon cabinet dentaire avec des dents dénudées et d’une longueur disgracieuse en raison de sa récession gingivale. Bien que la patiente présentait peu de caries et avait une bonne hygiène bucco-dentaire, le dentiste consulté précédemment avait qualifié ses gencives de « faibles et pas belles à voir ». Elle avait bien remarqué que ses gencives saignaient régulièrement lors du brossage et se plaignait de leur aspect effectivement déplaisant, qui la faisait raidir sa lèvre inférieure lorsqu’elle souriait. Elle était intelligente et bien consciente de son problème. Elle souhaitait une correction de la récession et une intervention esthétique qui lui permettrait de sourire en toute confiance. Fig. 3 Fig. 4a Un examen a révélé une récession gingivale au niveau de la canine inférieure droite (Fig. 1), qui exposait la racine vestibulaire. La gencive adhérente était absente et la zone était entourée par la muqueuse alvéolaire. Par conséquent, la dent était entourée d’un tissu de couleur rougeâtre, qui rendait la racine visible encore moins attrayante. Le contraste rouge foncé environnant la racine dénudée, était encore accentué lorsque la lèvre s’effaçait, faisant apparaître une traction du frein. Dans ces conditions, il était difficile pour la patiente de préserver la surface dentaire sans plaque. En revanche, la gencive adhérente des dents adjacentes était de couleur rose. Le choix de la technique chirurgicale pour corriger le défaut, rétablir la santé et améliorer l’esthétique s’est porté sur une variante de la technique de greffe de lambeau pédiculé latéral oblique. Fig. 4b Traitement La zone des dents # 42, 43 et 44 a été anesthésiée avec de la lidocaïne à 0,001 %. L’anesthésique local a été infiltré tant du côté vestibulaire que du côté lingual. Un scalpel # 15 a été utilisé pour inciser un contour qui englobait tout le tissu kératinisé interproximal des dents # 43 et 44, ainsi que la face vestibulaire de la dent # 44. La petite surface vestibulaire de tissu malade entourant la dent # 43 a été excisée. Le site receveur a ensuite été préparé. La dent a été légèrement abrasée. Un décolleur parodontal (Hoexter, Hu-Friedy) a été utilisé pour décoller le tissu. L’incision cosmetic dentistry 4 _ 2012 I 21 CDF0412_20-22_Hoexter 13.12.12 12:35 Seite 3 I étude de cas _ chirurgie parodontale comprenait également la zone de la muqueuse alvéolaire pour faciliter la mobilité. Le lambeau de greffe a été inversé de sorte que la plus grande partie de la surface kératinisée puisse être utilisée pour couvrir la surface rétractée et l’apport vasculaire vestibulaire nouvellement exposé de la dent # 43. Pour stabiliser la greffe dans la position que nous souhaitions, nous avons utilisé une technique de suture suspendue. La zone a été couverte par un pansement parodontal (COE-PAK, GC). De la tétracycline à 250 mg a été prescrite 4 fois par jour pendant sept jours, ainsi qu’un analgésique. Fig. 5 Les résultats démontrent une zone de gencive adhérente rose, visiblement saine et à nouveau symétrique, présentant une bonne continuité avec la région adjacente. La récession gingivale a disparu, la longueur et la largeur de la gencive adhérente s’intègrent symétriquement dans la région adjacente et la traction du frein a été corrigée. La photo 2, prise 15 ans après l’intervention, atteste de la durabilité des résultats grâce à cette technique. Fig. 6 L’intervention a permis à la patiente de sourire en toute confiance et sans plus d’hésitation. Elle a perdu le réflexe de raidir sa lèvre. L’intervention lui a également permis de maintenir une bonne hygiène bucco-dentaire, lui a donné l’assurance de conserver ses dents (une récession indique l’âge dans une certaine mesure), et lui a procuré un équilibre des couleurs normal et durable, qui a créé une apparence esthétiquement plaisante de l’ensemble. cée sur la racine vestibulaire exposée de la dent # 23, après que le lambeau vestibulaire ait été décollé. Le tissu a été suturé par un surjet, de façon à couvrir la racine dénudée ainsi que la membrane acellulaire, dans la position finale voulue (Fig. 5 ; le collagène acellulaire, préféré pour la pratique de cette technique à mon cabinet dentaire, est fourni par CK Dental). La figure 6 présente la surface cicatrisée quatre mois plus tard. La récession a été remplacée par une gencive adhérente saine. L’intervention a permis la création d’une zone symétrique de tissu kératinisé rose, qui se fond dans l’ensemble. La canine a cessé de sembler plus longue que les dents avoisinantes. La forme linéaire et régulière des dents est esthétiquement plaisante. Le résultat global est facilement conservé grâce au fond de bonne couleur, à la texture, à la surface d’aspect symétrique et à la santé évidente. _Résumé Il est heureux que, dans ces cas particuliers, la prise de conscience du patient quant à l’état de sa dentition, lui procure l’envie de demander un rétablissement de sa santé buccodentaire et une correction esthétique. Ces cas sont des exemples de la sensibilisation et des souhaits esthétiques de notre société d’aujourd’hui. Les praticiens doivent être aptes à reconnaître et à s’atteler à ces objectifs. L’utilisation de variantes créatives des techniques pour obtenir les résultats attendus, permet une maîtrise de l’art dentaire. Le rétablissement de la santé est l’objectif premier, mais le maintien d’une apparence saine et plaisante est tout aussi souhaitable et important._ Note de la rédaction : la partie I de cette série « Chirurgie esthétique parodontale : augmentation pré-prothétique de la crête des tissus mous », est parue dans la version française de cosmetic dentistry, numéro 3/2012. _l’auteur _Cas II La prévisibilité des résultats du recouvrement de la racine à l’endroit de la récession gingivale a été améliorée au cours des dernières années, grâce à l’utilisation de la régénération tissulaire guidée (RTG). Ce cas présente une autre technique de greffe gingivale : la greffe du lambeau de repositionnement coronaire. La RTG combinée à l’utilisation d’une membrane de collagène acellulaire, augmente la probabilité d’acquisition d’un apport vasculaire. La zone résultante de la gencive adhérente et le recouvrement radiculaire se mélangent esthétiquement au fond avec une largeur symétrique et un fondu latéral de tissu kératinisé sain et de couleur rose. La photo initiale de la dent # 23 (Fig. 3), montre clairement une canine d’apparence plus allongée et présentant une récession gingivale, ce qui la fait ressortir et crée un aspect déplaisant et apparent de la surface. Les figures 4a et 4b illustrent la membrane acellulaire pla- 22 I cosmetic dentistry 4_ 2012 cosmetic dentistry Dr David L. Hoexter est professeur clinicien de parodontologie et d'implantologie à la Temple University à Philadelphie. Il est le directeur de l’International Academy for Dental Facial Esthetics, une organisation qui regroupe des médecins et dentistes de différents domaines en matière de recherche et partage ses résultats avec les praticiens. Il donne des conférences partout dans le monde et a publié au niveau international. Il a obtenu 11 bourses de recherche y compris FACD, FICD et Pierre Fauchard. Il exerce à New York et est spécialisé en parodontologie, implantologie et chirurgie esthétique. Il peut être contacté à : 654 Madison Ave, New York, NY, 10065, USA ou [email protected].