La cogénération à partir de bois

Transcription

La cogénération à partir de bois
par Didier Marchal
ValBiom asbl 1
L
orsque l’on parle de valorisation
énergétique du bois, on pense directement à
la production de chaleur. Mais il est possible,
en dehors de la valorisation matière bien
entendu, d’utiliser le bois d’autres manières.
On peut, par exemple, produire
simultanément de la chaleur et de
l’électricité : c’est le principe de la
cogénération à partir de bois.
Le bois peut servir de source d’énergie pour produire de la
chaleur seule, de l’électricité seule ou de la chaleur et de l’électricité. Dans ce dernier cas, le rendement global est bien
meilleur que pour des productions séparées de chaleur et
d’électricité. On avance généralement les chiffres suivants en
termes de rendement : les centrales destinées à produire de
l’électricité à partir de bois présentent une efficacité énergétique pouvant varier de 20% (installations les moins performantes) à 60% environ (cycles combinés gaz-vapeur). Cela signifie que 40 à 80% de l’énergie primaire utilisée sont relachés
sous forme de chaleur (pertes) dans l’environnement.
!
Le hangar de la société Séco-Bois : un stock de chaleur et d’électricité.
Dans le cas de la cogénération, production combinée d’énergie mécanique (électricité) et d’énergie thermique (chaleur
utilisable), le rendement global de l’installation peut atteindre
85%. Cela signifie que l’énergie primaire est mieux utilisée : la
fraction d’énergie à la température la plus haute est convertie
en énergie électrique et la fraction à la température la plus
basse est disponible pour des applications thermiques plutôt
que d’être dissipée dans l’environnement.
Parmi les utilisations thermiques, on citera par exemple le
chauffage urbain par réseau de chaleur, le refroidissement
par systèmes frigorifiques à absorption ou encore les processus industriels de séchage. Sachant qu’il est plus délicat de
transporter de la chaleur que de l’électricité, les unités de
cogénération seront préférentiellement localisées à proximité
des sites de consommation de la chaleur.
De manière synthétique, le principe de cogénération peut
se décrire de la manière suivante. Un générateur de chaleur
(chaudière alimentée à partir de bois déchiqueté, d’écorces,
de liqueur noire 2, …) fournit de l’énergie thermique à un fluide
de travail (eau, fluide thermique ou air). Celui-ci est injecté
dans une machine qui convertit cette énergie thermique en
énergie mécanique et permet la mise en rotation d’un arbre
entraînant un alternateur pour produire de l’électricité.
! Principe de la cogénération (d’après A
DEME
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1
2
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et al., 2001).
Parmi les principales technologies, on peut citer les turbines
à vapeur, le moteur à vapeur, le cycle organique de Rankine,
le moteur Stirling ou encore le groupe gazo-électrogène. Nous
ne ferons qu’évoquer le principe de ces différentes techniques dans le cadre de cet article.
ValBiom – Chaussée de Namur, 146 – B-5030 GEMBLOUX – [email protected]
Lors de la fabrication industrielle de la pâte à papier de type chimique, la cellulose est extraite du bois dans un cuiseur par dissolution de la lignine à l’aide d’agents
chimiques. En fin de cuisson, la cellulose est récupérée sous la forme d’une pâte, tandis que la lignine mélangée aux agents chimiques constitue la liqueur noire.
© Didier Marchal
BOIS-ENERGIE
La cogénération à partir de bois
BOIS-ÉNERGIE
Chronologiquement, le moteur à vapeur est le premier principe technique permettant de transformer de l’énergie thermique en énergie mécanique. De la vapeur (haute pression) est
produite dans une chaudière puis détendue dans le moteur à
vapeur, permettant la mise en rotation du rotor d’alternateur et
la production d’électricité. La vapeur détendue est dirigée vers
un condenseur où elle retourne à l’état liquide en échangeant
sa chaleur latente de vaporisation avec l’eau d’un réseau de
chauffage. La gamme de puissances s’étend de 120 kWél à 1,5
MWél. La valeur des rendements électriques va de 15 à 20%.
Le cycle organique de Rankine (ORC) présente la particularité de comporter deux circuits de fluides : un fluide
caloporteur (huile thermique) et un fluide de travail (généralement à base de silicone). Le fluide de travail est mis sous
pression puis vaporisé par apport d’énergie thermique, détendu dans une turbine reliée à un alternateur pour la production d’électricité puis condensé par échange avec une source
froide (celle-ci récupère de l’énergie thermique qui peut être
utilisée ensuite pour du chauffage ou du process). Les valeurs de puissance électrique vont de 300 kWél à 1 MWél. Les
rendements électriques sont de l’ordre de 14%.
Inventé en 1816 par les frères Stirling, le moteur Stirling est
un moteur alternatif à combustion externe à gaz chaud. Le
mouvement de translation du piston moteur est transformé en
un mouvement de rotation nécessaire au fonctionnement de
l’alternateur (production d’électricité). La source de chaleur
peut être alimentée directement par les gaz d’échappement
de la chaudière bois ou par un fluide intermédiaire chauffé
par la chaudière bois. La source froide peut être l’air ambiant,
l’eau d’alimentation ou l’eau de retour d’un réseau de chauffage. Le moteur Stirling est un thème de recherche depuis de
nombreuses années. Les perspectives de rendement électrique en très petite puissance (1 à 350 kWél) sont intéressantes : 20 à 30%.
Le gazogène, quant à lui, est un appareil qui transforme un
combustible solide (le bois) en un combustible gazeux, par
décomposition thermique du combustible en présence d’un
gaz réactif. Le gaz produit est refroidi et traité dans un laveur
avant d’être brûlé dans le moteur du groupe de cogénération.
L’électricité produite peut être utilisée localement ou envoyée
sur le réseau. La chaleur produite (récupérée sur le laveur, le
moteur et les gaz d’échappement) peut alimenter un procédé
industriel ou des installations de chauffage. Le rendement électrique est d’environ 25%.
Il est important, dans le cadre de la mise en place d’un projet
de cogénération au bois, de tenir compte d’un certain nombre
de facteurs. On peut résumer de la manière suivante les principales questions à se poser :
• localisation de l’unité de cogénération (idéalement sur le
site de la valorisation thermique, par exemple une industrie agro-alimentaire, une usine de fabrication de pâte à
papier ou une unité de séchage de bois) ;
• motivation pour la cogénération (opportunité tarifaire, optimisation énergétique d’une installation existante, mobilisation de ressources nouvelles, …) ;
• utilisation de l’énergie thermique (fluides, contraintes techniques, prix, …) ;
• valorisation de l’électricité (autoconsommation ou vente
au réseau, contraintes techniques, prix, …) ;
• combustibles (types de ressources, rayon d’approvisionnement, logistique de mobilisation, …).
Certaines de ces questions sont particulièrement intéressantes à aborder, notamment dans le cadre wallon des Certificats verts ou, dans un domaine plus vaste, dans le cas de la
Directive européenne sur la cogénération 3.
Si la production d’électricité à partir de biomasse (bois, liqueur
noire, paille, …) s’est bien développée dans les pays scandinaves, notamment, on ne compte que peu d’installations de
cogénération de ce type chez nous. D’après la CWAPE (Commission wallonne pour l’Energie), il n’y a actuellement qu’une
seule unité de cogénération à partir de biomasse dans la filière bois wallonne. Il s’agit de la société Burgo Ardennes s.a.
(puissance électrique nette : 29,8 MWél), située dans le sud
de la province de Luxembourg. La situation pourrait bientôt
changer suite à la concrétisation de projets en cours de développement. On citera, à titre d’exemple, l’installation de deux
gazogènes par la société belge Xylowatt (une spin-off issue
de l’Université Catholique de Louvain) dans la zone d’activités économiques de Mariembourg. Ils produiront de l’électricité (injectée sur le réseau) et alimenteront en chaleur les
séchoirs à bois de la société Séco-Bois. De quoi participer
quelque peu à l’indépendance énergétique de la Wallonie…
POUR EN SAVOIR PLUS
ADEME, BIOMASSE NORMANDIE, HEAT TECHNICS [2001]. Cogénération à partir de
biomasse : la filière combustion / vapeur en petite puissance. Angers,
Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, 119 p.
CREHAY R., MARCHAL D. [2004]. Filière bois-énergie : les ressources cachées
des forêts wallonnes. Le REactif, n°40, 12 – 13.
DESIDERI U. [2003]. L’utilisation du bois comme combustible pour la
cogénération. Bois Energie, n°1 / 2003, 17 – 21.
THE CENTRE FOR BIOMASS TECHNOLOGY [1999]. Wood for Energy Production :
Technology – Environment – Economy. Virum, National Energy Information Centre, 69 p.
© Didier Marchal
La turbine à vapeur semble être, actuellement, le système le
plus utilisé pour la cogénération à la biomasse. De la vapeur
(haute pression, quelques dizaines de bars) est produite dans
une chaudière puis détendue dans la turbine dont l’arbre fournit le travail moteur (production d’électricité). Un condenseur
permet, grâce à une source froide, de condenser totalement
la vapeur. Une pompe redonne au fluide la pression qu’il avait
à l’amont de la turbine. On distingue les turbines à
contrepression et les turbines à condensation, les deux types
de turbines pouvant également être combinés. Les puissances vont de 100 kWél à 10 MWél pour des rendements électriques de 10 à 25%.
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Directive 2004/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 concernant la promotion de la cogénération sur la base de la demande de chaleur
utile dans le marché intérieur de l’énergie.
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