LIBERTE D`EXPRESSION ET ACCES A L`INFORMATION

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LIBERTE D`EXPRESSION ET ACCES A L`INFORMATION
République Démocratique du Congo (RDC)
Liberté d’expression et elections.
LIBERTE D’EXPRESSION ET ACCES A L’INFORMATION
CONSTATS ET RECOMMENDATIONS A PROPOS DE LA
SITUATION ELECTORALE EN RDC.
Date des élections : 30 Juillet 2006
Contexte
La RDC devrait tenir, le 30 juillet 2006, ses premières élections générales et pluralistes depuis
son accession à l’indépendance en 1960. Prévues pour mettre un terme au régime 1+4 instauré
à l’issue du Dialogue inter-congolais débuté en 2003, ces élections initialement planifiées en
2005 ont été reportées au 30 Juin 2006 puis au 30 Juillet 2006.
Ce report décidé par la Commission Electorale Indépendante (et justifié selon elle par la
nécessité d’adapter les infrastructures de vote, d’enregistrer et de sensibiliser les électeurs, de
former les assesseurs, etc.) a fait cependant l’objet de débats au sein des partis de l’opposition.
Actuellement, la RDC est gouvernée par un régime dit « 1+4 » dirigé par le président Joseph
Kabila et les principaux protagonistes du conflit congolais.
Récemment, la RDC a adopté une loi électorale et une nouvelle constitution promettant la tenue
d’élections multipartites, libres et démocratiques et le respect de la liberté d’expression et des
médias (article 23 et 24). Elle prévoit également le remplacement de la Commission Electorale
Indépendante et de la Haute Autorité des Médias par la création d’une Commission Electorale
Nationale Indépendante et d’un Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication.
Toutefois, ces dispositifs juridiques ne sont pas encore entièrement mis en place dans la
mesure où les statuts, fonction et exercices de ces institutions restent à définir.
Plusieurs restrictions légales, notamment la loi-cadre 96-002 de 1996, limitent la liberté
d’expression et doivent être supprimées par le gouvernement. Le gouvernement devrait mettre
en place un cadre favorable garantissant aux dirigeants de l’opposition et à leurs supporters la
libre expression des idées et opinions, sans peur de représailles. Le gouvernement devrait
aussi protéger l’indépendance des médias privés, du service public de l’information et assurer la
protection des journalistes, tout en continuant sa consultation sur les législations relatives aux
médias en collaboration avec l’ensemble des professionnels.
L’indépendance réelle des médias n’est pas assurée en RDC. La constitution de transition de
2003 puis la constitution de 2006 énonce que « les médias audiovisuels et écrits d’Etat sont des
services publics » dont l’impartialité et l’objectivité sont garanties par la loi. Cependant, ceux-ci
continuent de fonctionner sous le contrôle du gouvernement et n’assurent pas leurs objectifs de
service public. Les médias privés sont, eux, souvent liés à des partis politiques, limitant ainsi
leur indépendance éditoriale. De plus, les médias d’Etat et privés n’assurent pas une couverture
géographique complète du territoire congolais.
Lois en vigueur
Loi-cadre 96-002 de 1996 (dite loi sur la presse) : instaure un régime hautement répressif
pour les délits de presse. Entre autres, incrimine la diffamation, l’injure et les offenses et
outrages aux corps constitués.
Loi 04/009 de 2004 sur la Commission Electorale Indépendante : organise et fixe les
pouvoirs de la commission en charge de l’organisation et du contrôle des élections, de la
formation des électeurs, etc. Cette loi régule la commission électorale en vigueur jusqu’à la
mise en place de la nouvelle CENI établie par la constitution.
Loi 04/002 de 2004 relative aux partis politiques : établit les règles relatives à
l’établissement, la suspension et la dissolution des partis politiques en RDC. Cette loi fixe aussi
le cadre du multipartisme et du traitement équitable des partis politiques dans les médias en
RDC]
Constitution de la RDC 2006 : crée un nouveau régime en RDC. Prévoit entre autres la
garantie de la liberté d’expression, des médias, l’instauration d’une commission électorale
nationale indépendante, d’un conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication et la
transformation des médias d’Etat en service public audiovisuel. Cependant, cette nouvelle
constitution requiert l’adoption de lois organiques et une réelle volonté politique pour assurer
l’application effective des principes qui y figurent.
Loi électorale 2006 : fixe le processus électoral, les conditions préalables pour les
candidatures, etc.
Recommandations immédiates d’ARTICLE 19 au gouvernement congolais :
• Arrêter immédiatement les attaques contre les journalistes indépendants, les médias, et
les défenseur(e)s des droits humains, les recours abusifs au code pénal pour infliger
des peines privatives de liberté et les sanctions pécuniaires exorbitantes dans les
procès en diffamation pour propagation de fausses nouvelles et atteinte à la sureté de
l’Etat.
• Diligenter des enquêtes indépendantes sur le meurtre de Franck Ngyke et Hélène Paka
et sur les actes de violence, d’intimidation ou de harcèlement directement dirigés contre
le personnel des médias, les destructions des locaux et des biens des medias,
notamment si il y a des raisons de croire que ces actes ont été motivés par une
intention de nuire à la liberté des médias.
• Mettre fin aux menaces fréquentes exprimées contre les journalistes, les professionnels
des médias et les défenseur(e)s des droits humains, les empêchant d’exercer leurs
activités.
• Poursuivre les responsables de ces crimes devant la justice et mettre fin à l’impunité qui
sévit en RDC.
• S'assurer que le public congolais a accès à toutes les informations nécessaires à la
bonne marche d'élections libres et démocratiques, notamment les informations sur les
candidats et leurs programmes, et garantir la libre expression, en toute sécurité et sans
limitation arbitraire, de tous les candidats aux scrutins ainsi qu’à leurs supporters.
• Encourager les médias d’Etats et privés à couvrir les activités liées à la campagne
électorale sur des bases équitables et dans le respect du code électoral et de la
déontologie journalistique.
• Encourager le professionnalisme et promouvoir le rôle des radios communautaires dans
la diffusion d’informations, notamment électorales, afin d’étendre les zones
géographiques couvertes par les médias d’Etat et privés.
• Assurer l’organisation de débats politiques contradictoires dans les médias publics
entre les différents partis et mouvances politiques.
Recommandations d’ARTICLE 19 au futur gouvernement élu de RDC :
• Abroger toutes les lois et actes qui limitent la liberté d’expression et violent les normes
internationales en matière de droits humains et de liberté d’expression, notamment la
loi-cadre 96-002.
• Garantir, notamment par l’adoption de lois organiques, les avancées énoncées dans la
nouvelle constitution, à savoir, la mise en place d’une nouvelle Commission Electorale
Nationale Indépendante, d’un Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la
Communication et la transformation des médias d’Etat en médias de services publics.
• Poursuivre les efforts de réformes du cadre législatif de RDC avec l’appui
d’organisations régionales et internationales, notamment au niveau des dispositions
relatives aux droits humains et à la liberté d’expression, ainsi qu’aux médias, à l’aide à
la presse ou à la dépénalisation des délits de presse.
• Adopter une loi et des mesures administratives sur l’accès à l’information afin d’assurer
plus de transparence dans l’administration publique et limiter les recours abusifs au
secret d’Etat.
• Encourager l’indépendance et le pluralisme des médias par le biais de cahiers des
charges respectant la mission de service public, notamment dans les médias
audiovisuels.
Recommandations d’ARTICLE 19 aux journalistes de RDC :
• Assurer une couverture professionnelle du processus électoral, en respectant le code
déontologique et éthique ainsi que tous les autres textes normatifs.