theme 4 colonisation et décolonisation

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theme 4 colonisation et décolonisation
THEME 4
COLONISATION ET DÉCOLONISATION
QUESTION 2
LA DÉCOLONISATION
CHAPITRE 1
LA FIN DE L’EMPIRE DES INDES
CHAPITRE 2
LA GUERRE D’ALGÉRIE
INTRODUCTION
 Définition du sujet:
A partir des années 1930, les mutations des sociétés coloniales jouent un rôle
fondamental dans la montée des nationalismes. En effet, le développement
d’une bourgeoisie indigène urbaine et occidentalisée qui envoie ses enfants
étudier dans la métropole, permet au nationalisme de s’incarner dans des
chefs charismatiques : Gandhi en Inde. Hô Chi Minh en Indochine, Messali
Hadj en Algérie. Ces mouvements nationalistes se structurent autour d’une
presse, d’associations, de partis politiques, de syndicats. Tandis que certains
mouvements militent en faveur de l’égalité de traitement des peuples
indigènes dans le cadre de la colonisation, d’autres revendiquent
l’indépendance totale.
Au lendemain de la 2nde Guerre mondiale, le contexte international est plus
favorable aux revendications d’indépendance, d’abord, parce que la guerre a
affaibli les métropoles européennes. En outre, les deux principales
puissances mondiales, les Etats-Unis et l’URSS, condamnent toute forme de
domination impérialiste et poussent à l’émancipation des colonies. Par
ailleurs, l’ONU réaffirme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la
Conférence de Bandung qui réunit en 1955, 29 pays africains et asiatiques
donne une tribune internationale aux revendications nationalistes.
1
INDE
ALGÉRIE
Dans l’empire des Indes, les Britanniques
pratiquent l’administration indirecte. Ils
favorisent la création en 1885 du Parti du
Congrès afin de permettre aux Indiens
éduqués de participer au gouvernement de
l’Inde, sans toutefois remettre en question
la tutelle coloniale. Au début du XXe siècle,
ce parti est dirigé par Gandhi, avocat ayant
étudié à Londres. Il conduit de nombreuses
campagnes de protestation non-violente
contre l’autorité britannique.
L’Algérie est une colonie de peuplement
française depuis 1830. A la veille de la
guerre d’indépendance, y vivent 980.000
Européens pour 8,85 millions de
musulmans autochtones. En 1954, le FLN
revendique l’indépendance de l’Algérie. La
France refuse et envoie l’armée, ce qui
déclenche le début d’une longue guerre
d’indépendance.
 Problématique :
o Pourquoi et selon quelles modalités se sont effectués les
mouvements de décolonisation après la 2nde Guerre mondiale ?
o Quelles en ont été les conséquences ?
CHAPITRE 1
LA FIN DE L’EMPIRE DES INDES
 Plan de la leçon :
1. La contestation de la domination britannique.
2. Les négociations avec la couronne britannique et la partition de
l’Inde.
3. L’Inde au lendemain de l’indépendance.
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1. La contestation de la domination britannique.
A- Le « joyau de la Couronne » britannique.
La présence britannique en Inde est ancienne mais au XIXe siècle, le souscontinent passe entièrement sous la domination anglaise. Sous la couronne
britannique, l’Inde demeure un ensemble d’Etats hétéroclites gouvernés par
des maharadjas et des nawabs et une mosaïque de cultures, de castes, de
croyances et de langues. Les différentes régions sont autonomes. Toutefois,
un vice-roi représente l’autorité britannique et l’anglais devient la langue
officielle de l’administration.
Les Indes représentent une zone de prospérité financière pour les 120 000
colons anglais qui développent l’exploitation des mines de charbon, de fer, la
culture du thé, du café et du coton. Ils transforment également les villes et
construisent un réseau de chemin de fer. Il ne faut pas cependant exagérer
l’importance de la colonie dans le commerce anglais, puisque l’Inde ne
représente qu’à peine 1% du PIB britannique entre les deux guerres
mondiales.
Dès la fin du siècle, la métropole délègue des pouvoirs aux élites locales,
souvent formées en Angleterre (on parle d’indirect rule et de selfgovernment). Celles-ci fondent en 1885 L’Indian National Congress (INC), ou
parti du Congrès, avec l’accord et des autorités britanniques. Une série de
réformes entérinent l’autonomie des provinces sans que l’on puisse dire que
les Britanniques préparent l’indépendance de la colonie.
B- Le parti du Congrès et la Ligue musulmane.
Après la Première Guerre mondiale, le parti du Congrès ainsi que de
nombreux intellectuels commencent à réclamer l’indépendance de la
colonie. L’avocat Mohandas Karamchand Gandhi (bientôt surnommé "
Mahatma ", " la grande âme ") prend la tête du Parti et du mouvement de
résistance contre la présence anglaise en Inde.
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Dans le même temps, la Ligue musulmane est fondée en 1906 pour défendre
les droits de la minorité de musulmans indiens. Son leader, Muhammad Ali
Jinnah, est d’abord favorable à une négociation avec les Britanniques mais
réclame rapidement l’indépendance de l’Inde aux côtés des membres du
Congrès. Pour autant, il désapprouve les campagnes lancées par Gandhi
contre les Britanniques et les tensions entre la Ligue musulmane et le parti
du Congrès s’exacerbent.
A partir des années 1920, Gandhi prône la "non-coopération" et la
"résistance civile" face à l’occupation britannique. Sa stratégie passe par
l’organisation de campagnes de boycott des produits anglais et de marches
pacifiques, comme la Marche du sel en 1930 : Après un parcours à pied de
386km, Gandhi arrive au bord de l’Océan indien. Il s’avance dans l’eau et
recueille un peu de sel. Ce geste symbolique est destiné à encourager ses
compatriotes à violer le monopole d’Etat sur la distribution de sel et qui
oblige tous les consommateurs indiens à payer un impôt sur le sel et leur
interdit d’en récolter eux-mêmes
Plusieurs fois arrêté, comme des dizaines de milliers d’autres activistes
antibritanniques, il devient une figure internationalement connue.
C- La marche vers l’indépendance
En 1935, le Government of India Act apporte un début d’autonomie
politique à la colonie : elle devient une fédération de onze provinces dotées
de gouvernements autonomies et d’assemblées élues au suffrage censitaire.
Toutefois, le parti du Congrès continue de demander l’indépendance totale,
tandis que le projet de fédération se heurte à la Ligue musulmane qui
réclame la création d’un Etat musulman indépendant à partir de 1940.
La participation de l’Inde à la guerre contre l’Axe (1,5 millions d’hommes
engagés) semble ouvrir la voie à de nouvelles négociations entre les
différentes parties, mais le mouvement Quit India lancé par le parti du
Congrès en 1942 durcit la situation : cette campagne de désobéissance civile
massive mais pacifique déclenchée par Gandhi entraîne l’arrestation de
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plusieurs leaders du parti du Congrès, dont Gandhi et Jawaharlal
Nehru.
Dans les mois qui suivent, des grèves et des manifestations sont organisées.
Des postes de police, des gares et des bureaux de poste sont attaqués et les
attentats à la bombe se multiplient. La répression menée par l’armée
britannique entraîne l’arrestation de plus de 90 000 indépendantistes et
cause plus d’un millier de morts.
2. Les négociations avec la couronne britannique et la partition
de l’Inde.
A- 1945 : un contexte favorable à la décolonisation
Outre le fait que les deux superpuissances sont hostiles à la colonisation
(dont les Etats-Unis, alliés privilégiés du Royaume-Uni), plusieurs facteurs
expliquent la rapidité de l’indépendance des Indes britanniques. Comme les
autres métropoles européennes, le Royaume-Uni sort affaibli du second
conflit mondial et doit faire face à ses propres difficultés économiques, alors
que les émeutes se multiplient en Inde après l’échec de pourparlers entre
représentants du gouvernement britannique, du parti du Congrès et de la
Ligue musulmane.
Les Britanniques sont également confrontés à une agitation nationaliste
croissante dans leurs autres colonies ou les territoires sous mandat
(Birmanie, Palestine, Indes britanniques, Palestine, etc.). Ils veulent avant
tout éviter une guerre avec l’une de leurs colonies. D’autre part, le RoyaumeUni a fondé en 1931 le Commonwealth, une communauté d’Etats autonomes
l’associant avec ses anciennes colonies, protectorats et dominions. Cette
organisation permet au Royaume-Uni de préserver ses intérêts économiques
sans supporter le coût de l’administration coloniale.
Enfin, en 1945, le parti travailliste remporte les élections en GrandeBretagne. Winston Churchill, très attaché à la domination britannique sur
l’Empire, cède la place à Clement Attlee, qui devient Premier ministre. Ce
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dernier n’est pas hostile à une indépendance des colonies à la condition que
celles-ci demeurent liées au Royaume-Uni par des liens économiques.
B- Les tensions de l’après-guerre.
Alors que le gouvernement britannique et le parti du Congrès s’accordent
sur le principe de la construction d’un Etat fédéral, la Ligue musulmane s’y
oppose et Jinnah réclame la création de deux Etats. Son parti refuse de
participer au gouvernement intérimaire et à l’Assemblée constituante élue
en 1946. En août, Jinnah organise une journée d’action pour imposer la
création d’un Pakistan indépendant.
Des émeutes éclatent entre hindous et musulmans, faisant plusieurs milliers
de morts à Calcutta, la capitale administrative de l’Empire. L’agitation gagne
plusieurs provinces, au Bengale et dans le nord-ouest de l’Inde. Elle se
poursuit au cours de l’année suivante.
Les gouvernements locaux, qu’ils soient hindous ou musulmans, annoncent
clairement dans ces provinces qu’ils n’interviendraient pas contre leur
communauté pour protéger la communauté minoritaire. Les massacres sont
donc quasiment encouragés à des fins politiques.
Dans le même temps, la ligue musulmane remporte une victoire lors des
élections législatives précédant la mise en place d’une Assemblée
constituante, en remportant tous les sièges réservés aux musulmans. Pour
Jinnah, c’est la confirmation de la légitimité de son parti à revendiquer un
Etat musulman indépendant.
C- Les négociations et la partition
En février 1947, Clement Attlee annonce que des mesures seront prises
"pour mettre en œuvre le transfert de pouvoir entre des mains indiennes
responsables, au plus tard en juin 1948." Attlee justifie cette décision en
expliquant que le processus de self-government entrepris depuis longtemps
par les Britanniques a abouti : " aujourd’hui, l’administration civile et l’armée
indienne sont, dans une large mesure, aux mains de fonctionnaires et
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d’officiers indiens. " Cette décision précipitée - Attlee abandonne en effet le
principe d’unité du nouvel Etat - s’explique par la situation intérieure de
l’Inde, au bord de la guerre civile.
C’est dans un contexte de violences extrêmes que Lord Mountbatten,
nommé vice-roi des Indes, négocie l’indépendance et la partition lors de la
conférence de New Delhi (juin 1947) avec les deux figures les plus
importantes des mouvements nationalistes, Nehru et Jinnah. Malgré
l’opposition de Gandhi, la partition ne peut être évitée. L’évacuation par les
Britanniques devait prendre 15 mois. Le vice-roi l’organise en trois mois
seulement.
La partition donne naissance à deux Etats, conformément à l’Indian
Independence Act qui entre en vigueur le 15 août 1947 : l’Union indienne et
le Pakistan. Ce dernier est lui-même divisé en deux parties, le Pakistan
occidental (l’actuel Pakistan) et le Pakistan oriental (l’actuel Bangladesh,
indépendant en 1971 à la suite de la troisième guerre indo-pakistanaise). Dès
août 1947, l’Inde et le Pakistan intègrent le Commonwealth.
En 1948, l’indépendance de Ceylan (l’actuel Sri-Lanka) et de la Birmanie met
définitivement fin à l’Empire des Indes.
3. L’Inde au lendemain de l’indépendance.
A- Déplacements de populations et massacres
Nehru devient Premier ministre du nouvel Etat indépendant indien et une
Assemblée Constituante est formée. Cette dernière est entièrement
composée d’Indiens : les délégués de la Ligue musulmane décident en effet
de la boycotter. De son côté, Jinnah devient gouverneur général du Pakistan,
puis il est élu président de l’Assemblée constituante.
L’indépendance des Indes britanniques s’accompagne d’un vaste mouvement
de populations : 7 millions de musulmans rejoignent le Pakistan occidental
ou oriental, tandis que 10 millions d’hindous se déplacent de ces régions
vers l’Union indienne. C’est le plus grand déplacement de population dans
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l’histoire de l’humanité. La rapidité du processus de décolonisation explique
sans doute le déchaînement de violence qui se produit alors.
Une véritable guerre civile se déroule entre les communautés, notamment
au Pendjab, au Bengale et dans le Cachemire. On estime que ces massacres
font environ 500 000 victimes parmi les hindous, les musulmans et les Sikhs
(mais certaines estimations évoquent les chiffres de 1 à 2 million de morts).
Nehru tente en vain de s’opposer au massacre. En 1948, Gandhi est assassiné
par un extrémiste hindou qui lui reproche sa trop grande tolérance à l’égard
des musulmans.
B- La première guerre indo-pakistanaise et ses conséquences
Au nord-ouest de l’Inde, le Cachemire fait l’objet d’un désaccord entre
Indiens et Pakistanais. Il est majoritairement peuplé de musulmans, mais son
prince est hindou.
Une première guerre éclate entre les deux Etats, qui aboutit en 1949 au
partage du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan.
Le conflit indo-pakistanais se poursuit néanmoins au sujet de la province,
puisque deux autres guerres opposent ces Etats nouvellement indépendants
en 1965 et 1971.
On constate donc que la précipitation dans laquelle s’est effectuée
l’indépendance des Indes britanniques est à la source de conflits internes et
internationaux.
D’autre part, dans le contexte de la guerre froide, et bien qu’ils participent
tous deux au mouvement des non-alignés, l’Inde et le Pakistan deviennent
un enjeu de l’affrontement Est-Ouest. Ainsi, le Pakistan devient l’un des
piliers de l’endiguement américain dans la région, tandis que l’Inde se
rapproche de l’Union soviétique.
C- Les défis de l’Inde indépendante
Les enjeux de l’Inde indépendante sont également sociaux et économiques.
Sur le plan du développement, l’Inde mise sur une industrialisation fondée
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sur le modèle socialiste et lance une "révolution verte" pour nourrir une
population en pleine croissance. Le pays bénéficie d’une administration
héritée de la période coloniale pour mettre en œuvre cette politique.
Mais l’Inde hérite également des fortes inégalités entre les élites qui ont
émergé durant l’occupation britannique et la masse de la population pauvre
et non-éduquée. Cette situation est aggravée par la persistance du système
de castes que les Britanniques n’ont pas remis en cause et qui cloisonne la
société civile au sein de la nouvelle démocratie.
CHAPITRE 2
LA GUERRE D’ALGÉRIE
 Rappels en introduction sur la spécificité de la colonie algérienne et
du processus de décolonisation.
o Une colonisation ancienne qui date de 1830.
o Colonisation de peuplement donc appropriation des terres de la part
des colons. Les Européens installés depuis plusieurs générations sont
hostiles à l’indépendance d’un pays qu’ils estiment avoir construit.
o De grandes inégalités entre le niveau de vie des colons d’origine
européenne et les populations musulmanes.
Population
Taux de natalité
Taux de mortalité
Taux de mortalité infantile
Taux de scolarisation dans
le primaire
Taille
moyenne
des
exploitatios agricoles
Nombre de tracteurs
Revenu
moyen
d’un
agriculteur (en francs 1954)
Européens (« pieds noirs »)
980.000
(dont 79% nés en Algérie)
19 0/00
9 0/00
46 0/00
100 %
Musulmans
8,85 millions
(52,6% de moins de 20 ans)
45 0/00
14 0/00
181 0/00
18 %
109 ha
14 ha
19.091
780.000
418
22.000
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o Originalité du statut du territoire algérien considéré comme un
ensemble de départements français, donc partie intégrante du
territoire national.
o La guerre d’Algérie fut particulièrement longue et coûteuse en vies
humaines.
o La guerre d’indépendance est menée par un mouvement
indépendantiste, le FLN, qui rejette la colonisation et élimine ses rivaux
algériens.
o Cette guerre se caractérise en outre par la présence d’une multitude
d’acteurs : l’Eta français, les Européens qui peuplent l’Algérie, le FLN et
des mouvements algériens rivaux, les partis politiques de la métropole
parmi lesquels certains sont opposés à la colonisation, des
intellectuels.
 Problématique (spécifique à la guerre d’Algérie)
Pourquoi la guerre d’Algérie fut-elle longue et difficile et pourquoi a-t-elle
marqué durablement les relations entre l’Algérie et la France ?
 Plan de la leçon:
1. Comment la guerre débute t-elle (1954-1956)?
2. Comment la guerre s’enlise t-elle (1956-1957)?
3. Dans quelles conditions le général de Gaulle met-il fin à la guerre
(1958-1962)
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1. Comment la guerre débute t-elle (Années 1930-1956)?
A- L’émergence d’une nouvelle génération d’indépendantistes
Dès le début du XXème siècle, plusieurs mouvements défendant les droits du
peuple algérien ont émergé. La plupart sont surveillés par les services
policiers français, d’autres sont exilés. Parce que leurs projets pour l’Algérie
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divergent, ils donnent naissance à plusieurs associations et partis algériens,
certains plutôt favorables à des réformes dans le cadre du régime colonial,
d’autres demandant l’indépendance totale : Parti de la Réforme, Mouvement
pour l’égalité, Association des oulémas musulmans algériens, Association de
l’Etoile Nord-Africaine, Parti du peuple algérien, Parti Communiste algérien.
Face à l’émergence de ces mouvements, en 1936, le gouvernement du Front
Populaire dirigé par Léon Blum présenta un projet de loi sur les propositions
de Maurice Violette, gouverneur d’Algérie, destiné à octroyer la citoyenneté
française à environ 25.000 musulmans (« Projet Blum-Violette »). Ce projet
de loi devait permettre à une minorité de musulmans d’Algérie d’acquérir
également le droit de vote. A part certains milieux nationalistes qui s’y
opposèrent, ce projet de loi fut assez bien accueilli par les musulmans
d’Algérie. En revanche, les Français d’Algérie l’accueillirent avec beaucoup
d’hostilité et en 1938 le Sénat rejette ce projet.
La fin de la 2nde Guerre mondiale et les célébrations de la Libération
donnent lieu, le 8 mai 1945, à des manifestations d’Algériens dans plusieurs
villes algériennes et s’accompagnent de revendications nationalistes. A Sétif,
des heurts ont lei entre policiers et nationalistes, la manifestation se
transforme en émeute et la colère des manifestants se tourne vers les
Français dont 27 sont tués. La répression de l’armée française est très
violente et fait environ 30.000 morts (« Massacres de Sétif »). La portée
historique de ces massacres est fondamentale, car ceux-ci marquent une
radicalisation des milieux nationalises algériens. Certains historiens
considèrent même que ces massacres marquent le véritable début de la
Guerre d’Algérie.
Les années qui vont de 1945 à 1954 sont des années de répression et
d’interdiction des mouvements indépendantistes et par conséquent aussi,
des années de radicalisation de ces mouvements qui commencent à
organiser la lutte armée.
Le Front de Libération Nationale (FLN) est créé en novembre 1954.
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B- Les choix tactiques du FLN
Le recours au combat armé est initié par le FLN en 1954. Ce combat armé se
traduit par des exactions (ici, mauvais traitements, sévices) contre les
populations civiles d’origine européenne et autochtones (ceux qui ne
soutiennent pas la cause indépendantiste). Il prend aussi la forme d’une
guérilla, de maquis et d’affrontements avec l’armée française qui comprend
aussi des unités de supplétifs (forces militaires recrutées temporairement
pour compléter les forces régulières) musulmans appelés « harkis ». Le 1er
novembre 1954, des civils européens et musulmans sont assassinés.
L’intimidation est utilisée par le FLN pour rallier les populations musulmanes
à leur cause.
Le FLN obtient des soutiens étrangers, notamment d’autres pays arabes, de
pays d’Europe de l’Est. L’Algérie lance aussi un appel aux instances de l’ONU
où le FLN réussit à faire inscrire « la question algérienne » à l’ordre du jour de
la Commission politique de l’Assemblée Générale. Les EUA proposent une
médiation qui est cependant rejeté par l’Etat français.
Les choix tactiques du FLN peuvent se résumer par les points suivants :
 Guérilla (massacres de civils, embuscades, utilisation du terrain qu’ils
connaissent à leur avantage et de la population musulmane)
 Terreur urbaine afin de s’implanter à Alger.
 Stratégies pour gagner les musulmans à la cause indépendantiste, y
compris par l’intimidation ou l’élimination des concurrents
« Messalistes » (on peut parler de guerre civile parallèle)
 Obtention du soutien international : la « question algérienne » est à
l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU en 1955.
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C- Les réponses de la métropole après 1954
SUR LES « OPÉRATIONS DE PACIFICATION » FRANCAISES EN ALGÉRIE : CE
DOCUMENTAIRE VISIBLE SUR YOUTUBE À L’ADRESSE SUIVANTE (60 minutes):
http://www.youtube.com/watch?v=jSwZQA-PIdY&feature=related
ET CETTE EMISSION SUR FRANCE INTER (30 minutes):
http://www.franceinter.fr/emission-la-marche-de-l-histoire-saison-2011-2012-la-pacification-enalgerie
L’Algérie tient une place particulière dans l’empire colonial français,
puisqu’elle a le statut de « départements français d’Algérie » et qu’elle est
une colonie de peuplement comptant presque 1 million d’Européens.
Dès le 8 mai 1945 avec les massacres de Sétif et Guelma contre les
nationalistes algériens qui font environ 40.000 morts, la France donne le ton :
le refus de toute réforme. Dès lors, ces massacres exacerbent les rancœurs
de la population musulmane à l’égard de la population européenne d’Algérie
(« pieds noirs »).
Neuf ans plus tard, la Guerre d’Algérie débute.
Entre temps, la France s’est montrée incapable de réformer l’administration
de sa colonie, notamment à cause de la pression exercée par la population
des « pieds noirs ». Tandis que 68.000 combattants musulmans ont participé
à la libération de la France et que des intellectuels musulmans revendiquent
l’égalité des droits, les musulmans d’Algérie continuent d’être considérés
comme des citoyens de 2nde catégorie.
Face aux mouvements indépendantistes, la France répond par des moyens
militaires auxquels l’armée française donne le nom d’ « opérations de
pacification » qui désignent la répression des mouvements indépendantistes
aux de la guerre « non conventionnelle » comme l’usage de la torture.
Résumé :
 Affirmation de l’intégration de l’Algérie à la France.
 Annonce de réformes sans effets notables afin de conserver la
confiance des populations musulmanes.
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 Réponse militaire : « pacification », « maintien de l’ordre ». La réponse
militaire implique l’engagement de forces supplétives musulmanes
(Harkis)
 Guerre psychologique : les musulmans du FLN sont présentés comme
des terroristes.
2. Comment la guerre s’enlise t-elle (1956-1957)?
A- Le tournant de 1956-1957
En 1956, le président du Conseil (Chef du gouvernement) Guy Mollet décide
de faire appel au contingent, ce qui amène à 470.000 le nombre d’hommes
qui sont alors déployés en permanence en Algérie pour répondre aux
attentats qui se multiplient sur tout le territoire et la guérilla gagne les
montagnes.
Au même moment, l’armée française incorpore des supplétifs musulmans
(harkis).
Afin que son combat acquière une audience internationale, le FLN tentent
d’infiltrer Alger pour y mener une campagne terroriste, ce qui conduit à la
bataille d’Alger. Celle-ci a opposé en 1957 à Alger la 10eme division de
parachutistes de l’armée française aux indépendantistes du FLN. Le général
Massu qui dirige les opérations opère en dehors de tout cadre légal afin de
démanteler le FLN. Militairement, la bataille est remportée par l’armée
française qui obtient l’organigramme complet du FLN et peut procéder à
l’arrestation des membres les plus importants.
Toutefois, aux yeux de l’opinion publique française, cette bataille est perçue
comme une défaite moral du fait de l’usage de la torture par l’armée
française contre les civils afin d’obtenir ces renseignements. Dès lors, les
moyens utilisés par l’armée française en Algérie soulève un débat durable en
France métropolitaine et division l’opinion française.
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Résumé :
 Montée en puissance de l’insurrection qui contrôle de vastes régions
de l’intérieur.
 Attribution de pouvoirs de police à l’armée en Algérie et envoi du
contingent.
 Divisions entre musulmans : engagements de « harkis », luttes entre
FLN et Messalistes.
 Bataille d’Alger : défaite du FLN, mais crise morale majeure autour de
l’emploi de la torture.
B- L’utilisation de la torture et les fractures de l’opinion française.
a- L’utilisation systématique de la torture comme arme de guerre.
SUR L’UTILISATION DE LA TORTURE ET DES APPELÉS DU CONTINGENT DANS
LES OPERATIONS DE TORTURE :
http://www.youtube.com/watch?v=-b_kqKQgqp4&feature=relmfu
La torture pendant la guerre d’Algérie a été pratiquée sur les populations
musulmanes par l’armée française et les forces de police dans des
proportions qui, selon les historiens, ont concerné des centaines de milliers
d’Algériens. L’objectif était d’obtenir des renseignements sur les opérations
du FLN et ses membres. Elle fut consacrée et institutionnalisée comme arme
de guerre qui a reçu tous les pouvoirs, lors de la bataille d’Alger en 1957.
L’utilisation de la torture est même théorisée et justifiée dans le cadre d’une
doctrine de « guerre contre-révolutionnaire » en tant que moyen de mener
une guerre asymétrique dans laquelle l’adversaire se dérobe aux catégories
classiques du droit de la guerre (par exemple, il n’y a pas de distinction en
Algérie entre les catégories de combattants et de civils, les combattants se
dissimulant dans la population et étant alors considérés comme des
terroristes). Dans ce cadre, la torture est considérée comme un moyen
légitime de mener la guerre.
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On parle alors d’ « usage du renseignement » et de « guerre psychologique »
et la frontière entre civil et militaire est effacée, c’est-à-dire que la guerre
s’étend au-delà de la sphère militaire et inclut la société civile.
Le 1er juillet 1955, le Ministre de l’Intérieur et le Ministre de la Défense
signent l’ « Instruction No 11 », qui a reçu la peine adhésion du
gouvernement et qui est diffusée dans tous les régiments français d’Algérie,
celle-ci stipule :
« La lutte doit être plus policière que militaire. (…) Le feu doit être
ouvert sur tout suspect qui tente de s’enfuir. (…) Les moyens les plus
brutaux doivent être employés sans délai (…) il faut rechercher le succès
par tous les moyens »
Donc, le pouvoir civil a couvert en toutes connaissances de causes les
militaires dès l’année 1955.
Elle a aussi été employée à une moindre échelle et de manière non
systématique par le FLN et l’ALN (Armée de Libération Nationale). Dans le
cas des tortures réalisées par le FLN, elles visaient à entretenir un climat de
terreur plutôt qu’à obtenir des renseignements. Les principales victimes de
ces tortures sont des supplétifs algériens ou civils algériens fidèles au
gouvernement français. Toutefois, selon les historiens, le nombre de victimes
de l’ALN et du FLN demeure inférieur à celui des victimes torturées par
l’armée française.
b- Les réactions de l’opinion française.
Les premières et l’essentiel des remises en question de l’intervention de
l’armée française en Algérie sont venus d’intellectuels français. Dès 1955,
plusieurs articles dénoncent l’usage de la torture en Algérie :
 Le 13 janvier 1955, Claude Bourdet publie « Votre Gestapo d’Algérie ».
 Le 15 janvier 1955, François Mauriac publie « la Question » dans le
journal L’Express.
 Le 5 avril 1956, Henri-Irénée Marrou dénonce aussi la torture dans un
article publié dans le journal Le Monde : « France, ma patrie ».
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 Début 1957, Pierre-Henri Simon publie « Contre la torture ».
 EN mars 1957, Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde
publie un éditorial contre la torture : «Sommes-nous les vaincus de
Hitler ? ».
 En 1957, l’activiste du Parti Communiste Français et directeur du
journal Alger Républicain, Henri Alleg dénonce l’emploi de la torture
par l’armée français, à partir de sa propre expérience vécue lors de la
bataille d’Alger.
La dénonciation peut même venir des rangs de l’armée, puisqu’en mars 1957,
le général Jacques Pâris de Bollardière publie une lettre dénonçant ces
tortures et il est démis de ses fonctions.
Le 6 septembre 1960, des intellectuels, universitaires et artistes publient le
« Manifeste des 121 », une « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans
la guerre d’Algérie ». Ils cherchent à informer l’opinion française et
internationale du mouvement de contestation contre la guerre d’Algérie. Ils
critiquent l’attitude équivoque de la France vis-à-vis du mouvement
d’indépendance algérien et soutiennent le fait que la population algérienne
ne cherche qu’à être reconnue comme une communauté nationale
indépendante. Ils replacent ce mouvement dans celui plus large de la
décolonisation et dénoncent le rôle surdimensionné qu’a pris l’armée dans ce
conflit.
En ce qui concerne l’opinion publique française, dès le début de la guerre
elle est plutôt hostile aux colonies et à l’idée de colonisation. Elle n’a pas
beaucoup de sympathie pour les « pieds noirs ». Toutefois dans son
ensemble, la population française demeure assez passive tout au long du
conflit. Les oppositions véritables à l’intervention armée française et aux
pratiques de l’armée française sont restées cantonnées aux intellectuels. Dès
le début de la guerre, la majorité des Français pense qu’il faut se résigner à
perdre la colonie algérienne comme les autres et lorsque de Gaule assume le
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pouvoir en 1958, les Français lui font plutôt confiance pour rétablir la paix et
accepter l’indépendance e l’Algérie.
3. Dans quelles conditions le général de Gaulle met-il fin à la
guerre (1958-1962)
A- L’appel au Général de Gaulle et l’espoir d’en finir avec la guerre
Dès son arrivée au pouvoir, de Gaulle nouveau chef du gouvernement ainsi
que le président René Coty demandent aux Français le 28 septembre 1958 de
ratifier la nouvelle Constitution qui pose les fondements de la 5eme
République. Celle-ci est ratifiée par 75% des électeurs.
De Gaulle annonce alors un vaste plan d’investissement en Algérie (le plan de
Constantine), laissant entendre un engagement durable de la France en
Algérie. Ce plan était destiné à affaiblir politiquement le FLN. Ses principaux
objectifs sont la construction de logements, la redistribution des terres, le
développement de l’irrigation, la création de 400.000 emplois industriels, la
scolarisation de tous les enfants, l’emploi dans une proportion accrue de
français musulmans. Cependant, à ce moment de la guerre, ce plan ne peut
plus ramener la paix.
B- Le tournant de l’autodétermination
Le 16 septembre 1959, de Gaulle ouvre dans un discours la voie à
l’autodétermination du peuple algérien. Il annonce que tous les Algériens
auront à se prononcer sur leur avenir selon 3 options : l’indépendance
complète, la francisation conduisant à un unique Etat avec égalité des droits
de toute la population, ou un gouvernement autonome en Algérie en
association avec la France qui conserverait ses prérogatives en matière
d’économie, d’enseignement, de Défense et d’Affaires étrangères.
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De Gaulle ne cache pas son hostilité aux deux premières options. Selon lui, la
1ere risque de conduite à un Etat communiste et la 2nde serait impossible.
Mise en place du Plan Challe : A partir de 1959, le général Challe est nommé
commandant militaire de l’Algérie et espère asphyxier les maquis de l’ALN,
branche armée du FLN à l’aide d’une série de grandes opérations militaires.
Ces opérations comprennent en outre la mise en pace de centres de
regroupement des populations situées dans les zones rurales afin d’isoler les
unités du FLN et de les priver de leur principal soutien. Au cours de ces
opérations de nombreux villages sont détruits et des régions sont vidées.
Dans un 1er temps, ces opérations affaiblissent l’ALN, mais celle-ci s’adapte
et réussit à se réorganiser et à reconstituer des réseaux dans les régions
pacifiées avec a fin de l’année 1960.
Dans ce contexte, le gouvernement français entame des négociations. Le 8
janvier 1961, par un référendum sur l’autodétermination en Algérie organisé
en métropole et en Algérie, les électeurs s’étaient prononcés à plus de 70 %
en faveur de l’autodétermination. C’est alors que des négociations secrètes
avaient été ouvertes entre le gouvernement français et le Gouvernement
Provisoire de la République Algérienne (GPRA) lié au FLN.
Une partie des cadres de l’armée, qui avaient mené 7 années de combats se
sentit trahie par le général de Gaulle et voulut s’opposer par un coup e force
aux projets d’indépendance de l’Algérie.
Le 23 avril 1961 quatre généraux (Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul
Salan et André Zeller) conduisent une tentative de coup d’Etat (« Putsch des
Généraux » ou « Putsch d’Alger »). Immédiatement après, le Général de
Gaulle prononce un discours télévisé appelant les soldats à refuser le coup
d’Etat et, conformément à l’article 16 de la Constitution el se saisit des pleins
pouvoirs. Des unités d’appelés du contingent refusent d’obéir aux ordres des
mutins et se soulèvent à leur tour et arrêtent les officiers putschistes. En
métropole, des volontaires parmi lesquels on trouve des anciens de la
Résistance, se rassemblent à Paris pour soutenir le Général de Gaulle. Les
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syndicats décident d’une grève générale en signe de protestation contre le
Putsch et sont suivis massivement. Puis, progressivement, le 26 avril, les
troupes qui avaient suivi les généraux putschistes, se rendent. Le Général
Challe se rend aux autorités. Le Putsch a échoué.
C- Les Accords d’Evian, le bilan de la guerre et les suites de
l’indépendance
Entre le 7 et le 18 mars 1962 se tiennent à Evian des négociations entre les
représentants du gouvernement français et ceux du GPRA. Des accords sont
signés le 18 mars et se traduisent immédiatement par un cessez-le-feu
applicable sur l’ensemble du territoire algérien. Ils furent approuvés, lors du
référendum du 8 avril 1962 par 90% des votants de France métropolitaine,
les électeurs des départements d’Algérie étant exclus du scrutin.
Outre, un accord de cessez-le-feu, ces accords prévoient l’organisation d’un
référendum d’autodétermination dans un délai minimum de 3 mois et
maximum de 6 mois.
Ces accords mettent fin à plus de 7 années de guerre. La France y a déployé
400.000 hommes. Entre 250.000 et 400.000 Algériens ont été tués (500.000
selon l’Etat algérien). Du côté français, on compte 28.500 soldats français
morts, entre 30.000 et 90.000 harkis et entre 4.000 et 6.000 civils européens.
Le référendum d’autodétermination est organisé le 1er juillet 1962. Les
électeurs (citoyens résidants en Algérie, européens et musulmans) ont à se
prononcer sur la question suivante : « Voulez-vous que l’Algérie devienne un
Etat indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par
les déclarations du 19 mars 1962 ? ». Le OUI l’emporte par 99,72% des
suffrages. Le 3 juillet, le général de Gaulle reconnait l’indépendance de
l’Algérie.
Au lendemain de l’indépendance, les « Pieds noirs » sont rapatriés en France
métropolitaine, ainsi que de nombreux harkis.
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CONCLUSION : Un passé qui ne passe pas.
De nombreux aspects de la guerre d’Algérie sont encore aujourd’hui l’objet
de débats, comme l’atteste l’abondance des productions de la recherche
historique sur ce conflit. La question de la torture et de sa justification suscite
notamment de nombreuses controverses.
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