Bernard Villers: En couleur, l`envers vaut l`endroit

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Bernard Villers: En couleur, l`envers vaut l`endroit
Bernard Villers: En couleur, l'envers vaut l'endroit
Après Rennes l'automne dernier et
avant le partage avec quc1<1ucs
dizaines d'amis de l'espace du C021
et une exposition au Centre de la
gravure et de l'image imprimée de
La Louvière, Bernard Villers a présenté ses peintures à la Maison de la
Culture de Namur. L'occasion de se
pencher sur une œmTc tout à la fois
exigeante, optimiste et généreuse.
Halfen half
Avez-vous déjà goûté à un « Half en
half » ? C 'est un apériti f traditi onne l
bru xe lloi s fa it de mo iti é vin bl a nc ,
mo itié mousseux que le garçon sert en
direct, une bouteille dans chaque main .
Cela donne une bo isson transparente ,
lé gè re me nt te in tée de j a un e pâ le e t
ag ré me ntée d e bull es di scrètes . Le
breuvage se laisse bo ire et fa it rapidement monter le rose aux joues .
« Half en half » c ' est le titre générique
que Bernard Vi llers et Pierre Toby ont
donné à leur exposition à la Maison de
la C ulture de Namur ou , du mo in s à
l'entrée en matière de leurs expositions
indi vidue lles intitulées « De l' impermanence » pour Toby e t « L ' e nvers
va ut l 'e nd ro it » p o ur Vill e rs .
L'ensemble ouvre à toutes les couleurs
(et bie n plus soutenues qu e celles de
l' apériti f ou de ses effets) qui sont au
centre de l'œuvre des deux arti stes.
Dans le hall d ' entrée, les peintures de
Bernard Villers appartiennent à la série
« lridescence », les surfaces sont couvertes d ' une pe inture particulière qui
p ro duit un e ffe t mi ro ir et ré fl éc hit
l' e space to ut e n créant un e ce rta ine
in ce rtitud e qu a nt à la co ul e ur. Les
pe intures de Pierre Toby , comme à son
habitude, sont fa ites sur un support de
verre. En trava ill ant le verso , l'arti ste
trav aille à l' ave ug le , n'ayant accès au
ré s ul ta t qu e lo rsqu e la pe inture es t
sèc he.
La co nfu s io n e ntre les de ux a rti stes
(mais c'est aussi celle de la boisson :
est-ce un vin pétill ant ou un vin plat ?)
qui augura it d ' un accrochage singulier
n ' a ll ait pas au-d e là de l' entrée et le
spec tateur ava it alo rs à traverser les
es paces commun s et un peu vi e illots
de la maison de la culture pour retrou-
ve r les de u x pe int res , c hac un d a ns
sa» pièce au premier étage.
L ' avantage de cette réunion, sui vie de
cette séparati on, permettait de mesurer
ce que les deux pe intres o nt en co mmun pour mieux faire ressortir ce qui ,
plu s fo ndamentale ment , les sé pare et
fo nde leur singul arité. Le désavantage
d e ce tt e ruptur e e nt re les es paces
d 'ex position avait auss i po ur effet de
casser le concept d ' ex position réuni ssa nt deux maîtres de la co ule ur et de
renvoyer l'approche du travail de chacun à un accrochage un peu convenu et
malheureusement typique des maisons
de la culture francophones .
C ' es t ain s i qu e le trava il d e Pi e_rre
Toby, qui relève d ' une certaine ascèse,
s' inscri vait dans un grand espace vitré .
Chacune de ses peintures renvo ie à la
foi s au photographique et au c inématographique : elles sont en même temps
filtre co loré e t écran . L ' es pace e t le
spectateur sont en permanence les éléme nts mouvants qui anime nt les surfaces monochromes révélant une virtu a lité presque infinie au sein d ' une
couleur forte et précise .
«
Couleurs et plis
La pe inture de Be rn a rd V ill e rs est à
classer, à premi ère vue, dans la catégorie , sérieuse et quelque peu hermétique
du mo nochrome . La définir de la sorte
reviendrait à n' avo ir jamais approché
ni l'homme , ni l'œuvre !
Les titres de qu e lq ues -unes de se s
ex positions réce ntes - « La carte du
te ndre » , « U ne imp ress io n pe rs istante », « La nécessité du hasard » , «
La co nju ra ti on des co ul e urs » , « La
vue en rose », « Rose c 'est la vie » e n d ise nt déj à un pe u plu s sur cett e
œuvre : il y est question de te ndresse,
de jeux de mots , de situ ati ons pote nti e ll e me nt roma nesqu es . Le titre de
cette ex position namu ro ise , « L'enve rs
va ut l'endroi t », est une loc uti o n fam ili è re. E ll e évoqu e to ut à la fo is le
pa lin dro me et le mo tif du re nve rseme nt. Si l'envers vaut l'e ndro it , peutê tre alors do it-o n partir d u mili e u , à
savo ir du lieu de joncti on des surfaces.
Les pe intures que Villers montra it ic i
étaient fa ites de quadrilatères inégaux
do nt un e parti e se dé tac hait du mur
comme un pli dans le panneau . Ainsi
qu ' il l' ex plique « qu a nd je pe in s, j e
pe ins sur un para llé logramme . Je fa is
e n s uit e un e d éco up e légè re m e nt
oblique sur toute la longueur d ' un des
côtés . La bande que j 'obtiens ainsi, je
la réutilise en la reportant au dos. Elle
va ainsi déterminer une certaine inc lina iso n de la pe inture . Ce n' est do nc
plus un parallélogramme mais un trapèze rec ta ng le. A pre mière vu e, ces
pe intures o nt l' a ir très sages mais le
fa it que le plan de celles-ci ne soit plus
parallè le au mur c rée une es pèce de
malaise et d ' indécision. On est invité à
voir le profil de ces pe intures et à
constater qu ' elles déc rochent par rapport au mur, qu 'e lles sont en saillie ».
Le ta bl ea u pre nd don c pl ace d a ns
l'espace et crée sur le mur autour de
lui un jeu d ' ombres colorées. Parfo is ,
le pli est marqué : le champ du panneau est laissé nu et s' exhibe .
Sur une partie d ' un mur, les tableaux
so nt regro up és p a r co ul e ur s - un
camaïeu de jaunes, plus loin , un violet
affronte un rouge en symétrie . La peinture de Bernard Villers peut aussi quitter le mur co mme ces volumes articulés d o nt c haqu e p a nn e au es t pe int
d ' un e co ul e ur uni fo rm e , m a is qui
reçoit les refl ets de celles qui s' articulent à elle . Ces paravents sont comme
des li vres 1 géan ts ouverts où l'on peut
lire les rencontres entre les couleurs et
la lumière. Comme Georges Perec (un
auteur qu' il admire) pratiqu ait la « tentati ve d 'épui ser un lieu parisien » , Villers te nte d 'épui ser toutes les occu rre nces d e la co ul e ur. D es co ul e ur s
qu' il cho isit en fo ncti on de le urs noms,
« Te rre de Sie nne » , « ble u d ' Outre mer », « Jaune du Sénéga l » racontent
déjà le voyage . Des coule urs qu ' il fa it
parl er en modifi ant la lumière sur une
s ur face uni e ( pli e r la s ur face , la
co nfronter à un e autre). Des surfaces
qu'il trou ve o u qu ' il mod ifie comme
ces panneaux percés de deux trou pour
y g li sse r les ye u x qui d ev ie nn e nt
masques géants ou boucli ers malins. Il
peut aussi la isser la couleur vivre sa
vie (et on se rend compte alors qu ' elle
es t pl e in e d ' in a tt e ndu s) co mm e il
l' avait fa it il y a un an, à Marchin , en
Pierre qui roule, Centre culturel de Ma rchin © Daniel Dutrieux
endu isant des pie rres de pe in ture acryli q ue e t e n les fa isa nt ro ul e r su r un e
fe uill e qu i devient ainsi le support des
empre intes de le urs mouve ments .
En se déd iant ù la co uleur, le plus élémenta ire et le pl us fe rtil e des moyens
de la pe int ure, Be rn ard Vill e rs c rée
une œ uvre solide , heureuse et féconde
à (re)découvrir de toute urgence .
Colette Dubois
Bernard Villers, " Rose c'est la vie '"du 8 au 23
mai C02 1, rue de Tamines. 21, 1060 Bruxelles.
0485/16 17 83.
Les édi tio ns du Remorque ur et Le Nouveau
Remorqueur, du 4 au 30 juin, Centre de la gravure
et de lïmage imprimée de La Louv ière.
1 L'artiste est égalemem un fabricant de livres,
avec les éditio ns du Remorqueur et du Nouveau
Remorqueur.

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