L`Initiative contre les maladies Diarrhéiques et Entériques en Afrique
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L`Initiative contre les maladies Diarrhéiques et Entériques en Afrique
Médecine d’Afrique Noire Mai 2012 L’Initiative contre les maladies Diarrhéiques et Entériques en Afrique : Une contribution à la lutte contre le choléra A.L. ASSOGBA¹, E. EHUI², M.F. MAIGA³, B. MIBULUMUKINI4, C.T. N’DOUR5, E. N’GUETTA NIAMKE EBOUA6, R.V. RANDREMANANA7, J. SEHONOU8, E. SEUKAP9, J. TAGUEBUE10, K. TOURE11, L. HESSEL12 et les membres d’IDEA12 Résumé Les maladies diarrhéiques représentent la troisième cause de décès par maladie infectieuse après les maladies respiratoires et le SIDA. Parmi elles, le choléra est toujours un problème majeur de santé publique. L’Organisation Mondiale de la Santé estime entre 3 et 5 millions le nombre de cas de choléra enregistrés tous les ans dans le monde et de 100.000 à 120.000 le nombre de personnes qui meurent de cette maladie. Cette situation est particulièrement critique dans la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne où la maladie sévit sur les modes endémiques et épidémiques, avec des taux de mortalité encore trop élevés malgré les efforts engagés aux niveaux nationaux et internationaux. Il est nécessaire que des acteurs sanitaires du continent africain se mobilisent pour contribuer à l’amélioration de cette situation. C’est pourquoi l’Initiative contre les maladies Diarrhéiques et Entériques en Afrique (IDEA), constituée d’acteurs sanitaires et scientifiques de 7 pays francophones (Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Madagascar, Mali, République Démocratique du Congo et Sénégal) s’est réunie à Dakar, Sénégal, du 7 au 10 novembre 2011, puis à Accra, Ghana, du 25 au 27 avril 2012. Après avoir analysé la situation de façon globale et au niveau des situations locales, il s’est fixé pour mission de contribuer à la lutte contre le choléra et les maladies diarrhéiques. En tant que groupe consultatif, multidisciplinaire et indépendant, l’IDEA s’emploiera à réfléchir, analyser, mobiliser, sensibiliser, conduire et/ou soutenir toutes les initiatives nécessaires à la réussite de sa mission. Il le fera à travers une approche multisectorielle basée sur son expertise, la collecte et l’analyse de faits objectifs, et des échanges avec les partenaires nationaux et internationaux impliqués dans la lutte contre ce fléau. Dans les 12 mois à venir, IDEA va mettre en place un plan d’action dans les domaines qu’il estime prioritaires tels que l’évaluation du poids réel du choléra sur les plans sanitaires, économiques, sociaux et culturels, les efforts de recherche opérationnelle et les approches nécessaires à la sensibilisation des décideurs et des acteurs de terrain afin de disposer des ressources nécessaires à la lutte contre cette maladie. Abstract Enteric diseases represent the third cause of death by infectious diseases in the world just after respiratory diseases and HIV. Among them, cholera remains a major public health issue. The World Health Organization (WHO) estimates that 3 to 5 million cholera cases occur every year, leading to 100.000 to 120.000 deaths. This situation is critical in Sub-Saharan Africa where the disease is both endemic and epidemic. Despite current national and international efforts, the morbidity and mortality rates remain high and represent a significant burden in the region. To contribute to the improvement of the situation a unified group of 11 scientific and medical experts from 7 French-speaking African countries (Benin, Cameroon, Ivory Coast, Madagascar, Mali, Democratic Republic of Congo and Copyright © 2012 APIDPM Santé tropicale. Tous droits réservés 1. Ministère de la santé. Cotonou, Benin 2. UFR Sciences Médicales, Univ. Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire 3. Direction Nationale de la Santé, Bamako, Mali. 4. CSO SANRU, Kinshasa, République Démocratique du Congo 5. CHU de Fann et Univ. Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal 6. Sce surveillance épidémiologique. Inst. National d’Hygiène Publique, Abidjan, Côte d’Ivoire 7. Unité d’épidémiologieInstitut Pasteur de Madagascar, Antananarivo 8. Hôpital d’Instruction des Armées, Cotonou, Bénin 9. Ministère de la santé, Yaoundé, Cameroun 10. Centre Mère et Enfant de la Fondation Chantal Biya, Yaoundé, Cameroun 11. Direction Nationale de la Santé, Bamako, Mali 12. IDEA. LSL-Consult, Lyon, France Mots-clés : Maladies diarrhéiques, choléra, santé publique, prévention, vaccins • L’initiative contre les maladies... • Senegal) convened in Dakar, Senegal in November 2011 and in Accra, Ghana in April 2012, to constitute the Initiative against Diarrheal and Enteric diseases in Africa (IDEA) and to set up its work plan. Following an in-depth analysis of global and local situations, it decided to contribute to improve the control and prevention of cholera in the region. As an independent, multidisciplinary group, the IDEA will share information, analyze relevant issues, raise disease awareness and suggest appropriate measures in order to support formulating policies required to improve disease control and prevention in the region. The Bureau will work through a multi-sectorial approach based on its expertise, through the collection, analysis and dissemination of evidence-based data and by establishing linkages with national and international stakeholders involved in the fight against this scourge. Within the coming year, IDEA is going to implement a plan of action focusing on some priority areas such as the assessment of the actual medical, public health, socio-economic and cultural burden of cholera, the identification of the needs for operational research efforts and the best advocacy approaches to improve awareness of decision-makers and field actors to allocate necessary resources to support cholera and enteric diseases management, control and prevention. Introduction Les maladies “entériques” ou “diarrhéiques” représentent la deuxième cause de mortalité chez l’enfant de moins de 5 ans avec 2,5 milliards de cas et 1,5 millions de morts tous les ans, soit plus que le SIDA, le paludisme et la rougeole réunis (1). Troisième cause de décès par maladie infectieuse tous âges confondus après les maladies respiratoires et SIDA, elles ont en commun un certain nombre de facteurs cliniques, épidémiologiques, thérapeutiques et en matière de prévention, justifiant une approche multidisciplinaire et multisectorielle. Dès 1980, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a mis en place un programme mixte de recherche et d’intervention (Programme de contrôle des maladies diarrhéiques), puis a créé en 1990 la Division des Maladies Diarrhéiques et Respiratoires qui couvre l’épidémiologie, la prise en charge, la prévention et les stratégies d’intervention, principalement orientées sur la santé de l’enfant (2). Parmi les maladies entériques, le choléra est toujours une pathologie d’actualité, mais dont on n’aime pas beaucoup parler. Il s’agit effectivement d’un fléau récurrent depuis l’antiquité. La pandémie actuelle qui a débuté en 1961 est la 7° pandémie de l’époque moderne. Touchant tous les âges, elle reste largement liée aux conditions de vie, à la pauvreté, au 252 Keywords: Diarrheal diseases, cholera, public health, prevention, vaccines manque d’hygiène et à l’absence d’eau potable. Morbidité et mortalité sont sous-estimées du fait de la sous-notification des cas, de risques accrus lié aux changements climatiques, de l’émergence de nouveaux mutants plus virulents (variant O1 El Tor) ou de l’antibiorésistance. L’incidence annuelle du choléra est évaluée à 4/1000 en Afrique et Asie et jusqu’à 9/1000 chez les moins de 5 ans, avec une létalité de 4% et plus (3). Mais, de façon inquiétante, la situation ne s’est pas améliorée globalement au cours des dernières années. C’est en Afrique qu’elle est la plus préoccupante (4, 5). Pratiquement tous les pays de l’Afrique subsaharienne sont en situation épidémique et 36 des 48 pays ayant rapportés des cas en 2008 provenaient de cette région (7). Au cours des dix dernières années, avant la survenue d’une forte épidémie en Haïti (8), plus de 90% des cas rapportés au niveau mondial étaient d’origine africaine. C’est aussi dans cette région que les taux de létalité restent les plus importants, excédant souvent largement le seuil de 1/100 cas, seuil OMS témoignant de la qualité de la prise en charge des cas. Les conflits et les mouvements de population ont en particulier favorisé certaines épidémies récentes. En 1994, le choléra aurait tué 23.800 personnes dans les camps de réfugiés rwandais installés au Congo soit 30% des personnes infectés. • Médecine d’Afrique Noire • 2012, Vol.59, N°5 • Copyright © 2012 APIDPM Santé tropicale. Tous droits réservés • L’initiative contre les maladies... • Le Zimbabwe en 2009 et le Nigeria en 2010 ont Face à cette situation, qui persiste malgré les connu des épidémies de choléra. De nouvelles efforts engagés aux niveaux nationaux et inter- variantes de souches de choléra ont été détec- nationaux, Il est nécessaire que des acteurs tées dans plusieurs régions d’Afrique et d’Asie, sanitaires du continent africain accentuent leur ces souches seraient plus virulentes et auraient mobilisation. L’Initiative contre les maladies un taux de létalité plus important. Diarrhéiques et Entériques en Afrique (IDEA) s’est donc fixé pour mission de contribuer à la Ceci est d’autant plus préoccupant que le cho- lutte contre les maladies diarrhéiques, en s’in- léra peut être traité de façon efficace et stan- téressant tout d’abord au choléra. En tant que dardisée par réhydratation (orale et parenté- groupe consultatif multidisciplinaire et indépen- rale) avec ou sans antibiothérapie associée, dant il veut s’employer à réfléchir, analyser, contrôlé par un certain nombre de mesures à mobiliser, sensibiliser, conduire et/ou soutenir court, moyen et long terme, complémentaires, toutes les initiatives nécessaires à la réussite de synergiques et multidisciplinaires, et éliminé cette mission. Il le fera par une approche multi- dans les régions qui maintiennent des condi- sectorielle, basée sur son expertise, sur la col- tions d’hygiène satisfaisantes pour l’ensemble lecte et l’analyse de faits objectifs et les échan- de la population. Par contre, on sait aussi que ges avec les partenaires nationaux et interna- ce fléau peut aussi être aggravé par la faillite tionaux impliqués dans la lutte contre ce fléau. des systèmes de santé et des infrastructures Ce groupe s’est inspiré du succès de l’initiative sanitaires, les catastrophes naturelles, les prise en 2008 pour intensifier la lutte contre la conflits et les mouvements de populations. rage en Afrique. Le Bureau Africain des Experts de la Rage, AfroREB, est un réseau constitué Afin de coordonner les activités de lutte contre de spécialistes de la rage de 14 pays franco- le choléra et à la suite de la résolution adop- phones (10). AfroREB se réunit régulièrement tée par la 44° Assemblée Mondiale de la Santé pour travailler sur des projets conduits sur le (résolution WHA 44.6) l’OMS a crée en 1992 continent Africain, échanger des expériences un groupe de travail, le Global Task Force on cliniques et de santé publique, et émettre des Cholera Control (9). Travaillant en partenariat recommandations auprès des autorités natio- avec les organismes gouvernementaux et non- nales et internationales (www.afroreb.org). gouvernementaux et les institutions scientifiques, il a émis un certain nombre de recom- Lors de sa première réunion à Dakar en mandations et de supports de formation desti- novembre 2011, après une revue globale de la nés aux professionnels de santé et au grand situation dans le monde, le groupe IDEA a plus public dans les zones endémiques. Ses priori- précisément analysé les situations nationales tés sont l’amélioration de la surveillance épidé- afin de définir les axes d’intervention prioritai- miologique, le soutien technique aux efforts res et les actions à conduire. Une seconde entrepris aux niveaux nationaux et régionaux, réunion s’est tenue à Accra en avril 2012, avec ainsi que la liaison entre le secteur de la santé la participation de plusieurs pays africains et celui de l’environnement en vue d’améliorer anglophones à l’issue de laquelle ont été pré- l’accès à l’eau potable. Le groupe s’intéresse cisés les domaines-clés d’intervention sur les- aussi aux possibilités offertes par la vaccina- quels IDEA pourrait agir. tion dans la lutte contre la maladie dans les Ce sont ces conclusions qui sont présentées ci- zones et les groupes à plus haut risque. dessous. • Médecine d’Afrique Noire • 2012, Vol.59, N°5 • Copyright © 2012 APIDPM Santé tropicale. Tous droits réservés 253 • L’initiative contre les maladies... • Que savons-nous en novembre 2011 et qu’aimerions-nous savoir ? En matière d’épidémiologie, le choléra est un problème majeur de santé publique en Afrique sub-saharienne, touchant toute la population (rurale/urbaine, toutes classes sociales, tous âges et sexes) avec une létalité forte. Des épidémies sont en cours dans tous les pays participants, sur fond endémique, sauf à Madagascar. Il s’agit d’épisodes récurrents depuis plusieurs années, mais pour lesquels on ne dispose pas toujours de chiffres précis ni de définition uniforme des situations endémiques ou épidémiques, voire même des cas de choléra. Cette sous-notification touche en particulier les cas non-graves. Certains facteurs de risque sont constamment retrouvés : climatiques (sécheresse ou saison des pluies), démo- Pour ce qui concerne la surveillance, la définition des cas de choléra semble peu adaptée au terrain en cas d’épidémie, en particulier chez l’enfant de moins de 5 ans. La confirmation des cas quant à elle butte sur l’insuffisance de laboratoires et sur des problèmes logistiques. Si des systèmes de collecte et de notification, parfois obligatoires, sont en place, ils sont souvent peu fonctionnels pour diverses raisons : insuffisance de structures de proximité ou de disponibilité de réactifs, réseaux peu fonctionnels, difficultés d’acheminement des échantillons, absence de laboratoires mobiles ou de méthodes de diagnostic rapide. Tout ceci est source d’investigation incomplète des cas index et de nouveaux foyers et globalement d’une sous-estimation de la situation. S’y ajoute le manque d’échanges de données entre pays gênant considérablement les prises de décision en matière d’intervention transfrontalières. graphiques (mouvements de population), urbanisation, insalubrité et faible hygiène, approvisionnement en eau potable et en aliments sains, absence d’infrastructures d’assainissement. S’y ajoutent des facteurs socio-culturels, religieux (pèlerinages et rassemblements), économiques et politiques qui peuvent constituer un obstacle au partage d’informations entre pays et avec l’OMS. De fait, l’impact des différents facteurs sanitaires et socio-économiques ne sont pas réellement quantifiés et ne permettent pas de sensibiliser l’opinion publique et mobiliser le pouvoir politique et les décideurs. Enfin, plusieurs aspects épidémiologiques méritent d’être clarifiés, tels que le rôle joué par les porteurs sains dans le déclenchement des épidémies, celui des enfants au moment des pics épidémiques et celui de l’immunité naturelle dans la protection des populations. Ceci per- La gestion des épidémies s’appuie dans tous les pays sur des comités spécialisés. Si leur rôle est bien défini, ils sont peu fonctionnels, réactifs et non proactifs, et la planification à long terme est peu performante. On constate des difficultés à constituer des équipes d’intervention dans des délais optimaux et l’insuffisance de la coordination des actions gouvernementales. En matière de logistique, on déplore l’absence de ligne budgétaire dédiée et de fonds “épidémies et catastrophes” de même que le manque de disponibilité en quantité et en temps du matériel nécessaire pour faire face à l’épidémie. Il en est de même pour la gestion des stocks. Les ressources humaines existent mais elles sont souvent jugées insuffisantes en qualité ou en quantité, mal réparties et/ou exclusivement mobilisables en période épidémique. mettrait de comprendre les raisons de la persistance de phénomènes épidémiques dans certains pays par rapport à d’autres ayant des situations identiques d’accès à l’eau. 254 Dans le cadre de la prise en charge des malades, il s’avère que les soins nécessaires ne sont pas toujours assurés de façon per- • Médecine d’Afrique Noire • 2012, Vol.59, N°5 • Copyright © 2012 APIDPM Santé tropicale. Tous droits réservés • L’initiative contre les maladies... • manente et qu’en cas d’épidémies on manque de sites dédiés au plus près des foyers épidémiques. En effet, les structures de soins existantes ne prennent pas toutes en charge le choléra, les délais de prise en charge sont souvent trop longs et les protocoles thérapeutiques non respectés. C’est le cas des directives OMS pour l’antibiothérapie, en général réservée aux cas sévères, ou l’antibio-prophylaxie dont les pratiques diffèrent suivant les pays. Plusieurs aspects sont à documenter et analyser de façon plus précise : doit-on centraliser ou décentraliser la prise en charge des malades ? Comment sont appliqués les protocoles de soins ? Sont-ils efficaces ? La gratuité de la prise en charge est favorable mais le problème de stock de traitements se pose rapidement. Enfin, quoique définie, la prise en charge des cadavres n’est pas toujours respectée. Les mesures préventives sont en général largement sous-évaluées. L’amélioration de l’approvisionnement en eau reste très insuffisante. Le constat est le même pour les infrastructures d’assainissement et de gestion des déchets. Globalement l’appréciation en termes de bénéfices sanitaires et économiques de chacune de ces mesures préventives manque cruellement. Des programmes d’éducation existent dans tous les pays mais ils ne sont pas mis en œuvre de façon suffisamment proactive. En matière d’information des populations, il est nécessaire d’utiliser des supports de communication touchant le plus grand nombre en particulier les personnes relais de communication traditionnels dans les communautés. Enfin, l’insuffisance de la connaissance des données existantes déjà mentionnée rend difficile une communication efficace et pertinente entre acteurs de terrains, partenaires et gouvernements. Quant à la place de la vaccination, malgré les progrès récents et la disponibilité de vaccins efficaces et bien tolérés (3), elle est méconnue en l’absence de stratégies d’utilisation définies et de recommandations OMS ou nationales. Le contexte socioculturel, politique et financier fait aussi partie des éléments-clés de la lutte contre la maladie. Si le soutien des partenaires internationaux est important, les appuis gouvernementaux sont insuffisants avec le risque d’une “utilisation” des partenaires externes pour pallier une faible mobilisation interne. La communication entre acteurs internes et/ou externes, multisectoriels est insuffisante. Des enjeux politiques forts, tels les flux de population transfrontaliers peuvent ralentir la mise en œuvre des politiques nécessaires. Il faut aussi souligner le poids de croyances culturelles ou religieuses sur l’acceptation des moyens de lutte et de prévention. Enfin, face à une faible mobilisation au niveau communautaire, force est de constater, dans un contexte de budgets de santé réduits et de conflits de priorités, la difficulté de financer les programmes de prévention et des plans de contingences en dehors des épidémies. Que pouvons-nous faire ? En matière d’épidémiologie et de surveillance, il convient d’actualiser et de standardiser au niveau régional la définition des termes “épidémie”, “endémie” et des cas de choléra, de recenser les données existantes et les études en cours, de les analyser et de les diffuser. Ce travail permettra de proposer des thèmes d’études épidémiologiques et/ ou de collaborer à des programmes existants, tel qu’Africhol, programme destiné à améliorer la surveillance épidémiologique : (www.africhol.org), de même que de plaider pour la mise en place de mesures environnementales et d’assainissement, et/ou de proposer une assistance technique. Les thèmes principaux à étudier sont l’identification des facteurs de risque, les conséquences sanitaires • Médecine d’Afrique Noire • 2012, Vol.59, N°5 • Copyright © 2012 APIDPM Santé tropicale. Tous droits réservés 255 • L’initiative contre les maladies... • des épidémies et de leur impact sur l’économie locale et régionale. Le partenariat entre les autorités de santé locales et régionales, et les institutions de recherche nationales et/ou internationales s’impose alors que demeure posée la question du financement de ces travaux. Concernant la prise en charge et la gestion des épidémies, préparation et anticipation sont à améliorer. Qu’il s’agisse de la disponibilité et du pré-positionnement des médicaments et consommables médicaux, désinfectants, réactifs laboratoire grâce une meilleure estimation des besoins pendant les périodes épidémiques, ou de l’harmonisation des critères requis pour une prise en charge optimale du choléra sous forme de recommandations et de guidelines. Préparer la riposte aux flambées épidémiques, c’est mieux informer, en dehors des flambées épidémiques, le pouvoir politique, les gestionnaires de programmes et les partenaires extérieurs sur la situation épidémiologique, sur le lien entre le choléra et d’autres maladies et sur la synergie des interventions possibles et nécessaires. C’est globalement la mise en place de plans nationaux intégrés et opérationnels de prise en charge, contrôle et prévention du choléra, intégrant la formation initiale et continue des personnels de santé, la diffusion des outils de gestion, l’activation des comités de gestion des épidémies au niveau local, ou la mise en place de plans de communication en période inter-épidémique. Un accent particulier sera mis sur la collaboration et la participation des communautés à toutes les étapes de la gestion des épidémies. Une communication spécifique doit aussi être établie en période épidémique par rapport aux périodes inter-épidémiques évoquées cidessus. Son but est de sensibiliser et mobiliser les acteurs locaux, notamment politiques, par la connaissance de données objectives, sani- 256 taires et socio-économiques. Il conviendra d’insister aussi sur les synergies d’action et le bénéfice d’une lutte intégrée contre plusieurs fléaux (paludisme, ETEC, parasitoses…). Ce plan de communication entre partenaires de santé suppose des supports d’échange d’information (site internet), des points focaux (portes-parole) chargés d’élaborer et de diffuser des messages adaptés à l’audience en utilisant tous les canaux de communication, d’entretenir des relations régulières avec les médias (ateliers journalistes…), le tout en liaison avec les organismes officiels. La communication doit mettre à contribution les leaders d’opinion religieux, politiques et communautaires au niveau local et national, mais aussi de façon transfrontalière ainsi qu’avec les organismes internationaux (OMS, OOAS) et la communauté scientifique. Quant aux mesures préventives, si hygiène et assainissement en sont les bases, il est important de déterminer leur place et le coûtbénéfice des différentes façons de les appliquer dans des perspectives à court, moyen et long terme, en particulier aux niveaux décentralisés, locaux et régionaux. La vaccination est en phase de s’intégrer dans cet arsenal. Il est aussi important d’en préciser la valeur et la place afin d’en favoriser l’introduction sans porter préjudice aux autres approches de fond. De façon plus globale, le renforcement des capacités et la mobilisation des ressources humaines, matérielles et financières est nécessaire. Elle passe par la formation, l’éducation et le recrutement de personnes dédiées et adaptées, et la mise en place et la maintenance de plateaux techniques. Pour convaincre les décideurs et financeurs de fournir les ressources nécessaires il faut leur apporter des informations pertinentes, leur montrer que les interventions ne sont pas nécessairement coûteuses et qu’elles représentent un investissement ren- • Médecine d’Afrique Noire • 2012, Vol.59, N°5 • Copyright © 2012 APIDPM Santé tropicale. Tous droits réservés • L’initiative contre les maladies... • table sur le long cours. Mais tout n’est pas du ressort des autorités sanitaires. Le développement et le renforcement d’une approche multisectorielle de la lutte contre le choléra est indispensable. Conclusion L’analyse des données présentées et les échanges d’expérience et de pratique dans le domaine de la lutte contre le choléra dans les pays représentés ont convaincus les membres de l’Initiative contre les maladies Diarrhéiques et Entériques en Afrique de la nécessité de soutenir, mettre en œuvre et/ou de coordonner des mesures préventives nouvelles ou adaptées contre le choléra en complément des approches existantes. Comme l’écrivait récemment David SACK, “Les controverses sur la meilleure façon de contrôler les épidémies de choléra ont assez duré… Chacune des interventions possibles est nécessaire pour réduire l’incidence du cholera et sauver des vies” (11). Références Trois domaines d’activité sont prioritaires : • Sensibiliser et mobiliser les décideurs, responsables politiques et acteurs de terrain afin de disposer des ressources nécessaires à la lutte contre cette maladie, à travers une meilleure connaissance du problème et de son impact et le renforcement des parte- 1. UNICEF/WHO Diarrhoea : Why children are still dying and what can be done, 2009 2. WORLD HEALTH ORGANIZATION The Evolution of Diarrhoeal and Acute Respiratory Disease Control at WHO. WHO Geneva, 1999/ WHO_CHS_CAH_99.12.pdf> accessed November 2011 3. CHOLERA VACCINES: WHO position paper. WER 2010 ; 85 (13) ; 11728. 4. ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ Choléra. Aide-mémoire n°107, août 2011. http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fe107/fr/index.html, consulté le 5 octobre 2011. 5. INSTITUT PASTEUR – Choléra, mars 2011. http://www.pasteur.fr/ip/easysite/pasteur/fr/presse/fiches-sur-les-maladiesinfestieuses/choléra, consulté le 5 octobre 2011. 6. ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ. Choléra. Relevé nariats et de la collaboration entre pays et institutions internationales, • Développer la recherche opérationnelle en vue d’optimiser les mesures de contrôle et prévention et l’introduction de la vaccination, en matière d’épidémiologie (facteurs de risque, transmission, dynamique des épidémies …) de sociologique et d’anthropologie pour améliorer l’acceptabilité des mesures par la population en particulier l’introduction de la vaccination, d’évaluation du poids réel du choléra en termes sanitaires, économiques, sociaux et culturels, • Analyser les programmes nationaux dans l’optique d’aider les pays à mettre en place des plans d’intervention intégrés et opérationnels qui répondent aux besoins de gestion globale et concertée de la lutte contre le choléra et les maladies entériques. La mission que s’est donnée l’IDEA est ambitieuse. Elle est néanmoins indispensable au vue de la situation actuelle et doit être réaliste. Si elle est appliquée avec raison, persévérance et ténacité, elle contribuera efficacement à l’extinction de cette 7° pandémie. Remerciements Le groupe IDEA bénéficie d’une subvention de Sanofi Pasteur au titre du mécénat. épidémiologique hebdomadaire, 26 mars 2010. http://www.who.int/wer/2010/wer8531.pdf, consulté le 5 octobre 2011. 7. IVI 2011 CHOLERA VACCINATION INVESTMENT CASE. http://www.who.int/immunization/sage/SAGEApril_2011_cholera_investment_case.pdf, consulté le 2 novembre 2011 8. PIARROUX R, BARRAIS R, FAUCHER B, HAUS R, PIARROUX M, GAUDART J, MAGLOIRE R, ROAULT D. Understanding the cholera epidemic, Haiti. Emerging infectious diseases. www.cdc.gov/eid. 2011 ;17(7) :1161-7) 9. WHO GLOBAL TASK FORCE ON CHOLERA CONTROL http://www.who.int/cholera/introduction/en/index.html 10. DODET B. et al. Lutte contre la rage en Afrique : du constat à l’action. Bull. Soc. Pathol. Exot. 2009. DOI 10.1007/s13149-009-0034-3 11. SACK DA. 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