En Dieu rien n`est impur, rien n`est mauvais, car tout est vie, tout est

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En Dieu rien n`est impur, rien n`est mauvais, car tout est vie, tout est
La lèpre du péché et son remède
Père Grégoire Cieutat - Homélie du 6ème Dim. Temps Ord. 2012 - année B
Le thème de la Parole de Dieu en ce 6ème dimanche du temps ordinaire n'est
pas très difficile à trouver : il s'agit de l'impureté. Mais attention il y a impure et
impure : l'impure tel que le monde le juge et l'impure tel que Dieu le juge. L'impure tel
qu'il est représenté dans nos schémas de pensée, dans nos têtes, n'est sans doute pas
tout à fait l'impure dont nous parle la Parole de Dieu. Attention aux faux-amis, surtout
aux thèmes sensibles comme celui de l'impureté chargées en émotion et en
culpabilisation. Eh oui n'oublions pas, entre autres, que la femme a longtemps porté ce
statut d'impur à cause de ses pertes de sang. Mal comprendre ce statut d'impureté
défini dans la Bible aboutit forcément à se construire une fausse image de Dieu en
nous et par ricoché une fausse image de la femme, de sa dignité et du rapport hommefemme.
Essayons donc d'épousseter la poussière de nos représentations mentales sur
l'impur en regardant de plus près ce que nous en dit la Parole de Dieu révélée à
l'homme. La première lecture du livre du Lévitique expose le cas d'un lépreux comme
la personnalisation de l'impur. « Le lépreux atteint de cette plaie portera des vêtements
déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu'aux lèvres, et
il criera : « Impur ! Impur ! ». L'impur dans la Bible n'est donc pas une qualité morale
ou hygiénique. Non ! C'est une personne, une personne malade mais pas de n'importe
quelle maladie, de la lèpre. Quelle est donc la spécificité du lépreux pour qu'il soit, en
quelque sorte, l'incarnation même de l'impureté ?
La définition médicale est la suivante : la lèpre est une maladie chronique
provoquée par le bacille Mycobacterium Leprae. Faute de traitement, elle peut
entraîner des lésions progressives et permanentes de la peau, des nerfs, des membres et
des yeux. En terme moins médicaux la lèpre provoque une putréfaction du corps. En
d'autres termes, la lèpre dans un stade avancée transforme le corps de la personne en
un état de cadavre vivant. Le lépreux devient ainsi une personnification de la mort car
son corps se décompose comme le fait le corps d'un mort. Ils sont pour ainsi dire les
vis-à-vis en négatif de ce que sont les consacrés pour le Royaume de Dieu. En effet les
uns sont des signes précurseurs de la réalité de la décomposition du corps après la mort
tandis que les autres sont des signes précurseurs de la réalité de la vie éternelle du
Royaume.
Voilà donc le point essentielle, le rapport à la mort, qui fait du lépreux l'impur
par excellence. Et comme la lèpre est contagieuse, ainsi la mort est contagieuse. Les
lépreux habitaient à l'écart des villes comme les cimetières étaient à l'écart. Et si à
l'époque de Jésus la cause de la lèpre n'était pas connue, on ne découvrira le
bacille Mycotruc que bien plus tard, par contre la cause de la mort était déjà bien
définie. Nous en avons une belle définition dans le livre de la Sagesse à la fin du
chapitre deux : « Oui, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, (…) ; c'est par
l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde ils en font l'expérience, ceux qui
lui appartiennent! » C'est par la désobéissance à la Parole de Dieu, au projet de Dieu,
que la mort est entrée dans le monde. Ainsi l'homme crée par Dieu pour être
incorruptible s'est corrompu dans la mort par le péché.
Mais, comme le dit si puissamment la prière eucharistique IV, « Comme
[l'homme] avait perdu ton amitié en se détournant de toi [Père très saint], tu ne l'as pas
abandonné au pouvoir de la mort. (..) Tu as tellement aimé le monde que tu nous a
envoyé ton propre Fils, pour qu'il soit notre sauveur. (…) Conçu de l'Esprit Saint, né
de la Vierge Marie, il a vécu notre condition d'homme en toute chose, excepté le
péché. » Voilà donc Jésus le médecin de nos âmes et de nos corps qui est le Pur par
excellence car il n'a pas péché. Mais pour nous guérir il a accepté librement, par amour
pour nous, de contracter la lèpre à notre contact comme l'évangile de ce jour le montre.
Saint Paul l'affirme dans ce verset que j'aime bien citer : « Si donc quelqu'un est dans
le Christ, c'est une création nouvelle : l'être ancien a disparu, un être nouveau est là.
(...) Car c'était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde. (...) Celui qui n'avait
pas connu le péché, Il l'a fait péché pour nous, afin qu'en lui nous devenions justice de
Dieu. »
Saint François a imité le Christ, son modèle, en donnant un baiser au lépreux.
Le remède est donc dans cette étreinte du Christ. La santé de l'âme qui a forcément une
incidence sur celle du corps nous est offerte à condition que nous présentions au Christ
nos plaies pour qu'il les touche. En cela le salut n'est pas automatique, il dépend de
chacun de nous. Et cela est vrai pour tous les hommes et femmes, chrétiens ou non.
Chacun devra se situer par rapport à Jésus-Christ tôt ou tard. C'est-à-dire avant ou
après la mort à cette vie terrestre marquée par la décomposition du corps, fruit du
péché. Si le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheur, il ne nous
sauvera pas sans nous. Il ne nous guérira pas de la lèpre du péché sans que nous lui
exposions cette lèpre dans l'humilité, en vérité. Et c'est ce qui nous fait mal au plus
profond, le plus difficile à réaliser, qui nous touche dans notre orgueil. C'est en ce sens
que Jésus dit que les publicains et les prostitués précédent les pharisiens dans le
Royaume.
Oui c'est bien dans ce contact entre Jésus-Christ et l'humanité pécheresse que la
puissance de Dieu peut se déployer. Contact dont la possibilité nous est offerte d'une
manière si incarné dans le sacrement de l'eucharistie, sacrement de rédemption,
comme dans le sacrement de confession, sacrement de guérison. Communier en vérité
au corps du Christ et prolonger cette communion dans l'adoration du Saint Sacrement,
c'est dire et réaliser combien nous ne sommes pas dignes de le recevoir, lui l'agneau de
Dieu sans défaut. Et c'est à la fois dire et réaliser combien Dieu nous aime en nous
responsabilisant pour que nous ne péchions plus et ainsi l'aimer en retour. Comme il le
dit à la femme prise en flagrant délit d'adultère : « Alors, se redressant, Jésus lui dit : "
Femme, où sont-ils ? Personne ne t'a condamnée ? " Elle dit : " Personne, Seigneur. "
Alors Jésus dit : " Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus. "
L'eucharistie où Jésus-Christ vient nous toucher dans tout notre être est ainsi le remède
à l'impureté, la guérison de la lèpre du péché et la pleine restauration avec les vivants
que sont les saints en compagnie de Dieu. En ce sens ce sont tous les dimanches qui,
pour nous croyants et pratiquants, sont dimanche de la santé. Amen.