Internet: une approche géographique à l`échelle mondiale
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Internet: une approche géographique à l`échelle mondiale
Flux n°58 Octobre - Décembre 2004 pp. 5-19 Internet : une approche géographique à l’échelle mondiale Gabriel Dupuy INTERNET : ACTION LOCALE ET ÉVOLUTION GLOBALE L’espoir suscité par les NTIC en général et par Internet en particulier pour le développement des territoires est très largement partagé. « Facteur d’innovation, de productivité et de compétitivité pour les entreprises, outil de communication de plus en plus indispensable pour les particuliers, la connexion Internet rapide doit être rendue accessible à tous » (Kaplan, 2003). Cependant, cet espoir se heurte à la réalité des accès aux réseaux, parfois inexistants, souvent insuffisants ou trop chers pour susciter les effets d’entraînement escomptés. L’on observe alors plusieurs attitudes. L’une est opportuniste. Telle ville tire profit de la proximité d’un nœud ou d’un axe important du réseau. Un centre d’appels s’implante, pour quelque temps. Quelques start up rejoignent, amorçant éventuellement un cercle vertueux. Une autre attitude est interventionniste. La ville ou la région entend alors trouver un substitut aux opérateurs défaillants. Les élus locaux demandent avec force à l’État d’opérer au titre de ses prérogatives d’aménagement du territoire. À ces demandes, l’État répond en légiférant non sans une visible hésitation entre plus de régulation (intégrer Internet dans le service universel de télécommunications) ou moins de régulation (laisser les collectivités locales jouer pleinement le rôle d’opérateurs). Ou bien encore il se contente d’intervenir sur des secteurs, des domaines ou des technologies particulières {RENATER(1), cybercentres pour la politique de la ville, CPL(2)}. Au total, l’examen des actions menées depuis quelques années montre beaucoup d’hésitations et de tâtonnements (encore renforcés par l’éclatement de la « bulle » spéculative de la net-économie), comme si les acteurs étaient en peine de trouver un cadre de référence quelque peu stable pour mener de véritables politiques dans ce champ. À défaut, ils s’inspirent de manière mimétique d’autres réseaux aux logiques mieux connues, réseaux de transport (routier, ferroviaire…), d’énergie (électricité, gaz…), d’eau ou d’assainissement. Mais ces références sont trompeuses. Contrairement aux réseaux « classiques », Internet a à peine dix ans d’histoire. Il est né dans des conditions très particulières sous le double signe du marché et de la mondialisation. Il en résulte des particularités dont la connaissance est indispensable pour cadrer les politiques locales. Un opérateur Internet intervenant dans une région française ne décide pas indépendamment d’un contexte mondial : il opère également dans d’autres pays, il doit respecter des standards techniques généraux, il est en concurrence avec d’autre opérateurs internationaux, il doit faire appel à un marché financier mondial. Il ne peut accepter ici ce qui est refusé là, à savoir la concurrence déloyale d’un opérateur historique, d’une collectivité territoriale ou d’un État qui a justement édicté des principes de concurrence et promu une ouverture internationale dans ce secteur. À l’échelle locale, la marge de manœuvre est donc étroite. Mais elle dépend beaucoup de la manière dont le réseau Internet évolue à l’échelle mondiale, d’autant que cette évolu- 5 Flux n° 58 Octobre - Décembre 2004 tion est rapide. Comme le note B. Benhamou à propos des technologies d’Internet « [Elles] ne [peuvent] plus être analysées isolément en fonction des seuls bénéfices immédiats mais [doivent] être estimées en fonction de l’impact sur l’architecture générale d’Internet » (Benhamou, 2002). Cette évolution globale contraint effectivement les décisions locales des divers opérateurs mais peut aussi à cette échelle locale rendre possible aujourd’hui ce qui ne l’était pas hier. Cadre de référence utile, la logique d’évolution du réseau Internet à l’échelle mondiale est pourtant très mal connue du point de vue géographique qui constitue justement une entrée privilégiée pour les acteurs de l’aménagement du territoire et du développement local (Duféal et Grasland, 2003). Le présent article propose une analyse géographique du déploiement d’Internet à l’échelle mondiale, analyse visant à pallier ce manque. « WHERE ON THE EARTH IS THE INTERNET ? » Où est Internet sur la Terre ? Ce titre quelque peu provocant est celui d’un article de Martin Dodge et Narushige Shiode qui plaident pour une approche plus géographique d’Internet (Dodge & Shiode, 2000). Les auteurs ne répondent d’ailleurs pas à la question, avouant la difficulté de localiser le phénomène Internet et ses multiples conséquences. Il est vrai qu’à cette question, beaucoup sont tentés de répondre : « Nulle part et partout », sous-entendant qu’elle est dénuée de sens. En effet d’une part, la croissance d’Internet dans les pays et dans le monde entretient un optimisme général qui ne favorise pas l’approche géographique. Il existe actuellement des différences de desserte entre espaces ruraux et espaces urbains. Pour l’Europe le décalage est en moyenne d’un an (CURDS, 2003). Mais ces différences sont souvent imputées à des différences d’activités ou de caractéristiques sociales (cf. l’étude de G. Madden et G. Coble-Neal, 2003, pour le Nord-Ouest de l’Australie et celle de T-H. Grubesic, 2002, pour l’Ohio aux États-Unis). On oscille par suite entre l’image d’un Internet en cours de banalisation, les écarts se réduisant progressivement comme ce fut jadis le cas pour le téléphone (Abler, 1997) et l’invocation de facteurs socio-économiques pour expliquer les décalages résiduels, gommant ainsi la dimension proprement spatiale de la question. Seule l’idée d’une fracture numérique (digital divide) vient rappeler qu’il pourrait exister une différence géographique essentielle, mais les termes d’opposition (pays 6 du Nord/pays du Sud) sont malheureusement formulés de façon bien peu géographique, les « pays du Sud » ayant un contour très flou, variable selon les auteurs, et fort peu opératoire (Compaine, 2001). D’autre part, Internet est considéré comme un instrument majeur d’informatisation de la société, de facilitation de la communication entre les hommes. De nombreux auteurs se sont déjà saisi du thème à leur manière et, entre sociologues, politologues, philosophes…, la géographie n’y trouve pas son compte. Citant M. Castells, A. Mattelart, M. Guillaume, W. Mitchell, P. Virilio, P. Lévy, l’introduction à un numéro thématique récent de la revue Mappemonde constate : « Ces auteurs ne s’intéressent pas à l’espace mais à sa disparition. Préoccupés d’en guetter les signes évocateurs, ils surinterprètent ceux-ci au détriment d’une interprétation de ce qu’est l’espace et de ce que sont ses transformations-recompositions » (Eveno et Puel, 2003). Certes, pour les six auteurs cités, les enjeux de l’accès à Internet sont importants, mais les lieux précis où se trouvent les équipements intermédiaires, leurs traces sur la surface de la terre ne justifient pas d’investigation particulière. Un dossier spécial consacré à la question par The Economist en 2001 concluait : « The Internet is perceived as being everywhere, all at once. But geography matters in the networked world, and now more than ever »(3). Mais les exemples cités à l’appui de cette affirmation n’étaient pas des plus convaincants. Si un gros data center requiert quelques milliers de m2 bien placés dans une zone urbaine, peut-on en déduire pour autant qu’Internet transforme, selon une expression chère aux géographes, « La Face de la terre » (Pinchemel, P. et G., 1994) ? D’ailleurs, comment situer un satellite par où transitent des communications Internet ? Pour la plupart des analystes, résoudre les problèmes d’accès à Internet ne procède pas de la géographie mais de politiques qui doivent faire mettre en œuvre les techniques adéquates. Ces politiques sont régionales, nationales, plus rarement internationales. Et le caractère mondial du phénomène Internet n’est pas pris en compte. On aboutit ainsi dans la littérature soit à des monographies : par exemple, Internet en Tunisie (Ben Hassine, 2001), Internet en Islande (Dupuy, 2003), Internet au Japon (Yoshio et al., 2002), Internet en Corée du Sud (Cho, 2002), Internet en Russie (Vendina et Eckert, 2003); soit à des approches comparatives interurbaines (Wheeler et Kelly, 1999), internationales Dupuy - Internet : une approche géographique à l’échelle mondiale (Hargittai, 1999, Beilock et Dimitrova, 2003), plus rarement interrégionales (Strover, 2001, Benhamou, 2002, Loo et Wong, 2002, Grubesic, 2002). Les comparaisons s’étendent. Par exemple Hargittai ne comparait que des pays de l’OCDE alors que, quelques années plus tard, l’étude de Beilock et Dimitrova porte sur 105 pays et celle de Loo et Wong concerne le vaste ensemble Asie-Pacifique. Pourtant ces approches restent insatisfaisantes en ce qu’elles continuent d’occulter le fait qu’Internet est un réseau mondial, conçu comme tel, au moins depuis qu’il est commercial, c’est-à-dire à partir du début des années 1990. La question de savoir « où il est sur la Terre ? » doit être posée à cette échelle mondiale car c’est à cette échelle qu’elle prend tout son sens. QUESTIONS DE MÉTHODE Une approche mondiale pose de redoutables problèmes de données (Zook, 2000, Dodge et Shiode, 2000), tenant au nombre des internautes (de l’ordre de 700 millions actuellement), à l’absence de standardisation statistique à cette échelle planétaire et au secret commercial dans un contexte général de concurrence entre opérateurs et prestataires de services. En plus des problèmes conceptuels précédemment évoqués, cette extrême difficulté à disposer des données explique aussi que l’analyse à l’échelle mondiale soit peu courante. Mais tous les efforts entrepris pour vaincre les obstacles dans ce domaine sont très appréciables et le présent article leur doit beaucoup. Nous nous appuierons donc sur une revue de la littérature existante, généralement trop fragmentaire sur la question centrale de cet article, mais dont une synthèse permet de décrire dans leurs grandes lignes les logiques du déploiement mondial d’Internet. Dans cette approche, nous privilégions l’infrastructure du réseau. Ce choix a plusieurs justifications. L’accent mis sur les backbones(4) et leurs routeurs(5) permet d’abord de relativiser quelque peu des facteurs tels que disparités de possession individuelle d’ordinateurs, diffusion plus ou moins large dans les écoles, informatisation plus ou moins poussée des entreprises (Chaillou, 2002). Ces facteurs, généralement mal cernés, conduisent couramment à des difficultés d’interprétation des statistiques de connexion ou d’usage. Pour sa part, B-B. Abramson, constatant l’impossibilité d’obtenir des données de trafic Internet, préconise l’étude de l’infrastructure de base d’Internet pour montrer la forme du déploiement du réseau (Abramson, 2000). Moss et Townsend estiment aussi que les réseaux de backbones et les routeurs construits pour servir les marchés, tels qu’ils sont perçus par les opérateurs, en donnent une bonne approximation (Moss et Townsend, 2000). En effet, par nature, Internet a été constitué à partir d’une infrastructure faite pour les communications téléphoniques et l’informatique sur laquelle une infostructure constituée essentiellement du protocole TCP/IP est venue assurer une homogénéité suffisante pour rendre le réseau potentiellement mondial (Dupuy, 2002). La fonction de mise en relation, remplie par les commutateurs dans le réseau téléphonique, a été dévolue au routage pour Internet. Il s’en suit que, pour ce réseau, infrastructure et infostructure sont difficiles à dissocier. Les différents services utilisés par les internautes sont fournis à partir d’une combinaison d’infrastructure téléphonique et informatique d’une part, d’infostructure marquée par le protocole IP d’autre part (Curien, 2000). Dans cet ensemble, les auteurs s’accordent à considérer que la base est constituée de backbones, liens et routeurs qui jouent un rôle-clé (notamment Gorman, 1998 et Malecki, 2002). On pourrait penser, du fait de la filiation téléphonique d’Internet, que la question de l’accès au réseau est relativement indépendante de l’infrastructure de base, du « réseau d’autoroutes de l’information ». Ne suffit-il pas d’une ligne téléphonique et d’un modem pour accéder à Internet de n’importe quel point du territoire ? Un gros utilisateur (une université par exemple) a un volume de trafic tel qu’il est son propre fournisseur d’accès à Internet. Il fait fonction lui-même de routeur localisé sur un backbone (RENATER en France). Pour les usagers ordinaires, le recours à un fournisseur d’accès Internet (FAI) est nécessaire. Ce FAI joue le rôle de groupeur/dégroupeur vers/en provenance des backbones. Mais les conditions dans lesquelles le FAI offre l’accès à ses clients dépendent essentiellement de la possibilité qu’il a de se raccorder à l’infrastructure de base évoquée plus haut. Il faut savoir que le coût d’accès au réseau backbone est de l’ordre de 1 € par internaute et par heure en moyenne et que ce coût est fonction de la distance au point d’accès du backbone. Sachant qu’un gros FAI doit connecter quelques millions d’abonnés, les montants en jeu sont considérables. Les FAI portent donc une grande attention à la proximité des backbones. Sachant que les FAI doivent aussi être proches de leur clientèle, ils ne peuvent jouer leur rôle que si l’infrastructure de base des backbones est répartie de manière assez fine sur le territoire. Sinon, comme l’ont bien montré Downes et Greenstein (Downes and Greenstein, 1998), il n’y a 7 Flux n° 58 Octobre - Décembre 2004 Carte 1 : Densité d'hébergeurs en France (2002) quent au réseau d’infrastructure constitué à l’échelle mondiale par les backbones (arcs) et les routeurs (nœuds) que nous nous intéresserons pour caractériser le déploiement d’Internet sur la Terre. LES LOGIQUES DES OPÉRATEURS Les comportements des acteurs de l’Internet, entre autres ceux des opérateurs de backbones et routeurs, sont dépendants des conditions locales. Des événements historiques particuliers, des circonstances politiques nationales ou régionales ont conduit à des modes de régulation divers. Certains auteurs vont jusqu’à évoquer l’influence de variables telles que la conception des libertés civiles ou les sentiments religieux propres à chaque pays (Beilock et Dimitrova, 2003). Les backbones ont suivi les emprises publiques disponibles, chemins de fer, autoroutes, canaux, pipe-lines selon des accords trouvés avec les Forte présence des hébergeurs opérateurs de ces réseaux, accords qui dépenPrésence moyenne des hébergeurs daient du statut particulier de ces opérateurs dans Présence faible des hébergeurs Principales branches des réseaux les différents pays concernés (Rutherford, 2004). opérateurs Ainsi se sont créées des gateways, portes d’entrée Noeuds des réseaux opérateurs Source : Jacquin, 2002 pour la desserte de certaines régions (Grubesic et O’Kelly, 2002, pour les États-Unis ; Chaillou, 2002, pour les pays de l’Est). Pour traiter de l’échelle mondiale, pas d’offre FAI ou une offre très restreinte à des tarifs dissuasifs, il est nécessaire de faire abstraction de ces multiples particulace qui met en cause l’accès au réseau. rités et de retenir une approche plus macroscopique triant parmi les comportements des opérateurs les principes généraux Le cas du « haut débit » n’est pas différent à cet égard. Non qui restent valables à l’échelle mondiale. seulement les « plaques » ADSL doivent pour des raisons techniques être proches des usagers mais elles doivent aussi pour L’analyse des publications les plus sérieuses à cet égard des raisons économiques être proches des backbones qui seuls peuvent écouler à des prix acceptables les débits importants conduit à retenir quatre principes : le marché, la proximité, la autorisés par le succès de cette technologie. On verra plus loin connectivité, la fiabilité, principes que nous allons expliciter. sur le cas particulier d’une région française comment cette difLe marché. À partir des années 1995, Internet est devenu ficile équation trouve sa solution (voir carte 4 et graphique 1). commercial. Ce n’est plus l’instrument d’organisations gouverAinsi, malgré l’existence de lignes téléphoniques, la prénementales comme ARPANET, NFSNET pour les États-Unis, sence de backbones et routeurs constitue un élément essentiel RIO (6) pour l’Afrique de l’Ouest ou RENATER pour la France de l’accès à Internet sur un territoire. Non seulement la localiqui commandent le développement du réseau. Les opérateurs sation des fournisseurs d’accès, mais celle des hébergeurs, des de backbones et de routeurs ont des impératifs de rentabilité (à sites et celle des internautes est très corrélée à celle des backterme plus ou moins long). Ils investissent pour trouver des marbones et des routeurs (cf. par exemple la localisation des héberchés de clients solvables, entreprises, administrations, geurs en France, représentée sur la carte 1). C’est par conséUniversités, fournisseurs d’accès, fournisseurs de services, 8 Dupuy - Internet : une approche géographique à l’échelle mondiale hébergeurs de sites. On va chercher la demande d’abord là où elle se trouve concentrée, dans les grandes métropoles mondiales, puis nationales, riches et actives, puis dans des villes de taille plus réduite en descendant dans la hiérarchie urbaine (Malecki, 2002), puis en étalant les réseaux à partir des centres (Dodge et Shiode, 2000, Strover, 2001). Comme le montre Grubesic sur le cas de l’Ohio, les zones métropolitaines sont desservies en priorité. La densité d’habitat, le niveau de revenus, la présence d’activités universitaires ou de recherche, d’edge cities sont des facteurs qui favorisent certaines zones métropolitaines par rapport aux autres (Grubesic, 2002). À l’échelle mondiale, on doit constater que ce principe revient à laisser de côté une grande partie de la population (Yook et al., 2002) soit parce qu’elle n’est pas assez concentrée pour constituer un marché atteignable, soit parce qu’elle n’est pas susceptible de fournir, même indirectement, une clientèle pour les opérateurs. Les zones laissées à l’écart se définissent de la manière suivante. À l’échelle continentale, il est clair qu’en moyenne l’Afrique est loin de constituer un marché intéressant pour les opérateurs (Bernard, 2004). Aux États-Unis on trouve un ordinateur-hôte(7) pour 2,4 personnes ; en Afrique, on en trouve un pour 3700 personnes (Roycroft et Anantho, 2003). Si l’on veut comparer deux pays de même étendue géographique, l’un africain, l’autre européen, le Bénin et l’Islande sont de bons exemples : la capacité de relation par Internet avec le reste du monde est 350 fois plus grande pour l’Islande que pour le Bénin (Dupuy, 2002). Mais l’échelle continentale masque des différences importantes. Les opérateurs n’ont pas rechigné à desservir largement l’Afrique du Sud. En Amérique latine, en Asie, les opérateurs, peinant à trouver des marchés, ont limité les extensions de leurs réseaux, ce qui n’empêche pas les grandes métropoles latinoaméricaines ou asiatiques d’être quand même atteintes. Mais, comme le montrent T.R. Roycroft et S. Anantho, les réactions des marchés ont de quoi rendre les opérateurs prudents. En Afrique, on pourrait penser que le marché n’existe pas du fait du sous-équipement en téléphone et en PC indispensables pour créer la demande Internet. Or on a montré que même les populations qui ont accès à ces équipements ont un taux de raccordement à Internet nettement inférieur à ce que l’on observe ailleurs (Roycroft et Anantho, 2003). Pourtant, on observe que la recherche du marché peut se faire de différentes façons, soit par création d’infrastructures ex nihilo, soit par négociation pour mieux utiliser des infrastructures existantes et développer la demande avant de développer la capacité comme ce fut le cas en Argentine (Petrazzini et Guerrero, 2000). Quoiqu’il en soit, dans les comportements des opérateurs, les niveaux de développement d’abord, la concentration des populations et des activités ensuite, parce qu’elles traduisent bien le potentiel du marché, sont indiscutablement des variables stratégiques pour le développement de leurs réseaux. La proximité. L’image des NTIC en général et d’Internet en particulier est celle de l’abolition de l’espace. Les informations circulant désormais à la vitesse de la lumière et sans grande dépense d’énergie, il est couramment admis que l’espace n’offre plus de résistance à cette circulation. La distance ne serait plus, comme c’est toujours le cas pour le transport des personnes et des marchandises, un facteur-clé déterminant les flux de communication. On oublie cependant que la circulation quasi-instantanée des informations suppose justement une infrastructure, des canaux adéquats. Le rôle des opérateurs qui réalisent ces canaux est donc essentiel. Pour eux, la proximité est toujours un avantage car la distance a un coût. Prenons l’exemple du câble. On estime le coût moyen à 100 000 € par km pour une infrastructure terrestre(8). Ce coût dépend pour une part des installations terminales, aux deux extrémités de la liaison, pour une autre part de la longueur du canal à réaliser. Dès que la portée de la liaison augmente, la part relative du coût des terminaisons diminue. En fait, à l’échelle mondiale, la fonction de coût par rapport à la distance n’est pas, comme on l’a cru aux débuts d’Internet, exponentielle. Telle qu’elle est perçue par les opérateurs, elle peut être considérée comme simplement linéaire (Yook et al., 2002). Carte 2 :2 :Le duBurkina-Faso Burkina Faso Carte Le réseau réseau du 0 100 200 km Niger Ouaigouya Mali Kaya Koudougou Ouagadougou Fada N'Gourma Bénin Bobo-Dioulasso Ghana Côte d'ivoire Togo Source : Bernard, 2003 9 Flux n° 58 Octobre - Décembre 2004 Carte 3 : Le réseau Colt Eurolan (2003) 0 400 km Stockholm Dublin Copenhague Manchester Manchester Birmingham Birmingham A Amsterdam msterdam Londres La Haye Rotterdam Hambourg E ssen Essen Anvers Hanovre Hanovre Leipzig Bruxelles Francfort Mannheim Karlsruhe Paris Nantes Strasbourg Bâle Berne Bordeaux Lyon Berlin Dusseldorf Cologne Genève Nuremberg Stuttgart S tuttgart Zurich Vienne Munich Zoug Lugano Milan Turin Toulouse Marseille Lisbonne Madrid Barcelone Rome Valence Source : http://www.colt-telecom.fr Compte tenu de cet élément, le principe est simple : les opérateurs s’efforcent de réaliser les liaisons les plus courtes possibles, allant autant que faire se peut droit au but en évitant les détours coûteux (carte 2), sans que l’on observe de distances absolument dissuasives ni de seuil manifeste. La connectivité. Dans la littérature, le terme est utilisé avec plusieurs sens différents. Nous retiendrons ici l’idée qu’un réseau fournit des opportunités de chemins alternatifs. Il se trouve que le protocole IP a été conçu pour permettre l’utilisation de différents itinéraires dans un réseau, en fonction de la disponibilité des arcs. La connectivité est une caractéristique de la richesse du réseau en liens alternatifs à partir des différents nœuds vers lesquels ils convergent ou d’où ils divergent. (Curien et Dupuy, 1996, Gorman et Malecki, 2002). C’est un bon indice de performance du réseau. À l’échelle mondiale, cette connectivité se mesure. Ainsi, Albert, Jeong et Barabasi 10 (1999) ont pu chiffrer la forte connectivité d’Internet en assimilant le réseau mondial à un graphe. En cherchant systématiquement la plus courte distance topologique (en nombre d’arcs) entre deux nœuds quelconques, ils ont établi que le diamètre (la plus longue de ces plus courtes distances) ne comportait que 19 arcs (cité par Barnett et al., 2000). Les routeurs concrétisent la connectivité puisqu’ils offrent les chemins alternatifs aux informations qu’ils reçoivent. En principe les opérateurs recherchent la connectivité qui leur permet de fournir à leurs clients la prestation attendue : orientation vers la destination souhaitée dans leur réseau, orientation via un autre réseau, diffusion vers de multiples destinataires. Si la connectivité est facilement obtenue par un opérateur qui dessert un petit nombre de nœuds, un opérateur qui doit desservir de très nombreux nœuds serait obligé, pour obtenir sur son réseau une bonne connectivité, de multiplier les liaisons (selon le carré du nombre de nœuds) ce qui est pour lui extrêmement coûteux (Wheeler et O’Kelly, 1999). Quoiqu’il en soit, à l’échelle mondiale, le principe est bien pour les opérateurs de rechercher la connectivité, c’est à dire le nombre maximal de liaisons entre les nœuds de leur réseau et avec les nœuds des réseaux extérieurs. La fiabilité. Le fonctionnement d’Internet n’est pas sans problème. Le développement « libre » du réseau a eu comme contrepartie des problèmes de congestions, de défaillances, de contaminations par des virus. Les opérateurs sont de plus en plus soucieux d’offrir à leurs clients un service fiable, qui les mette à l’abri de ces inconvénients (Wheeler et O’Kelly, 1999). La congestion est inhérente à la conception historique d’Internet (Gorman, 1998). On démontre que si les « gros » opérateurs de réseaux ne font pas payer les « petits » pour le transit (le peering (9) n’étant une solution que pour des réseaux sensiblement de même taille), la congestion et l’inefficacité menacent Internet (Wilhelm, 1999, Little et Wrignt, 2000). Les Dupuy - Internet : une approche géographique à l’échelle mondiale goulots d’étranglement se trouvent plutôt sur les liens interurbains à grande distance qu’à l’intérieur des réseaux métropolitains (Moss et Townsend, 2000). À ces défis, les opérateurs répondent d’abord en adoptant des tracés bouclés (Gorman et Malecki, 2002) (carte 3). Ces tracés offrent, en plus, des possibilités de pallier des ruptures des liaisons. Les ruptures sont relativement fréquentes, qu’il s’agisse de câbles terrestres rompus par des engins de travaux ou de câbles sous-marins endommagés par des poissons ou des ancres de bateaux avec des conséquences graves (Dupuy, 2002, Barnes et al., 1997). Toujours pour assurer la fiabilité, il faut éviter la convergence vers des nœuds uniques trop importants. La propagation des virus est plus facile à éviter lorsque l’information doit passer par des nœuds-relais plus nombreux que lorsque qu’elle parcourt directement un lien long. Au total, du point de vue de la fiabilité, le principe adopté par les opérateurs de backbones et de routeurs à l’échelle mondiale consiste, dans la mesure (économique) du possible, à diversifier et répartir les liens et les nœuds de leurs réseaux. Ces quatre principes peuvent entrer en contradiction les uns avec les autres. C’est pourquoi les opérateurs ont souvent à rechercher des compromis. L’ensemble des comportements des opérateurs et des compromis auxquels ils parviennent concerne aujourd’hui, dans le monde, des backbones comportant quelques centaines de milliers de liens et de nœuds. C’est de cet ensemble très complexe que résulte la forme d’Internet à l’échelle mondiale, forme que nous allons maintenant analyser. Après les premiers développements de l’Internet commercial dans les années 1990, le réseau s’est rationalisé surtout à partir de 2000. Au niveau des infrastructures que nous avons choisi de privilégier dans notre approche, se dessinent déjà de nouvelles tendances qui se confirmeront sans doute après 2005. Nous examinerons d’abord la période 1990-2005, encore actuelle, avant de présenter les tendances d’avenir du réseau. ÉVOLUTION D’INTERNET : DES DÉBUTS À LA RATIONALISATION DU RÉSEAU (1990-2005) Les débuts de l’évolution sont bien résumés par Moss et Townsend : «… au fur et à mesure que le contrôle de l’évolution du réseau passait du Département de la Défense à la National Science Foundation (NSF), puis finalement, en 1994, au secteur privé, la centralisation de l’infrastructure autour de nœuds régionaux devenait de plus en plus nécessaire. La croissance rapide et les difficultés d’étendre un réseau à architecture distribuée conduisirent la NSF à adopter un modèle de service en multipartenariat qui agrégeait les réseaux [de base] en ensembles régionaux et interconnectait entre eux ces ensembles grâce à une superstructure surnommée « The backbone » (Moss et Townsend, 2000). Même si elle est centrée sur les États-Unis où Internet trouve son origine, cette vision traduit bien la logique des débuts. Chaque réseau est construit en fonction du marché espéré. Les liens entre villes importantes sont donc souvent multiples. Pour éviter les goulots d’étranglement, l’on évite la desserte des localités moins importantes, desserte que le marché ne justifie pas (Moss et Townsend, 2000). En d’autres termes, l’application du principe de marché conduit à construire des réseaux métropolitains ou urbains que l’on interconnecte directement, au besoin par des infrastructures de longue portée. En fait, le principe de proximité joue mais il est tempéré par la recherche de la fiabilité : plus un nœud offre de possibilités d’itinéraires alternatifs plus il permet d’éviter la congestion. Dans ces conditions, il peut être tentant d’établir un lien plus long pour rejoindre un tel nœud (Gorman, 1998). Néanmoins les liens de longue portée restent encore techniquement difficiles à construire et coûteux pour les opérateurs. Ainsi la recherche de connectivité est-elle influencée à la fois par un impératif d’économie sur les liaisons (principe de proximité) et par un souci de fiabilité. Il en résulte un schéma hiérarchique et polarisé. La hiérarchie est « calée » sur le marché mondial. La polarisation est exceptionnellement recherchée pour elle-même, bien qu’il existe quelques exceptions remarquables. L’Arabie saoudite a souhaité construire un réseau complètement centralisé pour contrôler l’information circulant sur Internet vers et à partir de son territoire (Al Tawil, 2001). Mais le plus souvent, la polarisation résulte purement et simplement de l’application par les opérateurs du principe de connectivité qui se traduit par ce que certains auteurs nomment l’« attachement préférentiel », caractérisé par l’observation de Yook et al. : le rythme auquel un nœud accroît son nombre de liens est proportionnel à ce nombre (Barabasi, 2002, Yook et al., 2002). Au total, cette phase de démarrage se caractérise par la croissance d’un réseau qui, pour rencontrer la demande, atteint les agrégats de population et d’activités des zones les plus riches du globe en jouant autant que possible sur les longues portées des liens et leur rattachement à des nœuds majeurs. 11 Flux n° 58 Octobre - Décembre 2004 Toutefois, un peu avant l’an 2000, se manifestent des craintes que le fonctionnement extrêmement libéral d’Internet ne conduise à l’anarchie et à l’autodestruction. Pour beaucoup, Internet est déjà en danger de surcharge (Gorman, 1998). On craint d’une part que la fiabilité nécessaire au bon fonctionnement du réseau ne soit mise en cause par la congestion de certains liens ou surtout de certains nœuds, par la diffusion de spams ou par la propagation de virus. On craint d’autre part que les charges d’investissements nouveaux ne viennent grever des budgets mis à mal par la chute de la net-économie. Les techniques utilisées jusque là semblent insuffisantes pour résoudre les problèmes. L’utilisation de liaisons de plus en plus longues pour pallier les difficultés en se raccordant aux nœuds majeurs rencontre, comme on l’a dit, des limites techniques, mais aussi, de plus en plus, des limites financières (Gorman, 1998). Le réseau Internet est toujours à la recherche de clients. En principe, l’effet de club, connu par les opérateurs d’Internet sous le nom de loi de Metcalfe(10), devrait garantir un développement exponentiel. Mais dans la première période, les clientèles équipées d’informatique, de bonnes lignes téléphoniques, concentrées dans les zones urbaines riches ont déjà été capturées. Il reste à diffuser Internet dans de milieux plus difficiles : zones peu denses, mal équipées, aux moyens économiques limités. Dans ces conditions, les gisements de demande, même restreinte mais quelque peu concentrée, négligés jusque-là par des liaisons trop directes de portées trop longues ont un intérêt à condition qu’ils se trouvent à proximité de grandes zones métropolitaines déjà bien irriguées par des backbones ou d’axes interurbains puissants. La technologie facilite les choses. Pour les liaisons terrestres, une observation antérieure (Moss et Townsend, 2000) annonçait une tendance désormais manifeste. De nouveaux routeurs ont été installés sur des liens à très fort débit, en position intermédiaire entre des grandes villes, de manière à desservir des marchés marginaux mais additionnels, marchés négligés au cours de la période précédente. C’est ainsi que Mexia (Texas) et Bryan (Texas) ont été desservies parce qu’elles se trouvaient sur l’axe majeur AGIS OC 48 de Dallas à Houston (Moss et Townsend, 2000). Pour ce qui est des relations transcontinentales, on peut prendre les exemples de Saint Louis, Kansas City, Indianapolis, qui ont supplanté dans la hiérarchie américaine des capacités de backbones des villes économiquement plus performantes telles Seattle, Denver, Phoenix ou Miami (sans parler des sept majors, en tête de la hiérarchie urbaine américaine). Ces 12 Le modèle de Yook, Jeong et Barabasi Supposons l’espace terrestre divisé en très petits carrés dont les côtés ont une même longueur l. À chaque carré, centré sur un point de coordonnées (x,y) est affectée une densité de population p(x,y) avec une dimension fractale D. À chaque étape, on place un nouveau nœud i sur la carte de telle sorte que la probabilité de placer un nœud en (x,y) soit proportionnelle à p(x,y). On suppose que le nouveau nœud est connecté par m liens avec des nœuds déjà présents dans le réseau. La probabilité que le nouveau nœud soit lié au nœud j, situé à la distance dij du nœud i, et qui a déjà kj liens, est proportionnelle à kjα/dijσ. α est un paramètre qui caractérise la force de l’« attachement préférentiel », donc de la polarisation sur un nœud. σ est un paramètre qui caractérise la résistance de l’espace, plus précisément de la distance (la portée), à l’établissement de liens. m est également un paramètre du modèle. Mais c’est un paramètre local ou régional. Seuls D, α et σ caractérisent à une date donnée l’évolution de la topologie d’Internet à l’échelle mondiale. D’après Yook et al., 2002 exemples sont ceux de villes n’ayant pas de demandes locales de service Internet considérables mais situées dans des positions centrales sur le continent américain. Elles constituent donc probablement de simples étapes (waypoints) sur les liens transcontinentaux les plus importants (Moss et Townsend, 2000). Pour les relations intercontinentales, on citera le cas de Reykjavik (Islande) (Dupuy, 2003). La taille de l’Islande et de sa capitale (280 000 habitants dont la moitié à Reykjavik) n’aurait pas justifié précédemment une desserte par un puissant backbone international. Mais l’évolution des technologies de câbles sous-marins, permettant à la fois des portées très longues sans amplification et des « décrochages » intermédiaires (Chesnoy et al., 1997, Barnes et al., 1997), ainsi que l’intérêt des opérateurs pour des marchés limités mais à fort potentiels a permis à Reykjavik de se placer dans le système Internet comme une petite métropole mondiale sur l’axe transatlantique (Dupuy, 2003). On peut interpréter de la même manière la construction d’une liaison terrestre Europe/Asie par l’opérateur russe TransTelecom (Chaillou, 2002) et celle du câble circum-africain SAT-3/WASC/SAFE par un large consortium international (Bernard, 2003). Au début des années 2000, ces dessertes de nouvelles clientèles aboutissent à l’échelle mondiale à une situation dans laquelle Internet n’approche que marginalement le monde Dupuy - Internet : une approche géographique à l’échelle mondiale sous-développé mais couvre la population des pays développés. Il faut entendre par là, non pas que la densité des routeurs ou des backbones est uniforme dans les pays développés : les inégalités de desserte entre espaces urbains et espaces ruraux restent très fortes (Korsching et al., 2000) comme on l’a rappelé plus haut pour l’Europe et les États-Unis, mais que la manière dont l’infrastructure majeure d’Internet couvre l’espace mondial développé suit de près la manière dont la population occupe ce même espace. Yook et al. proposent une modélisation de ce phénomène fondée sur l’étude de la dimension fractale. À partir du repérage des positions de centaines de milliers de nœuds et de liens dans le monde développé (Amérique du Nord, Europe, Australie), ils ont mis en évidence que la probabilité de trouver une certaine densité de population sur un élément de la surface terrestre et la probabilité de trouver un nœud de backbone Internet étaient distribuées selon la même loi fractale de dimension 1,5 (voir encadré page 12). Compte tenu du caractère auto-similaire des figures fractales, on peut illustrer, à une échelle beaucoup plus restreinte, cette constatation (carte 4). Elle signifie que les dessertes des zones très densément peuplées ne trouvent pas de continuité vers les zones de moindre densité, la desserte se raréfiant dans les même proportions. Pour cette période du moins, l’idée que la desserte des grandes zones métropolitaines constituait une sorte de standard à atteindre pour l’ensemble des territoires paraît contestable. En même temps, le souci d’éviter la congestion et aussi les risques de contamination par des virus (Barabasi, 2002) conduit à limiter la polarisation systématique observée précédemment autour de nœuds de très forte connectivité ainsi que les portées de certains axes. Une meilleure utilisation des capacités existantes, des routages alternatifs, des nœuds intermédiaires permettent de diversifier les trajets tout en garantissant aux clients une bonne connectivité, en limitant la transmission de virus, en évitant les goulots d’étranglement dans les équipements les plus saturés (Gorman, 1998) : l’ « attachement préférentiel », ou si l’on préfère, la polarisation du réseau Internet se stabilise. Vers 2000, à l’issue de cette évolution des débuts à la rationalisation, Internet est donc un réseau qui à l’échelle mondiale laisse toujours de côté le monde sous-développé et dessert le monde développé en suivant statistiquement la densité de sa population, sans plus, c’est-à-dire sans visée de couverture uniforme du territoire. L’évolution topologique de ce réseau Internet se caractérise aussi en moyenne par un ralentissement de la polarisation et par une réduction des portées (schéma 1). L’AVENIR DU RÉSEAU Même si à partir des années 2005 l’évolution de l’infrastructure d’Internet sera toujours lestée par le poids des investissements d’infrastructure déjà réalisés, des changements importants, en particulier d’ordre technologique et d’ordre économique, sont à attendre. Ils sont susceptibles de l’infléchir notamment au plan de sa topologie et de sa géographie à l’échelle mondiale. Précédemment les modifications technico-économiques ont été relativement continues, sans rupture majeure (loi de Moore (11), accroissement des capacités de transmission et de traitement, et donc baisse des coûts unitaires pour les opérateurs, possibilités de dessertes intermédiaires permettant l’accès à des marchés complémentaires). On voit aujourd’hui se profiler des innovations plus radicales dont les effets seront sans doute très sensibles à partir des années 2005. Nous citerons le caching, la réforme de l‘adressage, la communication peer to peer et même de processeur à processeur, la tarification des transits. L’évolution vers le caching peut se définir comme le passage d’une architecture d’Internet dans laquelle un contenu est localisé précisément dans un serveur spécifié à une architecture dans laquelle les contenus sont répliqués dans des caches placés dans des serveurs géographiquement répartis, le client accédant au contenu disponible dans le serveur le plus proche (Kangasharju et al., 2000, Gorman et Malecki, 2002, Nagaraj, 2004). Le caching trouve son principal intérêt dans le fait que pour des applications nécessitant de forts débits (stream video) même la vitesse de la lumière atteinte dans les fibres optiques est insuffisante. Gorman et Malecki prennent l’exemple de la firme Mirror Image pour montrer les changements que le caching est susceptible d’introduire dans l’architecture d’Internet (carte 5). Mirror Image a créé un réseau de CAP (Content Access Points), caches qui stockent des contenus « lourds » (notamment des films) près des IX (échangeurs de backbones) des grandes métropoles. Cela permet à Mirror image de répondre à la demande de fournisseurs de services Internet, eux-mêmes prêts à payer pour répondre à la demande de leurs clients. Il faut noter que la fourniture de ces services dépend de la localisation des caches près des gros échangeurs de réseaux backbones. Elle est donc intimement liée à l’infrastructure d’Internet (Gorman et Malecki, 2002). 13 Flux n° 58 Octobre - Décembre 2004 Carte 4 : Couverture ADSL et densité de population en Midi-Pyrénées Carte 4 : Couverture ADSL et densité de population en Midi-Pyrénées La répartition des zones couvertes par l’ADSL en 2004 dans la Région MidiPyrénées suit une loi fractale de dimension 1, 44 (graphique 1). La répartition des densités de population dans la même Région suit également une loi fractale de dimension très proche (1,36). Visuellement, la carte 4 montre la correspondance entre couverture ADSL et densité de population. Cette correspondance, conforme aux résultats obtenus par Yook et al. à l’échelle mondiale pour les backbones (Yook et al., 2002), signifie : - que dans la Région la couverture spatiale en infrastructure Internet majeure est répartie régulièrement en fonction de la présence des populations - qu’en termes de dimension fractale, MidiPyrénées dispose d’une couverture spatiale de sa population en infrastructure Internet très proche de la moyenne mondiale (voire un Densité peu supérieure cette moyenne compde populationàlissée en 1999, / km2 te tenu deenlahab répartition de la population) - que cette conformité à la norme mondia> 200 le s’accommode de 100 à 200d’inégalités entre la desserte de dela60métropole toulousaine et celle à100 du reste de la région et ne saurait garantir de 20 à 60 la couverture des zones de faibles densités <20 (surtout en-deça de 80 habitants au km2). Limite de la région Midi-Pyrénées Limite de la région Midi-Pyrénées Couverture ADSL prévue en 2004 Couverture ADSL prévue en 2004 0 50 km 0 50 km Toulouse Toulouse Densité de population lissée en 1999, en hab / km2 > 200 de 100 à 200 de 60 à100 de 20 à 60 <20 Sources : Cabinet JCA ON-X et Conseil Régional Midi-Pyrénées, 2003 (ADSL); ® INSEE 2003 ( Densité de population) Graphique 1 : Dimensions fractales comparées de la couverture ADSL Sources : Cabinet JCA ON-X et Conseil Régional Midi-Pyrénées, 2003 (ADSL); ® INSEE 2003 ( Densité de population) et de la densité de population en Midi-Pyrénées 6,5 ln (aire de disponibilité de l'ADSL) ln (aire de population de densité supérieure à 80 km2) 6 Graphique 1 : Dimensions fractales comparées de la couverture ADSL ety=1,3605x-1,8983 de2la densité de population en Midi-Pyrénées 5,5 5 6,5 4,5 6 R =0,9777 In ln (aire (aire de de disponibilité disponibilité de de l’ADSL) l'ADSL) In ln (aire (aire de de population population de de densité densité supérieure supérieure àà 80 80 h/km km2)2) y=1,436x-2,4128 R2=0,9955 4 5,5 y=1,3605x-1,8983 R2=0,9777 3,5 5 y=1,436x-2,4128 R2=0,9955 3 4,5 2,5 4 2 3 3,5 4 4,5 5 5,5 6 ln (diamètre d'un cercle autour de Toulouse) 3,5 Sources : Cabinet JCA ON-X et Conseil Régional Midi-Pyrénées, 2003 (ADSL); ® INSEE 2003 ( Densité de population) 3 2,5 2 3 3,5 4 4,5 5 5,5 6 ln (diamètre d'un cercle autour de Toulouse) Sources : Cabinet JCA ON-X et Conseil Régional Midi-Pyrénées, 2003 (ADSL); ® INSEE 2003 ( Densité de population) 14 Dupuy - Internet : une approche géographique à l’échelle mondiale Évolutions et tendances : la curieuse trajectoire du réseau mondial Schéma 1 : Tendances mondiales d'évolution de l'infrastructure du réseau Internet entre 1990 et 2005 Portée Le réseau principal d’infrastructure d’Internet est ici représenté par trois caractéristiques (indiquées sur 2000 les trois axes de la figure) : couverture, portée, polarisation. La couverture spatiale peut être mesurée comme suggéré par Yook et al. (2002) par la dimension fractale de la loi de répartition des liens et des nœuds du réseau. La portée est la longueur moyenne d’une liaison entre deux nœuds du réseau. La polarisation caractérise la présence plus ou moins 1990 fréquente dans le réseau de nœuds d’où partent ou Polarisation arrivent de nombreux liens. À un moment donné, le réseau occupe une certaine 2005 position repérée par rapport à ces trois axes. La suite de ces positions est la trajectoire du réseau Internet considéré à l’échelle mondiale. Cette trajectoire peut s’interpréter de la manière suivante. En tant que réseau, jouant sur les effets de club, Internet doit croître, c’est-à-dire augmenter le nombre de ses usagers. Après écrémage des clienCouverture tèles riches et concentrées, le réseau doit donc s’efforcer d’accroître sa couverture spatiale. S’il a d’abord pu le faire à partir de hubs de plus en plus gros, le maintien et la qualité de service, dans un contexte économique difficile (crise de la net-économie) mais fertile en innovations technologiques, a conduit à un renversement de tendance à partir de 2000. Des hubs plus répartis (une moindre polarisation), des portées moins longues, permettent d’étendre la couverture spatiale en maintenant le niveau de service … en attendant sans doute de nouvelles inflexions de la trajectoire audelà de 2005. La conséquence à attendre d’un développement du caching est une certaine décentralisation d’Internet, rendant moins nécessaire les liens backbones à longue porté de forte capacité par rapport aux liens à courte portée. Venons-en à la réforme de l’adressage. Actuellement, pour des raisons historiques, l’adressage sur Internet est organisé en tenant compte des pays d’appartenances des sites : adresses de sites se terminant par exemple en .fr (France), .be (Belgique), ... Le nouveau système {habituellement nommé IPV6 (12)}, à l’étude depuis plusieurs années a l’objectif d’accroître le nombre d’adresses Internet disponibles. Il cherche également à simplifier les opérations de routage en orientant les paquets d’information non plus directement en fonction des adresses finales de destination (avec souvent un critère géographique implicite, le pays de rattachement) mais en fonction des adresses des principaux fournisseurs d’accès, désormais internationaux (Huitema, 1997, Gorman, 1998). Ces derniers se chargeraient de l’orientation finale vers les machines raccordées à leur propre réseau, en appliquant le cas échéant des priorités d’acheminement selon la valeur des contenus de messages (Benhamou, 2002). Dans cette perspective, l’orientation vers les grands nœuds d’infrastructure du réseau, qui donnent un maximum de possibilités de destination, serait sans doute moins nécessaire, ce qui réduirait l’« attachement préférentiel », c’est-à-dire la polarisation de l’infrastructure. Cette réforme est toujours en discussion, les intérêts des protagonistes étant divergents. En particulier les États défendent un système d’adressage géographique. Nombre de fournisseurs d’accès et de services issus des opérateurs historiques de télécommunications ont intérêt au statu quo sur ce point alors que les très grands fournisseurs d’accès internationaux défendent la réforme. Une solution de compromis est pour l’instant à l’étude qui consisterait en un adressage géographique vers des villes nodales. Même dans ce cas, la polarisation se trouverait sans doute limitée par rapport à la situation présente. La communication peer to peer (p2p) (13) procède d’une évolution qui comporte à la fois un aspect technique et un aspect commercial. Le concept mis en œuvre par Napster consistant à faciliter la mise en relation d’internautes les uns avec les autres (peer to peer) pour s’échanger par exemple des 15 Flux n° 58 Octobre - Décembre 2004 Carte 5 : Points d'accès "cache" de l'opérateur Mirror Image (2000) Seattle Chicago T Denver Chicago oronto Toronto San José Boston Dallas New-York Los Angeles Washington,DC tlanta A Atlanta Londres Paris Stockholm Stockholm Amsterdam Amsterdam Frankfurt Frankfurt Zurich Zurich Tokyo Miami Hong-Kong S Singapour ingapour demment dominant de peering (Malecki, 2002) devrait faciliter les investissements de capacité qui réduiraient les congestions. Cette évolution conduirait certes à un accroissement de la densité des nœuds et liens à l’échelle mondiale, mais compte tenu de ce qui précède, il s’agirait sans doute de nœuds plus réduits et d’arcs de moindre portée moyenne que ceux qui ont été établis jusqu’ici. Cette nouvelle période de l’histoire d’Internet qui commence demain pourrait donc être Sydney celle d’une remise en cause plus Nombre de points d'accès nette de l’évolution du réseau 5 4 3 2 1 Source http : www.mirror-image.com mondial. Il est assez douteux que l’équilibre couverture/population auquel on est aujourd’hui parvenu soit bouleversé dans les morceaux de musique enregistrés sur leur ordinateur avait années qui viennent, ce qui n’exclut pas une croissance raisonrecours à un serveur central. Aujourd’hui des firmes comme nable du nombre d’internautes. Mais c’est surtout un changeGnutella et Freenet fournissent des services similaires mais sans ment de l’architecture vers une organisation moins polarisée, serveur central. Grâce à d’ingénieuses procédures (limitant le moins hiérarchisée et ipso facto moins reliée aux USA qui nombre d’ordinateurs à contacter pour trouver, sans référencedevait s’opérer. ment centralisé, la ressource recherchée), Gnutella et Freenet fournissent un service appréciable sans tomber sous le coup de ÉCHELLE MONDIALE, ACTION LOCALE : la loi qui a condamné Napster. Si ce type de services peer to LA PLACE DES ÉTATS peer se développe, on peut aussi s’attendre à ce que la technologie évolue dans le sens d’une communication plus directe L’approche d’Internet à l’échelle mondiale montre que le chandite « de processeur à processeur », c’est-à-dire débarrassée de gement d’échelle n’est pas simplement, comme on le croit soul’appareillage logiciel nécessaire lorsque les ordinateurs jouent vent, un effet de focale, une modification des dimensions de des rôles dissymétriques clients/serveurs (Rutkowski, 2000). l’espace sur lequel on déploie le réseau. À cette échelle monCette évolution rapprocherait alors l’architecture d’Internet de diale, certains types d’analyses ne conviennent plus et doivent l’architecture des réseaux téléphoniques. Elle est mal ressentie laisser place à d’autres systèmes explicatifs. par les opérateurs de réseaux actuels qui craignent une réducAinsi, à l’échelle mondiale, l’idée d’une « fracture numétion des flux d’informations à véhiculer. L’accès au marché, la rique » correspondant à une différence sensible de la dimension connectivité seraient obtenus avec des nœuds plus nombreux et fractale du modèle de Yook et al., est plus éclairante que les moins importants, les portées pourraient aussi être réduites. notions de « retard » ou de « décalage », couramment utilisées Cela se traduirait par des besoins moindres de capacité de transà l’échelle régionale ou nationale pour rendre compte du mission et surtout une déhiérarchisation du réseau. déploiement d’Internet. Cette dimension fractale n’est bien sûr Évolution économique enfin, la substitution d’un principe qu’un indicateur parmi d’autres de la couverture par le réseau. de tarification des transits sur les backbones au système précéIl s’agit d’une valeur synthétique en ce sens qu’à une même 16 Dupuy - Internet : une approche géographique à l’échelle mondiale dimension fractale peuvent correspondre des formes différentes de déploiement du réseau (par exemple plus ou moins maillées ou arborescentes, et, comme on l’a indiqué, plus ou moins polarisées) L’existence d’une dimension fractale signale une tendance régulière dans la desserte d‘un espace par un réseau. Lorsque l’échelle territoriale augmente, cette régularité se vérifie. Une dimension fractale donnée ne signifie nullement que la densité de desserte par le réseau reste constante quelle que soit l’échelle considérée. Une dimension fractale inférieure à 2 implique au contraire une baisse régulière de la densité de desserte lorsque l’échelle augmente. Mais, comme on l’a vu plus haut, cette baisse est parallèle à la diminution de l’occupation du territoire par la population lorsque l’échelle augmente. Il y a donc dans la constance de la dimension fractale un indice plutôt favorable d’adéquation du réseau à l’espace tel qu’il est habité par les hommes. En revanche un changement de dimension fractale signifie que l’on entre sur des espaces de caractéristiques différentes pour lesquels cette adéquation ne peut être assurée de la même manière (par exemple parce que les espaces peu peuplés le sont aussi par des populations pauvres ou parce qu’ils n’ont pas d’activité économique). Dans ce cas, le changement de dimension fractale peut signaler une véritable fracture numérique. De même, la crainte que l’éloignement ne handicape fortement certains espaces (par exemple les DOM-TOM pour la France) à cause de la difficulté de les relier par une infrastructure performante, l’idée que les opérateurs établissent des liaisons qui affectent tel ou tel espace de manière aléatoire et imprévisible, sont aussi à revoir. Acceptables en première approximation à échelle restreinte, elles doivent être révisées à partir de la perspective à l’échelle mondiale (Yook et al., 2002). Ce qui compte, c’est la capacité de l’infrastructure d’Internet à respecter l’établissement des populations et de leurs activités, capacité qui est bonne et régulière, hors « fracture numérique ». Ce qui compte également, c’est l’architecture du réseau, c’est-à-dire sa structure topologique générale qui gouverne la répartition des nœuds gros ou petits, des liens longs ou courts. Cette architecture a des effets importants sur la desserte : elle la concentre plus ou moins sur de gros pôles, ouvre des gateways, place des waypoints dont les effets locaux sont importants. L’évolution de cette architecture, telle que résumée sur le schéma 1, peut paraître assez surprenante pour un réseau. En effet, il n’y a pas de tendance constante mais au contraire une sorte de retour en arrière, de réforme de l’architecture, alors même qu’Internet est un réseau très jeune qui pourrait faire appel à de nombreuses innovations pour poursuivre simplement sur sa lancée sa trajectoire de développement. En fait, on a déjà observé dans le passé des évolutions paradoxales de ce type pour d’autres réseaux. À l’échelle de la France, en un siècle, l’architecture du réseau de chemin de fer s’est ainsi transformée, avec des retournements de tendance, des phases de rationalisation succédant à des phases d’extension effrénée (Dancoisne, 1984). Plus récemment, à l’échelle continentale, le transport aérien a vu une topologie de « hubs and spokes » succéder à un réseau de lignes directes. Aujourd’hui, les compagnies à bas coût initient un retour à des dessertes directes, évitant les gros hubs trop coûteux et trop encombrés. Dans le cas d’Internet, on peut relever deux particularités. D’une part, l’évolution est très rapide, comme si le système avait une capacité de réaction inédite. D’autre part, ce réseau qui a pu paraître anarchique semble capable d’organisation et de réorganisation. Peut-on tirer de ce qui précède des leçons pour l’action, singulièrement dans le domaine de l’aménagement des territoires pour lequel les NTIC et Internet en particulier apparaissent souvent comme une panacée ? Sans entrer dans de longs développements qui dépasseraient les limites de cet article, on peut apporter quelques éléments de réponse. Tout d’abord les acteurs de l’aménagement restent des acteurs locaux : il n’y a pas d’aménageur mondial. Notre approche à l’échelle mondiale a montré les grandes logiques qui président au déploiement d’Internet. Il est essentiel pour un acteur local de reconnaître ces logiques. S’y opposer pour contrer tel ou tel effet territorial jugé indésirable est possible mais évidemment très difficile, extrêmement coûteux et probablement inefficace. S’y conformer consiste à saisir les opportunités qui en découlent à un moment ou à un autre pour tel ou tel territoire : politiquement difficile ce comportement s’avère judicieux à chaque fois qu’il est possible, ce qui est rare et peu prévisible en un lieu donné. Face à ce constat peu enthousiasmant, il faut sans doute accepter de redonner la main aux États nationaux. Acteurs classiques de l’aménagement du territoire, ils ont vu leur rôle fortement mis en cause. En France particulièrement, le mouvement de décentralisation a conduit dans de nombreux domaines à un effacement de l’État au profit des collectivités locales et territoriales. Il est par conséquent difficile pour celles-ci de reconnaître à l’État un rôle éminent pour le déploiement local des 17 Flux n° 58 Octobre - Décembre 2004 NTIC. Pourtant, c’est bien ce que suggère l’analyse que nous avons présentée. En effet les logiques mondiales d’Internet, qui conditionnent les possibilités d’action locale, relèvent d’une gouvernance dans laquelle les opérateurs sont partiellement mais réellement influencée par les États. L’influence est rarement directe. Elle passe par des actions concertées (telles les actions de justice contre le piratage des contenus susceptibles de brider l’évolution vers le peer to peer), des initiatives internationales de développement pour les pays du Sud (projet de câble circum-africain Africa One) ou dans le travail des organismes propres à Internet comme l’ICANN (14), ITEF (15) ou l’IAB (16) (cf. ci-dessus la mise au point du nouvel adressage IPV6). Comme on l’a vu dans plusieurs cas et encore récem- ment pour l’évolution vers l’adressage IPV6, les États continuent d’être consultés et influent ainsi sur les évolutions d’Internet. Le tout est de savoir quelles sont les priorités d’échelle locale à défendre dans de telles consultations concernant l’échelle mondiale (Bernard, 2003). En général les États ne sont guère préparés à ce rôle. Mais certains le sont plus que d’autres (ChéneauLoquay, 2000, Dupuy, 2003). La rapidité des évolutions décrites dans cet article montre qu’en tous cas il y a péril en la demeure. Gabriel Dupuy Professeur à l’Université Paris 1 et à l’ENPC, CRIA NOTES (1) Réseau National de Télécommunications pour la Technologie, l’Enseignement et la Recherche. (2) Courants Porteurs en Ligne : utilisation des lignes d’alimentation électrique desservant les abonnés pour transmettre l’information Internet. (3) The Economist, 11 August 2001. (4) Backbone (épine dorsale) : liaisons principales à très haut débit d’information du réseau Internet. (5) Un routeur est une sorte d’aiguillage électronique permettant sur le réseau Internet l’orientation optimale des « paquets » d’information. (6) Réseau Intertropical d’Ordinateurs. (7) Ordinateur connecté à Internet et capable de traiter l’information reçue ou émise par cette voie selon les normes propres au réseau (protocole TCP/IP). (8) Inférieur en moyenne, mais plus variable, pour un câble sous-marin. (9) Peering : accord entre deux propriétaires de réseaux backbone interconnectés consistant pour chacun d’eux à autoriser le transit gratuit sur son réseau du trafic en provenance ou en direction de l’autre. (10) Inventeur des réseaux locaux Ethernet, R. Metcalfe a formulé la « loi » selon laquelle « la valeur d’un réseau varie comme le carré du nombre de ses membres ». (11) Président-fondateur d’Intel qui énonça la « loi » suivante : la puissance d’un microprocesseur double tous les 18 mois. (12) IPV6 : Internet Protocol Version 6. (13) Peer to peer : réseau dans lequel tous les ordinateurs connectés possèdent les mêmes droits : chacun peut être aussi bien client que serveur. (14) ICANN : Internet Corporation for Assigned Names and Numbers. (15) ITEF : Internet Engineering Task Force. (16) IAB : Internet Architecture Board. 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