Les biothérapies en dermatologie - Centre de Recherche Pierre Fabre
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Les biothérapies en dermatologie - Centre de Recherche Pierre Fabre
K E R AT I N a c t u a l i t é s e n r e c h e r c h e d e r m a t o l o g i q u e N° 14 - 2008 Les biothérapies en dermatologie : une avancée thérapeutique importante Stratégie de prise en charge du psoriasis Les lasers fractionnels en 2008 L’actualité dermatologique KERATIN a c t u a l i t é s e n re c h e rc h e d e r m a t o l o g i q u e N° 14 - FÉVRIER 2008 Sommaire Directeur de publication : J. Fabre Rédacteur en chef : A. M. Schmitt Rédacteur en chef adjoint : D. Wallach Articles scientifiques Secrétaire de rédaction : A. Couffignals Les biothérapies en dermatologie : une avancée thérapeutique importante Centre de Recherche sur la Peau Pierre Fabre A. Ammoury, C. Paul 2, rue Viguerie B.P. 3 071 31025 Toulouse CEDEX 3 France Tél. : + 33 5 62 48 85 00 Fax. : + 33 5 62 48 85 45 p. 4 Stratégie de prise en charge du psoriasis L. Dubertret p. 14 E-mail : [email protected] Comité scientifique Les lasers fractionnels en 2008 N. Basset-Seguin (Paris) E. Delaporte (Lille) D. Dhouailly (Grenoble) MT. Leccia (Grenoble) M. Lecha (Barcelone) J. Mazereeuw (Toulouse) L. Misery (Brest) JF. Nicolas (Lyon) JH. Saurat (Genève) D. Schmitt (Lyon) G. Serre (Toulouse) N. Stavrianeas (Athènes) A. Taieb (Bordeaux) S. Mordon KERATIN p. 27 L’actualité dermatologique D. Wallach Actualités en recherche dermatologique éditée par les Editions PRIVAT Prépresse, Art & Caractère (SIA) - 81500 Lavaur - Dépôt légal : à parution - ISSN 1769-5171 Photos de couverture : Psoriasis des paumes (Collection L. Dubertret, Paris) - Coupe histologique parallèle à la surface de la peau obtenue à une profondeur de 40 lm (Collection S. Mordon, Lille) - Impacts obtenus sur la peau avec le Pixel 2940 nm (Collection S. Mordon, Lille) p. 37 Les biothérapies en dermatologie : une avancée thérapeutique importante : Biothérapies dans le traitement du psoriasis ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL (Toulouse - France) Introduction Les traitements biologiques ou biothérapies sont des agents visant à bloquer ou inhiber des mécanismes effecteurs clés dans la physiopathologie de plusieurs maladies comme le psoriasis, la dermatite atopique et les lymphomes. Ces traitements ont émergé durant les 10 dernières années grâce aux progrès rapides des biotechnologies et constituent des avancées thérapeutiques déterminantes pour la prise en charge des maladies cutanées. Les biothérapies utilisées dans le psoriasis sont l’objet de ce premier article. Elles comprennent deux groupes principaux d’agents en fonction du mécanisme d’action : i) les agents ciblant la cytokine TNFα (Tumor Necrosis Factor alpha) (ex. : etanercept, infliximab, adalimumab) et ii) les agents ciblant spécifiquement les lymphocytes T et/ou les cellules présentatrices de l’antigène (ex. : efalizumab, alefacept). Nous aborderons dans un second article les molécules utilisées dans d’autres maladies dermatologiques comme le rituximab, l’alemtuzumab ou l’omalizumab. I. Mécanisme d’action des traitements biologiques1 A. Les anticorps monoclonaux Ce sont des immunoglobulines spécifiques d’un antigène précis et produites à partir d’un seul clone de cellules. On distingue plusieurs types : i) les anticorps monoclonaux chimériques produits par une fusion de segments d’anticorps humains et murins. Les segments anticorps murins correspondent aux régions variables de l’immunoglobuline et portent la spécificité antigénique. Ce type d’anticorps porte le suffixe « ximab » (ex. : infliximab), ii) les anticorps monoclonaux humanisés dans lesquels seuls certains acides aminés des régions variables de l’anticorps sont constitués par des séquences murines dans le but de diminuer l’immunogénicité. Ce type d’anticorps porte le suffixe « zumab » (ex. : efalizumab) et iii) les anticorps monoclonaux humains qui correspondent à une séquence totalement humaine produite par un organisme génétiquement modifié. Ce type d’anticorps porte le suffixe « umab » (ex. : adalimumab). B. Les protéines de fusions Elles correspondent à une fusion du domaine récepteur d’une protéine humaine avec les régions constantes d’une IgG1 humaine. Elles sont ainsi capables de se fixer à un ligand qui peut être une cellule ou une cytokine. Ce type de molécules porte le suffixe « cept » (ex. : etanercept, alefacept). II. Utilisation pratique des traitements biologiques dans le psoriasis La prévalence du psoriasis en France est estimée entre 1,6 et 4,7 p.100 toutes formes confondues2. Environ un quart des patients ont une forme dite modérée à sévère3. Les limites des traitements systémiques sont principalement constituées par une toxicité spécifique d’organe cumulative conduisant à des stratégies thérapeutique de rotation ou a des traitements intermittents qui ne sont pas satisfaisants chez certains patients4. Cependant, les acquisitions récentes dans le domaine de la physiopathologie du psoriasis, et plus particulièrement le rôle clef des cellules immunitaires et celui de certaines cytokines comme le TNFα, ont permis l’utilisation de 4 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL nouvelles molécules « biologiques » constituant ainsi une avancée majeure dans la prise en charge du psoriasis. Les traitements biologiques ont fait l’objet d’un développement clinique rigoureux à grande échelle avec une évaluation de l’efficacité et de la tolérance à court terme intégrant plusieurs paramètres cliniques importants comme l’effet sur la sévérité et l’étendue des lésions, l’effet sur la qualité de vie, l’effet sur les symptômes dépressifs et sur l’état général. On peut regretter que jusqu’à ce jour très peu d’études aient comparé les traitements biologiques avec les traitements systémiques classiques mais ce vide sera très probablement prochainement comblé. Pour l’instant les traitements biologiques sont réservés en Europe aux patients présentant un échec ou une intolérance aux traitements systémiques du fait de leur coût élevé, de l’absence d’étude versus produit de référence et du fait de l’incertitude concernant leur sécurité à très long terme dans le psoriasis. Le cadre de prescription est bien défini par l’AMM : « psoriasis en plaques modéré à sévère défini par une atteinte de la surface corporelle ≥ 30% ou un retentissement psychosocial important et un échec, une intolérance ou une contre-indication à au moins deux traitements systémiques parmi la photothérapie, le méthotrexate et la ciclosporine ». a) Les inhibiteurs du TNFα Le TNFα est au cœur de la physiopathologie du psoriasis en plaques et du rhumatisme psoriasique. Les arguments en faveur du rôle-clé de cette cytokine dans la physiopathologie de la maladie reposent sur des travaux montrant : i) une augmentation des taux sériques de TNFα chez les patients atteints de psoriasis5, ii) une augmentation des taux de TNFα au niveau des plaques de psoriasis6, et iii) des concentrations élevées de TNFα dans le liquide articulaire et la synoviale des articulations des patients atteints de rhumatisme psoriasique7,8. Les actions pro-inflammatoires du TNFα sont nombreuses et comprennent : 1) induction de la synthèse d’autres cytokines pro-inflammatoires comme IL-1, IL-6, IL-8, Transforming Growth Factor-α, Granulocyte/Macrophage Colony Stimulating Factor et Leukaemia Inhibitory Factor, 2) stimulation de la synthèse de prostaglandine (PGE2) et leukotriène (LTB4), 3) activation des leucocytes et l’assistance à leur extravasation par l’intermédiaire d’une augmentation d’expression de molécules d’adhésion comme : Sélectine-E, Vascular Cell Adhesion Molecule, et ICAM (Intercellular Ahesion Molecule), 4) stimulation de la production par les fibroblastes et les polynucléaires neutrophiles de collagénases et de métalloprotéinases matricielles, 5) régulation de l’apoptose et 6) génération de la phase aigue de l’inflammation9-12. Plusieurs inhibiteurs de TNFα ont été évalués et ont démontré leur intérêt dans le psoriasis cutané. Actuellement, il existe deux agents anti-TNF utilisés en Europe dans le traitement du psoriasis cutané : etanercept (Enbrel®, Wyeth) et infliximab (Remicade®, Schering-Plough). Par contre, l’adalimumab (Humira®, Abbott) est commercialisé en France seulement dans les indications polyarthrite rhumatoïde et rhumatisme psoriasique, mais pas encore dans le psoriasis cutané. Etanercept L’etanercept est produit par des cellules ovariennes d’hamster chinois. C’est une protéine de fusion dimérique, recombinante, complètement humaine, associant deux domaines extracellulaires du récepteur humain p75 du TNF, à la fraction Fc d’une IgG1 humaine. Ce récepteur soluble agit donc comme un leurre, fixant le TNFα soluble et transmembranaire, et inhibant de façon compétitive la liaison du TNFα à ses récepteurs cellulaires13. Des études in vitro ont montré que l’etanercept n’induit pas une lyse cellulaire médiée par le complément14. En dehors du psoriasis en plaques, l’etanercept est utilisé dans le rhumatisme psoriasique, la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrite chronique juvénile et la spondylarthrite ankylosante9-11,14,15. L’etanercept est administré par voie sous-cutanée, à la posologie initiale de 25 ou 50 mg (de préférence) 2 fois par semaine pendant les 3 premiers mois uniquement, puis passage obligatoire à 25 mg 2 fois par semaine pendant 3 mois. La durée maximale du traitement continu est de 24 semaines. Il s’agit d’une recommandation Européenne, l’etanercept peut être prescrit de façon continue sans limitation de durée aux Etats-Unis. En cas de rémission le traitement peut être interrompu avant ce terme et doit l’être en l’absence de réponse après 3 mois de traitement. Si une rechute impose une reprise thérapeutique, elle doit être exclusivement à la posologie de 25 mg x2/semaine. Une large étude pivot randomisée réalisée en double insu contre placebo de l’utilisation d’etanercept en monothérapie a intéressé 486 patients atteints de psoriasis modéré à sévère (PASI médian initial : 18). Après 12 semaines de traitement, 34% des malades traités à la posologie de 25 mg x2/semaine présentaient une amélioration d’au moins 75% du score PASI (PASI 75). Ce PASI 75 était obtenu chez 49% des malades traités à la posologie de 50 mg x2/semaine comparé à 4% des patients sous placebo (p<0,001). Ces résultats progressaient à la semaine 24 puisque 44% et 59% des patients traités à la dose de 25 mg x 2/semaine et à la dose de 50 mg x 2/semaine respectivement atteignaient un PASI 75. L’amélioration des signes cutanés était rapide, observable dès la seconde semaine, et elle était associée à une amélioration significative de la qualité de vie. Le délai médian sans rechute était de 12 semaines sans aucun effet rebond (défini par un score PASI supérieur à 150% de celui observé au moment de l’inclusion). La réponse était comparable lors de la reprise du traitement pour les patients présentant des rechutes. Aucun cas de tuberculose ou d’infection opportuniste n’avait été observé dans cette étude16. Infliximab C’est un anticorps monoclonal chimérique (humainmurin) de haute affinité pour le TNFα. A la différence de l’etanercept, il est également capable d’induire l’apoptose des lymphocytes et des macrophages exprimant à leur surface la forme membranaire du TNFα sans entraîner de lymphopénie. La présence de parties d’origine murine au niveau des sites de reconnaissance de l’anticorps explique le développement possible, chez les patients traités, d’anticorps anti-infliximab qui sont susceptibles 5 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL Figure 1 : Avant traitement par infliximab : patiente âgée de 68 ans, présentant un psoriasis sévère avec un PASI à 40, un BSA à 55% et un DLQI à 24. Echec thérapeutique après 200 séances de PUVAthérapie et 6 mois de méthotrexate. de modifier sa pharmacocinétique et de neutraliser son efficacité thérapeutique17,18. L’infliximab est indiqué dans le psoriasis en plaques, le rhumatisme psoriasique14, la polyarthrite rhumatoïde19,20, la spondylarthrite ankylosante21, la maladie de Crohn22,23, et la rectocolite hémorragique24-26. Il est administré par perfusions intraveineuses, réalisées à S0, S2, S6, puis toutes les 8 semaines. Une large étude randomisée réalisée en double insu contre placebo a intéressé 378 patients atteints de psoriasis modéré à grave (médiane PASI initial : 22,9), traités par infliximab en monothérapie à la posologie de 5 mg/kg par perfusion (S0, S2, S6, puis toutes les 8 semaines jusqu’à S46). Une évaluation du PASI et du NAPSI (score spécifique pour l’atteinte unguéale) était réalisée. A S10, 25% des patients traités étaient totalement blanchis. La proportion de patients atteignant le PASI 75 à S10 était de 80% contre 3% dans le groupe placebo. De plus, la proportion de patients atteignant le PASI 90 était de 57% à S10 contre 1% dans le groupe placebo (p<0,001). Ces résultats étaient confirmés à S24 avec 82% des patients atteignant un PASI 75. De même, le pourcentage moyen d’amélioration du score NAPSI était de 56% à S24. Cependant, le taux d’échappement secondaire à S50 était de 20% (61% PASI 75 et 45% PASI 90) et était significativement associé à l’apparition d’une immunisation anti-infliximab. Ainsi, la présence de ces anticorps anti-infliximab peut compromettre le maintien à long terme de la réponse sous traitement, puisque seul 39% des patients développant ces anticorps avaient une réponse confirmée entre S10 et S50, alors que cette réponse était de 80% chez les patients ne produisant pas d’anticorps. Aucun cas de tuberculose ou d’infection opportuniste n’avait été observé dans cette étude27. Adalimumab C’est un anticorps monoclonal humain IgG1 qui bloque l’interaction entre le TNFα et les domaines p55 et p75 du récepteur cellulaire. Comme l’infliximab, il est également capable d’induire une apoptose des cellules qui expriment le TNFα membranaire en présence du complément. Son caractère humanisé vise à diminuer son potentiel immunogène afin de diminuer les réactions d’intolérance et d’augmenter sa durée d’action. Dans, la polyarthrite rhumatoïde, il est administré par voie sous-cutané à la posologie de 40 mg toutes les 2 semaines14. Ce produit a l’indication dans le rhumatisme psoriasique28, la polyarthrite rhumatoïde29, la spondylarthrite ankylosante30 mais pas encore dans les atteintes cutanées. Les données des essais dans le psoriasis en plaques rapportent l’obtention d’un PASI 75 chez 53% des patients traités par une posologie de 40 mg toutes les 2 semaines, et 80% des patients recevant une injection hebdomadaire de 40 mg31. De plus, l’adalimumab est capable d’induire une réponse clinique chez les patients présentant une rechute après un traitement par etanercept ou infliximab32. Les données de phase III avec Humira viennent juste d’être présentées au congrès de l’EADV (étude CHAMPION) et au congrès de l’AAD (étude REVEAL). L’étude CHAMPION est une étude randomisée réalisée en double insu contre méthotrexate (7,5 mg S0 et S1, 10 mg S2 et S3 puis 15 mg S4 à S15) ou placébo. Elle a intéressé 271 patients atteints de psoriasis modéré à sévère (PASI > 10 et BSA > 10), traités en monothérapie par adalimumab à la posologie de 80 mg à S0 puis 40 mg chaque 2 semaines. Après 16 semaines, la proportion de patients atteignant le PASI 75 était de 80% contre 36% dans le groupe méthotrexate et 19% dans le groupe placebo. De plus, la proportion de patients atteignant le PASI 90 était de 52% à S16 contre 14% dans le groupe méthotrexate et 11% dans le groupe placebo (p<0,001). Le biais majeur concernant cette étude est que la dose de méthotrexate utilisée était très faible, rendant compte de l’efficacité suboptimale du méthotrexate dans ce travail. D’autre part, l’étude REVEAL est une étude randomisée, contrôlée contre placebo. Elle a intéressé 1200 patients atteints de psoriasis modéré à sévère, traités par adalimumab à posologie initiale de 80 mg à S0 puis 40 mg chaque 2 semaines. Après 16 semaines, la proportion des patients atteignant le PASI 75 était de 71% contre 6,5% dans le groupe placebo. De plus, la proportion de patients atteignant le PASI 90 était de 45% à S16 contre 1,8% dans le groupe placebo. Par la suite, les patients atteignant le PASI 75 poursuivaient leur traitement par adalimumab jusqu’à 33 semaines. A 33 semaines, les 490 patients qui ont maintenu un PASI 75 étaient randomisés entre placebo et adalimumab. A 52 semaines, 28% des patients du groupe placebo 6 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL présentaient une rechute (amélioration < 50% par rapport à la première partie de l’étude) contre 5% dans le groupe adalimumab. Effets indésirables des inhibiteurs du TNFα Les effets indésirables des inhibiteurs du TNFα peuvent être divisés en effets indésirables fréquents et alors le plus souvent bénins et effets indésirables rares qui peuvent être graves : Effets indésirables fréquents • Réactions allergiques (perfusion/site d’injection) et développement d’anticorps : Etanercept : Les réactions au site d’injection sont les plus fréquentes et surviennent chez 10-20% des patients traités par etanercept. Ces réactions surviennent pendant le premier mois et diminuent progressivement pour disparaître après 2 mois. Elles sont transitoires (disparition en 2-3 jours) et comprennent : érythème, contusion, saignement, démangeaison, douleur et gonflement. Une réactivation des anciens sites d’injection peut s’observer dans 40% des cas, c’est le phénomène de « recall »33. Par ailleurs, la fréquence de développement d’anticorps contre l’etanercept est estimée à 6% mais la signification clinique reste indéterminée34. Figure 2 : Deux semaines après la première perfusion d’infliximab à la posologie de 5 mg/kg (S2). On note une amélioration clinique remarquable avec un PASI à 17, un BSA à 20% et un DLQI à 6. Infliximab : Des réactions à la perfusion peuvent survenir pendant les deux premières heures du traitement chez 10% des patients ; elles induisent rarement un choc anaphylactique35. Le risque de réactions lors de la perfusion augmente en cas de facteurs nucléaires positifs36 ou d’anticorps anti-infliximab. Dans le dernier cas, la prise concomitante de méthotrexate est capable de réduire leur développement37. La prise en charge des réactions dépend de leur sévérité. Lors des réactions légères à modérées, le débit de la perfusion doit être ralenti ou interrompu jusqu’à disparition des symptômes couplé à un traitement symptomatique (anti-histamines, paracétamol, hydrocortisone). Par contre, la survenue de réactions sévères contre-indique l’administration de l’infliximab mais pas les autres inhibiteurs du TNFα38. Effets indésirables rares • Infections : Tous les inhibiteurs du TNFα augmentent le risque infectieux. Les infections sévères constituent un effet indésirable rare mais potentiellement grave, ce qui nécessite une surveillance régulière. La tuberculose est un risque potentiellement associé aux agents anti-TNFα puisque le TNFα joue un rôle central dans la défense de l’hôte contre les germes intracellulaires (formation de granulomes et inhibition de la dissémination bactérienne) notamment les mycobactéries39. Elle peut survenir dans une forme pulmonaire ou extrapulmonaire, avec parfois issue fatale. L’infliximab en est le principal pourvoyeur40 avec un risque relativement plus faible avec l’etanercept41. Selon les recommandations de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), le bilan préalable à l’instauration d’un traitement par anti-TNFα afin de dépister les patients à risque de tuberculose latente ou active doit comporter : - un interrogatoire détaillé : BCG, résultats des IDR anciennes à la tuberculine, exposition au bacille de Koch (BK), antécédents personnels et familiaux de tuberculose, notion de contage (contact étroit avec une personne souffrant de tuberculose bacillifère) ou de primo-infection ancienne non traitée, traitements antituberculeux anciens en sachant que les traitements instaurés avant 1970 étaient insuffisants, - un examen clinique à la recherche de tuberculose maladie, - une radiographie thoracique. En cas d’images évocatrices de séquelles tuberculeuses, un avis pneumologique avec discussion du scanner complémentaire, parfois d’une fibroscopie bronchique, pourra être demandé, - une intradermoréaction (IDR) à la tuberculine à 5UI, avec lecture de la zone d’induration en mm entre la 48e et la 72e heure. Le seuil de positivité est de 5 mm ; en dessous de 5 mm, l’IDR est considérée comme négative. A partir d’une induration de plus de 5 mm, l’AFSSAPS considère que le patient est à risque de tuberculose latente, et doit bénéficier d’un traitement anti-tuberculeux 3 semaines avant la mise sous traitement par anti-TNFα et jusqu’à 3 mois. En cas d’IDR phlycténulaire, une recherche systématique du BK dans les crachats et les tubages sera demandée 3 jours de suite, nécessitant une hospitalisation. 7 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL TABLEAU 1 Médicament Adalimumab (Humira®) Alefacept (Amevive®) Efalizumab (Raptiva®) Etanercept (Enbrel®) Infliximab (Remicade®) Type de molécule Anticorps monoclonal humain, anti-TNFα Protéine de fusion, recombinante, anti-CD2 Anticorps monoclonal, recombinant humanisé, anti-CD11a Protéine de fusion, recombinante, humaine, anti-TNFα Anticorps monoclonal, chimérique, anti-TNFα Mode d’action -Inhibiteur du TNFα soluble et transmembranaire -Lyse des cellules exprimant le TNFα, médiée par le complément Inhibition : -de l’activation des lymphocytes T naïfs, -de la migration des lymphocytes T activés, -de la réactivation des lymphocytes T mémoires -Inhibiteur du TNFα soluble et transmembranaire -Pas de lyse cellulaire médiée par le complément -Inhibiteur du TNFα soluble et transmembranaire -Haute affinité pour le TNFα avec formation de complexe stable -Lyse des cellules exprimant le TNFα, médiée par le complément Dose 80 mg puis 40 mg 15 mg 0,7 mg/Kg puis 1 mg/Kg 25-50 mg pendant 3 mois puis 25 mg pendant 3 mois 5 mg/Kg Voie d’administration Sous-cutanée Intramusculaire Sous-cutanée Sous-cutanée Intraveineuse Fréquence 1 injection chaque 2 semaines 1 injection chaque semaine pendant 12 semaines 1 injection chaque semaine 2 injections chaque semaine S0, S2, S6 puis chaque 8 semaines Effets indésirables -Douleur et réaction locale -Anémie -Dyslipidémie -Céphalée -Infections des voies respiratoires hautes -Infections urinaires -Rash, prurit -Nausée, vomissement et diarrhée -Inhibition de l’activation et de la prolifération des lymphocytes T mémoires -Apoptose des lymphocytes T mémoires -Douleur et réaction locale -Lymphopénie -Frisson -Myalgie -Toux -Nausée -Prurit D’autres infections sérieuses ont été rapportées notamment avec l’infliximab et comprennent des septicémies secondaires à Listeria Monocytogenes42 et l’histoplasmose43. Dans le cadre de l’infection au VIH des infections opportunistes disséminées ont été rapportées chez les patients séropositifs44. • Tumeurs malignes et troubles lymphoprolifératifs : Au cours des essais cliniques, la fréquence des lymphomes est apparue supérieure en comparaison au placebo. Cependant, l’incidence était rare, et la période de suivi des patients du groupe placebo était plus courte que celle des patients ayant reçu un traitement par un anti-TNFα. De plus, il existe un risque accru de développer un lymphome chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde de longue date, hautement active et inflammatoire, ce qui complique l’évaluation du risque. Par ailleurs, les études de cohorte rhumatologiques n’ont pas montré d’incidence accrue de néoplasie solide chez les patients traités par un anti-TNFα. Toutefois, des précautions supplémentaires doit être toujours prises notamment chez les patients tabagiques et ayant reçu -Syndrome pseudogrippal -Thrombopénie -Lymphocytose -Rebond -Réactions paradoxales -Réactions locales au site d’injection -Infections : voies respiratoires supérieures, bronchites, cystites, infections cutanées -Réactions allergiques, auto-anticorps, prurit, fièvre -Réactions liées à la perfusion -Infections virale -Infections des voies respiratoires hautes et basses -Troubles digestifs -Réactions d’hypersensibilité retardée -Fatigue -Fièvre -Elévation des transaminases un traitement immunosuppresseur ou PUVAthérapie puisque le risque de développer des tumeurs malignes ne peut pas être écarté34,35. Selon les NICE guidelines de la British Society for Rheumatology (BSR), les anti-TNFα sont contre-indiqués dans les états cancéreux et pré-cancéreux sauf en cas de carcinome basocellulaire et en cas de cancer diagnostiqué et traité il y a plus de 10 ans (avec une très haute probabilité de guérison totale)45. Une autre attitude est d'appliquer les critères de non-inclusion des études cliniques de phase 2 et 3, c'est-à-dire de contre-indiquer les anti-TNFα en cas d'antécédent de néoplasie de moins de 5 ans, sauf s'il s'agit d'un cancer in situ du col utérin ou un carcinome cutané (mélanome exclu). Dans l'état actuel des connaissances, cette dernière attitude semble raisonnable, mais il n'est pas justifié de l'appliquer de façon « mathématique » mais plutôt d'envisager une réflexion au « cas par cas ». En pratique, chez tout patient justifiant un traitement par anti-TNFα, il faut évaluer le risque personnel et 8 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL TABLEAU 2 Efficacité dans le psoriasis Bilan avant début du traitement Bilan au cours du traitement AMM Médicament Adalimumab (Humira®) Alefacept (Amevive®) Efalizumab (Raptiva®) Etanercept (Enbrel®) Infliximab (Remicade®) - PASI 75 : 80% à la dose de 40 mg chaque semaine, à 12 semaines - PASI 75 : 53% à la dose de 40 mg chaque 2 semaines, à 12 semaines - PASI 75 : 28% après un cycle de 12 semaines - PASI 75 : 71% après 2 cycles de 12 semaines - PASI 75 : 27% à 12 semaines - PASI 75 : 44% à 24 semaines - PASI 75 : 49% à la dose de 50 mg, à 12 semaines - PASI 75 : 34% à la dose de 25 mg, à 12 semaines - PASI 75 : 80% à 10 semaines - PASI 90 : 57% à 10 semaines - PASI 75 : 75% à 50 semaines -Hémogramme et plaquettes -VS, CRP -Bêta-HCG sériques -ACAN et si positif anti-DNA -Transaminases -Electrophorèse des protéines sériques -Sérologies : VHB, VHC, VIH -Radiographie du thorax -Intradermoréaction à la tuberculine à 5UI -En fonction de la clinique : panoramique dentaire, radiographie des sinus, ECBU, avis cardiologique -Hémogramme et plaquettes -Taux de CD4 -Sérologie VIH -Radiographie du thorax et intradermoréaction -Hémogramme et plaquettes -Sérologie VIH -Radiographie du thorax et intradermoréaction -Hémogramme et plaquettes -VS, CRP -Bêta-HCG sériques -ACAN et si positif anti-DNA -Transaminases -Electrophorèse des protéines sériques -Sérologies : VHB, VHC, VIH -Radiographie du thorax -Intradermoréaction à la tuberculine à 5UI -En fonction de la clinique : panoramique dentaire, radiographie des sinus, ECBU, avis cardiologique -Hémogramme et plaquettes -VS, CRP -Bêta-HCG sériques -ACAN et si positif anti-DNA -Transaminases -Electrophorèse des protéines sériques -Sérologies : VHB, VHC, VIH -Radiographie du thorax -Intradermoréaction à la tuberculine à 5UI -En fonction de la clinique : panoramique dentaire, radiographie des sinus, ECBU, avis cardiologique Pas de surveillance biologique systématique nécessaire en complément de la surveillance médicale attentive du patient à la recherche de signes d’appel motivant la réalisation d’un bilan ciblé -Hémogramme et plaquettes avec taux de CD4 chaque semaine Hémogramme et plaquettes 1 fois par mois les trois premiers mois puis tous les 3 mois ensuite Pas de surveillance biologique systématique nécessaire en complément de la surveillance médicale attentive du patient à la recherche de signes d’appel motivant la réalisation d’un bilan ciblé -Avant chaque perfusion : Hémogramme, VS, CRP, transaminases, labstix. -Radiographie pulmonaire chaque 6 mois -Surveillance jusqu’à 6 mois après arrêt de l’infliximab -Polyarthrite rhumatoïde -Rhumatisme psoriasique -Spondylarthrite ankylosante Non disponible en Europe : utilisé dans le psoriasis en plaques aux états unis -Psoriasis en plaques -Psoriasis en plaques -Rhumatisme psoriasique -Polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante et arthrite chronique juvénile -Psoriasis en plaques -Rhumatisme psoriasique -Polyarthrite rhumatoïde et spondylarthrite ankylosante -Crohn et rectocolite hémorragique Coût mensuel Prix non disponible Prix non disponible 1087 € 25 mg 2 fois par semaine : 1140 € 50 mg 2 fois par semaine : 2280 € 5 mg/kg (< 60 kg) : 1122 € + coût HJ 5 mg/kg (> 60 kg) : 1496 € + coût HJ Coût par succès Prix non disponible Prix non disponible 3623 € 25 mg 2 fois par semaine : 3800 € 50 mg 2 fois par semaine : 4560 € 5 mg/kg (< 60 kg) : 1402 € 5 mg/kg (> 60 kg) : 1870 € 9 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL familial de néoplasie et rechercher une anomalie élémentaire selon les facteurs de risque. Différents examens peuvent donc se discuter selon le contexte, en précisant qu’ils font partie pour la plupart d’un suivi régulier de sujets à risque néoplasique, en particulier pour les examens gynécologiques : - examen sénologique et gynécologique (frottis cervical), - mammographie (systématique après 50 ans), - radiographie du thorax +/- scanner thoracique, - hémoccult +/- coloscopie, - surveillance cutanée en cas de risque de mélanome ou d'autres cancers cutanés, - examen ORL en cas d’éthylotabagisme important. • Auto-immunité : Tous les anti-TNFα sont susceptibles d’induire la formation d’auto-anticorps de type lupique notamment des anticorps anti-nucléaires, anti-DNA natifs et anti-cardiolipides. Malgré, la fréquence élevée de cette positivité d’auto-anticorps (jusqu’à 50% des patients), les lupus induits par les anti-TNFα sont peu fréquents, en général peu sévères et régressent après arrêt du traitement34,35. • Insuffisance cardiaque : Les anti-TNFα doivent être évités chez les patients présentant une insuffisance cardiaque sévère (grade 3 ou 4/FE < 50 %). Par contre, ceux qui présentent une atteinte modérée à légère, incitent une évaluation préthérapeutique avec nécessité d’arrêter le traitement en cas d’apparition de nouveaux symptômes ou d’aggravation de symptômes pré-existant34,35. • Pathologies démyélinisante : L’infliximab, ainsi que l’etanercept peuvent être associées au développement ou à l’aggravation de pathologies démyélinisantes. L’aggravation d’une sclérose en plaque sous infliximab de même que la survenue d’au moins 4 cas de démyélinisation avec l’etanercept ont été observés46. • Hépatite : L’innocuité des anti-TNFα chez les patients atteints d’hépatite chronique B ou C n’est pas connue. Cependant, l’utilisation de l’etanercept en adjuvant à l’interféron et à la ribavirine n’a pas présenté une détérioration des tests hépatiques ou de la charge virale47. Dans les hépatites B chroniques, les recommandations récentes exigent un traitement antiviral avant de débuter un traitement immunosuppresseur (par anti-TNFα ou autre)48. • Autres réactions : Plusieurs observations font état d’autres effets indésirables survenant dans le cadre des anti-TNFα comme : cellulite à éosinophile au site d’injection d’etanercept49, vasculite sous etanercept ou infliximab50, aggravation d’un lupus érythémateux subaigu sous infliximab51, érythème polymorphe ou éruption lichénoïde sous infliximab52, apparition d’un psoriasis sous etanercept ou infliximab53, dermatite granulomateuse interstitielle sous etanercept ou infliximab54 et pelade sous etanercept55. murin, l’efalizumab a secondairement été humanisé pour réduire son potentiel immunogène. Pour cela, l’essentiel des séquences d’ADN codant pour la molécule a été remplacé par des séquences humaines et seules environ 3% des séquences d’origine murines, qui confèrent sa spécificité anti-CD11a à la molécule, ont été conservés56. L’efalizumab bloque de façon ciblée et réversible la sous-unité CD11a de la molécule LFA-1 (Leukocyte Function-Associated Antigen-1). Ce blocage inhibe l’interaction entre le LFA-1 du lymphocyte T et les différentes ICAM (ICAM-1, ICAM-2, ICAM-3) présentes sur les cellules présentatrices de l’antigène, les cellules endothéliales, les kératinocytes et les fibroblastes. Ainsi, il en résulte un blocage des 3 étapes-clés du processus physiopathologique du psoriasis57 : - inhibition réversible de l’activation des lymphocytes T naïfs, - inhibition réversible de la migration des lymphocytes T circulants activés vers le derme, - inhibition réversible de la réactivation des lymphocytes T mémoires et, par conséquent, de la cascade pro-inflammatoire. En revanche, il n’induit pas de déplétion lymphocytaire, mais plutôt une recirculation de ceux-ci, souvent à l’origine d’une hyperlymphocytose sous traitement. L’efalizumab est indiqué uniquement dans le psoriasis en plaques. Il est administré par voie sous-cutané, à la posologie de 1 mg/kg, 1 fois par semaine. Toutefois, la Figure 3 : Blanchiment complet des lésions de psoriasis à la 6 e semaine (après deux perfusions d’infliximab). b) Efalizumab C’est est un anticorps monoclonal, recombinant de type IgG1 produit par les cellules ovariennes d’hamster chinois. Développé initialement comme un anticorps 10 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL posologie initiale est diminuée à 0,7 mg/kg afin de réduire la fréquence des syndromes pseudo-grippaux. Quatre grandes études de phase III intéressant plus de 2000 patients atteints de psoriasis en plaques modéré à sévères ont été publiées58-61. Globalement, l’efalizumab apparaît moins efficace à 12 semaines en comparaison avec les inhibiteurs du TNFα puisque 27% des patients atteignaient un PASI 75 après 12 semaines de traitement en monothérapie par efalizumab à la posologie de 1 mg/kg contre 4% seulement dans le groupe placebo. Toutefois, il semble qu’une durée plus longue de traitement permette d’améliorer la réponse clinique puisque 20% des patients qui n’ont pas obtenu un PASI 75 après 12 semaines, l’ont obtenu après 12 semaines supplémentaires (S24) contre 7% du groupe placebo60,61. Le traitement par efalizumab est indiqué pour une durée initiale de 12 semaines, et peut être poursuivi chez les patients répondeurs. En l’absence d’une réponse clinique après 3 mois de traitement, une reprise rapide par un traitement antipsoriasique d’action rapide comme la ciclosporine est nécessaire afin d’éviter un rebond. La durée de rémission après arrêt du traitement est variable. L’arrêt du traitement peut être associé à une rechute ou un rebond. La rechute est une perte de 50% de l’amélioration du PASI obtenu entre le début du traitement et la semaine 12 ; elle est observée chez 86% des patients qui avaient un PASI 75 à 12 semaines avec un délai médian de récidive de 67 jours. Par contre, le rebond est un score PASI > 125% du score PASI initial, une érythrodermie ou une poussée pustuleuse généralisée ; il est observé chez environ 14% des patients au cours des 3 mois suivant l’arrêt avec un délai médian de 36 jours. Par ailleurs, une éruption cutanée localisée peut s’observer au cours du traitement par efalizumab. Cette éruption appelée « Localized Mild Breakthrough », est le plus souvent transitoire, bien contrôlée par l’adjonction d’un traitement topique et représente histologiquement une dermatose neutrophilique dermoépidermique ; elle est constituée par des papules, inflammatoires prédominant sur le tronc, le cou et les plis, survenant dans les 4 à 8 semaines après le début du traitement62. Il n’y a pas d’augmentation du risque infectieux ni de la fréquence des cancers ou lymphome dans la population étudiée dans les études cliniques63. Cependant une alerte de la FDA a été publiée en 2006 concernant la possible survenue d’infections sévères et de tuberculose chez les patients traités au long cours par efalizumab (cf. site FDA). Le même degré de prudence s’impose que pour les anti-TNFα par précaution. c) Alefacept : C’est une protéine de fusion recombinante composée de la sous-unité terminale du LFA-3 et du fragment Fc humain d’une immunoglobuline IgG1. Le LFA-3 exprimé sur les cellules présentatrices de l’antigène, sert comme ligand du CD2 exprimé sur les lymphocytes T matures et les cellules « Natural Killers » (NK). L’interaction entre le LFA-3 et le CD2 agit comme un signal de co-stimulation important pour la prolifération et l’activation des lymphocytes T64,65. L’alefacept inhibe l’interaction entre ces deux molécules, permettant ainsi d’obtenir une réponse clinique favorable puisque les plaques de psoriasis montrent une prédominance de lymphocytes T mémoires CD45RO+ exprimant fortement le CD2. Il semble par ailleurs qu’il existe un autre mécanisme d’action expliquant l’immunosuppression de l’alefacept66. Il agit comme un pont entre le CD2 fortement exprimé sur les lymphocytes mémoires CD45RO et le récepteur FcgIII (CD16) exprimé sur les cellules NK. Cette interaction induite par l’alefacept favorise une apoptose des lymphocytes T mémoires induite par une libération enzymatique par les cellules NK. L’alefacept n’est pas commercialisé en France, mais il est indiqué dans le psoriasis en plaques aux Etats-Unis. Il est administré par voie intramusculaire à la posologie de 15 mg 1 fois par semaine pendant 12 semaines. Si le patient a besoin d’un autre cycle de 12 semaines, une fenêtre thérapeutique de 12 semaines est exigée avant le début du second cycle. Une surveillance du taux de CD4 est nécessaire avant le début du traitement et chaque semaine pendant le traitement. Un taux de CD4 < 250 cellules/ml impose une interruption du traitement jusqu’à ce que le taux devienne > 250 cellules/ml. Trois grandes études évaluant l’efficacité et la tolérance de l’alefacept ont été publiées66-68. Globalement, l’alefacept apparaît moins efficace en comparaison avec les inhibiteurs du TNFα et avec l’efalizumab. Une large étude randomisée, réalisée en double aveugle contre placebo, montrait que 21% des patients traités en monothérapie par alefacept à la posologie de 15 mg en intramusculaire 1 fois par semaine ont obtenu un PASI 75 à 14 semaines contre 5% dans le groupe placebo69. Toutefois, il semble que des cycles supplémentaires d’alefacept permettent d’améliorer la réponse clinique avec un profil de tolérance similaire à un seul cycle70. De même, la combinaison de l’alefacept avec la photothérapie UVB semble améliorer la réponse clinique avec un profil de tolérance toujours favorable71. Il n a pas été observé d’infections opportunistes ni de toxicité dans les études cliniques. Par contre, 3 cas de lymphomes ont été rapportés68. Conclusion Le choix d’un traitement biologique dépend du type du psoriasis, des facteurs de comorbidité, de la préférence du patient et/ou du prescripteur et de la localité d’administration du traitement. L’etanercept peut être considéré en première ligne dans le cadre d’un psoriasis stable et surtout lorsqu’il est associé à un rhumatisme psoriasique non contrôlé. L’infliximab est avantageux dans les circonstances cliniques nécessitant un contrôle rapide de la maladie (ex. érythrodermie, idées suicidaires, etc…) et ceci grâce à son action rapide et le taux de réponse clinique élevé. Par contre, chez les patients à haut risque de tuberculose latente ou de pathologies démyélinisantes, l’efalizumab doit être considéré en première intention. 11 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL Bibliographie 1 - Krueger JG. The immunologic basis for the treatment of psoriasis with new biologic agents. J Am Acad Dermatol 2002; 46: 1-23; quiz -6. 2. - Bardin T, Fournié B. Formes cliniques et évolution du ruhmatisme psoriasique. Rev Rhum 2002; 69: 630-4. 3 - Choy EH, Panayi GS. Cytokine pathways and joint inflammation in rheumatoid arthritis. 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Arch Dermatol 2003; 139: 719-27. 69 - D'après le Résumé des Caractéristiques d'alefacept. 70 - Menter A, Cather JC, Baker D et al. The efficacy of multiple courses of alefacept in patients with moderate to severe chronic plaque psoriasis. J Am Acad Dermatol 2006; 54: 61-3. 71 - Koo JY, Bagel J, Sweetser MT et al. Alefacept in combination with ultraviolet B phototherapy for the treatment of chronic plaque psoriasis: results from an open-label, multicenter study. J Drugs Dermatol 2006; 5: 623-8. Stratégie de prise en charge du psoriasis LOUIS DUBERTRET (Paris - France) Le progrès principal dans la prise en charge du psoriasis n'est pas un nouveau médicament mais une véritable révolution dans la relation médecin malade. Cette révolution consiste à évaluer de façon beaucoup plus précise les besoins de chaque patient, à éduquer chaque patient de façon à le faire participer au choix thérapeutique et ainsi, d'ajuster de façon individuelle et beaucoup plus efficace, la stratégie thérapeutique. Evaluation de la gravité du psoriasis Dans les maladies mettant en jeu la vie, c’est le médecin qui, à l’aide de marqueurs scientifiquement évalués, établit une échelle de gravité et en informe le patient pour le convaincre de se traiter. Dans les maladies mettant en jeu la qualité de la vie, et le psoriasis en est le prototype, seul le patient peut évaluer le retentissement de la maladie sur sa qualité de vie, et donc sa gravité. Il y a un accord parmi les spécialistes européens du psoriasis pour accepter la proposition du Professeur Christopher Griffiths sur la façon d’évaluer la gravité du psoriasis, en considérant par ordre d’importance décroissante : a) Le retentissement sur la qualité de la vie, b) La résistance du psoriasis aux différents traitements, c) L’étendue des lésions. Seule une évaluation adéquate de la gravité du psoriasis permet d’évaluer avec le patient les indications des traitements disponibles en terme de rapport efficacité/ contraintes/effets secondaires (de façon intéressante, les contraintes d’un traitement sont de plus en plus assimilées à de véritables effets secondaires). Ainsi dans les maladies retentissant sur la qualité de vie, c’est au médecin d’entrer dans le scénario du patient pour comprendre petit à petit, avec l’aide de ce dernier, quel scénario thérapeutique peut s’intégrer de la façon la moins négative possible dans le scénario de vie du patient. C’est dire que les maladies retentissant sur la qualité de la vie ne peuvent être soignées que par une approche globale centrée sur le patient et non sur la maladie, ce qui représente à soi seul une véritable révolution, au sens propre, de la relation médecin/malade. Cette révolution est au c?ur d’un progrès majeur dans l’observance thérapeutique et donc dans la qualité et l’efficacité des soins. Les quatre étapes de la prise en charge thérapeutique Les quatre étapes de la prise en charge thérapeutique sont le questionnement, les explications, la négociation et la prescription. a) Le questionnement Il a pour but d’aider le patient à prendre de la distance par rapport à son affection, de la considérer comme un élément extérieur à lui-même, mais retentissant de façon étroite sur sa vie quotidienne. Il permet de recueillir les informations qui permettront d’ajuster les explications à la culture et à la mentalité du patient, et d’évaluer dans quel contexte vont se dérouler les étapes de négociation et de prescription. Le questionnement porte sur l’état de santé général, les traitements en cours, l’opinion du patient sur le psoriasis en général et sur son psoriasis en particulier, sur les médicaments et les traitements qu’il a déjà reçus. Il porte sur l’ancienneté et l’évolution du psoriasis et sur son caractère familial ou non, sur l’existence 14 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET ou non d’une atteinte articulaire présente ou passée. Il porte sur le retentissement du psoriasis sur les différents aspects de la vie quotidienne, et sur les variations de ce retentissement au cours de l’année ou selon les activités. Cela permet de mieux cerner la demande thérapeutique du patient. Il est important également d’évaluer si le patient retire des avantages indirects du fait de son psoriasis, comme c’est le cas dans la plupart des maladies chroniques et comment s’organise sa vie avec, malgré ou autour de son psoriasis. une surveillance rapprochée et comportant des risques potentiels pour la santé. Tous les traitements ont pour but et pour conséquence de freiner le renouvellement de la peau. Si donc on arrête un traitement dès que les plaques ont disparu la rechute est rapide. Il est essentiel donc de continuer à se traiter lorsque les lésions ont disparu. Six mois après la disparition d’une plaque de psoriasis, la peau reste tout à fait anormale au niveau microscopique. C’est pourquoi on continue habituellement le traitement un an après que les lésions aient disparu. b) Les Informations : Elles doivent être données sur le psoriasis et sur les traitements. Elles ont pour but de permettre au patient de comprendre la stratégie thérapeutique générale, traitement d’attaque et traitement d’entretien, de lui faire comprendre qu’il existe beaucoup de possibilités thérapeutiques qui comportent toutes des effets secondaires ou des désagréments et donc une incidence sur sa vie quotidienne, mais que lui seul possède les informations qui permettront de mettre en place une stratégie qui permettra d’améliorer sa qualité de vie. Les informations porteront sur le psoriasis: c’est une maladie génétique, multigénique révélée et non provoquée par des facteurs d’environnement : maladies infectieuses, changements de saisons, stress, médicaments, irritations cutanées, bref par tout ce qui accélère le renouvellement cutané. La plaque de psoriasis est la conséquence d’un renouvellement trop rapide de la peau, lorsque la peau commence à peler elle est le siège d’une inflammation qui agresse la peau et entretient la maladie. Le seul fait de gratter la peau, ou d’arracher les squames accélère le renouvellement de la peau et cinq minutes de grattage suffisent à réactiver le psoriasis pendant deux semaines. La lutte contre les démangeaisons est donc un élément capital du traitement du psoriasis. Le psoriasis n’est pas contagieux. Il ne met pas en jeu la santé physique. C’est une maladie dont la gravité dépend du retentissement des lésions sur la qualité de la vie. C’est donc le patient et lui seul, qui sait si son psoriasis est grave et donc si ce psoriasis peut relever ou non de traitements majeurs, c’est-à-dire de traitements nécessitant Le but du traitement est d’améliorer la qualité de la vie. C’est pourquoi seul le patient peut réellement en évaluer l’efficacité. Le patient n’est pas condamné à se soigner de façon continue, mais peut ne se soigner qu’à certains moments de l’année ou ne soigner que certaines localisations en fonction de son équation personnelle entre la gêne entraînée par la maladie et celle entraînée par le ou les traitements. Ces bases posées, la seconde partie de la phase des explications va porter sur chacun des traitements locaux et généraux disponibles en expliquant leur technique d’utilisation, les contraintes dans la vie quotidienne, les effets secondaires et la stratégie de la surveillance. Psoriasis des paumes c) La Négociation C’est la phase la plus importante de la prise en charge thérapeutique. Elle évolue de consultation en consultation au fur et à mesure que, à travers questionnement et explications, le malade est de mieux en mieux informé et est donc capable de dialoguer d’égal à égal, mais avec un point de vue évidemment différent et complémentaire, avec son médecin. L’objectif de la négociation est de trouver le meilleur compromis entre les contraintes, vécues par le patient, liées à la maladie et liées aux traitements, et les données objectives, connues du médecin, sur les rapports bénéfices/risques de chaque traitement, association thérapeutique et succession de traitements. Comme dans toute bonne négociation, chacun doit sortir, le médecin et le patient, de cette négociation en ayant le sentiment d’avoir exprimé et fait accepter concrètement, dans la décision prise, son point de vue. C’est la condition de l’observance thérapeutique. d) La Prescription C’est le contrat qui conclue la négociation. Idéalement, ce contrat devait être signé par le médecin et par le malade, témoignant ainsi de la participation de chacun. La prescription n’est en aucun cas «une ordonnance». LES TRAITEMENTS LOCAUX Indications Les traitements locaux peuvent être utilisés seuls ou associés les uns aux autres dans les psoriasis limités et stables. Ils peuvent être associés aux traitements généraux pour en diminuer la posologie, faire face à une poussée passagère ou augmenter leur efficacité dans certaines localisations. Certains traitements locaux sont surtout 15 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET utiles pour faire face à une situation de crise et seront utilisés pendant des temps relativement courts, d’autres ne développent leur efficacité qu’au long cours et se présentent plus comme des traitements de fond. Un même traitement local peut être utilisé quotidiennement en traitement d’attaque et de façon progressivement plus espacée en traitement d’entretien. Nous manquons cruellement de traitements locaux bien adaptés aux traitements d’entretien du psoriasis et surtout des psoriasis étendus. L’hydratation cutanée Il a été montré par Eugène Farber que l’hydratation cutanée pouvait aller jusqu’à freiner de 50% le renouvellement épidermique d’une plaque de psoriasis Un bon excipient peut entraîner une amélioration du PASI de 60 % comme l’ont montré certaines études de traitements locaux contre placebo. Les cosmétiques (et donc les excipients) ont des activités biologiques différentes sur l’épiderme. L’activité biologique des cosmétiques est encore mal connue et les excipients n’ont pas tous la même efficacité anti-psoriasique. L’hydratation cutanée faite juste avant la photothérapie, augmente la transparence de la couche cornée et donc le risque d’accident phototoxique. Les goudrons Très efficaces, mais malheureusement malpropres et malodorants, ils ont été interdits en France sans véritable argumentation ni toxicologique ni épidémiologique. Le dioxyanthranol ou anthranile L’anthranile n’interagit pas avec l’ADN, n’est ni mutagène ni carcinogène et elle agit en bloquant la respiration mitochondriale et en inhibant la voie des pentoses. Ceci provoque une diminution drastique de l’énergie disponible pour la cellule avec une action sélective sur les cellules ayant une forte activité mitotique et mitochondriale, ce qui est le cas des kératinocytes psoriasiques. Contrairement à tous les pays européens, nous n’avons pas de préparations satisfaisantes de Dioxyanthranol en France et nous sommes forcés de passer par des préparations magistrales, sur lesquelles il doit être clairement indiqué « Préparation magistrale remboursable à usage thérapeutique » pour permettre un remboursement. La qualité de la préparation magistrale doit être contrôlée, ce qui est facile en observant simplement la couleur de la préparation qui doit être jaune très claire. Toute trace de marron indique que le dioxyanthranol est oxydé et qu’il s’est transformé en dimères qui sont salissants et inactifs. Appliqué sur la peau, le Dioxyanthranol est irritant et ce d’autant plus quand on est en zone de peau fragile, région génitale, plis, cou et visage. Le Dioxyanthranol tache le linge, puisque au contact du linge et de l’air il va s’oxyder progressivement, et l’on voit apparaître en quelques heures des tâches marrons, difficiles à faire disparaître. L’efficacité du dioxyanthranol utilisé selon une bonne stratégie est équivalent à celle de la PUVA. Les corticoïdes locaux La corticothérapie locale reste le traitement local de référence dans le psoriasis dans de nombreux pays. Elle est encore le traitement local de référence pour la plupart des essais thérapeutiques concernant de nouveaux traitements locaux. Cette situation paradoxale est la conséquence de ce que la corticothérapie locale a été longtemps le seul traitement local disponible et que ce traitement est relativement peu coûteux. Chacun a pu constater qu’avec une corticothérapie locale bien faite un petit nombre de patients bénéficiait de rémissions prolongées, permettant l’arrêt progressif du traitement local mais que la plupart des patients deviennent cortico-dépendants, et qu’il existe un effet rebond fréquent après l’arrêt d’une corticothérapie locale. Chez certains patients la corticothérapie locale au long cours semble entretenir la maladie. Il existe des psoriasis cortico-entretenus. De façon intéressante, les différentes régions du corps ne répondent pas de la même façon à la corticothérapie locale. Les zones pileuses sont en général cortico-sensibles. La corticothérapie locale dans le psoriasis, comme dans toutes les maladies chroniques, est contre indiquée de façon prolongée au niveau du visage. En pratique : La corticothérapie locale dans le psoriasis est utilisée essentiellement pour faire face à des situations d’urgence où un blanchiment doit être obtenu rapidement sans que l’on ait à tenir compte de l’efficacité à long terme: mariage, départ en vacances etc... La corticothérapie locale peut être utilisée également comme starter en association avec un autre traitement, dont l’effet thérapeutique met plus longtemps à se manifester : Daivonex, rétinoïdes locaux, rétinoïdes donnés par voie générale, Méthotrexate. La corticothérapie locale est contre-indiquée en association avec les photothérapies du fait du risque de rebond à l’arrêt de la corticothérapie locale malgré la photothérapie. La corticothérapie locale reste un traitement quasi constamment efficace et presque dénué d’effets secondaires au niveau du cuir chevelu. Les effets secondaires de la corticothérapie locale sont bien connus. Il faut insister sur la possibilité de provoquer ou de révéler une insuffisance surrénale chez de rares patients ayant une sensibilité très particulière et pour l’instant mal comprise. Les dérivés de la vitamine D Ce sont, par ordre de mise à la disposition des patients, le Calcipotriol (Daivonex®), le Tacalcitol (Apsor®), et, dans certains pays le Calcitriol (Silkis®). Les dérivés de la vitamine D ont tous une activité anti-psoriasique intéressante, égale ou légèrement inférieure aux corticoïdes de classe II, sur trois mois de traitement. Des études comparatives dans des situations plus proches de la réalité, c’est-à-dire sur un an, entre corticoïdes locaux et dérivés de la vitamine D n’ont pas été réalisées. L’avantage majeur des dérivés de la vitamine D est l'absence de rebond ou de tachiphylaxie ce qui permet de les utiliser de façon très libre voire irrégulière. Ils possèdent tous un potentiel irritant pour certains patients sans que l’on en comprenne exactement les mécanismes, ni que l’on puisse le prévoir. Actuellement, le produit le plus efficace est le Daivonex en pommade, utilisé matin et soir et c’est également la stratégie d’utilisation la plus souvent irritante. Les risques de trouble du métabolisme phospho-calcique semblent exceptionnels avec les dérivés de la vitamine D utilisés par voie topique, si les conditions d’utilisation 16 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET conseillées sont respectées. Ces molécules améliorent la qualité de vie de 30 à 40 %, des patients. Des efforts restent à faire a) vers la mise au point de forme galénique améliorant l’efficacité et la tolérance b) vers des formes restant tout à fait efficaces à une application par jour c) vers une connaissance toujours meilleure des possibilités d’association. L’association des dérivés de la vitamine D avec la corticothérapie locale est association la plus intéressante. On peut mettre l'un des médicaments le matin l'autre le soir. À on peut utiliser une association toute faite particulièrement commode, le Daivobet. Les dérivés de la vitamine D peuvent être associés, de façon tout à fait bénéfique, aux photothérapies (application après traitement pour éviter la photo-destruction), aux traitements par les rétinoïdes sous réserve d’une bonne tolérance cutanée, au Méthotrexate et à la Ciclosporine. En pratique : Il s’agit du traitement local de fond le plus commode du psoriasis, lorsque la tolérance est bonne et que les contraintes d’application ne sont pas trop lourdes pour le patient. Ce sont des molécules très intéressantes en association avec les autres traitements locaux et les autres traitements généraux. Les rétinoïdes topiques L’utilisation de rétinoïdes topiques dans le traitement du psoriasis est limitée le caractère irritant de ces molécules avec la possibilité d’entraîner un phénomène de Koebner. Récemment, l’étude systématique d’un nouveau dérivé des rétinoïdes, le Tazarotène (Zorac®) a permis de préciser les modalités de son application au traitement du psoriasis. Le traitement doit être commencé, pendant environ six semaines, par l’association au Zorac® d’une corticothérapie locale de force 1. Cette stratégie limite l’irritation provoquée par le Zorac®, et le Zorac® diminue l’effet atrophogénique des corticoïdes et supprime l’effet rebond lié à l’arrêt brutal d’une corticothérapie locale forte. Le problème majeur comme avec tous les rétinoïdes topiques est l’irritation cutanée. La solution est la même qu’avec tous les rétinoïdes topiques, il faut éduquer les patients à mettre le moins possible de produit et à ajuster la fréquence des applications en fonction de la tolérance. Certains patients commencent à une fois par semaine. Comme avec les autres rétinoïdes, il y a une accoutumance progressive qui permet, après quelques semaines, d’aboutir à une application tous les jours. Cela nécessite une discipline stricte. C’est dire l’intérêt de l’association corticothérapie locale et Tazarotène qui fait gagner du temps. Le laser pulsé à colorant Il a été montré récemment que l'utilisation de laser pulsé à colorant à dose purpurogénique était capable, vraisemblablement du fait d'une destruction sélective d'une micro circulation particulièrement altéré, de blanchir de façon extrêmement durable des plaques de psoriasis. Ce traitement n'est que transitoirement efficace dans des plaques récentes. Par contre il semble être quasi définitivement efficace dans les plaques extrêmement anciennes, épaisses et résistantes à tous les traitements locaux et généraux. Les cures thermales Le soleil et la mer améliorent 70 % des psoriasiques et en aggravent 10 %. Nous n’avons pas d’évaluation rigoureuse du bénéfice des cures thermales. On ne sait pas, dans les cures thermales, la part d’efficacité liée à la détente psychologique et à la thérapie de groupe qu’elles représentent, au rituel de l’utilisation de l’eau thermale ou aux qualités propres de telle ou telle eau thermale. Un certain nombre de patients (25 % ?) tirent un réel bénéfice de la cure sur le plan de leur qualité de vie. On ne sait pas non plus comment se situe le bénéfice d’une cure par rapport à un séjour à la mer et au soleil. Enfin, nous ne disposons d’aucune information permettant de supposer que des cures coûteuses et non prise en charge par la sécurité sociale comme les cures à la Mer Morte ont un intérêt particulier par rapport aux cures disponibles en France. LES TRAITEMENTS GENERAUX Indication Les traitements généraux sont indiqués lorsque le psoriasis retentit de façon importante sur la qualité de vie et que les traitements locaux sont trop peu efficaces ou trop contraignants. D'après une étude récente réalisée par le club français du psoriasis, 30 % des psoriasis ont besoin d'un traitement général. Les traitements généraux peuvent être associés à des traitements locaux, soit temporairement pour gagner du temps, soit pour avoir un résultat meilleur sur quelques zones limitées et résistantes, soit pour faire face de façon temporaire à une poussée de psoriasis et éviter ainsi de devoir augmenter les doses du traitement général, soit enfin, pour augmenter l’efficacité de doses faibles et bien tolérées d’un traitement général. Les traitements généraux sont les photothérapies, les rétinoïdes, le méthotrexate, la ciclosporine et de façon exceptionnelle, l’azathioprine, le mycophénolate mophétyl, l’hydroxyurée, la photophérèse extra corporelle. Les dérivés de l'acide fumarique ne sont pas encore disponibles en France. Les photothérapies La photothérapie du psoriasis consiste à utiliser les propriétés biologiques des ultraviolets B solaires à des fins thérapeutiques. La PUVA n’est pas une photothérapie. C’est une chimiothérapie photo - activée par les UVA. Les psoralènes photoactivés deviennent des molécules intercalaires de l’ADN, puissamment photo mutagènes, et photo carcinogènes chez l’animal. La Photothérapie UVB La Photothérapie UVB est de loin la plus ancienne. Il s’agit de l’utilisation du rayonnement naturel solaire, dont on sait qu’il améliore dans 70 % des cas les psoriasis. Leur utilisation en association avec les goudrons en Angleterre et avec le Dioxyanthranol aux Etats-Unis sous forme de cures de trois à quatre semaines, a été pendant plus de 60 ans le traitement de référence des psoriasis étendus. Les cures sont réalisées à raison de trois à cinq séances par semaines. La dose de départ dépend du phototype, la vitesse d’augmentation des doses dépend de 17 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET la vitesse d’induction du bronzage et les effets secondaires aigus sont identiques aux coups de soleil. L’effet carcinogène au long cours est considéré comme faible, voire négligeable pour beaucoup d’auteurs américains, bien qu’aucune étude épidémiologique rigoureuse n’ait pu évaluer de façon précise ce risque. Sur le plan biologique les UVB sont beaucoup moins photo mutagènes que la PUVAthérapie et les lésions faites dans l’ADN sont beaucoup plus faciles à réparer que celles qui sont provoquées par la photo activation intra-cellulaire des psoralènes. Les sujets à risque pour la photo-carcinogénèse UVB sont vraisemblablement les mêmes que ceux pour les expositions solaires. Ils sont pour l’instant mal identifiés, mais des progrès devraient être faits dans les années qui viennent. La Photothérapie UVB peut être utilisée en traitement d’attaque et pour certains en traitement d’entretien. On ignore pour l’instant s’il existe une dose maxima, au-delà de laquelle cette thérapeutique doit être définitivement arrêtée. On ignore également si la Photothérapie UVB peut être encore proposée à des patients ayant atteint la dose cumulative maximale de PUVAthérapie. La Photothérapie UVB peut être associée de façon tout à fait efficace avec les dérivés de la vitamine D par voie topique, ainsi qu’a des rétinoïdes topiques. Dans ces deux derniers cas, le traitement local doit être fait le soir après la Photothérapie. L’association photothérapie UVB en traitement d’attaque et d’entretien aux rétinoïdes au long cours est de plus en plus en vogue aux Etats-Unis. Il serait certainement utile de développer, pour la Photothérapie UVB seule ou associée aux rétinoïdes, le même effort en épidémio-cancérologie que celui qui a été réalisé, il y a 25 ans pour la PUVAthérapie. Les UVB peuvent être utilisés de deux façons. Soit les UVB à large spectre, les moins efficaces ou la Photothérapie avec des UVB à spectre étroit, centrés sur 311 nanomètres et disponible grâce aux tubes Philips TL01. Cette dernière photothérapie à spectre étroit a tendance à se développer du fait de son efficacité proche de celle de la PUVAthérapie. Le 8 méthoxypsoralène peut être remplacé, si le patient souffre de nausées, par le 5 méthoxypsoralène (psoraderm V). La dose est alors de 1,2 mg/kg et la prise des comprimés se fait trois heures avant le traitement. En dehors de la diminution des nausées observées avec le 5 méthoxypsoralène, les deux médicaments 8 MOP et 5 MOP ont les mêmes effets secondaires aigus et chroniques. Le but de la montée des doses est d’avoir toujours la même dose d’UVA au niveau de la couche basale de l’épiderme, quelque soit l’épaississement de la couche cornée et le bronzage induits par le traitement. Une cure de PUVAthérapie est de trois séances par semaine pendant deux mois, puis d’une séance par semaine pendant un ou deux mois. Il est essentiel de ne pas faire de traitements chroniques pour limiter la toxicité cumulative chronique de ce traitement. La PUVAthérapie dans le psoriasis est donc uniquement un traitement d’attaque. Des rémissions prolongées supérieures à un an après la cure sont observées chez 30 % des patients et le blanchiment est obtenu chez 70 % des patients. - Les effets secondaires : La PUVAthérapie peut provoquer des effets secondaires aigus ou chroniques. Les effets secondaires aigus sont des accidents phototoxiques, survenant deux à trois jours après une irradiation excessive. Cet accident photo toxique n’a donc rien à voir avec le coup de soleil. Il est beaucoup plus tardif et beaucoup plus durable. A côté de ces accidents phototoxiques, Psoriasis généralisé. La PUVAthérapie La photo activation dans la peau des psoralènes (P) par les UVA (PUVA) a été un progrès thérapeutique majeur pour un grand nombre de dermatoses étendues chroniques et en particulier pour le psoriasis. Les protocoles de PUVAthérapie sont différents pour chaque dermatose traitée. Dans le cas du psoriasis, le protocole de base est parfaitement standardisé: si on utilise le 8 méthoxypsoralène (Méladinine), il faut prendre deux heures avant les séances la quantité de Méladinine immédiatement inférieure à la dose de 0,7 mg/kg, en sachant que les comprimés sont de 10 mg. Les comprimés doivent être pris avec quelques aliments pour en favoriser l’absorption. Des lunettes filtrant les UVA doivent être portées dès la prise des comprimés jusqu’à la nuit les jours des séances d’irradiation. Cela est essentiel pour prévenir l’apparition ou éviter l’aggravation rapide d’une cataracte par photo fixation des psoralènes sur les protéines du cristallin. Les lunettes utilisées peuvent être des lunettes de soleil à forte capacité de filtration UVA ou, mais cela est beaucoup plus coûteux, des verres incolores Orma UVX de chez Esilor. 18 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET on observe parfois en cours de traitement et de façon imprévisible, sans que cela soit relié clairement à un surdosage, des altérations des plexus nerveux du derme superficiel qui se traduisent par des douleurs à type d’élancements violents extrêmement proche des douleurs observées dans le zona. Ces douleurs peuvent atteindre de grands territoires cutanés et sont extrêmement pénibles et insomniantes. Ces douleurs guérissent en règle générale en cinq semaines et nécessitent, bien sûr, un arrêt complet du traitement. Le port de sous-vêtements serrés pour éviter les frôlements cutanés et la codéine peuvent être d’une grande aide. Si ce traitement est insuffisant, il faut utiliser le Rivotril en commençant par une goutte le soir et en augmentant très progressivement jusqu’à une dose maximale de 5 gouttes en fonction de la tolérance et de l’efficacité. Les antalgiques majeurs peuvent quelquefois être nécessaires. Les effets secondaires chroniques sont un vieillissement cutané accéléré en particulier au niveau du visage. Il est essentiel pendant le passage en cabine de protéger le visage avec un linge et de prescrire dès la prise des comprimés, l’application d’ écrans de protection UVA/UVB d’indices élevés pour éviter la phototoxicité supplémentaire provoquée par les UVA naturels au niveau du visage. Les effets secondaires chroniques les plus sévères sont les cancers spinocellulaires cutanés en particulier, chez les sujets ayant déjà été traités de façon chronique par les UVB, par le Méthotrexate, ou par l’Arsenic. Le risque est, bien sûr, encore augmenté chez les patients ayant déjà eu un baso ou un spinocellulaire. Il faut noter que ce risque carcinogène est particulièrement important au niveau des régions génitales masculines et qu’il est donc de règle de les protéger par un vêtement pendant les séances. La toxicité cumulative liée au caractère photomutagène et photocarcinogène des psoralènes photoactivés fait que la PUVAthérapie ne peut être utilisée que de façon limitée au cours de la vie. Il ne faut donc pas dépasser pour une peau de type 1 une dose cumulative de 1000 joules, pour une peau de type 3, 1500 joules, et pour une peau de type 4 ou 5, 2000 joules. Ces données sont approximatives et des tests devraient bientôt être disponibles pour permettre d’évaluer quantitativement à quel point la PUVAthérapie a perturbé les capacités de réparations de l’ADN des cellules cutanées. Enfin l’apparition de lentigines doit faire arrêter définitivement la PUVAthérapie bien que l’on ne connaisse pas le risque associé à cette apparition. Contrairement aux UVB, la PUVAthérapie doit donc être réservée à un traitement de crise ou à un traitement général de première intention chez un patient n’ayant eu jusqu’à présent qu’un traitement local. La PUVAthérapie a d’autant plus de chance d’être efficace que le soleil lui-même est efficace. Les patients rapidement blanchis par PUVAthérapie (avant 18 séances) ont plus de chance d’avoir une rémission prolongée que les patients relativement résistants au traitement. C’est dire l’importance d’une bonne stratégie thérapeutique, les erreurs les plus fréquentes étant une dose insuffisante de Méladinine et une montée trop timide des irradiations dans l’espoir louable d’éviter les effets secondaires, mais avec comme conséquence un échappement au traitement lié au bronzage et à l’épaississement de la couche cornée. Comment diminuer les effets secondaires de la PUVAthérapie ? Plusieurs progrès majeurs ont permis de diminuer les effets secondaires de la PUVAthérapie. - La balnéo-PUVAthérapie Avec cette technique, au lieu d’ingérer les psoralènes, le patient prend un bain dans de l’eau à 37°C, contenant une solution de 8 méthoxypsoralène. Après dix minutes dans ce bain, la concentration de psoralène est la même dans la baignoire et dans l’épiderme avec une quasi-absence de passage systémique. Le visage et les yeux ne contiennent aucune molécule de psoralène. Par contre, la photomutagenèse au niveau épidermique reste la même et les risques carcinogènes identiques. - Les associations thérapeutiques. Différentes associations thérapeutiques permettent d’augmenter l’efficacité de la PUVAthérapie et donc de diminuer le nombre de séances de façon tout à fait significative. La première technique est la prise de rétinoïdes par voie orale, à une dose inférieure à 1/2 mg/j/kg. Ce traitement est commencé quinze jours avant la PUVAthérapie. Une fois le patient blanchi et la PUVAthérapie arrêtée, certains arrêtent les rétinoïdes, mais bien souvent leur poursuite se justifie pour retarder les rechutes. D’autres traitements peuvent potentialiser l’efficacité de la PUVAthérapie. On les utilise tous les soirs et jamais directement avant la séance. Il s’agit des dérivés de la vitamine D et des rétinoïdes locaux, en particulier pour accélérer le blanchiment de zones bastions. Les rétinoïdes Lorsque le psoriasis nécessite un traitement systémique, l’acitrétine et l’étrétinate sont les traitements de fond par excellence. Ils sont malheureusement contre-indiqués chez la femme fertile, du fait de la nécessité d’une contraception pendant toute la durée du traitement, mais également dans les deux ans suivant l’arrêt du traitement. Les rétinoïdes utilisés par voie générale sont l’étrétinate (Tigason®) et l’acitrétine (Soriatane®). L’acitrétine est le métabolique principal de l’étrétinate. L’étrétinate et l’acitrétine ont le même profil thérapeutique dans les premiers mois du traitement, mais n’ont pas les mêmes effets secondaires au long cours. De plus, certains patients sont plus sensibles à l’une ou l’autre molécule. Il est donc particulièrement dommageable que ces deux molécules ne restent pas disponibles pour les patients dans tous les pays. L’efficacité des rétinoïdes se manifeste lentement alors que leurs effets secondaires apparaissent, pour une dose donnée, dans les quinze premiers jours du traitement. Lorsque la dose est diminuée du fait des effets secondaires, ces derniers disparaissent dans les quinze jours suivant la modification de la dose. Les études thérapeutiques ont montré que la dose maxima bien tolérée par un patient était, pour ce patient, la dose la plus efficace. En effet, avec un traitement d’attaque proche du mg/kg/j, le taux de blanchiment (PASI 95%) est de 25%, alors qu’avec un début à faible dose et l’augmentation progressive vers la dose maxima bien tolérée, le taux de blanchiment est de 40%. Les rétinoïdes sont donc la seule famille de médicaments existant actuellement dans la pharmacopée dont la posologie est choisie en fonction non pas de l’efficacité mais 19 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET de la tolérance et donc de la qualité de vie du patient. Les effets secondaires sont en effet essentiellement bénins mais parfois très inconfortables du fait de la fragilisation des épithéliums et des phanères provoquée par ces molécules. Les règles de prescription sont donc particulièrement simples. On commence habituellement à 10 mg/j en mangeant, puis les doses sont augmentées par paliers de 5 ou 10 mg tous les quinze jours ou tous les mois, jusqu’à trouver la dose maxima tolérée, c’est-à-dire le plus souvent la dose entraînant une chéilite supportable. Si cette dose est dépassée, le patient diminue la posologie jusqu’à retrouver la dose maxima bien tolérée. L’efficacité est jugée sur l’amélioration cutanée observée trois mois après avoir atteint la dose maxima parfaitement bien tolérée. Il faut savoir que pour chaque patient l’activité des rétinoïdes passe par trois phases en fonction de la dose : à très faibles doses ils n’ont pas d’efficacité thérapeutique, puis on atteint la dose d’efficacité thérapeutique si elle existe. Si on dépasse cette dose, les rétinoïdes peuvent fragiliser la peau au point d’entraîner une aggravation du psoriasis par un phénomène de Koebner. La fenêtre thérapeutique entre inefficacité et intolérance peut se situer à 5 mg près. Il est toujours possible avec les rétinoïdes, du fait de leur longue demi-vie, d’ajuster le traitement 5 mg par 5mg, en variant le nombre de comprimés pris les jours pairs et les jours impairs, par exemple. Les rétinoïdes peuvent provoquer de violents maux de tête, une tristesse, voire une dépression, une diminution de la libido. La surveillance biologique La surveillance biologique est tout à fait simple puisqu’il suffit de faire un dosage des transaminases, du cholestérol et des triglycérides avant le traitement, au bout d’un mois de traitement puis tous les trois mois. L’acitrétine a tendance à augmenter plus souvent les triglycérides alors que l’étrétinate augmente plus souvent le cholestérol. Les troubles lipidiques sont d’autant plus fréquents que le patient est obèse, diabétique ou abuse de l’alcool. Seule une augmentation importante des triglycérides est une contre-indication à commencer le traitement. Par contre, une augmentation modérée des triglycérides ou une hypercholestérolémie incitent simplement à surveiller tous les mois le bilan lipidique et à insister auprès du patient pour la mise en place d’un régime. En cas d’augmentation progressive du cholestérol, la décision sera fonction du résultat thérapeutique : régime seul, hypolipémiant ou arrêt des rétinoïdes. L’acitrétine n’est qu’exceptionnellement hépato-toxique, mais peut provoquer, assez souvent, en particulier chez les patients obèses ou abusant d’alcool, une augmentation des transaminases à deux ou trois fois la normale. Dans ces situations, il est important de renforcer la surveillance biologique (surveillance mensuelle), de demander aux patients de supprimer l’alcool et l’excès de sucre, de faire un régime pour maigrir La surveillance osseuse Cette surveillance se pose dans deux contextes différents : chez l’enfant et chez l’adulte. Chez l’enfant les rétinoïdes sont remarquablement efficaces, mais le traitement doit toujours être surveillé en collaboration avec le médecin généraliste ou le pédiatre, pour être certain qu’il n’existe pas d’altération de la courbe de croissance. Chez l’adulte, le risque est celui de calcification des insertions tendineuses. La présence d’hyperostoses est plus fréquente chez les psoriasiques que chez les sujets normaux, mais il est certain que chez certains sujets, les rétinoïdes peuvent favoriser le développement d’hyperostoses parfois spectaculaires. La surveillance systématique semble d’un très mauvais rapport coût/bénéfice. Par contre, dans les traitements prolongés au-delà de cinq ans ou en cas d’apparition de calcifications douloureuses (épine calcanéénne, par exemple), il semble légitime de pratiquer une scintigraphie osseuse et des radios dirigées sur les zones éventuelles d’hyper fixation. En cas d’hyperostose, il est alors possible d’en surveiller tous les deux ou trois ans l’évolution. L’indication à arrêter alors les rétinoïdes est très discutée et doit être envisagée cas par cas en fonction du bénéfice thérapeutique observé par le patient. Certains patients présentant des hyperostoses non douloureuses, clairement reliées au traitement, refusent de l’arrêter du fait du bénéfice thérapeutique observé. De rares patients sont sous rétinoïdes depuis plus de 20 ans maintenant, et se pose le problème des effets secondaires potentiels au très long cours. La vigilance reste essentielle pour ces patients. Certains d’entre eux présentent une atrophie du derme, mais difficile à interpréter car ces patients utilisent également de temps à autre un peu de corticothérapie locale. Ces observations ont amené à la réalisation d’une étude faite sur cinq ans, à la recherche de l’apparition d’une ostéoporose sous traitement par les rétinoïdes. Sur cette durée, aucune variation significative n’a été observée. Pour les traitements au très long cours, dépassant vingt ans, mon attitude est de faire une densitométrie osseuse afin de vérifier que cette dernière est dans la normale, en fonction de l’âge du patient. Les fortes doses Les rétinoïdes peuvent se donner à fortes doses, proches d’1 mg/kg/j dans deux circonstances : • La première est le psoriasis pustuleux. Dans cette indication, l’acitrétine ou l’étrétinate peuvent être remplacés par l’acide 13cis rétinoïque (Roaccutane) chez la femme voulant envisager une grossesse. En effet, l’effet anti-inflammatoire recherché : l’inhibition de la migration des polynucléaires neutrophiles, est le même avec l’acide 13cis rétinoïque qu’avec l’acitrétine. Dès que la poussée est contrôlée (7 à 10 jours) on baisse les doses à 25 g/j le plus souvent. • La seconde est le rhumatisme psoriasique. Les rétinoïdes à fortes doses, proches d’1 mg/kg/j, entraînent une amélioration fonctionnelle dans environ 2/3 des cas, au prix d’effets secondaires cutanés ou muqueux importants. Le rapport efficacité/effet secondaire du Méthotrexate est en général plus favorable dans cette indication qui reste donc exceptionnelle. L’enfant Chez l’enfant, les rétinoïdes ne doivent pas être donnés à une dose supérieure à 1/2 mg/kg/j, et entraînent plus souvent que chez l’adulte un œdème cérébral avec cépha- 20 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET lées et troubles du caractère qui doivent amener à arrêter le traitement, à ne le reprendre qu’à des doses beaucoup plus faibles ou à le contre-indiquer. L’érythrodermie Dans l’érythrodermie psoriasique, les rétinoïdes peuvent être un bon traitement, mais uniquement à très faibles doses, 10 ou maximum 20 mg par jour sous peine de risquer de provoquer une érythrodermie suintante pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Les traitements associés Les rétinoïdes s’associent avec bonheur à tous les traitements locaux, mais augmentent le caractère irritant de certains d’entre eux (dérivé de la vitamine D et bien sûr rétinoïdes locaux). Ils potentialisent l’efficacité de la Photothérapie et sont de plus en plus utilisés en conjonction avec les UVB à large spectre ou les UVB TL01. Ils peuvent être associés au Méthotrexate au prix d’une surveillance hebdomadaire ou bi-mensuelle du bilan hépatique. L’intérêt de leur association à la Ciclosporine n’a jamais été clairement montré. Les rétinoïdes sont contre-indiqués avec les tétracyclines, cette association risquant d’entraîner un œdème cérébral. Les rétinoïdes sont le type même du traitement d’entretien au très long cours du psoriasis chez les patients chez lesquels ils sont efficaces. Leur efficacité est maximum après un an de traitement. Il est donc souvent nécessaire de les associer au départ avec un traitement d’attaque permettant d’améliorer plus rapidement l’état du patient. Le Méthotrexate Le Méthotrexate reste le traitement de référence des psoriasis étendus sévères ou associés à une atteinte articulaire. Le bilan avant traitement Le bilan avant traitement est bien codifié : il faut d’abord faire un examen clinique général et un bilan biologique. Ce dernier doit comporter une NFS, plaquettes pour s’assurer de l’absence d’anomalie hématologique et surtout de l’absence de macrocytose. Il faut un dosage de la créatininémie pour s’assurer qu’il n’existe pas d’insuffisance rénale, et un bilan hépatique pour vérifier l’absence d’hépatopathie, ainsi que d'hépatite B. et C. Il faut mettre en place, chez la femme, une contraception qui durera pendant tout le traitement et pendant les trois mois qui suivent son arrêt. L'utilité d'une contraception chez l'homme reste discutée. La prescription La première prise de Méthotrexate sera de 5 mg pour éviter tout phénomène d’intolérance (ulcérations buccales en particulier) ou d’idiosyncrasie, puis se poursuivra une fois par semaine, un jour précis choisi avec le malade et noté sur l’ordonnance, à une dose située entre 20 et 25 mg. Pour améliorer la tolérance du Méthotrexate un ou deux comprimés de Spéciafoldine seront pris tous les soirs, sauf le jour de la prise du médicament. Pour éviter au maximum les erreurs thérapeutiques, et pour commencer le traitement dans les meilleures conditions de bio-disponi- bilité, il est préférable de commencer le traitement en injection intramusculaire ou sous-cutané pendant les trois ou six premiers mois. Lorsqu’on est certain de ce que le malade est bien éduqué et de ce que le traitement est efficace, il est, bien sûr, beaucoup plus confortable de passer des injections intramusculaires à la prise de comprimés (Novatrex®). Les comprimés sont souvent ingérés en trois prises, une fois par semaine, soit, par exemple, le vendredi soir à 20H, le samedi matin à 8H et le samedi soir à 20H. Il est tout à fait possible de donner la dose hebdomadaire en deux prises. La prise de la dose hebdomadaire en une fois augmente le risque de troubles digestifs et risque de banaliser le traitement et de rendre l’observance moins rigoureuse. Avec le Méthotrexate, il faut éviter un certain nombre de médicaments qui doivent être indiqués sur l’ordonnance. Ce sont le Bactrim, le Probénécide, les fortes doses d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Lorsque les patients prennent des doses filées d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens pour un rhumatisme psoriasique par exemple, il est bien sûr tout à fait possible de commencer normalement le traitement par le Méthotrexate. La surveillance La surveillance est également très simple. Il suffit de faire une NFS, plaquettes toutes les semaines pendant deux mois puis tous les mois et un dosage des transaminases tous les mois. Le problème majeur de la surveillance est la ponctionbiopsie hépatique, examen grévé d’une morbidité et d’une mortalité non négligeable. La règle était de faire une ponction-biopsie hépatique chaque fois qu’une dose cumulative de 1,50 g de Méthotrexate a été dépassée. Les hépatologues français considèrent que cette stratégie est excessive et fait courir aux patients des risques inutiles. Ils considèrent également que le Méthotrexate comporte peu de risques hépatiques chez les patients n’ayant pas d’hépatopathie évolutive et n’abusant pas d’alcool. Il est donc important de travailler avec une équipe d’hépatologues entraînés à la surveillance de ce médicament Une série d’études anglaises suggèrent que le risque de voir apparaître sous Méthotrexate une fibrose hépatique est extrêmement faible sinon nul chez les patients chez lesquels le taux de Procollagène III sérique est normal et reste normal lors d’une surveillance faite systématiquement tous les trois mois. En fait la mise au point d’une méthode non invasive d’évaluer la fibrose : le Fibroscan, rend ce dosage couteux et les ponctions biopsies hépatiques inutiles. Ces dernières ne seront prescrites par les hépatologues que dans de rare cas où l’on souhaite poursuivre le methotrexate malgré une cytolyse hépatique importante. La Toxicité pulmonaire du Méthotrexate se pose dans deux contextes différents : a) La première est un syndrome d’hypersensibilité avec fièvre à 39-40°C, toux, dyspnée, apparition d’une grande éosinophilie et d’un infiltrat pulmonaire non systématisé. Il faut bien sûr arrêter d’urgence le traitement et ne jamais le reprendre. Cet accident est exceptionnel. 21 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET b) Le second problème est celui des fibroses pulmonaires sous Méthotrexate. Après plus de 40 ans d’utilisation en Dermatologie, sans que cet effet secondaire ait été noté, ce sont nos collègues rhumatologues qui, deux ou trois ans après le début de l’utilisation du Méthotrexate dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, ont noté l’apparition de fibrose pulmonaire chez quelques patients. Cela illustre le fait que les effets secondaires d’un médicament ne sont pas les mêmes suivant la pathologie traitée. Cela incite également les dermatologues à être attentifs devant la survenue d’une dyspnée chez un psoriasique, car même si cet effet secondaire est exceptionnel dans le traitement du psoriasis, il faut cependant le prendre en compte. Les traitements associés Le Méthotrexate peut être associé à tous les traitements locaux. Si on l’associe à la photothérapie, il faut faire l’injection de Méthotrexate le vendredi soir après la dernière séance, pour que le Méthotrexate soit éliminé avant la séance du lundi. Le Méthotrexate en effet n’est pas photo sensibilisant, mais phototransformé en un photoproduit hautement photosensibilisant. Le Méthotrexate peut être associé aux rétinoïdes, en resserrant la surveillance hépatique et à la Ciclosporine dans des cas exceptionnels. La Ciclosporine La Ciclosporine a d’abord été testée dans le psoriasis chez des patients résistants à tous les autres traitements. Dans ces conditions, il s’agissait d’un traitement chronique au long cours et l’on voyait apparaître régulièrement, surtout au delà de un an de traitement, une diminution de la filtration glomérulaire, souvent mais non constamment associée à une augmentation de la créatininémie, aboutissant à une fibrose rénale et pouvant donc amener à une insuffisance rénale non réversible De même, les hypertensions apparaissant parfois sous Ciclosporine ne sont pas toujours réversibles à l’arrêt du traitement. Ceci a amené dans un premier temps, à restreindre les indications de ce médicament puisqu’il ne pouvait résoudre des situations difficiles que pendant un temps limité, puis, dans un second temps, à un changement complet d’attitude vers l’évaluation de traitements de courte durée avec l’espoir d’éviter les effets toxiques cumulatifs. Le bilan avant traitement Le bilan avant le traitement par la Ciclosporine est bien standardisé. Il faut : - un examen clinique complet pour être certain qu’il n’y a aucune maladie évolutive, - une NFS et un bilan inflammatoire pour être certain qu’il n’y a pas d’anomalie biologique majeure, - un dosage de la créatininémie trois jours de suite pour avoir la créatininémie de base qui permettra d’ajuster les doses du traitement, en fonction de la tolérance rénale, - un bilan lipidique, car la Ciclosporine peut induire dans les premiers mois du traitement une hypertriglycéridémie, - un bilan gynécologique chez la femme pour s’assurer de l’absence de lésion à papilloma virus du col utérin, qui pourrait être aggravée par l’immunosuppression entraînée par la Ciclosporine, - un examen dentaire pour vérifier l’absence de paraondotopathie, qui doit être soignée avant traitement pour diminuer le risque d’hypertrophie gingivale déclenchée par la Ciclosporine. La tolérance du traitement peut être en partie prévue à l’avance, puisque les arrêts de traitement pour effets secondaires sont d’autant plus fréquents que l’âge est avancé, que le patient est obèse et que la tension diastolique est élevée, même dans les limites de la normale. Un avantage majeur de la Ciclosporine est qu’elle ne nécessite pas de contraception chez la femme et que toutes les grossesses sous Ciclosporine se sont déroulées sans problème fœtal. Le profil idéal pour bénéficier de la Ciclosporine est donc d’être une femme jeune, mince et hypotendue. La surveillance La surveillance est simple. Il faut faire tous les mois un dosage de la créatininémie et une mesure de la tension artérielle. Si la créatininémie a augmenté de plus de 30 % par rapport, non pas à la normale, mais par rapport à la valeur de base du patient, il faut baisser les doses de Ciclosporine. En cas de doute et étant donné la grande variabilité des dosages de la créatininémie, il est raisonnable de refaire un dosage avant de modifier un traitement efficace. Chaque fois que la durée cumulative du traitement par la Ciclosporine a atteint un an, il faut faire une mesure de la filtration glomérulaire, ce qui donne une totale sécurité sur la tolérance rénale. C’est un examen peu coûteux et non invasif. Stratégie d’utilisation Du fait de sa toxicité rénale dans les traitements prolongés, l’idée est venue d’utiliser la Ciclosporine en cure courte de trois à cinq mois, soit comme traitement d’attaque soit pour passer un cap, soit pour donner à un traitement d’entretien prescrit en relais le temps d’agir. Certains patients utilisent donc la Ciclosporine quatre ou cinq mois chaque année, par exemple pour passer un été dans des conditions de vie sociale normale. Cette nouvelle approche thérapeutique a amené à proposer la Ciclosporine comme traitement systémique de première intention. Dans ces conditions, il a été observé que 30 % des patients restaient blanchis six mois après l’arrêt d’une courte cure de Ciclosporine. Ces constatations ont profondément modifié l’utilisation de ce médicament vers des sujets plus jeunes, des cures courtes et des malades moins résistants. Traitements associés Pour potentialiser les effets de la Ciclosporine, les traitements locaux et en particulier les dérivés de la vitamine D semblent particulièrement intéressants. L’association avec la photothérapie est contre-indiquée, du fait du rôle immunosuppresseur de la Ciclosporine qui peut favoriser le développement de carcinomes spinocellulaires. L’apparition brutale de multiples carcinomes spinocellulaires a été observée sous ciclosporine chez de rares patients ayant eu de longues cures de PUVAthérapie auparavant. Des antécédents de PUVAthérapie intensive et prolongée sont donc une contre-indication à l’utilisation de la Ciclosporine. La Ciclosporine peut être 22 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET associée aux rétinoïdes sans que cette association ait pour l’instant été bien étudiée. La stratégie la plus intéressante est sans doute que les rétinoïdes soient pris en relais de la Ciclosporine pour diminuer la rapidité et l’intensité d’une rechute à l’arrêt de ce traitement d’attaque. L’association Ciclosporine et Méthotrexate est possible, mais reste exceptionnelle. LES TRAITEMENTS DITS BIOLOGIQUES La seule caractéristique réunissant les traitements dits biologiques et que ce sont des molécules protéiques obtenues par génie génétique. La stratégie de développement de ces molécules consiste à bloquer une cascade d'activation moléculaire que l'on pense importante dans la physiopathologie du psoriasis. Nous disposons actuellement de deux grandes familles de molécules : l'une inhibe la migration et l'activation lymphocytaire dans la peau, l'autre s'oppose à l'action du TNF alpha. Ces molécules ont une activité comparable à celle des traitements systémiques classiques du psoriasis. Elles portent l'espoir d'une absence de toxicité d'un organe. Elles sont donc indiquées chez des patients résistants, intolérants ou souffrant de contre-indication à l'utilisation des traitements systémiques classiques du psoriasis. Le nombre de ces patients est évalué à environ 9 % de la population générale des psoriasiques. De ce fait ces traitements dits biologiques représentent un progrès thérapeutique majeur. Les inhibiteurs de l'activation lymphocytaire Le Raptiva ou efalizumab Le Raptiva est une protéine dirigée contre le CD11a molécule impliquée dans la migration des lymphocytes T hors de capillaires et dans leur activation intra tissulaire. Il soulage environ la moitié des patients traités et permet d’obtenir dans un petit nombre de cas une disparition totale des lésions. Il n’a pas d’efficacité dans le rhumatisme psoriasique. Il n’est pas indiqué non plus dans les psoriasis très inflammatoire éruptif ou pustuleux. Chez certains patients il a un effet positif sur l’humeur qui peut beaucoup s’améliorer, ce qui est toujours précieux dans une maladie chronique comme le psoriasis. Raptiva lorsqu’il y a eu un cancer dans les 5 dernières années. Cette précaution peut ne pas être suivie lorsqu’on a vraiment besoin du médicament. En France la prescription initiale est faite à l’hôpital et renouvelée éventuellement à l’hôpital tous les 6 mois. Entre temps le médicament est renouvelé par le dermatologue traitant. Bilan avant traitement C’est essentiellement un bilan clinique, une NFS plaquettes et un bilan hépatique. Surveillance sous traitement On dose les plaquettes sanguines tous les mois pendant 3 mois, puis tous les 3 mois et en cas de maladie hépatique on surveille les enzymes hépatiques tous les mois. Interactions médicamenteuses Elles ne sont pas connues. En cas de vaccination, on peut se vacciner tout à fait normalement sauf avec les vaccins vivants atténués pour lesquels il faudra interrompre temporairement le traitement. Effets secondaires On peut observer quelquefois des maux de tête, de la fièvre, des frissons, des nausées, des douleurs musculaires, un petit peu comme si on avait la grippe et ce durant les premières injections uniquement. Il peut y avoir quelquefois une irritation aux points d’injections. On observe une hyper lymphocytose sanguine, c’est le reflet du mécanisme d’action du médicament. Les études cliniques ont permis en outre d’identifier et d’apprendre à gérer un certain nombre de réactions cutanées apparues au cours ou à la suite d’un traitement par efalizumab. Chronologiquement on distingue deux catégories de réactions, celles survenant durant le traitement et celles survenant après l’arrêt du traitement. Ces réactions sont différentes chez les répondeurs et les non répondeurs. Méthode d’utilisation Une injection sous cutanée toutes les semaines, la première injection se fait à la dose de 0,7 mg/kg et les injections suivantes à la dose de 1 mg/kg. On continue le traitement pendant 3 mois. Au bout de 3 mois s’il n’y a pas d’amélioration on arrête le traitement et on prend le relais par un autre traitement. Si le psoriasis s’aggrave on arrête d’urgence et on prend le relais par un autre traitement. Si le psoriasis va mieux on continue le traitement jusqu’au 6e mois. Au bout de 6 mois on arrête le traitement et on surveille la peau. En cas de début de rechute on reprend aussitôt le Raptiva pour éviter qu’il y ait un rebond c'est-à-dire une rechute avec une aggravation importante du psoriasis. I/ Chez les répondeurs A/ Durant le traitement, deux types de réactions cutanées ont été décrites : • Une éruption paradoxale transitoire, localisée sur des zones initialement non atteintes alors que les lésions préexistantes continuent d’évoluer favorablement. • Une éruption papuleuse localisée se manifestant par des papules inflammatoires de 2 à 4 mm de diamètre, en général sur les plis, la nuque et le tronc, survient 4 à 8 semaines après le début du traitement. Cette éruption est estimée survenir chez environ un quart à un tiers des patients répondeurs. Histologiquement, les lésions biopsiées révélaient l’aspect d’une réaction à polynucléaires dermo- épidermique. Ces deux types de réaction disparaissent spontanément avec la poursuite du traitement. On peut s’aider bien sûr d’un traitement topique associé. B/ Après l’arrêt du traitement : Par ailleurs par précaution on évite le Raptiva pendant la grossesse et toujours par précaution, on ne donne pas le Après arrêt du traitement, chez les patients ayant répondu au traitement (répondeurs : au moins 75% d’amélioration 23 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET du score PASI, répondeurs partiels : entre 50 et 75 % d’amélioration du score PASI), un effet rebond (= rechute avec un score PASI de plus de 25% par rapport au score PASI initial) est observé chez 6.65 % des patients. Pour éviter ce rebond il suffit de reprendre d’urgence le traitement selon le schéma thérapeutique initial. II/ Chez les non répondeurs Une éruption inflammatoire généralisée, constituée de lésions étendues, érythémateuses parfois œdémateuses ou pustuleuses peut survenir chez 1 % à 3 % des patients le plus souvent entre la 6e et la 10e semaine de traitement. La conduite à tenir est : contrôler cette poussée par un dermocorticoïde fort, arrêter efalizumab et envisager le relais rapide par un autre traitement systémique. Après l’arrêt du traitement par efalizumab, des cas d’aggravation du psoriasis par rapport à l’état initial sont survenus (25%). Ainsi, chez ces patients non répondeurs, à l’arrêt d’efalizumab, il faut mettre en place une surveillance étroite et prendre le relais par un autre traitement d’action rapide (traitement systémique et/ou dermocorticoïde de classe I ou II). Plus rarement on voit le psoriasis s’aggraver à partir de la 4e semaine de traitement, dans ce cas là il faut changer très rapidement de traitement. Il peut y avoir pendant les premières semaines du traitement des éruptions cutanées qui ne sont pas du psoriasis et qui seront facilement contrôlées par un traitement local, ou disparaîtront spontanément. Les inhibiteurs du TNF alpha. Ils inhibent l’action du TNF circulant (Enbrel) ou circulant et membranaire (Remicade et Humira). Ils ont en commun de favoriser les infections, en particulier à germes intra cellulaires (Tuberculose , mycobactéries atypiques..) et ce d’autant plus qu’ils sont plus efficaces. Ils sont tous contrindiqués en cas de maladie auto-immune, de maladie démyélinisantes et d’insuffisance cardiaque sévère. Par précaution on ne les autorise pas en cas de grossesse et d’antécédents de cancers depuis moins de 5 ans. Enbrel (etanercept) L’Enbrel est une protéine de synthèse qui inactive le TNFα circulant humain. Elle est efficace dans le psoriasis cutané et dans le psoriasis articulaire. L’efficacité se manifeste entre 1 et 3 mois. Environ 50 % des patients en tirent un bénéfice important. Méthode d’utilisation L’Enbrel est prescrit en injections sous cutanées 2 fois par semaine. La dose classique est 25 mg en sous cutanée 2 fois par semaine, mais très souvent dans le psoriasis on sera forcé de commencer à 50 mg 2 fois par semaine pendant les 3 premiers mois puis de passer après cela, lorsque la peau est bien améliorée, à une injection sous cutanée à 25 mg 2 fois par semaine. La durée d’une cure est de 6 mois. Au bout de 6 mois on arrête le traitement. Il n’y a pas de rebond on peut donc observer tranquillement la situation. Le psoriasis a tendance à rechuter en 3 mois en moyenne. Lorsque le patient est de nouveau gêné on reprend l’Enbrel, cette fois-ci à 25 mg 2 fois par semaine. Les cures se répètent ainsi tous les 6 mois. Par précaution de principe on ne prescrit pas l’Enbrel chez la femme enceinte, ni lorsqu’il y a eu un cancer dans les 5 ans qui ont précédé. En France la prescription initiale est faite à l’hôpital et renouvelée éventuellement à l’hôpital tous les 6 mois. Entre temps le médicament est renouvelé par votre dermatologue traitant. Bilan avant traitement On recherche avant tout un foyer infectieux chronique sinusien, dentaire, gynécologique, ou les signes d’une tuberculose ancienne non traitée qui serait passée inaperçue: calcifications pulmonaires, intra-dermo réaction à la tuberculine fortement positive. En cas de doute sur une tuberculose ancienne, un traitement anti-tuberculeux sera donné trois semaines avant le traitement par l’Enbrel. Surveillance sous traitement Elle est extrêmement simple, uniquement clinique, et au cours d’une consultation mensuelle où on évalue le bénéfice thérapeutique, la commodité du traitement et l’absence de réveil d’un foyer infectieux endormi. Il n’y a pas d’examen de sang systématique à faire. Interactions médicamenteuses Elles ne sont pas connues. En cas de vaccination, on peut se vacciner tout à fait normalement sauf avec les vaccins vivants atténués pour lesquels il faudra interrompre temporairement le traitement. Effets secondaires et données pratiques On peut observer différents effets secondaires avec l’Enbrel mais qui sont modestes. Des réactions d’irritations aux points d’injections pendant le premier mois du traitement et surtout des infections. La préoccupation principale est de détecter le plus précocement possible un épisode infectieux. En cas d’intervention chirurgicale comportant un risque infectieux, on arrête l’Enbrel avant l’acte chirurgical et on le reprend lorsque la cicatrisation est achevée. Remicade (Infliximab) Le Remicade est une protéine qui se fixe à la fois sur le TNF circulant et sur le TNF fixé à la surface des cellules et inactive donc le TNF dans toutes ses localisations. C’est une molécule partiellement humanisée et qui stimule donc la production d’anticorps anti Remicade qui diminuent, parfois rapidement, son efficacité. Comme tous les inhibiteurs du TNF son risque principal est lié au réveil d’une infection chronique et en particulier d’une tuberculose latente. Sa surveillance sous traitement sera également centrée essentiellement sur le risque de voir réapparaître une infection endormie. Le Remicade est efficace sur la peau et sur les articulations. Son efficacité est importante puisqu’il soulage en quelques semaines 80 à 85% des patients 24 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET Méthode d’utilisation Le Remicade est administré en perfusion intraveineuse lente. La dose est de 5 mg par kilo et par perfusion. Les perfusions sont réalisées à la semaine zéro, à la semaine 2, à la semaine 6 puis tous les deux mois. Il n'est pas utile de pratiquer une prémédication. En cas d'effets secondaires liés à la perfusion, la première mesure à prendre est de réduire la vitesse de la perfusion puis de l'arrêter si la réaction persiste. La perfusion doit durer au minimum deux heures et le patient doit être gardé en observation pendant les deux à quatre heures suivantes pour déceler une réaction secondaire retardée. La prescription de methotrexate à petites doses, habituellement 10mg une fois par semaine, potentialise l'action du Remicade et diminue la production d'anticorps anti Remicade. En cas d'échappement au traitement, les perfusions sont faites tous les mois. Si cela n'est pas suffisant il faut changer de traitement. Bilan avant traitement il faut rechercher une contre-indication: tuberculose ancienne infection chronique (dentaire, sinusienne...) Vaccination récente avec le divan vaccin atténué grossesses maladies auto-immune maladie hépatique insuffisance cardiaque sévère maladie démyélinisante Surveillance sous traitement Avant chaque perfusion il faut faire un bilan à la recherche d'une infection. On recherche l'apparition d'anticorps antinucléaires, on fait un bilan hépatique, une radio de poumons et une numération formule sanguines plaquettes Les interactions médicamenteuses Elles ne sont pas connues. En cas de vaccination, on peut se vacciner tout à fait normalement sauf avec les vaccins vivants atténués pour lesquels il faudra interrompre temporairement le traitement. Effets secondaires Les effets secondaires observés sous Remicade sont nombreux. Des réactions désagréables pendant les perfusions sont observées chez 15 à 20 % des patients et durant 5 % des perfusions. Ils ne réapparaissent pas de façon systématique. Ils peuvent être graves dans1 % des cas. Le risque infectieux principal est le risque de tuberculose. On a également décrit des listérioses et des histoplasmoses. Le Remicade est le plus puissant des médicaments anti TNF. C'est également celui qui augmente le plus le risque d'infection. Des éruptions psoriasiformes paradoxales ont été décrites sous Remicade ainsi que l'apparition de titres très élevés d'anticorps anti ADN, parfois associée à des signes cliniques évoquant un lupus. Des hépatites graves ont été provoquées par le Remicade. Enfin à une échappement aux traitements, après quelques mois, est assez souvent observée. C'est la conséquence de la production d'anticorps anti Remicade. Il faut alors prendre le relais par un autre traitement. Habituellement on utilise un autre traitement anti TNF, l'Humira ou l’Enbrel En cas d’intervention chirurgicale comportant un risque infectieux, on arrête le Remicade avant l’acte chirurgical et on le reprend lorsque la cicatrisation est achevée. Humira (Adalimumab) L’Humira est une protéine qui se fixeà la fois sur le TNF circulant et sur le TNF fixé à la surface des cellules et inactive donc le TNF dans toutes ses localisations. C’est une molécule complètement humanisée et qui stimule peu la production d’anticorps (diminution moyenne de l’efficacité de 10ù tous les ans). Comme tous les inhibiteurs du TNF son risque principal est lié au réveil d’une infection chronique et en particulier d’une tuberculose latente. Sa surveillance sous traitement sera également centrée essentiellement sur le risque de voir réapparaître une infection endormie. L’Humira est efficace sur la peau et sur les articulations. Son efficacité est importante puisqu’il soulage environ 70 à 75 % des patients de façon tout à fait valable. Méthode d’utilisation L’Humira est prescrit en injections sous cutanées. La première injection est à 80 mg, les injections suivantes à 40 mg. Habituellement les injections se font tous les 15 jours mais, parfois, pour avoir un résultat plus rapide sur la peau on est amené à commencer le traitement avec une injection chaque semaine. Bilan avant traitement Il s’agit de rechercher une tuberculose latente ou un foyer infectieux chronique. Il comporte une IDR à la tuberculine, une radio de poumons, et un bilan inflammatoire. Surveillance sous traitement Elle est mensuelle et repose essentiellement sur la recherche d’une infection, uniquement par l’examen clinique. Les examens biologiques peuvent être nécessaires en cas de suspicion. Les interactions médicamenteuses Elles ne sont pas connues. En cas de vaccination, on peut se vacciner tout à fait normalement sauf avec les vaccins vivants atténués pour lesquels il faudra interrompre temporairement le traitement. Effets secondaires On peut observer différents effets secondaires avec l’Humira mais qui sont modestes. Des réactions d’irritations aux points d’injections pendant le premier mois du traitement et surtout des infections. La préoccupation principale est de détecter le plus précocement possible un épisode infectieux. En cas d’intervention chirurgicale comportant un risque infectieux, on arrête l’Humira avant l’acte chirurgical et on le reprend lorsque la cicatrisation est achevée. On connaît de mieux en milieu l'efficacité des traitements dits biologiques. Reste à définir, pour chacun d'entre eux, leur utilité. Beaucoup de travail reste à faire pour évaluer l'association de traitements biologiques avec les traitements systémiques et l'association des traitements biologiques entre eux. 25 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET Actuellement, dans notre expérience, la situation est la suivante : Si l'on se trouve devant un psoriasis chronique, relativement peu inflammatoire, ayant besoin est une nette amélioration de la qualité de sa vie, le traitement de choix est le Raptiva avec une efficacité du même ordre que celle du Soriatane mais plus rapide. Si l'on se trouve devant un psoriasis en poussée, en goutte, inflammatoire ou arthropathique, le traitement de choix est l’Enbrel avec une efficacité du même ordre que celle du Soriatane mais plus rapide. Si l'on se trouve face à une urgence, du fait de la gravité des lésions ou du retentissement de psoriasis, le traitement de choix est le Remicade. L'efficacité sera du même ordre que celle de la ciclosporine à 5 mg par kilo et par jour. Il faudra souvent prévoir le relais après quelques mois soit par l'Enbrel, soit par l’Humira. Si l'on souhaite un traitement commode, au moins aussi efficace que le methotrexate, comportant moins de risques infectieux que le Remicade, et traitant de façon très efficace la peau et les articulations, le choix sera l’Humira. Ces règles d'utilisation devraient être assez rapidement modifiées par l'évaluation de l'association Raptiva / Soriatane et par celle de l'association Raptiva/Enbrel. Dès à présent l'association de petites doses de méthotrexate avec les anti TNF alpha semble très utile pour en potentialiser l'efficacité et empêcher la formation d'anticorps anti Remicade ou anti Humira. Bibliographie Le psoriasis de la clinique au traitement. Louis Dubertret. Editions MED’COM 2004. Psoriasis : Sergio Chimenti, See Firenze. Italis 2005. 26 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET Les lasers fractionnels en 2008 SERGE MORDON (Lille - France) Résumé Depuis l’introduction du concept de « Fractional photothermolysis » par l’équipe de R. Anderson en 2004, avec le laser Fraxel de la Société Reliant, plusieurs sociétés commercialisent aujourd’hui des machines dont le point commun est de traiter la peau au moyen de spots lasers régulièrement espacés. Plusieurs longueurs d’onde sont proposées : 1,44μm (Nd : YAG) 1,54μm (Er : Glass ou laser à fibre dopée à l’Erbium), 2,97μm (Er :YAG) et enfin 10,6μm (CO2) avec pour conséquences des interactions laser – tissu différentes dans la mesure où la pénétration optique n’est pas similaire pour chacune de ces longueurs d’onde. De plus le diamètre des spots, l’espacement de ceux-ci, l’énergie mise en jeu sont très variables d’une machine à l’autre. Enfin, l’association d’un système de refroidissement ou non amène un paramètre supplémentaire. La terminologie a ainsi évolué : on parle maintenant de « Microthermal-Rejuvenation », de « fractional ablative skin resurfacing », etc. .., et il n’est plus possible de parler d’un mode d’action commun à ces techniques « fractionnelles ». Certaines machines n’induisent qu’une destruction de l’épiderme et du derme superficiel, d’autres permettent d’obtenir une photocoagulation plus profonde du derme. De part l’aspect ponctuel du traitement, les zones coagulées ont généralement la forme d’un cône ou d’un cylindre. Pour les lasers émettant à 1,44μm et 1,54μm, le stratum corneum n’est pas éliminé lors du traitement car il contient relativement peu d’eau. Ceci lui permet de continuer à assurer son rôle de barrière et d’empêcher la perte d’eau et de diminuer le risque infectieux. L’espacement laissé entre chaque spot traité permet une réépithélialisation rapide. Cette régénération par les kératinocytes forme alors un épithélium organisé, pavimenteux, stratifié, kératinisé, qui recouvre la plaie et qui reforme une barrière protectrice contre l’environnement extérieur. Les cônes de coagulation dans le derme sont à l’origine d’une réponse cicatricielle avec prolifération de fibroblastes et production d‘une nouvelle matrice extra-cellulaire avec synthèse de collagène et d’élastine. Il semble aussi que cette réponse s’étende à toute la zone tissulaire « affectée thermiquement » par diffusion de chaleur à partir du cône chauffé. Par contre, les lasers émettant à 2,97μm et 10,6μm induisent, de part la forte absorption par l’eau, une volatilisation superficielle avec une coagulation associée. L’utilisation de spots espacés et non plus contigus réduit considérablement l’éviction sociale du patient car érythème et oedème ne sont présents que quelques jours. La persistance de peau intacte entre spots accélère considérablement la ré-épithélisation. La photothermolyse fractionnelle (1,44μm – 1,54μm) proposent des bénéfices cliniques intermédiaires entre le relissage et le remodelage, mais sans les inconvénients connus du relissage. D’autres applications semblent avoir été trouvées. Il s’agit en particulier du traitement des cicatrices d’acné et chirurgicales. Le traitement du mélasma pourrait être une application intéressante puisqu’il semble que cette technique permette d’éliminer la mélanine du derme. En ce qui concerne, les autres lasers Erbium-YAG et CO2 (2,94μm – 10,6μm) proposés pour le relissage fractionnel, le recul n’est pas encore suffisant pour juger de l’efficacité à long terme de cette technique. Introduction Depuis l’introduction du concept de « Fractional photothermolysis » par l’équipe de R. Anderson en 2004, avec 27 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON le laser Fraxel de la Société Reliant, plusieurs sociétés commercialisent aujourd’hui des machines dont le point commun est de traiter la peau au moyen de spots lasers régulièrement espacés (Manstein, Herron et al. 2004; Fournier and Mordon 2005) . Plusieurs longueurs d’onde sont proposées : 1,44μm (Nd : YAG) 1,54μm (Er : Glass ou laser à fibre dopée à l’Erbium), 2,97μm (Er : YAG) et enfin 10,6μm (CO2) avec pour conséquences des interactions laser – tissu différentes dans la mesure où la pénétration optique n’est pas similaire pour chacune de ces longueurs d’onde. De plus le diamètre des spots, l’espacement de ceux-ci, l’énergie mise en jeu sont très variables d’une machine à l’autre. Enfin, l’association d’un système de refroidissement ou non amène un paramètre supplémentaire. La terminologie a ainsi évolué : on parle maintenant de « Microthermal-Rejuvenation », de « fractional ablative skin resurfacing », etc. .., et il n’est plus possible de parler d’un mode d’action commun à ces techniques « fractionnelles ». Cet article se propose donc de faire une revue des différentes techniques existantes. En 2007, il est possible de parler de 3 approches : « Photothermolyse Fractionnelle » réalisée avec un laser émettant à 1,54μm, MicrothermalRejuvenation réalisée en particulier avec le laser 1,44μm et enfin «Fractional Ablative Skin Resurfacing ou Relissage Fractionnel» obtenu avec les lasers utilisés précédemment pour le relissage, c’est à dire le laser CO2 et le laser Er : YAG. faible (125μm) produisant finalement des effets très proches du resurfacing classique. La figure suivante illustre le principe de cette technique. Plusieurs longueurs d'onde ont été évaluées : 1480nm, 1525nm, 1540nm. Cette dernière longueur d'onde donnait les meilleurs résultats en terme de pénétration optique. Le laser utilisé est un laser à fibre émettant à 1540nm avec une fibre dopée comme milieu amplificateur. Le rythme de répétition des tirs atteignant 2400 spots/s, le traitement est réalisé au moyen d'une pièce à main qui est déplacée par l'opérateur sur la zone à traitée. Les tirs ont lieu uniquement si la pièce à main est en mouvement avec un déplacement qui varie de 0,5 à 6cm/s selon la dextérité du praticien. Un système de déplacement du spot dans l’embout (15 à 7mm de diamètre) produit une densité de 500 spots/cm2 par passage. En fonction de la zone à traiter, l'énergie est réglable de 5 à 20mJ/spot. Un scanner interne synchronisé avec le déplacement de la pièce à main effectué par le praticien réalise un motif pré-paramètré de micro-spot (appelé MTZ: Microthermal Treatment Zones ou zones microscopiques de traitement thermique). Figure 2: laser Fraxel-Reliant SR (documentation Reliant Technologies) Photothermolyse Fractionnelle La technique fractionelle a été présentée pour la première fois au du congrès de l’American Society for Lasers in Medicine and Surgery (Dallas, Avril 2004), au moyen d’un laser développé par la société Reliant Technlogies. Le principe de cette technique consiste à réaliser la coagulation de zones microscopiques au moyen de micro-spots de l'ordre de 75μm de diamètre (Manstein, Herron et al. 2004). Dans ce qui suit, c’est donc principalement les résultats obtenus avec ce laser qui seront évoqués, puisque c’est celui-ci qui bénéficie du plus grand nombre d’études expérimentales et cliniques. Les auteurs, à l’origine de cette technique, ont choisi un espacement entre les spots de 250μm; un espacement plus Figure 1 : Principe de la photothermolyse fractionnelle par le laser FRAXEL SR-RELIANT (documentation Reliant Technologies) Fractional Photothermolysis Fraxel Laser Treatment Figure 3: pièce à main du laser Fraxel-Reliant SR (documentation Reliant Technologies) 28 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON La densité MTZ la plus utilisée se situe autour de 2000/cm2. La figure suivante illustre l'évolution l'aspect d'une MTZ immédiatement après traitement. Figure 4: aspect d'une MTZ après traitement réalisée avec une énergie de 20mJ (documentation Reliant Technologies) d'OptiGuideTM Blue). Grâce à ce système optique, le recouvrement est homogène avec une densité constante de spots/cm2. Avec cette technique, les études histologiques montrent que chaque impulsion du laser conduit à une photocoagulation d’un cône, dont la profondeur varie de 300 à 500μm et avec un diamètre moyen de 35 à 70μm (Figure 6). A l’issue de ce tir, l’épiderme n’est pas vaporisé. Histologiquement, on observe après un traitement les phases suivantes. • Environ 1 heure après les tirs, les MTZs débutent leur cicatrisation par un mouvement des kératinocytes sur les bords profonds et latéraux de la lésion épidermique. Figure 6: aspect obtenu 1 heure après traitement (coloration LDH) (documentation Reliant Technologies) Enfin, cette pièce à main est couplée à un Système Intelligent de Traçage Optique (IOTS). Ce système nécessite l'application préalable d'un liquide bleuté : l'OptiGuideTM Blue sur toute la zone à traitée. Cette solution Bleue, certifiée par la FDA est ensuite éliminée par simple lavage de la peau après l'intervention. La pièce à main ne tire qu’au fur et à mesure qu’elle se déplace sur la peau et que le système IOTS détecte la présence d'OptiGuideTM Blue. Les tirs cessent si elle s’immobilise et s'il n’y a plus de contact entre la peau et l’embout de la pièce à main (absence Figure 5: Application de la solution OptiGuide TM Blue avant traitement. (documentation Reliant Technologies) Figure 7: aspect obtenu 24 heures après traitement (coloration LDH). Les débris microscopiques nécrotiques épidermiques sont clairement apparents. (documentation Reliant Technologies) • 12 heures plus tard, les cellules viables autour des MTZ ont encerclé les débris nécrotiques et des pigments épidermiques formant ainsi une entité appelée par les créateurs de la technique, les MEND (Débris microscopiques nécrotiques épidermiques de 30 à 70μm, Microscopic Epidermal nécrotique débris). • 24 heures après un traitement, on retrouve les MEND dans le stratum cornéum pendant que le derme et l’épiderme continuent leur réparation. Il y a une ré-épithélialisation complète en 24h (figure 7). Cliniquement, la présence des ces milliers de MEND se traduit par un aspect pseudo bronzé pendant 3 à 14 jours selon l’énergie contenue dans le tir, et l’espacement entre les MTZ. Ce sont ces deux derniers paramètres (énergie/tir et espacement entre les MTZ induites) qui vont déterminer l’importance de l’effet clinique et histologique obtenu. Les MEND subissent ensuite une extrusion transépidermique. • Vers le 16e jour, les MENDS s’exfolient naturellement. A noter que le stratum corneum n’est pas détruit lors du traitement car il contient relativement peu d’eau. Ceci lui permet de continuer à assurer son rôle de barrière et d’empêcher la perte d’eau (contrairement au relissage traditionnel), et de diminuer le risque infectieux. Cette cicatrisation ultrarapide permet d’avoir très peu d’effets indésirables par rapport à ceux observés lors d’un relissage La figure 10 montre d'évolution d'une zone traitée "MTZ". 29 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON La figure 10 montre d'évolution d'une zone traitée "MTZ" en fonction du temps. A chaque impulsion correspond une micro-coagulation qui apparaît comme un spot brun lors du processus de cicatrisation. En 2007, d’autres constructeurs proposent des machines très similaires, non plus avec un laser à fibre, mais un laser Erbium : Glass qui émet à la même longueur d’onde, c’est à dire à 1.54μm. C’est le cas de la société Palomar Medical avec le Lux1540™ et de la société coréenne Lutronic avec le laser Mosaic F1. Il n’est plus nécessaire d’avoir un scanner avec le Lux1540™. L’utilisation d’un système optique avec des micro-lentilles permet d’obtenir soit 100 ou 320 microspots/cm2 à partir d’un spot unique. Les colonnes de coagulation ont un diamètre de 150μm et peuvent atteindre jusqu’à 1 mm de profondeur avec une énergie de 100mJ. Figure 8 : colonne de coagulation obtenue avec le laser Fraxel. (énergie par spot : 10mJ) (documentation Reliant Technologies). Figure 9 : colonne de coagulation obtenue avec le laser Fraxel. (énergie par spot : 20mJ (documentation Reliant Technologies). Figure 10: évolution d'une MTZ après traitement réalisée avec une énergie de 20mJ (documentation Reliant Technologies) Figure 11 : Profondeur et largeur moyennes des colonnes de coagulation (MTZ) obtenues ex-vivo et in-vivo en fonction de l’énergie (laser Fraxel : 1.54Ìm) (Bedi, Chan et al. 2006) Figure 12 : pièce à main du laser Palomar Lux1540 Fractional™ (Documentation Palomar). 30 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON Microthermal-Rejuvenation Cette technique de « Microthermal-Rejuvenation » est réalisée avec le laser développé par la société Cynosure l’Affirm. Ce laser Nd : YAG émet des impulsions de 3ms la longueur d’onde 1.44μm donc très proche des 3 lasers précédents (1.54μm). En conséquence, les effets obtenus sont donc aussi très similaires à la technique de photothermolyse fractionnelle. Grâce à un système optique appelé CAP, le faisceau de 10 mm de diamètre est divisé en 1200 microspots de 100μm de diamètre. Ceux-ci sont séparés d’une distance de 250μm On a donc là aussi la possibilité d’obtenir des colonnes de coagulation. Cependant comme l’énergie par pulse est plus faible (de l’ordre de 4 à 5mJ), les colonnes de coagulation ne dépassent pas une profondeur de 300μm (Bene, Weiss et al. 2006). Figure 13 : Microspots produits par le laser Lux1540 Fractional™ (Documentation Palomar) Figure 16 : Principe de fonctionnement du laser Mosaic FA qui permet d’obtenir des MNC (Micro Necrotic Column) (documentation société Lutronic). Figure 14 : Colonnes de coagulation obtenues sur la peau de porc avec le laser Lux1540 Fractional™ (25mJ). H&E x100 (Documentation Palomar) Enfin, la société coréenne Lutronic propose un appareil utilisant lui aussi un laser Erbiumglass. Figure 15 : Pièce à main du laser Mosaic F1 (documentation société Lutronic). Relissage Fractionnel Plusieurs constructeurs ont décidé d’adapter le principe de la phtothermolyse fractionnelle aux lasers de relissage (CO2 ou Er: YAG) qu’ils commercialisaient déjà. On peut donc parler alors de relissage fractionnel (fractional ablative skin resurfacing en anglais). Il s’agit donc de traiter la peau, non plus uniformément avec une ou plusieurs passes, comme c’est le cas avec un relissage classique, mais en point par point. La peau non altérée entre chaque spot permet une ré-épidermisation et une cicatrisation beaucoup plus rapides. Les œdème et/ou d’érythéme post-traitement sont réduits et leur durée est considérablement raccourcie. C’est le principe utilisé par la société Alma Lasers avec leur module Pixel 2940nm Er: YAG. Ce laser Erbium: YAG émettant à 2940nm est équipé d’un système optique qui permet d’obtenir sur une surface de 11 x 11 m, 49 ou 81 micro-spots. L’énergie d’une impulsion de 1,1 J donne alors sur chaque micro-spot une énergie de 13mJ (81 micro-spots) ou de 24 mJ (49 micro-spots). La société Lumenis a aussi souhaité proposer son laser CO2 pour le relissage fractionnel et a mis en oeuvre une procédure appelée ActiveFX™. Par rapport à la technique de relissage traditionnelle, le diamètre du spot a été réduit de 2,25 mm à 1,3mm et le scanner a été programmé de façon à recouvrir qu’en partie la zone traitée. 31 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON Figure 17 : La répartition de l’énergie dans la peau au moyen du système CAP induit des colonnes de coagulation (documentation société Cynosure). Figure 20 : Impacts obtenus sur la peau avec le Pixel 2940nm Er : YAG (documentation Alma lasers). Figure 18 : Colonnes de coagulation obtenues avec le laser Affirm 1.44μm. (documentation société Cynosure). Figure 21 : Comparaison des spots utilisés lors du relissage traditionnel et avec la technique Activ FX réalisée avec le laser CO2 UltraPulse ® Encore™ (documentation société Lumenis). Figure 22 : Comparaison recouvrement obtenus lors du relissage traditionnel et avec la technique Activ FX réalisée avec le laser CO2 UltraPulse® Encore™ (documentation société Lumenis). Figure 19 : Pixel 2940nm Er : YAG (documentation Alma lasers). Suivant le même concept, l’équipe du Pr. Anderson (Pandolfino, Laubach et al. 2006), d’une part et la société Reliant Technologies (Hantash, Bedi et al. 2006), d’autre part ont récemment évalué un laser CO2 utilisant un diamètre beaucoup plus petit : respectivement de 200μm et 120 μm. Outre le diamètre et le nombre de spots appliqués sur la peau, l’énergie par pulse a été réduite. Cependant, ces longueurs d’onde sont fortement absorbées par la peau et on procède comme pour le relissage classique à une volatilisation de l’épiderme et du derme superficiel. Celle-ci dépendra bien entendu de l’énergie appliquée. Comme le 32 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON montrent les figures suivantes, obtenues par Pandolfino, une énergie élevée (500mJ) peut conduire à des volatilisations jusqu’à une profondeur de 4mm (Pandolfino, Laubach et al. 2006). Par contre le recours à des énergies plus faibles telles que celles utilisées par Hantash, permet de limiter l’action à des profondeurs comprises entre 400μm et 1mm. Dans ce cas, le laser CO2 réalise des spots de 120μm de diamètre. Un scanner permet d’appliquer plus de 1500 spots par seconde. Cependant, là encore, on peut noter qu’on obtient une colonne de volatilisation entourée d’une zone coagulée et non pas uniquement une coagulation comme les lasers 1,44μm et 1,54μm. Figure 25 : colonnes de volatilisation obtenues avec un laser C02 diam du spot : 200μm, (énergie : 500mJ, durée : 1ms). Une zone coagulée de 50Ìm entoure cette colonne. (Pandolfino, Laubach et al. 2006). Figure 23 : coupe histologique parallèle à la surface de la peau obtenue à une profondeur de 40Ìm. Laser CO2 , diam du spot : 120μm, 18mJ, Marquage LDH. (Hantash, Bedi et al. 2006). Figure 26 : coupe histologique (H&E) d’une colonne obtenue avec un laser C02, diamètre du spot 120μm. energie 9,2mJ. (Hantash, Bedi et al. 2006). Figure 24 : colonnes de volatilisation obtenues avec un laser C02, diam du spot : 200μm (énergie : 500mj, durée : 1ms). (Pandolfino, Laubach et al. 2006). Figure 27 : coupe histologique (H&E) d’une colonne obtenue avec un laser C02, diamètre du spot 120μm. énergie 13.8mJ. (Hantash, Bedi et al. 2006). 33 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON Figure 29 : coupe histologique (H&E) d’une colonne obtenue avec un laser C02, diamètre du spot 120μm. energie 23.3mJ (Hantash, Bedi et al. 2006). Figure 31 : Profondeur et largeur moyennes des colonnes obtenues en fonction de l’énergie (laserCO2 : 10.6μm). Marquages H&E et LDH donnent des valeurs légèrement différentes (Hantash, Bedi et al. 2006). Figure 28 : coupe histologique (H&E) d’une colonne obtenue avec un laser C02, diamètre du spot 120μm. energie 18mJ (Hantash, Bedi et al. 2006). D’autres sociétés ont annoncé des lasers Er : YAG ou CO2 fonctionnant sur des principes très similaires. En ce début d’année 2007, les caractéristiques précises de ces machines ne sont pas encore accessibles. Figure 30 : Formes des lésions obtenues à partir des coupes histologiques précédentes (Hantash, Bedi et al. 2006). Etudes Cliniques Depuis 2004, plusieurs études cliniques ont pu être publiées. Le propos de cet article n’est pas de les analyser en détail. Cependant, ces études montrent que les lasers fractionnels sont aujourd’hui proposés pour traiter : - Les stigmates du vieillissement (Manstein, Herron et al. 2004 ; Bass 2005 ; Mazer and Buis 2005 ; Rahman, Alam et al. 2006 ; Seckel 2006; Wanner, Tanzi et al. 2007), - Différents types de cicatrices (Behroozan, Goldberg et al. 2006 ; Fisher, Skover et al. 2006 ; Rahman, Tanner et al. 2006), - Les mélasma (Rokhsar and Fitzpatrick 2005; Tannous and Astner 2005), - Les vergétures (Bernstein, Chapas et al. 2006). Figure 32 : Patient avant et après deux traitements. Laser 1.54μm Fraxel (documentation Reliant Technologies). Before 34 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON After 2 treatments Figure 33 : Patient avant et après quatre traitements. Laser 1.54μm Fraxel (documentation Reliant Technologies). Before After 4 treatments / 7 Months Figure 35: Patient with melasma before and after 5 sessions with the Fraxel 1.54μm laser (Rokhsar and Fitzpatrick 2005) Figure 34 : Patient avant et après 3 traitements. laser Affirm 1.44μm (Cynosure). 35 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON En conclusion, la photothermolyse fractionnelle (1,44μm – 1,54μm) propose des bénéfices cliniques intermédiaires entre le relissage et le remodelage, mais sans les inconvénients connus du relissage. D’autres applications ont été trouvées. Il s’agit en particulier du traitement des cicatrices d’acné et chirurgicales. Le traitement du mélasma pourrait être une application intéressante puisqu’il semble que cette technique permette d’éliminer la mélanine du derme (Hantash, Bedi et al. 2006). En ce qui concerne, les autres lasers Erbium-YAG et CO2 (2,94μm – 10,6μm) proposés pour le relissage fractionnel, le recul n’est pas encore suffisant pour juger de l’efficacité à long terme de cette technique. Bibliographie Bass, L. S. (2005). "Rejuvenation of the aging face using Fraxel laser treatment." Aesthetic Surgery Journal 25 (may/june) : 307-9. Bedi, V. P., K. F. Chan, et al. (2006). "The effects of pulse energy variations on the dimensions of microscopic thermal treatment zones in nonablative fractional resurfacing." Lasers Surg Med. Behroozan, D. S., L. H. Goldberg, et al. (2006). "Fractional photothermolysis for the treatment of surgical scars: a case report." J Cosmet Laser Ther 8 (1) : 35-8. Bene, N., M. Weiss, et al. (2006). "Comparison of histological features of 1550nm fractional resurfacing and microlens array (CAP° scattering of 1440nm". Lasers Surg Med S18 : 26. Bernstein, L., A. Chapas, et al. (2006). "The treatment of striae distensae with fractional photothermolysis using superficial and deep focal depths." Lasers Surg Med S18 : 26. Fisher, G., G. Skover, et al. (2006). "Treatment of facial acneiform scars with fractional photothermolysis." Lasers Surg Med S18 : 25. Fournier, N. and S. Mordon (2005). "Une nouvelle technologie laser innovante pour éliminer les rides: la photothermolyse fractionnelle par le laser Fraxel." Actualités en Dermatologie 20 : 23-26. Mazer, J. and J. Buis (2005). "Une nouvelle technique de rajeunissement facial et extra-facial : le relissage fractionnel ou photothermolyse fractionnelle." Les Nouvelles dermatologiques (Nouv. dermatol.) 24 (6) : 18-21. Rokhsar, C. K. and R. E. Fitzpatrick (2005). "The treatment of melasma with fractional photothermolysis: a pilot study." Dermatol Surg 31 (12) : 1645-50. Pandolfino, T., H. J. Laubach, et al. (2006). "CO2 laser induced ablative micropatterns in skin." Lasers Surg Med 38 (S18). Seckel, B. (2006). Minimal-downtime fractional CO2 resurfacing for effective facial rejuvenation with ActiveFX from Lumenis. ASPS Annual Meeting, San Francisco, CA, USA. Hantash, B. M., V. P. Bedi, et al. (2006). "Ex vivo histological characterization of a novel ablative fractional resurfacing device." Lasers Surg Med. Rahman, Z., M. Alam, et al. (2006). "Fractional Laser treatment for pigmentation and texture improvement." Skin Therapy Lett 11 (9) : 7-11. Tannous, Z. S. and S. Astner (2005). "Utilizing fractional resurfacing in the treatment of therapy-resistant melasma." J Cosmet Laser Ther 7 (1) : 39-43. Hantash, B. M., V. P. Bedi, et al. (2006). "Laser-induced transepidermal elimination of dermal content by fractional photothermolysis." Journal of Biomedical Optics 11 (4). Rahman, Z., H. Tanner, et al. (2006). "Treatment of atrophic scars with the 1550nm Erbium-Glass fractional laser." Lasers Surg Med S18 : 24. Wanner, M., E. Tanzi, et al. (2007). "Fractional Photothermolysis: Treatment of Facial and Nonfacial Cutaneous Photodamage with a 1,550-nm Erbium-Doped Fiber Laser." Dermatol. Surg. 33 (1) : 23-28. Manstein, D., G. S. Herron, et al. (2004). "Fractional photothermolysis: a new concept for cutaneous remodeling using microscopic patterns of thermal injury." Lasers Surg Med 34 (5) : 426-38. 36 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON L’actualité dermatologique DANIEL WALLACH (Paris - France) MÉLANOME La controverse du ganglion sentinelle MORTON DL, THOMPSON JF, COCHRAN AJ, MOZZILLO N, ELASHOFF R, ESSNER R, NIEWEG OE, ROSES DF, HOEKSTRA HJ, KARAKOUSIS CP, REINTGEN DS, COVENTRY BJ, GLASS EC, WANG HJ ; MSLT GROUP. Sentinel-node biopsy or nodal observation in melanoma. N Engl J Med. 2006 ; 355 : 1307-17. GIROD A, SALMON R, RODRIGUEZ J. Mélanome cutané et ganglion sentinelle : où en est-on ? Bull Cancer 2007 ; 94 : 687-691. GUILLOT B, BERNARD A. Les resultats de l’étude de Morton doivent-ils modifier les recommendations de prise en charge du mélanome ? Ann Dermatol Venereol 2007 ; 134 ; 17-19. GONZALEZ U. Cloud over sentinel node biopsy: unlikely survival benefit in melanoma. Arch Dermatol 2007 ; 143 : 775-776. Le 12 Septembre 2007, une recherche Medline sur «biopsie du ganglion sentinelle » et « mélanome » fournit 1248 références. C’est dire que le problème est d’importance, et pour tout dire, non résolu. Parmi ces publications, l’étude internationale dirigée par Donald Morton, qui a duré de 1994 à 2002 et a été publiée en 2006 dans le New England Journal of Medicine, a été commentée comme rarement un article médical l’a été. Et comme nous verrons, si ces commentaires ne sont pas tous favorables, leurs conclusions ne sont pas non plus univoques. D Morton, qui a proposé en 1991 la technique du ganglion sentinelle, rapporte donc des résultats intérimaires d’une importante étude menée aux USA, en Australie et en Europe, comparant cette technique à la simple observation clinique chez des patients ayant été opérés d’un mélanome de taille intermédiaire (indice de Breslow entre 1,2 et 3,5mm). On sait que l’examen histologique du ganglion sentinelle, premier relais lymphatique des mélanomes, peut identifier des micrométastases avant leur expression clinique. L’intérêt de cette technique est donc d’abord de permettre une stratification (staging) plus fine des mélanomes, et l’histologie du ganglion sentinelle a été récemment integrée dans les classifications cancérologiques. Ensuite, en pratiquant un curage ganglionnaire précoce, on peut espérer améliorer le pronostic. Enfin, on épargne un curage inutile aux patients sans atteinte ganglionnaire. Jusqu’à présent cependant, l’impact de la technique du ganglion sentinelle sur la survie n’avait pas été démontré. Entre 1994 et 2002, 1269 patients présentant un mélanome primitif d’épaisseur intermédiaire ont été randomisés en deux groupes après exérèse élargie de la lésion cutanée. Un groupe, observationnel, était surveillé cliniquement et on ne pratiquait de curage ganglionnaire qu’à l’apparition d’adénopathies palpables. Le second groupe bénéficiait d’une biopsie du ganglion sentinelle (BGS), et d’un curage dans le cas où elle était positive. L’objectif principal était de mesurer la survie à 5 ans. Celle-ci est identique dans les deux groupes (87%), et cette conclusion, pour beaucoup des critiques de Morton, est la principale qui doive être retenue. Mais il y a d’autres données: notamment, la survie sans maladie résiduelle est supérieure dans le groupe BGS : 78% contre 73%. Dans le groupe BGS, la présence de micrométastases (16% des patients) est le meilleur indicateur pronostique: en l’absence de micrométastases, la survie à 5 ans (survie liée au mélanome) est de 90%, contre 72% pour les BGS positives (p<0,001). Il est également intéressant de noter que dans le groupe observationnel, 37 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH le taux de métastases ganglionnaires a été très proche de celui des micrométastases à la BGS : 15,6%. Mais dans ce groupe, il y avait plus de ganglions atteints : 3,3 en moyenne, contre 1,4 dans le groupe BGS positives. Et si on considère l’ensemble des patients ayant eu des métastases ganglionnaires, la survie est meilleure chez ceux qui ont eu une BGS et un curage immédiat (72%) que chez ceux qui ont eu un curage retardé (52%). Ici aussi, la différence est significative. En cas de BGS faussement négative, suivie de métastase ganglionnaire, le pronostic est le même que pour les patients du groupe observationnel qui ont présenté une métastase. Les commentateurs soulignent qu’il convient de retenir les résultats du critère principal (la survie globale, qui est la même dans les deux groupes) et soulèvent plusieurs critiques méthodologiques qui selon eux rendent caducs certains des résultats. Et ils ne retiennent pas la conclusion de D Morton, à savoir que la lymphadénectomie immédiate après identification de métastases microscopiques améliore la survie. Ainsi, B Guillot et A Bernard estiment que cette étude ne remet pas en cause les recommandations publiées en 2005 par la Société française de Dermatologie : la technique du ganglion sentinelle n’est pas recommandée de façon systématique, mais peut être proposée dans le cadre de protocoles particuliers. A. Girod et ses collaborateurs, chirurgiens de l’Institut Curie à Paris, ne méconnaissent pas les divers éléments de la controverse, mais indiquent que « l’intime conviction » de nombreux cliniciens fait que cette technique se diffuse rapidement. Et quant à eux, ils l’ont adoptée. Une nouvelle classification tient compte de l’évolutivité LIPSKER D, ENGEL F, CRIBIER B, VELTEN M, HEDELIN G. Trends in melanoma epidemiology suggest three different types of melanoma. Br J Dermatol. 2007 ; 157 : 338-43. L’importante base de données que constitue le Registre des cancers du Bas-Rhin a permis à l’équipe de dermatologie de Strasbourg d’étudier l’épidémiologie du mélanome sur une période de plus de vingt ans, au cours de laquelle 2094 mélanomes ont été diagnostiqués. Entre 1980 et 2001, on observe une importante augmentation de l’incidence des mélanomes, toutes catégories confondues: en nombres de cas pour 100 000 personnes, cette incidence passe en vingt ans de 4,2 à 13 pour les femmes et de 2,3 à 10,2 pour les hommes. Mais malgré cette augmentation considérable, qualifiée par certains d’épidémique, la mortalité est restée stable, diminuant même chez les femmes, de 1,6 à 0,9 pour 100 000. Ainsi, les mélanomes augmentent, comme cela a été observé dans la plupart des pays du monde ; mais alors que leur gravité est bien connue, la mortalité n’augmente pas. Comment expliquer cet apparent paradoxe ? Essentiellement en examinant l’épaisseur des mélanomes, paramètre fortement corrélé avec le pronostic. On observe ainsi que l’épaisseur moyenne des mélanomes diminue régulièrement: depuis la fin des années 1990, elle est de l’ordre de 0,5 mm. Plus précisément, le nombre de mélanomes fins augmente de façon importante; à l’opposé, l’incidence des mélanomes épais, d’indice de Breslow supérieur à 2 mm, est restée stable. La partie la plus originale de cette étude concerne l’évolutivité des tumeurs. Pour 717 patients, le délai diagnostique, c’est-à-dire le temps écoulé entre le premier signe d’alarme et l’exérèse, était connu. Ce délai était significativement plus court pour les mélanomes de plus de 2 mm (médiane 12 mois) que pour les mélanomes de moins de 1 mm d’épaisseur (médiane 24 mois). La comparaison entre les tumeurs excisées rapidement et celles excisées tardivement montre comme seule différence l’épaisseur, plus importante dans le groupe excisé rapidement. On peut donc dire que ce ne sont pas les mêmes mélanomes qui croissent progressivement, et seraient plus épais parce que diagnostiqués plus tard. Ce sont des tumeurs de développement plus rapide. Une analyse détaillée des caractéristiques des mélanomes conduit les auteurs à proposer une nouvelle classification qui, contrairement à la classification actuelle basée sur la seule épaisseur au moment de l’exérèse, tient compte de l’évolutivité de ces tumeurs. Les mélanomes de Type I sont ces mélanomes à croissance rapide, de mauvais pronostic. Leur incidence est stable, et leur survenue ne semble pas liée aux expositions solaires. Les mélanomes de type II, à croissance lente et de bon pronostic, siègent préférentiellement sur le tronc et semblent en rapport avec des expositions solaires aiguës intermittentes. Les mélanomes de type III, également à croissance lente, siègent préférentiellement sur le visage et le cou et apparaissent liés à l’âge et aux expositions chroniques. On peut craindre que les campagnes d’éducation solaire et de dépistage n’affectent que peu le nombre des mélanomes agressifs de type I. Les auteurs concluent que le défi de ces prochaines années sera de déterminer les facteurs de risque des mélanomes de type I, ainsi que leurs caractères cliniques initiaux. On a déjà observé que ces mélanomes sont fréquemment achromiques et que les critères de suspicion ABCD ne sont pas opérants pour les soupçonner. Seul le critère E, qui indique une évolutivité d’une lésion cutanée, correspond à ces mélanomes à croissance rapide. PEMPHIGUS Le rituximab est un traitement efficace du pemphigus JOLY P, MOUQUET H, ROUJEAU JC, D'INCAN M, GILBERT D, JACQUOT S, GOUGEON ML, BEDANE C, MULLER R, DRENO B, DOUTRE MS, DELAPORTE E, PAUWELS C, FRANCK N, CAUX F, PICARD C, TANCREDE-BOHIN E, BERNARD P, TRON F, HERTL M, MUSETTE P. A single cycle of rituximab for the treatment of severe pemphigus. N Engl J Med 2007 ; 357 : 545-552. CIANCHINI G, CORONA R, FREZZOLINI A, RUFFELLI M, DIDONA B, PUDDU P. Treatment of severe pemphigus with rituximab: report of 12 cases and a review of the literature. Arch Dermatol 2007 ; 143 : 1033-1038. Le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique dirigé contre la molécule CD20, spécifique des lymphocytes B. Il est utilisé avec succès dans le traitement des lymphomes B, et depuis quelques années il a été proposé 38 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH pour le traitement de maladies auto-immunes où les auto-anticorps jouent un rôle pathogène. Parmi ces maladies figure le pemphigus, et depuis 2004 une vingtaine de publications ont fait état de succès du rituximab chez des malades atteints de pemphigus. L’article des spécialistes français des maladies bulleuses publié en Août 2007 dans le New England Journal of Medicine constitue la plus importante série à ce jour, et confirme que le rituximab constitue un progrès important dans le traitement du pemphigus. Cet article concerne 21 patients. Ils présentaient tous un pemphigus, vulgaire (14 cas) ou superficiel (7 cas). 5 de ces patients étaient résistants à la corticothérapie générale, avec une maladie toujours évolutive malgré des doses de prednisone de 94 mg par jour en moyenne ; 11 patients étaient corticodépendants, nécessitant des doses quotidiennes de prednisone de l’ordre de 29 mg en moyenne. Tous avaient reçu également des immunosuppresseurs ou des immunoglobulines, sans succès. Un troisième groupe, de 5 patients, a été sélectionné parce qu’ils présentaient des contre-indications importantes à la corticothérapie (diabète grave, hypertension artérielle). Ces 5 patients ont donc été traités d’emblée par rituximab. Ce point est important à souligner parce que, comme tous les nouveaux traitements et d’autant plus qu’il est coûteux, le rituximab n’est proposé qu’à des patients ayant déjà reçu sans succès les traitements conventionnels (et ayant en général souffert de leurs effets secondaires). Actuellement, on ne propose pas le rituximab de première intention, mais des études comme celle-ci pourraient amener à modifier cette attitude. Tous les patients avaient un pemphigus grave, atteignant en moyenne 27% de la surface corporelle, parfois beaucoup plus, avec des lésions muqueuses graves et une altération de l’état général. Le traitement a consisté en un cycle unique de quatre perfusions hebdomadaires de rituximab, à la dose de 375 mg / m2. Trois mois après, le résultat est spectaculaire : 18 des 21 patients sont en rémission complète. Deux autres atteindront cette rémission un peu plus tard, et un seul patient, atteint d’un pemphigus foliacé généralisé, sera un échec. Sur les 20 patients en rémission, 9 rechuteront, après un délai moyen de 18 mois. Deux d’entre eux seront traités par un second cycle de rituximab, qui induira une rémission complète. Les autres recevront des corticoïdes topiques ou oraux. Au total, avec un suivi moyen de 34 mois, 18 patients sont en rémission, dont 8 ne reçoivent pas de corticoïde du tout ; les autres en prennent encore de faibles doses. Deux effets secondaires graves seront observés : une pyélonéphrite 12 mois après le traitement, et une septicémie mortelle 18 mois après le traitement. Ce dernier patient recevait également un traitement par anti-TNF alpha pour une polyarthrite rhumatoïde. Les auteurs ont pratiqué un suivi immunologique détaillé, qui montre comme on s’y attendait une diminution rapide et importante des anticorps anti-desmogléine, l’absence de diminution des immunoglobulines en général, et une disparition complète des cellules B circulantes. La série italienne publiée ce même mois d’Août dans les Archives of Dermatology est tout à fait semblable: 12 patients atteints de pemphigus grave et résistant aux autres traitements ont été traités par un cycle de quatre perfusions de rituximab. Tous ont obtenu une rémission complète et aucune complication infectieuse n’a été observée. L’efficacité du rituximab dans le pemphigus est donc clairement démontrée. Reste à établir la place de ce traitement, par rapport aux traitements conventionnels dominés par la corticothérapie générale, dont on connaît la très médiocre tolérance. Le rituximab sera-t-il réservé aux cas résistants ? Ou proposé d’emblée ? Il est trop tôt pour répondre à cette question. PSORIASIS Une nouvelle voie d’immunomodulation, mais des interrogations sur la tolérance KRUEGER GG, LANGLEY RG, LEONARDI C, YEILDING N, GUZZO C, WANG Y, DOOLEY LT, LEBWOHL M; CNTO 1275 Psoriasis Study Group. A human interleukin-12/23 monoclonal antibody for the treatment of psoriasis. N Engl J Med 2007 ; 356 : 580-592. L’anticorps monoclonal appelé CNTO 1275 est dirigé contre la molécule p40 qui est commune aux interleukines IL12 et IL23. L’interleukine 12, produite par les cellules dendritiques, active les lymphocytes T en stimulant l’expression de cytokines TH1, dont l’interféron gamma et le Tumor Necrosis Factor alpha. Cette voie est importante dans la physiopathologie du psoriasis. L’interleukine 23 active une sous-population T particulière, Th17 (secrétant de l’interleukine 17), dont on a montré qu’elle intervient également dans l’induction du phénotype psoriasique de l’épiderme. De nombreux arguments expérimentaux permettent de penser que l’inhibition de ces cytokines pourrait être bénéfique dans le psoriasis. Cet article rapporte les résultats d’un vaste essai clinique contrôlé en double aveugle, comparant plusieurs posologies de CNTO 1275 et un placebo. 320 patients ont été recrutés, 64 dans chaque groupe, recevant respectivement une dose sous-cutanée unique de 45 mg de l’anticorps anti IL12/IL23, une dose unique de 90 mg, quatre doses hebdomadaires de 45 mg, 4 doses hebdomadaires de 90 mg, et quatre doses de placebo. L’évaluation principale a porté sur l’évolution du psoriasis trois mois après le début du traitement. Les patients étaient majoritairement des hommes d’une quarantaine d’années, pesant en moyenne entre 90 et 95 kg, et présentant un psoriasis en plaques, atteignant environ un quart de la surface corporelle. Leur score PASI était entre 18 et 20, et leurs scores de qualité de vie montraient une altération significative. Le résultat principal est que le CNTO 1275 a entraîné une amélioration considérable, et dose-dépendante, du psoriasis. Le score PASI 75, c’est-à-dire une diminution du PASI des trois quarts, est atteint pour 52% des patients ayant reçu 45 mg, et 81% de ceux qui ont reçu quatre fois 90 mg. Des améliorations de 90% et même de 100% ont aussi été obtenues, ici aussi de façon plus fréquente avec les doses les plus élevées. Outre le PASI, les auteurs ont mesuré un score global d’efficacité, et aussi un score de qualité de vie, et tous deux montrent également une amélioration très importante et dose-dépendante. 39 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH En termes d’efficacité, l’anticorps anti-IL12 / IL23 semble se situer au niveau des anti-TNF alpha les plus performants, bien qu’il n’y ait pas eu de comparaison directe. Les auteurs ont également examiné en détail la tolérance du traitement. Bien que l’essai ait porté sur un nombre relativement limité de patients, et pendant une période assez brève, on a observé parmi les patients traités par l’anticorps monoclonal plusieurs évènements graves : deux infections nécessitant une hospitalisation, et surtout deux cas d’infarctus du myocarde et un cas de thrombose cérébrale. Le problème est donc maintenant de savoir si ces effets secondaires sont de nature à compromettre l’utilisation de l’anticorps anti-IL12/IL23. Les auteurs ne commentent pas le fait que le poids moyen de leurs patients était de plus de 90 kg. On a attiré l’attention récemment sur la fréquence de l’obésité et des autres éléments du syndrome métabolique dans le psoriasis. Le rôle de cette « co-morbidité » dans la tolérance des traitements systémiques est un autre problème qui nécessite des études attentives. DERMATITE ATOPIQUE Prurit, inflammation, stress, xérose LEE CH, CHUANG HY, SHIH CC, JONG SB, CHANG CH, YU HS. Transepidermal water loss, serum IgE and beta-endorphin as important and independent biological markers for development of itch intensity in atopic dermatitis. Br J Dermatol 2006 ; 154 : 1100-1107. Signe majeur de la dermatite atopique, le prurit continue de défier les cliniciens et les chercheurs. En fait, étant donné qu’il s’agit à la fois d’un signe subjectif et d’une cible thérapeutique essentielle, il serait du plus haut intérêt de disposer de marqueurs fiables, qui permettraient de prévoir un effet anti-prurigineux des traitements, ou de l’objectiver, de façon à échapper au flou inévitable des appréciations uniquement cliniques. A la recherche d’un marqueur biologique du prurit, ces chercheurs taïwanais ont exploré soixante quinze patients atopiques de tous âges, qu’ils ont classés en quatre catégories en fonction de l’intensité du prurit. Ils ont mesuré plusieurs marqueurs biologiques: dans le sang, ils ont dosé les IgE, et aussi deux neuromédiateurs, la beta-endorphine et le vaso-intestinal peptide. Au niveau de le peau, ils ont mesuré de façon non invasive les pertes insensibles en eau et le pH. Par des tests statistiques adaptés, on observe que les IgE circulantes, la beta-endorphine, et les pertes insensibles, sont corrélées avec le niveau de prurit, et ceci de façon indépendante. IgE et beta-endorphine sont également corrélés avec le SCORAD, qui inclut le prurit parmi ses paramètres. Par contre, les taux de VIP et le pH cutané ne sont pas corrélés avec le prurit. Bien que les résultats des tests statistiques soient significatifs, on ne se hasarderait pas à conclure que les paramètres cités permettront d’évaluer le prurit, ni au cours d’essais cliniques ni a fortiori en pratique quotidienne. Il est cependant intéressant d’observer que ce travail confirme la nature multifactorielle du prurit de la dermatite atopique. En effet, les IgE sont un bon marqueur des sensibilisations allergiques, la beta-endorphine est un important médiateur du stress, et les pertes en eau dépendent directement de l’efficacité de la barrière épidermique. On ne saurait mieux définir les facteurs physiopathologiques de la dermatite atopique. Quels scores utiliser ? HOLM EA, WULF HC, THOMASSEN L, JEMEC GB. Assessment of atopic eczema : clinical scoring and noninvasive measurements. Br J Dermatol 2007 ; 157 : 674-680. ORANJE AP, GLAZENBURG EJ, WOLKERSTORFER A, DE WAARD-VAN DER SPEK FB. Practical issues on interpretation of scoring atopic dermatitis : the SCORAD index, objective SCORAD and the three-item severity score. Br J Dermatol 2007 ; 157 : 645-648. On compte au moins quinze échelles de scores cliniques pour la dermatite atopique, et aucune ne peut être considérée comme un « étalon-or » qui ferait autorité et auquel on pourrait comparer les autres. Le SCORAD est certainement le mieux étudié et le plus utilisé, le score EASI bénéficie d’une bonne expérience, mais cela n’empêche pas de nombreux cliniciens d’utiliser d’autres échelles, voire d’en proposer de nouvelles. C’est une situation pour le moins paradoxale ; dans le cas du psoriasis par exemple, tout le monde utilise le score PASI, qui a fait l’objet de beaucoup moins de travaux méthodologiques et a été mis en place empiriquement. Peut-être était-ce une meilleure approche ? Dans le cas de la dermatite atopique, on dispose aussi de techniques d’évaluation biologique non invasive, qui ont l’avantage de l’objectivité. Il est donc important de connaître les corrélations de différents scores cliniques entre eux, et également les corrélations entre les scores cliniques et les mesures biologiques. C’est ce travail qu’ont effectué E Holm et ses collaborateurs. 101 patients atopiques danois de tous âges et de toutes gravités de DA (le SCORAD variait entre 0 et 87, avec une moyenne de 28,5) ont été évalués cliniquement et biologiquement. Pour la clinique, les auteurs ont choisi le SCORAD et le score EASI, parce que ce sont les plus connus, et aussi le sore ADSI (Atopic Dermatitis Severity Index) qui diffère des précédents parce qu’il évalue les signes cliniques (érythème, suintement, prurit, excoriations et lichénification) uniquement sur une lésion cible, lésion représentative dont on pouvait penser qu’elle serait mieux adaptée à une comparaison avec les mesures biologiques. Les auteurs ont mesuré ADSI sur trois lésions cibles, et en ont exclu le prurit, dans le but de ne garder que des signes objectifs. On voit cependant là une de ces si nombreuses « déviations » qui sont en fait difficiles à justifier. Les mesures biologiques ont été effectuées au niveau du pli du coude, du dos de l’avant-bras et du creux poplité. Il s’agit des pertes d’eau transépidermiques, de l’hydratation, de l’érythème (par spectroscopie), de l’épaisseur de l’œdème par échographie et de la desquamation. Toutes les mesures ont été effectuées deux fois à six mois d’intervalle, et trente personnes non atopiques ont aussi été explorées à titre de témoins. Le résultat le plus important est que tous les scores apparaissent fortement corrélés, avec des coefficients de corrélation supérieurs à 0,8 pour la comparaison des 40 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH scores cliniques entre eux, et de plus de 0,6 pour la comparaison entre les scores cliniques et biométrologiques. Seule la desquamation semble « déconnectée » des autres critères. Il est exact qu’elle ne représente que médiocrement l’eczéma, même si les auteurs ont pris soin d’exclure les patients atteints d’ichtyose vulgaire, ce qui d’ailleurs peut éventuellement se discuter. Dans la mesure où tous les scores sont bien corrélés, on peut conclure qu’ils représentent tous fidèlement l’intensité de la dermatite atopique. Il est donc légitime d’utiliser le plus simple, ou celui auquel on est le plus habitué. Les auteurs penchent pour l’ADSI, parce que l’évaluation de la surface atteinte est toujours difficile, et aussi parce que ces scores objectifs cliniques sont fortement corrélés avec ceux, comme le SCORAD, qui incluent le prurit, notion toujours difficile à objectiver. Le Pr AP Oranje, un des leaders du Groupe de travail européen qui a mis au point le SCORAD, plaide quant à lui en faveur de l’utilisation du TIS, Three-Item Severity Score, qui mesure simplement, en les cotant de 0 à 3, l’érythème, l’œdème et les excoriations. Bien que moins sensible que le SCORAD, le TIS lui est très bien corrélé, et particulièrement facile à mettre en œuvre, ce qui pourrait être utile pour des études épidémiologiques. Mais on le voit, le débat n’est pas clos. ACNÉ entre le score ECLA et le score CADI. C’est certainement le point qui mérite d’être retenu, car il constitue la justification des échelles de qualité de vie, qui mesurent quelque chose de différent de la gravité objective d’une maladie. Tous les dermatologues le savent, un patient peut être terriblement affecté par une acné minime, tandis qu’un autre supportera avec le sourire une acné affichante. Faire remplir un score CADI à nos patients pourrait permettre par exemple, de détecter précocement des sentiments d’anxiété ou de dépression chez un adolescent qui ne se sera pas beaucoup exprimé au cours de la consultation, et qui ne présenterait qu’une acné modérée. En entrant un peu plus dans le détail, on trouve évidemment des corrélations entre les deux échelles : Score CADI et acné du visage par exemple (mais pas acné en dehors du visage), score CADI et cicatrices. Il y a aussi une corrélation positive entre le score ECLA global et la perception de l’importance du problème par les patients. Mais comme on l’a vu, les scores psychologiques sont en définitive plus informatifs quand ils sont dissociés des scores cliniques. Des protocoles d’isotrétinoïne intermittente AKMAN A, DURUSOY C, SENTURK M, KOC CK, SOYTURK D, ALPSOY E. Treatment of acne with intermittent and conventional isotretinoin : a randomized, controlled multicenter study. Arch Dermatol Res. 2007 ; 299 : 467-473. Les scores clinique et psychologique ne sont pas corrélés DRENO B, ALIREZAI M, AUFFRET N, BEYLOT C, CHIVOT M, DANIEL F, FAURE M, LAMBERT D, POLI F, MERIAL-KIENY C, NOCERA T. Corrélation clinique et psychologique dans l’acné : utilisation des grilles ECLA et CADI. Ann Dermatol Venereol. 2007 ; 134 : 451-455. Le groupe de dermatologues spécialistes de l’acné réuni autour de B Dréno propose une étude des grilles d’évaluation de l’acné qui devrait pouvoir être transposée en pratique quotidienne. Le principe est de comparer les résultats de deux échelles, l’une concernant l’intensité objective de l’acné et l’autre son retentissement psychologique. Le score ECLA (Evaluation clinique des lésions d’acné) repose sur les nombres de lésions, rétentionnelles, inflammatoires et nodulo-kystiques, sur le visage (Facteur F1) sur le cou et le tronc (Facteur F2) et sur l’existence de lésions cicatricielles (Facteur F3). Il est donc déterminé par le dermatologue, de façon assez rapide, au cours de la consultation. Le score CADI (Cardiff Acne Disability Index) consiste en un court questionnaire explorant cinq champs de retentissement psycho-social de l’acné : sentiments de gêne, perturbations de la vie sociale, des activités, sentiments vis-à-vis de la peau, et appréciation de la gravité du problème posé par l’acné. Quoique très court, ce questionnaire CADI a été validé et est tout à fait fiable. 128 patients acnéiques âgés de 21 ans en moyenne, présentant une acné relativement ancienne (6 ans en moyenne) ont participé à l’étude. Leur acné était objectivement, le plus souvent, légère à modérée. Les scores ECLA ont été déterminés par les dermatologues, et les patients ont rempli, seuls, le questionnaire CADI. La conclusion essentielle est qu’il n’y avait pas de corrélation Des publications de cas isolés ont suggéré que l’isotrétinoïne orale pouvait être efficace dans l’acné à doses moindres que ce qui est habituellement recommandé. C’est ce qui a incité ces auteurs à mettre en œuvre un essai clinique comparatif. 66 patients atteints d’acné modérée à sévère, qui n’avaient pas répondu à un traitement antibiotique ou avaient rapidement rechuté, ont été répartis en trois groupes. Le premier groupe a suivi le traitement conventionnel, à savoir 0,5 mg / kg / jour, tous les jours pendant six mois. Les deux autres groupes ont reçu de l’isotrétinoïne de façon intermittente, toujours à la dose de 0,5 mg / kg / jour : soit les dix premiers jours de chaque mois pendant six mois, soit tous les jours pendant un mois et les dix premiers jours du mois pendant les cinq mois suivants. A la fin des six mois de traitement, les résultats ne sont pas différents dans les trois groupes. C’est-à-dire que les protocoles intermittents ont amélioré l’acné aussi bien que le protocole conventionnel, avec une très importante diminution des scores. Six mois plus tard par contre il y a une différence, puisque le groupe conventionnel reste très amélioré, tandis que les groupes intermittents voient leurs scores remonter. L’un des patients du groupe ayant reçu le moins d’isotrétinoïne a même rechuté. Si l’on distingue les acnés modérées et les acnés sévères, on observe que pour les acnés sévères, le protocole comportant dix jours de traitement pendant six mois est significativement inférieur au protocole conventionnel. Par contre, pour les acnés modérées, les trois protocoles sont équivalents. Les patients ayant reçu de l’isotrétinoïne intermittente l’ont mieux tolérée, notamment pour ce qui concerne les fréquents effets secondaires cutanéo-muqueux . Ce point 41 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH est important car on suppose qu’il détermine l’observance des patients. Autre avantage des traitements intermittents: un coût bien inférieur, ce qui est avantageux économiquement, et un puissant facteur d’observance dans les pays où les patients payent les médicaments. En conclusion, cette étude suggère qu’il est justifié d’aménager les posologies de l’isotrétinoïne en fonction de facteurs individuels : gravité de l’acné, intensité des effets secondaires, éventuellement facteurs économiques. Les patients recevant beaucoup moins que les doses conventionnelles devraient avoir un résultat comparable, et beaucoup mieux tolérer le traitement. Bien entendu, les précautions bien connues et obligatoires en matière de contraception doivent être les mêmes quel que soit le type de posologie. Enfin, on sait que ces administrations intermittentes ne sont pas mentionnées dans les textes « officiels » sur le traitement de l’acné. Mais le but des études cliniques est de faire progresser les connaissances, et les textes officiels, qui ont déjà évolué, évolueront peut-être encore. MYCOSIS FONGOÏDE Les difficultés du consensus TRAUTINGER F, KNOBLER R, WILLEMZE R, PERIS K, STADLER R, LAROCHE L, D'INCAN M, RANKI A, PIMPINELLI N, ORTIZ-ROMERO P, DUMMER R, ESTRACH T, WHITTAKER S. EORTC consensus recommendations for the treatment of mycosis fungoides/Sezary syndrome. Eur J Cancer 2006 ; 42 : 1014-1030. Des spécialistes de dix pays européens se sont réunis à l’initiative de l’EORTC pour bâtir des recommandations consensuelles pour le traitement des lymphomes cutanés à cellules T, mycosis fongoïde et syndrome de Sézary (MF/SS). Bien que le plus fréquent des lymphomes cutanés, le MF/SS reste rare, avec une incidence de l’ordre de 1 à 2 cas pour 100 000 habitants. Cette rareté est probablement une des explications à l’absence d’essai contrôlé de grande ampleur dans la littérature. Les autres raisons sont le fait que le mycosis fongoïde est une maladie indolente, qui progresse très lentement et dont l’histoire naturelle se prête donc mal à des évaluations ; et aussi le fait que tous les pays, et tous les centres, ne disposent pas de tous les traitements, et donc ne sont pas à même de les comparer. On note en particulier que la méchloréthamine locale, très appréciée en France, n’est en fait commercialisé qu’en France et aux Pays-Bas. Les autres pays de l’EORTC n’en disposent pas. Encore faut-il moduler cette affirmation, puisque la méchloréthamine n’est actuellement (Septembre 2007) plus disponible en France. Après avoir passé en revue la littérature disponible, les experts formulent un certain nombre de recommandations. Elles représentent donc un consensus européeen, mais il faut noter qu’elles reposent sur des niveaux de preuve assez peu satisfaisants (dits de niveau 4) faute d’études cliniques suffisantes. Pour les mycosis fongoïdes débutants (IA, IB et IIA dans la classification internationale, c’est-à-dire uniquement cutanés), on doit d’abord considérer l’abstention. Il s’agit là d’une proposition logique dans la mesure où le pronostic vital n’est pas en jeu, et où même la progression de la maladie est un événement rare au stade de plaques. Si un traitement est indiqué, il s’agira d’un traitement uniquement local et les experts proposent dans l’ordre : PUVA – Photothérapie UVB – Corticothérapie locale – Radiothérapie localisée – Electronthérapie – Méchloréthamine – BCNU. Le choix peut dépendre de considérations personnelles ou de la disponibilité des traitements. Les traitements systémiques ne seront proposés qu’en seconde intention : dans l’ordre le bexarotène oral, l’interféron seul, l’interféron associé aux rétinoïdes, la denileukin diftitox (immunothérapie anti-IL2), le méthotrexate à faibles doses. Aux stades plus évolués (tumeurs cutanées, atteinte ganglionnaire, érythrodermie), la chimiothérapie de type lymphome non hodgkinien peut être proposée, ainsi que plusieurs types d’association des traitements précédents. Pour le syndrôme de Sézary, on recommande en première intention, dans l’ordre, la photochimiothérapie extra-corporelle, l’interféron alpha, le denileukin diftitox, l’association de chlorambucil et de prednisone. On conclura donc qu’il convient de proposer des traitements en accord avec l’évolution prévisible de la maladie, et d’être attentif à l’impact à la fois de la maladie et des traitements sur la qualité de vie. Aux stades précoces, on discutera entre l’abstention et traitements locaux ; aux stades tardifs, on proposera aux patients de participer à des essais thérapeutiques pour améliorer la connaissance de l’efficacité des nouveaux traitements. ALOPÉCIE Une nouvelle classification pour l’alopécie commune LEE WS, RO BI, HONG SP, BAK H, SIM WY, KIM DO W, PARK JK, IHM CW, EUN HC, KWON OS, CHOI GS, KYE YC, YOON TY, KIM SJ, KIM HO, KANG H, GOO J, AHN SY, KIM M, JEON SY, OH TH. A new classification of pattern hair loss that is universal for men and women : basic and specific (BASP) classification. J Am Acad Dermatol 2007 ; 57 : 37-46. Calvitie commune, calvitie hippocratique, alopécie séborrhéique, androgénétique, les termes sont nombreux pour désigner la chute de cheveux progressive que certains considèrent même comme physiologique. Plusieurs systèmes de classification ont été proposés, dont les plus utilisés sont celui de Hamilton, ou Norwood-Hamilton, pour le type masculin, et celui de Ludwig pour le type féminin. Des variantes ont aussi été élaborées, et il n’y a pas de consensus à ce sujet. En outre, la distinction entre types masculin et féminin (qui peuvent tous les deux s’observer dans les deux sexes), ne fait pas l’unanimité. Les très nombreux auteurs de cet article sont les membres de la Korean Hair Research Society, qui proposent un nouveau système de classification applicable potentiellement pour toutes les ethnies et dans les deux sexes. Ce système est appelé BASP, BA pour Basic et SP pour spécifique. Une adaptation française sera nécessaire. Mais précisons que basic désigne la ligne d’implantation antérieure des cheveux et SP la densité des cheveux sur deux zones, frontale et vertex. La ligne antérieure peut être linéaire (L), lorsqu’il n’y a 42 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH pas d’alopécie, ou avoir une forme de M (vue de face), de C (vue de profil) ou de U (en fer à cheval, vue de profil). Pour chacune de ces formes, il y a des degrés, de 0 à 3. Quant à la densité, elle est cotée de V1 à V3 lorsqu’elle est diminuée sur le vertex, et de F1 à F3 lorsqu’elle est diminuée dans la zone frontale. Le score BASP décrit donc précisément la calvitie. M2V1 par exemple désignera une calvitie avec une ligne antérieure en M moyennement creusé, et une diminution de la densité sur le vertex (proche de l’ancien Norwood III – Vertex). L’apprentissage de la cotation BASP est rapide, efficace en quinze minutes, et les auteurs ont obtenu une très bonne précision et reproductibilité entre médecins. Par ailleurs, six photographies standardisées sont prises pour chaque patient, permettant des cotations par des experts indépendants, et de faciles comparaisons en cas de traitement, par exemple. 2213 patients coréens, consultation pour une chute de cheveux, ont été examinés et classés selon le système BASP. Il ne s’agit donc pas d’une population générale, mais on voit déjà la répartition entre les différents types d’alopécie, chez les hommes et chez les femmes, et la progression de l’intensité de la calvitie en fonction de l’âge. Il sera très intéressant d’appliquer la classification BASP à différentes populations dans le monde. Et on peut penser que les essais cliniques de produits destinés aux alopécies utiliseront aussi cette technique précise et d’utilisation apparemment facile et reproductible. SYNDROME DE SWEET sations du dos des mains, variété clinique relativement fréquente; dix-huit cas de lésions superficielles pustuleuses ou bulleuses ; un cas où le syndrome de Sweet a été induit par l’imatinib ; trois cas associés à des infections (Penicillum, salmonellose, mycobactérie atypique. Enfin, un patient présentait à la fois un syndrome de Sweet et un pyoderma gangrenosum. Sur le plan histologique, on a noté sept cas qui comportaient une inflammation sous-cutanée. Le plus souvent, elle était associée à un infiltrat dermique ; dans un cas seulement, l’atteinte hypodermique était isolée, chez un patient présentant un syndrome myélodysplasique. Dans trois cas, on trouvait dans la peau des polynucléaires normaux et des précurseurs immatures. Deux de ces trois patients étaient atteints d’une hémopathie. Enfin, dans deux cas, une authentique vascularite était présente. Ainsi, le syndrome de Sweet présente de fréquentes atypies, qui ne doivent pas faire remettre en cause le diagnostic. Ces atypies se voient aussi bien dans les Sweet idiopathiques que dans les Sweet secondaires à une hémopathie. Les signes évocateurs d’hémopathie sont l’anémie, notion déjà classique, et l’atteinte sous-cutanée, ce qui n’était pas réellement établi. On peut donc conclure que le syndrome de Sweet est une dermatose relativement protéiforme. A propos de leur cas associé à un pyoderma gangrenosum, les auteurs soulignent l’importance du concept de dermatoses neutrophiliques, spectre continu de dermatoses inflammatoires où il est un peu artificiel d’isoler des entités précises. Le syndrome de Sweet, enrichi de ses atypies cliniques, histologiques, étiologiques, apparaît comme da dermatose prototypique au sein de ce spectre. 80% des cas ont des atypies cliniques et/ou histologiques. NEOH CY, TAN AW, NG SK. Sweet's syndrome : a spectrum of unusual clinical presentations and associations. Br J Dermatol 2007 ; 156 : 480-485. En 1964, lorsque Robert Douglas Sweet a décrit la dermatose aiguë fébrile neutrophilique à laquelle on a rapidement donné son nom, il s’agissait d’un tableau relativement stéréotypé. Au cours des années suivantes, à mesure qu’un nombre plus grand de cas étaient observés, des formes atypiques ou inhabituelles ont été décrites. Si bien qu’actuellement, le cadre du syndrome de Sweet s’est élargi, et qu’on peut éprouver le besoin de savoir ce qu’il comprend réellement. Cet article en provenance du principal centre de référence en dermatologie à Singapour permet de percevoir assez bien l’ensemble des formes atypiques et des étiologies du syndrôme de Sweet . Entre 1999 et 2004, 37 cas de syndrome de Sweet, répondant aux critères classiques, ont été diagnostiqués à Singapour. Il s’agissait d’adultes entre 14 et 78 ans, avec un rapport femmes / hommes égal à 1,5. On sait qu’en Europe, les cas féminins sont les plus nombreux. 10 patients avaient un syndrome de Sweet non idiopathique : cinq cas d’hémopathies malignes (leucémies et syndromes myélodysplasiques), trois infections (dont une associée à une hémopathie), trois maladies auto-immunes. Les atypies cliniques ou histologiques étaient fréquentes, de l’ordre de 80% des cas, aussi bien dans les formes idiopathiques que non idiopathiques. Les auteurs ont ainsi observé, en termes d’atypies cliniques : sept cas de locali- FIBROSE SYSTÉMIQUE NÉPHROGÉNIQUE Sur la piste du gadolinium RICHMOND H, ZWERNER J, KIM Y, FIORENTINO D. Nephrogenic systemic fibrosis : relationship to gadolinium and response to photopheresis. Arch Dermatol 2007 ; 143 : 1025-1030. PRYOR JG, POGGIOLI G, GALARIA N, GUST A, ROBISON J, SAMIE F, HANJANI NM, SCOTT GA. Nephrogenic systemic fibrosis : a clinicopathologic study of six cases. J Am Acad Dermatol 2007 ; 57 : 105-111. HIGH WA, AYERS RA, CHANDLER J, ZITO G, COWPER SE. Gadolinium is detectable within the tissue of patients with nephrogenic systemic fibrosis. J Am Acad Dermatol 2007 ; 56 : 21-26. Les premiers cas de fibrose systémique néphrogénique (FSN) ont été décrits en 1997 chez des insuffisants rénaux dialysés. A ce moment, l’accent était mis sur les modifications sclérodermiformes de la peau et la maladie a été appelée dermopathie fibrosante néphrogénique. Le terme de FSN rend mieux compte du caractère potentiellement systémique d’une affection qui atteint aussi les articulations. Il s’agit d’une maladie aiguë s’installant en quelques jours ou semaines. Elle comporte un épaississement fibreux de la peau, ressemblant à un scléromyxoedème, symétrique 43 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH sur les membres et le tronc, ainsi que des contractures articulaires, une faiblesse musculaire et des douleurs diffuses. L’apparition récente de cette maladie a fait suspecter des facteurs récents dans la prise en charge des insuffisants rénaux, comme les procédures de dialyse, l’érythropoïétine, d’autres médicaments, et on a aussi insisté sur la fréquence des interventions chirurgicales et des thromboses dans les antécédents immédiats des malades. En 2006, un groupe autrichien a rapporté l’association entre la FSN et une récente exposition au gadolinium, agent de contraste utilisé pour l’imagerie par résonance magnétique. Bien que les éléments de certitude manquent encore, il apparaît aujourd’hui que le gadolinium est effectivement impliqué dans la fibrose systémique néphrogénique. Dans la quasitotalité des cas rapportés, les patients avaient été exposés au gadolinium moins de deux mois avant l’installation de la FSN. Ainsi, la FDA a récemment émis une mise en garde contre la pratique des IRM chez les insuffisants rénaux. Des techniques de microscopie électronique couplée à la spectroscopie permettent de mettre en évidence le gadolinium dans des biopsies de peau de patients atteints de FSN, mais ceci, bien évidemment, ne constitue pas une preuve de causalité et il n’est pas exclu que d’autres facteurs, soit pathologiques comme les thromboses et les anticorps antiphospholipides, soit iatrogènes comme les traitements mis en œuvre chez ces patients porteurs de graves polypathologies et dialysés, soient à l’avenir mis en évidence. Il n’y a pas actuellement de traitement efficaces de la FSN et les nombreuses tentatives faites jusqu’à présent se sont toutes avérées décevantes. H Richmond et al. rapportent leur expérience de la photophérèse extra-corporelle : ils ont traité cinq patients et indiquent qu’après une moyenne de 34 séances sur 8 mois, ils ont obtenu, chez trois de ces cinq malades, une amélioration légère : diminution de l’épaississement cutané, amélioration des possibilités de mouvements dans la vie quotidienne. URGENCES Les urgences existent, mais on ne peut pas les soupçonner à l’avance PENSO-ASSATHIANY D, BOURDON-LANOY E, DERANCOURT C, ROUJEAU JC, BASTUJI-GARIN S. Demandes de rendez-vous en urgence en dermatologie libérale : Etude Urgences en Dermatologie libérale (ET.U.DE). Ann Dermatol Venereol 2007 ; 134 : 23-29. Les dermatologues sont tous confrontés à des demandes de consultation en urgence, auxquelles il n’est pas toujours facile de répondre. Le but de cette étude, qui vient après d’autres études concernant la dermatologie hospitalière, était d’estimer cette demande quantitativement et d’essayer de savoir si elle était justifiée. Quarante dermatologues volontaires, donc pas obligatoirement représentatifs, ont participé à cette étude. Il s’agit pour deux tiers de femmes, installées en secteur I ou en secteur II, seules ou en cabinet de plusieurs médecins. 17 ont une secrétaire à temps plein. Ces dermatologues libéraux voient en moyenne 101 malades par semaine, avec des extrêmes de 53 et 168. Leur délai de rendez-vous est de 20 jours, 32 jours pour un rendez-vous après 17 heures. Dans une semaine «normale», ils reçoivent en moyenne 7,4 malades « en urgence », avec des extrêmes de 0 à 27. Tous les dermatologues ont accepté, pendant une semaine, de voir la totalité des malades appelant pour une consultation en urgence. Ces patients ont rempli un auto-questionnaire et les dermatologues ont estimé si l’urgence leur semblait justifiée. Il y a eu 613 appels pour une consultation en urgence, 601 patients sont venus au rendez-vous fixé et 548 ont rempli le questionnaire. Le dermatologue a rempli la totalité du dossier pour 531 malades et a estimé que l’urgence était justifiée pour 153 d’entre eux, soit 29%. Les motifs d’appel étaient des éruptions, notamment du visage, un prurit, un eczéma, une modification de tumeur. Les diagnostics les plus fréquents ont été un eczéma (22,4%), une infection (14,3%), une dermatite atopique (5,2%). Les naevus comptent pour 2,8% et contrairement à ce qui avait été observé dans les urgences hospitalières, il n’y a pas d’urticaire dans cette série (Cependant, l’article n’indique pas la totalité des diagnostics). Les auteurs se sont surtout attachés à déterminer quels critères permettent de discriminer entre l’urgence justifiée et l’urgence non justifiée. En analyse univariée, les « cloques d’eau », l’atteinte du visage, des signes généraux, une gêne dans les activités, un début ou une aggravation depuis moins de 7 jours et surtout moins de 48 heures, et le fait de n’avoir pas pu aller travailler, sont significativement associés à une demande justifiée. En analyse multivariée, on retrouve ces symptomes, ainsi que la « boule qui grossit ». A partir de cette identification des signes d’appel qui doivent faire soupçonner une « vraie urgence », ou du moins une demande médicalement justifiée, les auteurs ont tenté d’établir un score. Mais ils n’ont pas pu déterminer de seuil satisfaisant : si on veut ne pas manquer une vraie urgence, en pratique, il faut voir tout le monde. Bien que les auteurs soient déçus de n’avoir pas pu proposer un score utilisable en pratique, leur conclusion est du plus haut intérêt. Elle montre que l’urgence existe et qu’il faut y répondre, car même si elle peut paraître injustifiée dans deux tiers des cas, avec, rappelons-le, des critères totalement subjectifs, il est impossible de le prévoir à partir des signes d’appel. On peut aussi conclure qu’il est nécessaire d’une part que les patients puissent avoir un accès direct rapide à leur dermatologue, d’autre part que celui-ci soit organisé de façon à y répondre, ce qui nécessite donc d’envisager une quinzaine de consultations « à rendez-vous rapide » hebdomadaires. IMMUNITÉ INNÉE Un nouveau rôle pour la vitamine D SCHAUBER J, DORSCHNER RA, CODA AB, BUCHAU AS, LIU PT, KIKEN D, HELFRICH YR, KANG S, ELALIEH HZ, STEINMEYER A, ZUGEL U, BIKLE DD, MODLIN RL, GALLO RL. Injury enhances TLR2 function and antimicrobial peptide expression through a vitamin D-dependent mechanism. J Clin Invest 2007 ; 117 : 803-811. La cathélicidine et d’autres peptides anti-microbiens jouent un rôle essentiel dans la défense de l’épiderme contre les 44 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH infections. Ils sont produits en réponse à l’activation de récepteurs appelés TLR (Toll-like récepteurs) par des micro-organismes, ou par des traumatismes mécaniques. Dans ce dernier cas, la sécrétion de peptides anti-microbiens intervient pour éviter la surinfection des plaies. L’équipe du Pr R Gallo, signataire de cet article, a montré que les gènes codant pour les peptides antimicrobiens sont induits par la forme active de la vitamine D (1,25 (OH)2 D3). Poursuivant ces travaux, ils montrent ici que la vitamine D intervient dans la synthèse de peptides anti-microbiens après une blessure. Chez l’homme comme chez la souris, une blessure épidermique stimule la conversion de la forme inactive à la forme active de vitamine D. Si l’on bloque le récepteur de la vitamine D, ou si l’on inhibe l’hydroxylase responsable de cette conversion, ou si on diminue la vitamine D disponible, on inhibe l’induction de cathélicidine, ainsi que de TLR2 et de CD14, autres éléments des défenses immunes. Ce rôle de la vitamine D dans les défenses immunes est probablement important dans un certain nombre d’autres situations. Par exemple, des taux sériques bas de vitamine D3, chez les Noirs américains, sont associés à une hypersensibilité à la tuberculose. On sait que la vitamine D est synthétisée dans la peau à partir de précurseurs, sous l’influence des UVB. Ce processus nécessite des expositions solaires et est moins actif chez les sujets de phototype foncé. Sans le savoir, les médecins qui soignaient la tuberculose par des séjours ensoleillés mettaient probablement en œuvre cet effet biologique de la vitamine D. CICATRISATION Le rôle majeur du GM-CSF FANG Y, GONG SJ, XU YH, HAMBLY BD, BAO S. Impaired cutaneous wound healing in granulocyte/macrophage colony-stimulating factor knockout mice. Br J Dermatol 2007 ; 157 : 458-465 La cicatrisation cutanée est un phénomène biologiquement très complexe. On en distingue trois phases : la phase initiale vasculaire et inflammatoire est dominée par l’afflux de cellules inflammatoires ; la phase proliférative est celle de l’angiogenèse et de la synthèse de collagène ; enfin la phase de maturation voit l’inflammation diminuer et la cicatrice se remodeler. De très nombreux acteurs interviennent au cours de ce processus de reconstruction tissulaire et il est certainement difficile d’attribuer un rôle prépondérant à un type cellulaire ou à une molécule donnée. Il apparaît cependant que le GM-CSF joue un rôle particulièrement important. Il y a déjà eu des publications sur ce thème, incluant des travaux cliniques où des injections locales de GM-CSF ont permis d’améliorer la cicatrisation de plaies chroniques. Cette équipe de chercheurs chinois et australiens a voulu explorer le mode d’action du GM-CSF dans la cicatrisation. Pour cela, ils ont utilisé des souris « knockoutées » pour le GM-CSF, c’est-à-dire génétiquement dépourvues de cette cytokine. Des plaies cutanées expérimentales cicatrisent de façon retardée chez ces souris, par rapport à des souris normales. Chez ces dernières, une plaie cutanée est complètement fermée en 10 jours. Chez les souris knockout pour le GM- CSF, la cicatrisation est ralentie, et complète en 14 jours en moyenne. Des études complémentaires montrent que de nombreuses cytokines sont diminuées du fait de l’absence de GM-CSF : notamment l’interleukine 6 et des cyokines actives sur les macrophages. Il y a une diminution du recrutement des cellules inflammatoires (neutrophiles et macrophages) et une diminution de la vascularisation des plaies. Les auteurs n’ont pas pu déterminer si le GMCSF actif sur la cicatrisation provient des kératinocytes sur place, ou s’il s’agit du GM-CSF des cellules hématopoïétiques. On confirme en tout cas que le GM-CSF est une cytokine-clé de la cicatrisation. OBSERVANCE Sachons-le, l’observance est faible ALI SM, BRODELL RT, BALKRISHNAN R, FELDMAN SR. Poor adherence to treatments: a fundamental principle of dermatology. Arch Dermatol. 2007 ; 143 :912-5. JONES-CABALLERO M, UNAEZE J, PENAS PF, STERN RS. Use of biological agents in patients with moderate to severe psoriasis : a cohort-based perspective. Arch Dermatol. 2007 ; 143 : 846-850. L'équipe du Dr R Stern a enrôlé il y a maintenant près de trente ans 1450 patients traités par PUVAthérapie pour psoriasis, dans le but principal de surveiller les effets secondaires à long terme. Actuellement, cette cohorte, dont la plupart des membres ne suivent plus de PUVAthérapie depuis longtemps, représente une population bien suivie de patients présentant un psoriasis important. En 2005, 521 patients ont pu être examinés. A cette occasion, les auteurs se sont intéressés à l’utilisation des traitements biologiques, aux résultats obtenus et à l’opinion des patients sur ces traitements. Sur 521 patients, 74, soit 14%, ont été traités par un Biologique au cours de ces dernières années. il s'agissait le plus souvent de l'etanercept, plus rarement de l'infliximab, de l'efalizumab, de l'alefacept. Par rapport aux autres patients, ceux traités par Biologique étaient plus jeunes (en moyenne 61 ans contre 65) et avaient atteint un niveau d'éducation plus élevé. Ces deux facteurs sont probablement des incitations à essayer de nouveaux traitements. Mais, assez logiquement, leur psoriasis était également plus important. En 1998, c'est-à-dire avant la disponibilité des Biologiques, leurs futurs utilisateurs étaient plus nombreux (67%) à avoir un psoriasis modéré à sévère. Ce pourcentage a diminué à 42% en 2005. Les futurs non-utilisateurs, avaient pour 43% un psoriasis modéré à sévère, chiffre qui est resté stable. Les utilisateurs de Biologiques trouvent, majoritairement, qu'il s'agit des traitements les plus efficaces qu'ils aient reçu, tandis que les non utilisateurs continuent de préférer la PUVA. On peut donc dire, globalement, que les Biologiques ont plutôt été prescrits aux patients les plus atteints, qui en ont une opinion positive. Mais l'éditorial qui accompagne cet article attire l'attention sur une conclusion un peu différente : la discordance entre les résultats observés au cours des essais cliniques et ceux obtenus « dans la vraie vie ». Ainsi, on peut retenir, 45 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH dans la cohorte de l'étude « PUVA », que parmi les patients ayant été traités par un Biologique, 42% conservent un psoriasis modéré ou sévère. Evidemment, on n'a pas de détail sur les durées et autres modalités de traitement. Ce chiffre est cependant très différent de ce qu'annoncent les essais cliniques des Biologiques. D'où provient la différence ? Probablement de l'observance. Cette observation n'est pas particulière aux traitements du psoriasis. Elle est vraie pour tous les traitements en général, oraux et locaux, mais probablement plus encore en dermatologie, où les traitements topiques en particulier sont parfois tellement déplaisants qu'ils découragent la plupart des malades. Il faut que nous soyons bien convaincus que l'observance réelle des traitements est très éloignée de ce que nous écrivons sur nos ordonnances. Il y a à celà de multiples raisons : l'absence de confiance dans le médecin, l'incompréhension des traitements purement suspensifs, la lassitude, le découragement, la négligence, le désagrément des pommades grasses, la crainte des effets secondaires des corticoïdes. Les auteurs prennent l'exemple du traitement du psoriasis du cuir chevelu, qui doit être agréable à appliquer ; sinon il ne sera pas utilisé et donc jugé inefficace. Ils prennent aussi l'exemple de cas de dermatite atopique grave, continuant d'évoluer malgré un traitement ambulatoire, et spectaculairement améliorés par une courte hospitalisation où les traitements seront réellement effectués. Il est possible que la sous-estimation des déficits d'observance ait amené à une mauvaise compréhension de la pharmacologie des traitements. Par exemple, on a beaucoup parlé de la tachyphylaxie, phénomène d'échappement qui fait qu'après un certain temps, les dermocorticoïdes perdent leur efficacité. Mais ce phénomène, fréquent en pratique, n’a pas été retrouvé lors des essais cliniques. La raison pourrait être qu'il s'agit en fait d'un déficit d'observance : si les dermocorticoïdes n'agissent plus, c'est parce que les patients ont cessé de les appliquer. D'ailleurs les essais cliniques les plus étroitement surveillés ne sont pas à l'abri de difficultés d'observance, dès lors que les traitements sont appliqués sans contrôle direct. L'utilisation de "mouchards" électroniques a montré que les patients cessent rapidement de prendre régulièrement leurs traitements. Il revient aux praticiens, et en fait cela a toujours fait partie de leurs obligations, de prendre la mesure de ce phénomène individuellement, afin de ne pas se tromper si leurs traitements n'obtiennent pas les résultats prévus par les essais cliniques. D'abord obtenir la confiance du patient, savoir ce qui lui convient, ce qu'il souhaite. Et le revoir fréquemment, par exemple après quelques jours de corticothérapie locale, pour constater la bonne efficacité, parler de la tolérance, dissiper les fausses craintes et croyances, et envisager la suite du traitement de façon plus pertinente. En effet, ce sont les traitements de longue durée qui sont les plus sujets aux déficits d'observance. Mais tout cela, les prescripteurs le savent bien. 46 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH KERATIN e n r e c h e r c h e d e r m a t o l o g i q u e code 47 06 23 a c t u a l i t é s