Les biothérapies en dermatologie - Centre de Recherche Pierre Fabre

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Les biothérapies en dermatologie - Centre de Recherche Pierre Fabre
K E R AT I N
a c t u a l i t é s
e n
r e c h e r c h e
d e r m a t o l o g i q u e
N° 14 - 2008
Les biothérapies en dermatologie :
une avancée thérapeutique importante
Stratégie de prise en charge
du psoriasis
Les lasers fractionnels en 2008
L’actualité dermatologique
KERATIN
a c t u a l i t é s
e n
re c h e rc h e
d e r m a t o l o g i q u e
N° 14 - FÉVRIER 2008
Sommaire
Directeur de publication :
J. Fabre
Rédacteur en chef :
A. M. Schmitt
Rédacteur en chef adjoint :
D. Wallach
Articles scientifiques
Secrétaire de rédaction :
A. Couffignals
Les biothérapies en dermatologie :
une avancée thérapeutique importante
Centre de Recherche
sur la Peau Pierre Fabre
A. Ammoury, C. Paul
2, rue Viguerie
B.P. 3 071
31025 Toulouse CEDEX 3 France
Tél. : + 33 5 62 48 85 00
Fax. : + 33 5 62 48 85 45
p. 4
Stratégie de prise en charge du psoriasis
L. Dubertret
p. 14
E-mail : [email protected]
Comité scientifique
Les lasers fractionnels en 2008
N. Basset-Seguin (Paris)
E. Delaporte (Lille)
D. Dhouailly (Grenoble)
MT. Leccia (Grenoble)
M. Lecha (Barcelone)
J. Mazereeuw (Toulouse)
L. Misery (Brest)
JF. Nicolas (Lyon)
JH. Saurat (Genève)
D. Schmitt (Lyon)
G. Serre (Toulouse)
N. Stavrianeas (Athènes)
A. Taieb (Bordeaux)
S. Mordon
KERATIN
p. 27
L’actualité dermatologique
D. Wallach
Actualités en recherche dermatologique éditée par les Editions PRIVAT
Prépresse, Art & Caractère (SIA) - 81500 Lavaur - Dépôt légal : à parution - ISSN 1769-5171
Photos de couverture : Psoriasis des paumes (Collection L. Dubertret, Paris) - Coupe histologique parallèle à la surface de la peau obtenue à une profondeur de 40 lm
(Collection S. Mordon, Lille) - Impacts obtenus sur la peau avec le Pixel 2940 nm (Collection S. Mordon, Lille)
p. 37
Les biothérapies en dermatologie :
une avancée
thérapeutique importante :
Biothérapies dans le traitement du psoriasis
ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL
(Toulouse - France)
Introduction
Les traitements biologiques ou biothérapies sont des
agents visant à bloquer ou inhiber des mécanismes
effecteurs clés dans la physiopathologie de plusieurs
maladies comme le psoriasis, la dermatite atopique et
les lymphomes. Ces traitements ont émergé durant les
10 dernières années grâce aux progrès rapides des
biotechnologies et constituent des avancées thérapeutiques déterminantes pour la prise en charge des
maladies cutanées. Les biothérapies utilisées dans le
psoriasis sont l’objet de ce premier article. Elles comprennent deux groupes principaux d’agents en fonction
du mécanisme d’action : i) les agents ciblant la cytokine
TNFα (Tumor Necrosis Factor alpha) (ex. : etanercept,
infliximab, adalimumab) et ii) les agents ciblant
spécifiquement les lymphocytes T et/ou les cellules
présentatrices de l’antigène (ex. : efalizumab, alefacept).
Nous aborderons dans un second article les molécules
utilisées dans d’autres maladies dermatologiques
comme le rituximab, l’alemtuzumab ou l’omalizumab.
I. Mécanisme d’action des traitements biologiques1
A. Les anticorps monoclonaux
Ce sont des immunoglobulines spécifiques d’un antigène
précis et produites à partir d’un seul clone de cellules.
On distingue plusieurs types : i) les anticorps monoclonaux chimériques produits par une fusion de segments
d’anticorps humains et murins. Les segments anticorps
murins correspondent aux régions variables de
l’immunoglobuline et portent la spécificité antigénique. Ce type d’anticorps porte le suffixe « ximab » (ex. :
infliximab), ii) les anticorps monoclonaux humanisés
dans lesquels seuls certains acides aminés des régions
variables de l’anticorps sont constitués par des
séquences murines dans le but de diminuer
l’immunogénicité. Ce type d’anticorps porte le suffixe
« zumab » (ex. : efalizumab) et iii) les anticorps monoclonaux humains qui correspondent à une séquence totalement humaine produite par un organisme génétiquement modifié. Ce type d’anticorps porte le suffixe
« umab » (ex. : adalimumab).
B. Les protéines de fusions
Elles correspondent à une fusion du domaine récepteur
d’une protéine humaine avec les régions constantes
d’une IgG1 humaine. Elles sont ainsi capables de se fixer
à un ligand qui peut être une cellule ou une cytokine.
Ce type de molécules porte le suffixe « cept » (ex. : etanercept, alefacept).
II. Utilisation pratique des traitements biologiques
dans le psoriasis
La prévalence du psoriasis en France est estimée entre
1,6 et 4,7 p.100 toutes formes confondues2. Environ un
quart des patients ont une forme dite modérée à sévère3.
Les limites des traitements systémiques sont principalement constituées par une toxicité spécifique d’organe
cumulative conduisant à des stratégies thérapeutique de
rotation ou a des traitements intermittents qui ne sont
pas satisfaisants chez certains patients4. Cependant, les
acquisitions récentes dans le domaine de la physiopathologie du psoriasis, et plus particulièrement le rôle
clef des cellules immunitaires et celui de certaines
cytokines comme le TNFα, ont permis l’utilisation de
4 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL
nouvelles molécules « biologiques » constituant ainsi une
avancée majeure dans la prise en charge du psoriasis.
Les traitements biologiques ont fait l’objet d’un développement clinique rigoureux à grande échelle avec une
évaluation de l’efficacité et de la tolérance à court terme
intégrant plusieurs paramètres cliniques importants
comme l’effet sur la sévérité et l’étendue des lésions,
l’effet sur la qualité de vie, l’effet sur les symptômes
dépressifs et sur l’état général. On peut regretter que
jusqu’à ce jour très peu d’études aient comparé les
traitements biologiques avec les traitements systémiques
classiques mais ce vide sera très probablement prochainement comblé.
Pour l’instant les traitements biologiques sont réservés
en Europe aux patients présentant un échec ou une
intolérance aux traitements systémiques du fait de leur
coût élevé, de l’absence d’étude versus produit de référence et du fait de l’incertitude concernant leur sécurité
à très long terme dans le psoriasis.
Le cadre de prescription est bien défini par l’AMM :
« psoriasis en plaques modéré à sévère défini par une atteinte de la surface corporelle ≥ 30% ou un retentissement psychosocial important et un échec, une intolérance ou une
contre-indication à au moins deux traitements systémiques
parmi la photothérapie, le méthotrexate et la ciclosporine ».
a) Les inhibiteurs du TNFα
Le TNFα est au cœur de la physiopathologie du psoriasis
en plaques et du rhumatisme psoriasique. Les arguments
en faveur du rôle-clé de cette cytokine dans la physiopathologie de la maladie reposent sur des travaux
montrant : i) une augmentation des taux sériques de
TNFα chez les patients atteints de psoriasis5, ii) une
augmentation des taux de TNFα au niveau des plaques
de psoriasis6, et iii) des concentrations élevées de TNFα
dans le liquide articulaire et la synoviale des articulations
des patients atteints de rhumatisme psoriasique7,8. Les
actions pro-inflammatoires du TNFα sont nombreuses
et comprennent : 1) induction de la synthèse d’autres
cytokines pro-inflammatoires comme IL-1, IL-6, IL-8,
Transforming Growth Factor-α, Granulocyte/Macrophage
Colony Stimulating Factor et Leukaemia Inhibitory Factor,
2) stimulation de la synthèse de prostaglandine (PGE2)
et leukotriène (LTB4), 3) activation des leucocytes et
l’assistance à leur extravasation par l’intermédiaire d’une
augmentation d’expression de molécules d’adhésion
comme : Sélectine-E, Vascular Cell Adhesion Molecule, et
ICAM (Intercellular Ahesion Molecule), 4) stimulation de la
production par les fibroblastes et les polynucléaires
neutrophiles de collagénases et de métalloprotéinases
matricielles, 5) régulation de l’apoptose et 6) génération
de la phase aigue de l’inflammation9-12. Plusieurs inhibiteurs de TNFα ont été évalués et ont démontré leur
intérêt dans le psoriasis cutané. Actuellement, il existe
deux agents anti-TNF utilisés en Europe dans le traitement du psoriasis cutané : etanercept (Enbrel®, Wyeth)
et infliximab (Remicade®, Schering-Plough). Par contre,
l’adalimumab (Humira®, Abbott) est commercialisé en
France seulement dans les indications polyarthrite
rhumatoïde et rhumatisme psoriasique, mais pas encore
dans le psoriasis cutané.
Etanercept
L’etanercept est produit par des cellules ovariennes
d’hamster chinois. C’est une protéine de fusion dimérique, recombinante, complètement humaine, associant
deux domaines extracellulaires du récepteur humain
p75 du TNF, à la fraction Fc d’une IgG1 humaine. Ce
récepteur soluble agit donc comme un leurre, fixant le
TNFα soluble et transmembranaire, et inhibant de
façon compétitive la liaison du TNFα à ses récepteurs
cellulaires13. Des études in vitro ont montré que
l’etanercept n’induit pas une lyse cellulaire médiée par le
complément14. En dehors du psoriasis en plaques,
l’etanercept est utilisé dans le rhumatisme psoriasique,
la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrite chronique juvénile
et la spondylarthrite ankylosante9-11,14,15. L’etanercept est
administré par voie sous-cutanée, à la posologie initiale
de 25 ou 50 mg (de préférence) 2 fois par semaine
pendant les 3 premiers mois uniquement, puis passage
obligatoire à 25 mg 2 fois par semaine pendant 3 mois.
La durée maximale du traitement continu est de
24 semaines. Il s’agit d’une recommandation Européenne,
l’etanercept peut être prescrit de façon continue sans
limitation de durée aux Etats-Unis. En cas de rémission
le traitement peut être interrompu avant ce terme et
doit l’être en l’absence de réponse après 3 mois de
traitement. Si une rechute impose une reprise thérapeutique, elle doit être exclusivement à la posologie de
25 mg x2/semaine. Une large étude pivot randomisée
réalisée en double insu contre placebo de l’utilisation
d’etanercept en monothérapie a intéressé 486 patients
atteints de psoriasis modéré à sévère (PASI médian
initial : 18). Après 12 semaines de traitement, 34% des
malades traités à la posologie de 25 mg x2/semaine
présentaient une amélioration d’au moins 75% du score
PASI (PASI 75). Ce PASI 75 était obtenu chez 49% des
malades traités à la posologie de 50 mg x2/semaine
comparé à 4% des patients sous placebo (p<0,001). Ces
résultats progressaient à la semaine 24 puisque 44% et
59% des patients traités à la dose de 25 mg x 2/semaine
et à la dose de 50 mg x 2/semaine respectivement atteignaient un PASI 75. L’amélioration des signes cutanés
était rapide, observable dès la seconde semaine, et elle
était associée à une amélioration significative de la
qualité de vie. Le délai médian sans rechute était de
12 semaines sans aucun effet rebond (défini par un
score PASI supérieur à 150% de celui observé au moment
de l’inclusion). La réponse était comparable lors de la
reprise du traitement pour les patients présentant des
rechutes. Aucun cas de tuberculose ou d’infection
opportuniste n’avait été observé dans cette étude16.
Infliximab
C’est un anticorps monoclonal chimérique (humainmurin) de haute affinité pour le TNFα. A la différence de
l’etanercept, il est également capable d’induire l’apoptose
des lymphocytes et des macrophages exprimant à leur
surface la forme membranaire du TNFα sans entraîner
de lymphopénie. La présence de parties d’origine murine
au niveau des sites de reconnaissance de l’anticorps
explique le développement possible, chez les patients
traités, d’anticorps anti-infliximab qui sont susceptibles
5 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL
Figure 1 : Avant traitement par infliximab : patiente âgée de 68 ans,
présentant un psoriasis sévère avec un PASI à 40, un BSA à 55%
et un DLQI à 24. Echec thérapeutique après 200 séances de
PUVAthérapie et 6 mois de méthotrexate.
de modifier sa pharmacocinétique et de neutraliser son
efficacité thérapeutique17,18. L’infliximab est indiqué dans
le psoriasis en plaques, le rhumatisme psoriasique14,
la polyarthrite rhumatoïde19,20, la spondylarthrite ankylosante21, la maladie de Crohn22,23, et la rectocolite
hémorragique24-26. Il est administré par perfusions
intraveineuses, réalisées à S0, S2, S6, puis toutes les
8 semaines. Une large étude randomisée réalisée en
double insu contre placebo a intéressé 378 patients
atteints de psoriasis modéré à grave (médiane PASI
initial : 22,9), traités par infliximab en monothérapie à
la posologie de 5 mg/kg par perfusion (S0, S2, S6, puis
toutes les 8 semaines jusqu’à S46). Une évaluation du
PASI et du NAPSI (score spécifique pour l’atteinte
unguéale) était réalisée. A S10, 25% des patients traités
étaient totalement blanchis. La proportion de patients
atteignant le PASI 75 à S10 était de 80% contre 3% dans
le groupe placebo. De plus, la proportion de patients
atteignant le PASI 90 était de 57% à S10 contre 1% dans
le groupe placebo (p<0,001). Ces résultats étaient
confirmés à S24 avec 82% des patients atteignant un
PASI 75. De même, le pourcentage moyen d’amélioration
du score NAPSI était de 56% à S24. Cependant, le taux
d’échappement secondaire à S50 était de 20% (61%
PASI 75 et 45% PASI 90) et était significativement associé
à l’apparition d’une immunisation anti-infliximab.
Ainsi, la présence de ces anticorps anti-infliximab peut
compromettre le maintien à long terme de la réponse
sous traitement, puisque seul 39% des patients développant ces anticorps avaient une réponse confirmée
entre S10 et S50, alors que cette réponse était de 80%
chez les patients ne produisant pas d’anticorps. Aucun
cas de tuberculose ou d’infection opportuniste n’avait
été observé dans cette étude27.
Adalimumab
C’est un anticorps monoclonal humain IgG1 qui bloque
l’interaction entre le TNFα et les domaines p55 et p75
du récepteur cellulaire. Comme l’infliximab, il est
également capable d’induire une apoptose des cellules
qui expriment le TNFα membranaire en présence du
complément. Son caractère humanisé vise à diminuer
son potentiel immunogène afin de diminuer les réactions
d’intolérance et d’augmenter sa durée d’action. Dans,
la polyarthrite rhumatoïde, il est administré par
voie sous-cutané à la posologie de 40 mg toutes les
2 semaines14. Ce produit a l’indication dans le rhumatisme psoriasique28, la polyarthrite rhumatoïde29, la
spondylarthrite ankylosante30 mais pas encore dans les
atteintes cutanées. Les données des essais dans le
psoriasis en plaques rapportent l’obtention d’un PASI
75 chez 53% des patients traités par une posologie de
40 mg toutes les 2 semaines, et 80% des patients
recevant une injection hebdomadaire de 40 mg31. De
plus, l’adalimumab est capable d’induire une réponse
clinique chez les patients présentant une rechute après
un traitement par etanercept ou infliximab32. Les données
de phase III avec Humira viennent juste d’être présentées au congrès de l’EADV (étude CHAMPION) et au
congrès de l’AAD (étude REVEAL). L’étude CHAMPION
est une étude randomisée réalisée en double insu
contre méthotrexate (7,5 mg S0 et S1, 10 mg S2 et S3 puis
15 mg S4 à S15) ou placébo. Elle a intéressé 271 patients
atteints de psoriasis modéré à sévère (PASI > 10 et
BSA > 10), traités en monothérapie par adalimumab
à la posologie de 80 mg à S0 puis 40 mg chaque
2 semaines. Après 16 semaines, la proportion de
patients atteignant le PASI 75 était de 80% contre 36%
dans le groupe méthotrexate et 19% dans le groupe
placebo. De plus, la proportion de patients atteignant le
PASI 90 était de 52% à S16 contre 14% dans le groupe
méthotrexate et 11% dans le groupe placebo (p<0,001).
Le biais majeur concernant cette étude est que la dose
de méthotrexate utilisée était très faible, rendant compte
de l’efficacité suboptimale du méthotrexate dans ce
travail. D’autre part, l’étude REVEAL est une étude
randomisée, contrôlée contre placebo. Elle a intéressé
1200 patients atteints de psoriasis modéré à sévère,
traités par adalimumab à posologie initiale de 80 mg à
S0 puis 40 mg chaque 2 semaines. Après 16 semaines,
la proportion des patients atteignant le PASI 75 était de
71% contre 6,5% dans le groupe placebo. De plus, la
proportion de patients atteignant le PASI 90 était de
45% à S16 contre 1,8% dans le groupe placebo. Par la
suite, les patients atteignant le PASI 75 poursuivaient
leur traitement par adalimumab jusqu’à 33 semaines.
A 33 semaines, les 490 patients qui ont maintenu un
PASI 75 étaient randomisés entre placebo et adalimumab.
A 52 semaines, 28% des patients du groupe placebo
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présentaient une rechute (amélioration < 50% par rapport à la première partie de l’étude) contre 5% dans le
groupe adalimumab.
Effets indésirables des inhibiteurs du TNFα
Les effets indésirables des inhibiteurs du TNFα peuvent être divisés en effets indésirables fréquents et
alors le plus souvent bénins et effets indésirables rares
qui peuvent être graves :
Effets indésirables fréquents
• Réactions allergiques (perfusion/site d’injection)
et développement d’anticorps :
Etanercept :
Les réactions au site d’injection sont les plus fréquentes
et surviennent chez 10-20% des patients traités par
etanercept. Ces réactions surviennent pendant le premier
mois et diminuent progressivement pour disparaître après
2 mois. Elles sont transitoires (disparition en 2-3 jours)
et comprennent : érythème, contusion, saignement,
démangeaison, douleur et gonflement. Une réactivation
des anciens sites d’injection peut s’observer dans 40%
des cas, c’est le phénomène de « recall »33. Par ailleurs, la
fréquence de développement d’anticorps contre
l’etanercept est estimée à 6% mais la signification clinique reste indéterminée34.
Figure 2 : Deux semaines après la première perfusion d’infliximab
à la posologie de 5 mg/kg (S2). On note une amélioration clinique
remarquable avec un PASI à 17, un BSA à 20% et un DLQI à 6.
Infliximab :
Des réactions à la perfusion peuvent survenir pendant
les deux premières heures du traitement chez 10% des
patients ; elles induisent rarement un choc anaphylactique35. Le risque de réactions lors de la perfusion
augmente en cas de facteurs nucléaires positifs36 ou
d’anticorps anti-infliximab. Dans le dernier cas, la prise
concomitante de méthotrexate est capable de réduire
leur développement37. La prise en charge des réactions
dépend de leur sévérité. Lors des réactions légères à
modérées, le débit de la perfusion doit être ralenti ou
interrompu jusqu’à disparition des symptômes couplé à
un traitement symptomatique (anti-histamines, paracétamol, hydrocortisone). Par contre, la survenue de réactions
sévères contre-indique l’administration de l’infliximab
mais pas les autres inhibiteurs du TNFα38.
Effets indésirables rares
• Infections :
Tous les inhibiteurs du TNFα augmentent le risque
infectieux. Les infections sévères constituent un effet
indésirable rare mais potentiellement grave, ce qui
nécessite une surveillance régulière.
La tuberculose est un risque potentiellement associé aux
agents anti-TNFα puisque le TNFα joue un rôle central
dans la défense de l’hôte contre les germes intracellulaires
(formation de granulomes et inhibition de la dissémination bactérienne) notamment les mycobactéries39.
Elle peut survenir dans une forme pulmonaire ou
extrapulmonaire, avec parfois issue fatale. L’infliximab en
est le principal pourvoyeur40 avec un risque relativement
plus faible avec l’etanercept41. Selon les recommandations
de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits
de Santé (AFSSAPS), le bilan préalable à l’instauration
d’un traitement par anti-TNFα afin de dépister les
patients à risque de tuberculose latente ou active doit
comporter :
- un interrogatoire détaillé : BCG, résultats des IDR
anciennes à la tuberculine, exposition au bacille de
Koch (BK), antécédents personnels et familiaux de
tuberculose, notion de contage (contact étroit avec une
personne souffrant de tuberculose bacillifère) ou de
primo-infection ancienne non traitée, traitements antituberculeux anciens en sachant que les traitements
instaurés avant 1970 étaient insuffisants,
- un examen clinique à la recherche de tuberculose maladie,
- une radiographie thoracique. En cas d’images évocatrices
de séquelles tuberculeuses, un avis pneumologique avec
discussion du scanner complémentaire, parfois d’une
fibroscopie bronchique, pourra être demandé,
- une intradermoréaction (IDR) à la tuberculine à 5UI,
avec lecture de la zone d’induration en mm entre la 48e
et la 72e heure. Le seuil de positivité est de 5 mm ; en
dessous de 5 mm, l’IDR est considérée comme négative.
A partir d’une induration de plus de 5 mm, l’AFSSAPS
considère que le patient est à risque de tuberculose
latente, et doit bénéficier d’un traitement anti-tuberculeux
3 semaines avant la mise sous traitement par anti-TNFα
et jusqu’à 3 mois. En cas d’IDR phlycténulaire, une
recherche systématique du BK dans les crachats et les
tubages sera demandée 3 jours de suite, nécessitant une
hospitalisation.
7 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL
TABLEAU 1
Médicament
Adalimumab
(Humira®)
Alefacept
(Amevive®)
Efalizumab
(Raptiva®)
Etanercept
(Enbrel®)
Infliximab
(Remicade®)
Type de molécule
Anticorps
monoclonal humain,
anti-TNFα
Protéine de fusion,
recombinante,
anti-CD2
Anticorps
monoclonal,
recombinant
humanisé,
anti-CD11a
Protéine de fusion,
recombinante,
humaine, anti-TNFα
Anticorps
monoclonal,
chimérique,
anti-TNFα
Mode d’action
-Inhibiteur du TNFα
soluble et
transmembranaire
-Lyse des cellules
exprimant le TNFα,
médiée par
le complément
Inhibition :
-de l’activation des
lymphocytes T naïfs,
-de la migration des
lymphocytes T activés,
-de la réactivation
des lymphocytes T
mémoires
-Inhibiteur du TNFα
soluble et
transmembranaire
-Pas de lyse cellulaire
médiée par
le complément
-Inhibiteur du TNFα
soluble et
transmembranaire
-Haute affinité pour le
TNFα avec formation
de complexe stable
-Lyse des cellules
exprimant le TNFα,
médiée par
le complément
Dose
80 mg
puis 40 mg
15 mg
0,7 mg/Kg
puis 1 mg/Kg
25-50 mg pendant
3 mois puis 25 mg
pendant 3 mois
5 mg/Kg
Voie
d’administration
Sous-cutanée
Intramusculaire
Sous-cutanée
Sous-cutanée
Intraveineuse
Fréquence
1 injection
chaque 2 semaines
1 injection chaque
semaine pendant
12 semaines
1 injection
chaque semaine
2 injections
chaque semaine
S0, S2, S6 puis
chaque 8 semaines
Effets indésirables
-Douleur et
réaction locale
-Anémie
-Dyslipidémie
-Céphalée
-Infections des voies
respiratoires hautes
-Infections urinaires
-Rash, prurit
-Nausée, vomissement
et diarrhée
-Inhibition de
l’activation et de
la prolifération
des lymphocytes T
mémoires
-Apoptose des
lymphocytes T
mémoires
-Douleur et
réaction locale
-Lymphopénie
-Frisson
-Myalgie
-Toux
-Nausée
-Prurit
D’autres infections sérieuses ont été rapportées notamment
avec l’infliximab et comprennent des septicémies secondaires à Listeria Monocytogenes42 et l’histoplasmose43. Dans le
cadre de l’infection au VIH des infections opportunistes disséminées ont été rapportées chez les patients séropositifs44.
• Tumeurs malignes et troubles lymphoprolifératifs :
Au cours des essais cliniques, la fréquence des lymphomes est apparue supérieure en comparaison au
placebo. Cependant, l’incidence était rare, et la période
de suivi des patients du groupe placebo était plus courte
que celle des patients ayant reçu un traitement par
un anti-TNFα. De plus, il existe un risque accru de
développer un lymphome chez les patients atteints de
polyarthrite rhumatoïde de longue date, hautement
active et inflammatoire, ce qui complique l’évaluation
du risque. Par ailleurs, les études de cohorte rhumatologiques n’ont pas montré d’incidence accrue de néoplasie
solide chez les patients traités par un anti-TNFα. Toutefois,
des précautions supplémentaires doit être toujours prises
notamment chez les patients tabagiques et ayant reçu
-Syndrome
pseudogrippal
-Thrombopénie
-Lymphocytose
-Rebond
-Réactions paradoxales
-Réactions locales
au site d’injection
-Infections :
voies respiratoires
supérieures,
bronchites, cystites,
infections cutanées
-Réactions allergiques,
auto-anticorps,
prurit, fièvre
-Réactions liées
à la perfusion
-Infections virale
-Infections des voies
respiratoires
hautes et basses
-Troubles digestifs
-Réactions
d’hypersensibilité
retardée
-Fatigue
-Fièvre
-Elévation
des transaminases
un traitement immunosuppresseur ou PUVAthérapie
puisque le risque de développer des tumeurs malignes
ne peut pas être écarté34,35. Selon les NICE guidelines de
la British Society for Rheumatology (BSR), les anti-TNFα
sont contre-indiqués dans les états cancéreux et
pré-cancéreux sauf en cas de carcinome basocellulaire
et en cas de cancer diagnostiqué et traité il y a plus de
10 ans (avec une très haute probabilité de guérison
totale)45. Une autre attitude est d'appliquer les critères
de non-inclusion des études cliniques de phase 2 et 3,
c'est-à-dire de contre-indiquer les anti-TNFα en cas
d'antécédent de néoplasie de moins de 5 ans, sauf s'il
s'agit d'un cancer in situ du col utérin ou un carcinome
cutané (mélanome exclu).
Dans l'état actuel des connaissances, cette dernière
attitude semble raisonnable, mais il n'est pas justifié
de l'appliquer de façon « mathématique » mais plutôt
d'envisager une réflexion au « cas par cas ».
En pratique, chez tout patient justifiant un traitement
par anti-TNFα, il faut évaluer le risque personnel et
8 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL
TABLEAU 2
Efficacité dans
le psoriasis
Bilan avant début
du traitement
Bilan au cours
du traitement
AMM
Médicament
Adalimumab
(Humira®)
Alefacept
(Amevive®)
Efalizumab
(Raptiva®)
Etanercept
(Enbrel®)
Infliximab
(Remicade®)
- PASI 75 :
80% à la dose
de 40 mg
chaque semaine,
à 12 semaines
- PASI 75 :
53% à la dose
de 40 mg
chaque 2 semaines,
à 12 semaines
- PASI 75 :
28% après un cycle
de 12 semaines
- PASI 75 :
71% après 2 cycles
de 12 semaines
- PASI 75 :
27% à 12 semaines
- PASI 75 :
44% à 24 semaines
- PASI 75 :
49% à la dose de
50 mg, à 12 semaines
- PASI 75 :
34% à la dose de
25 mg, à 12 semaines
- PASI 75 :
80% à 10 semaines
- PASI 90 :
57% à 10 semaines
- PASI 75 :
75% à 50 semaines
-Hémogramme
et plaquettes
-VS, CRP
-Bêta-HCG sériques
-ACAN et si positif
anti-DNA
-Transaminases
-Electrophorèse des
protéines sériques
-Sérologies :
VHB, VHC, VIH
-Radiographie
du thorax
-Intradermoréaction
à la tuberculine à 5UI
-En fonction
de la clinique :
panoramique dentaire,
radiographie
des sinus, ECBU,
avis cardiologique
-Hémogramme
et plaquettes
-Taux de CD4
-Sérologie VIH
-Radiographie
du thorax et
intradermoréaction
-Hémogramme
et plaquettes
-Sérologie VIH
-Radiographie
du thorax et
intradermoréaction
-Hémogramme
et plaquettes
-VS, CRP
-Bêta-HCG sériques
-ACAN et si positif
anti-DNA
-Transaminases
-Electrophorèse des
protéines sériques
-Sérologies :
VHB, VHC, VIH
-Radiographie
du thorax
-Intradermoréaction
à la tuberculine à 5UI
-En fonction
de la clinique :
panoramique dentaire,
radiographie
des sinus, ECBU,
avis cardiologique
-Hémogramme
et plaquettes
-VS, CRP
-Bêta-HCG sériques
-ACAN et si positif
anti-DNA
-Transaminases
-Electrophorèse des
protéines sériques
-Sérologies :
VHB, VHC, VIH
-Radiographie
du thorax
-Intradermoréaction
à la tuberculine à 5UI
-En fonction
de la clinique :
panoramique dentaire,
radiographie
des sinus, ECBU,
avis cardiologique
Pas de surveillance
biologique
systématique
nécessaire en
complément de
la surveillance
médicale attentive
du patient à la
recherche de signes
d’appel motivant
la réalisation
d’un bilan ciblé
-Hémogramme
et plaquettes
avec taux de CD4
chaque semaine
Hémogramme
et plaquettes
1 fois par mois les
trois premiers mois
puis tous les
3 mois ensuite
Pas de surveillance
biologique
systématique
nécessaire en
complément de la
surveillance médicale
attentive du patient
à la recherche de
signes d’appel
motivant la réalisation
d’un bilan ciblé
-Avant chaque perfusion :
Hémogramme,
VS, CRP,
transaminases, labstix.
-Radiographie
pulmonaire
chaque 6 mois
-Surveillance
jusqu’à 6 mois après
arrêt de l’infliximab
-Polyarthrite
rhumatoïde
-Rhumatisme
psoriasique
-Spondylarthrite
ankylosante
Non disponible
en Europe :
utilisé dans le
psoriasis en plaques
aux états unis
-Psoriasis en plaques
-Psoriasis en plaques
-Rhumatisme
psoriasique
-Polyarthrite
rhumatoïde,
spondylarthrite
ankylosante
et arthrite chronique
juvénile
-Psoriasis en plaques
-Rhumatisme
psoriasique
-Polyarthrite
rhumatoïde et
spondylarthrite
ankylosante
-Crohn et rectocolite
hémorragique
Coût mensuel
Prix non disponible
Prix non disponible
1087 €
25 mg 2 fois par
semaine : 1140 €
50 mg 2 fois par
semaine : 2280 €
5 mg/kg (< 60 kg) :
1122 € + coût HJ
5 mg/kg (> 60 kg) :
1496 € + coût HJ
Coût par succès
Prix non disponible
Prix non disponible
3623 €
25 mg 2 fois par
semaine : 3800 €
50 mg 2 fois par
semaine : 4560 €
5 mg/kg (< 60 kg) :
1402 €
5 mg/kg (> 60 kg) :
1870 €
9 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL
familial de néoplasie et rechercher une anomalie
élémentaire selon les facteurs de risque. Différents
examens peuvent donc se discuter selon le contexte, en
précisant qu’ils font partie pour la plupart d’un suivi
régulier de sujets à risque néoplasique, en particulier
pour les examens gynécologiques :
- examen sénologique et gynécologique
(frottis cervical),
- mammographie (systématique après 50 ans),
- radiographie du thorax +/- scanner thoracique,
- hémoccult +/- coloscopie,
- surveillance cutanée en cas de risque de mélanome
ou d'autres cancers cutanés,
- examen ORL en cas d’éthylotabagisme important.
• Auto-immunité :
Tous les anti-TNFα sont susceptibles d’induire la formation d’auto-anticorps de type lupique notamment des
anticorps anti-nucléaires, anti-DNA natifs et anti-cardiolipides. Malgré, la fréquence élevée de cette positivité
d’auto-anticorps (jusqu’à 50% des patients), les lupus
induits par les anti-TNFα sont peu fréquents, en général
peu sévères et régressent après arrêt du traitement34,35.
• Insuffisance cardiaque :
Les anti-TNFα doivent être évités chez les patients
présentant une insuffisance cardiaque sévère (grade 3 ou
4/FE < 50 %). Par contre, ceux qui présentent une
atteinte modérée à légère, incitent une évaluation préthérapeutique avec nécessité d’arrêter le traitement en
cas d’apparition de nouveaux symptômes ou d’aggravation de symptômes pré-existant34,35.
• Pathologies démyélinisante :
L’infliximab, ainsi que l’etanercept peuvent être associées
au développement ou à l’aggravation de pathologies
démyélinisantes. L’aggravation d’une sclérose en plaque
sous infliximab de même que la survenue d’au moins
4 cas de démyélinisation avec l’etanercept ont été
observés46.
• Hépatite :
L’innocuité des anti-TNFα chez les patients atteints
d’hépatite chronique B ou C n’est pas connue. Cependant,
l’utilisation de l’etanercept en adjuvant à l’interféron
et à la ribavirine n’a pas présenté une détérioration
des tests hépatiques ou de la charge virale47. Dans les
hépatites B chroniques, les recommandations récentes
exigent un traitement antiviral avant de débuter un traitement immunosuppresseur (par anti-TNFα ou autre)48.
• Autres réactions :
Plusieurs observations font état d’autres effets indésirables survenant dans le cadre des anti-TNFα comme :
cellulite à éosinophile au site d’injection d’etanercept49,
vasculite sous etanercept ou infliximab50, aggravation d’un
lupus érythémateux subaigu sous infliximab51, érythème
polymorphe ou éruption lichénoïde sous infliximab52,
apparition d’un psoriasis sous etanercept ou infliximab53,
dermatite granulomateuse interstitielle sous etanercept
ou infliximab54 et pelade sous etanercept55.
murin, l’efalizumab a secondairement été humanisé pour
réduire son potentiel immunogène. Pour cela, l’essentiel
des séquences d’ADN codant pour la molécule a été
remplacé par des séquences humaines et seules environ
3% des séquences d’origine murines, qui confèrent sa
spécificité anti-CD11a à la molécule, ont été conservés56.
L’efalizumab bloque de façon ciblée et réversible la
sous-unité CD11a de la molécule LFA-1 (Leukocyte Function-Associated Antigen-1). Ce blocage inhibe l’interaction
entre le LFA-1 du lymphocyte T et les différentes ICAM
(ICAM-1, ICAM-2, ICAM-3) présentes sur les cellules
présentatrices de l’antigène, les cellules endothéliales,
les kératinocytes et les fibroblastes. Ainsi, il en résulte
un blocage des 3 étapes-clés du processus physiopathologique du psoriasis57 :
- inhibition réversible de l’activation des lymphocytes
T naïfs,
- inhibition réversible de la migration des lymphocytes
T circulants activés vers le derme,
- inhibition réversible de la réactivation des
lymphocytes T mémoires et, par conséquent,
de la cascade pro-inflammatoire.
En revanche, il n’induit pas de déplétion lymphocytaire,
mais plutôt une recirculation de ceux-ci, souvent à
l’origine d’une hyperlymphocytose sous traitement.
L’efalizumab est indiqué uniquement dans le psoriasis
en plaques. Il est administré par voie sous-cutané, à la
posologie de 1 mg/kg, 1 fois par semaine. Toutefois, la
Figure 3 : Blanchiment complet des lésions de psoriasis à
la 6 e semaine (après deux perfusions d’infliximab).
b) Efalizumab
C’est est un anticorps monoclonal, recombinant de
type IgG1 produit par les cellules ovariennes d’hamster
chinois. Développé initialement comme un anticorps
10 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL
posologie initiale est diminuée à 0,7 mg/kg afin de
réduire la fréquence des syndromes pseudo-grippaux.
Quatre grandes études de phase III intéressant plus de
2000 patients atteints de psoriasis en plaques modéré à
sévères ont été publiées58-61. Globalement, l’efalizumab
apparaît moins efficace à 12 semaines en comparaison
avec les inhibiteurs du TNFα puisque 27% des patients
atteignaient un PASI 75 après 12 semaines de traitement
en monothérapie par efalizumab à la posologie de
1 mg/kg contre 4% seulement dans le groupe placebo.
Toutefois, il semble qu’une durée plus longue de traitement permette d’améliorer la réponse clinique puisque
20% des patients qui n’ont pas obtenu un PASI 75
après 12 semaines, l’ont obtenu après 12 semaines
supplémentaires (S24) contre 7% du groupe placebo60,61.
Le traitement par efalizumab est indiqué pour une durée
initiale de 12 semaines, et peut être poursuivi chez
les patients répondeurs. En l’absence d’une réponse
clinique après 3 mois de traitement, une reprise rapide
par un traitement antipsoriasique d’action rapide comme
la ciclosporine est nécessaire afin d’éviter un rebond.
La durée de rémission après arrêt du traitement est
variable. L’arrêt du traitement peut être associé à une
rechute ou un rebond. La rechute est une perte de 50%
de l’amélioration du PASI obtenu entre le début du
traitement et la semaine 12 ; elle est observée chez 86%
des patients qui avaient un PASI 75 à 12 semaines avec
un délai médian de récidive de 67 jours. Par contre, le
rebond est un score PASI > 125% du score PASI initial,
une érythrodermie ou une poussée pustuleuse généralisée ; il est observé chez environ 14% des patients au
cours des 3 mois suivant l’arrêt avec un délai médian de
36 jours. Par ailleurs, une éruption cutanée localisée
peut s’observer au cours du traitement par efalizumab.
Cette éruption appelée « Localized Mild Breakthrough », est
le plus souvent transitoire, bien contrôlée par l’adjonction
d’un traitement topique et représente histologiquement
une dermatose neutrophilique dermoépidermique ; elle
est constituée par des papules, inflammatoires prédominant sur le tronc, le cou et les plis, survenant dans
les 4 à 8 semaines après le début du traitement62. Il n’y
a pas d’augmentation du risque infectieux ni de la
fréquence des cancers ou lymphome dans la population
étudiée dans les études cliniques63. Cependant une alerte
de la FDA a été publiée en 2006 concernant la possible
survenue d’infections sévères et de tuberculose chez
les patients traités au long cours par efalizumab (cf. site
FDA). Le même degré de prudence s’impose que pour
les anti-TNFα par précaution.
c) Alefacept :
C’est une protéine de fusion recombinante composée
de la sous-unité terminale du LFA-3 et du fragment Fc
humain d’une immunoglobuline IgG1. Le LFA-3 exprimé
sur les cellules présentatrices de l’antigène, sert comme
ligand du CD2 exprimé sur les lymphocytes T matures
et les cellules « Natural Killers » (NK). L’interaction entre le
LFA-3 et le CD2 agit comme un signal de co-stimulation
important pour la prolifération et l’activation des lymphocytes T64,65. L’alefacept inhibe l’interaction entre ces
deux molécules, permettant ainsi d’obtenir une réponse
clinique favorable puisque les plaques de psoriasis
montrent une prédominance de lymphocytes T
mémoires CD45RO+ exprimant fortement le CD2. Il
semble par ailleurs qu’il existe un autre mécanisme
d’action expliquant l’immunosuppression de l’alefacept66.
Il agit comme un pont entre le CD2 fortement exprimé
sur les lymphocytes mémoires CD45RO et le récepteur
FcgIII (CD16) exprimé sur les cellules NK. Cette interaction induite par l’alefacept favorise une apoptose des
lymphocytes T mémoires induite par une libération
enzymatique par les cellules NK. L’alefacept n’est pas
commercialisé en France, mais il est indiqué dans le
psoriasis en plaques aux Etats-Unis. Il est administré
par voie intramusculaire à la posologie de 15 mg 1 fois
par semaine pendant 12 semaines. Si le patient a besoin
d’un autre cycle de 12 semaines, une fenêtre thérapeutique de 12 semaines est exigée avant le début du
second cycle. Une surveillance du taux de CD4 est
nécessaire avant le début du traitement et chaque
semaine pendant le traitement. Un taux de CD4 < 250
cellules/ml impose une interruption du traitement jusqu’à ce que le taux devienne > 250 cellules/ml. Trois
grandes études évaluant l’efficacité et la tolérance de
l’alefacept ont été publiées66-68. Globalement, l’alefacept
apparaît moins efficace en comparaison avec les inhibiteurs du TNFα et avec l’efalizumab. Une large étude
randomisée, réalisée en double aveugle contre placebo,
montrait que 21% des patients traités en monothérapie
par alefacept à la posologie de 15 mg en intramusculaire 1 fois par semaine ont obtenu un PASI 75 à 14
semaines contre 5% dans le groupe placebo69. Toutefois,
il semble que des cycles supplémentaires d’alefacept
permettent d’améliorer la réponse clinique avec un
profil de tolérance similaire à un seul cycle70. De même,
la combinaison de l’alefacept avec la photothérapie
UVB semble améliorer la réponse clinique avec un profil de tolérance toujours favorable71. Il n a pas été observé d’infections opportunistes ni de toxicité dans les
études cliniques. Par contre, 3 cas de lymphomes ont
été rapportés68.
Conclusion
Le choix d’un traitement biologique dépend du type du
psoriasis, des facteurs de comorbidité, de la préférence
du patient et/ou du prescripteur et de la localité
d’administration du traitement. L’etanercept peut être
considéré en première ligne dans le cadre d’un psoriasis
stable et surtout lorsqu’il est associé à un rhumatisme
psoriasique non contrôlé. L’infliximab est avantageux
dans les circonstances cliniques nécessitant un contrôle
rapide de la maladie (ex. érythrodermie, idées suicidaires,
etc…) et ceci grâce à son action rapide et le taux de
réponse clinique élevé. Par contre, chez les patients à
haut risque de tuberculose latente ou de pathologies
démyélinisantes, l’efalizumab doit être considéré en
première intention.
11 - Kératin 2008 ; 14 : 4-13 / ALFRED AMMOURY, CARLE PAUL
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Stratégie
de prise en charge du psoriasis
LOUIS DUBERTRET
(Paris - France)
Le progrès principal dans la prise en charge du psoriasis
n'est pas un nouveau médicament mais une véritable
révolution dans la relation médecin malade. Cette révolution consiste à évaluer de façon beaucoup plus précise
les besoins de chaque patient, à éduquer chaque patient
de façon à le faire participer au choix thérapeutique et
ainsi, d'ajuster de façon individuelle et beaucoup plus
efficace, la stratégie thérapeutique.
Evaluation de la gravité du psoriasis
Dans les maladies mettant en jeu la vie, c’est le médecin
qui, à l’aide de marqueurs scientifiquement évalués, établit
une échelle de gravité et en informe le patient pour le
convaincre de se traiter.
Dans les maladies mettant en jeu la qualité de la vie, et le
psoriasis en est le prototype, seul le patient peut évaluer
le retentissement de la maladie sur sa qualité de vie, et
donc sa gravité.
Il y a un accord parmi les spécialistes européens du
psoriasis pour accepter la proposition du Professeur
Christopher Griffiths sur la façon d’évaluer la gravité du
psoriasis, en considérant par ordre d’importance décroissante :
a) Le retentissement sur la qualité de la vie,
b) La résistance du psoriasis aux différents traitements,
c) L’étendue des lésions.
Seule une évaluation adéquate de la gravité du psoriasis
permet d’évaluer avec le patient les indications des
traitements disponibles en terme de rapport efficacité/
contraintes/effets secondaires (de façon intéressante, les
contraintes d’un traitement sont de plus en plus assimilées
à de véritables effets secondaires).
Ainsi dans les maladies retentissant sur la qualité de vie,
c’est au médecin d’entrer dans le scénario du patient
pour comprendre petit à petit, avec l’aide de ce dernier,
quel scénario thérapeutique peut s’intégrer de la façon la
moins négative possible dans le scénario de vie du
patient. C’est dire que les maladies retentissant sur la
qualité de la vie ne peuvent être soignées que par une
approche globale centrée sur le patient et non sur la
maladie, ce qui représente à soi seul une véritable révolution, au sens propre, de la relation médecin/malade.
Cette révolution est au c?ur d’un progrès majeur dans
l’observance thérapeutique et donc dans la qualité et
l’efficacité des soins.
Les quatre étapes de la prise en charge thérapeutique
Les quatre étapes de la prise en charge thérapeutique
sont le questionnement, les explications, la négociation
et la prescription.
a) Le questionnement
Il a pour but d’aider le patient à prendre de la distance
par rapport à son affection, de la considérer comme un
élément extérieur à lui-même, mais retentissant de façon
étroite sur sa vie quotidienne. Il permet de recueillir les
informations qui permettront d’ajuster les explications à
la culture et à la mentalité du patient, et d’évaluer dans
quel contexte vont se dérouler les étapes de négociation
et de prescription. Le questionnement porte sur l’état
de santé général, les traitements en cours, l’opinion du
patient sur le psoriasis en général et sur son psoriasis en
particulier, sur les médicaments et les traitements qu’il
a déjà reçus. Il porte sur l’ancienneté et l’évolution du
psoriasis et sur son caractère familial ou non, sur l’existence
14 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET
ou non d’une atteinte articulaire présente ou passée. Il
porte sur le retentissement du psoriasis sur les différents
aspects de la vie quotidienne, et sur les variations de ce
retentissement au cours de l’année ou selon les activités.
Cela permet de mieux cerner la demande thérapeutique
du patient.
Il est important également d’évaluer si le patient retire
des avantages indirects du fait de son psoriasis, comme
c’est le cas dans la plupart des maladies chroniques et
comment s’organise sa vie avec, malgré ou autour de son
psoriasis.
une surveillance rapprochée et comportant des risques
potentiels pour la santé.
Tous les traitements ont pour but et pour conséquence de
freiner le renouvellement de la peau. Si donc on arrête
un traitement dès que les plaques ont disparu la rechute
est rapide. Il est essentiel donc de continuer à se traiter
lorsque les lésions ont disparu. Six mois après la disparition d’une plaque de psoriasis, la peau reste tout à fait
anormale au niveau microscopique. C’est pourquoi on
continue habituellement le traitement un an après que
les lésions aient disparu.
b) Les Informations :
Elles doivent être données sur le psoriasis et sur les
traitements. Elles ont pour but de permettre au patient de
comprendre la stratégie thérapeutique générale, traitement
d’attaque et traitement d’entretien, de lui faire comprendre
qu’il existe beaucoup de possibilités thérapeutiques qui
comportent toutes des effets secondaires ou des désagréments et donc une incidence sur sa vie quotidienne, mais
que lui seul possède les informations qui permettront de
mettre en place une stratégie qui permettra d’améliorer
sa qualité de vie.
Les informations porteront sur le psoriasis: c’est une maladie génétique, multigénique révélée et non provoquée par
des facteurs d’environnement : maladies infectieuses,
changements de saisons, stress, médicaments, irritations
cutanées, bref par tout ce qui accélère le renouvellement
cutané.
La plaque de psoriasis est la conséquence d’un renouvellement trop rapide de la peau, lorsque la peau commence
à peler elle est le siège d’une inflammation qui agresse la
peau et entretient la maladie. Le seul fait de gratter la
peau, ou d’arracher les squames accélère le renouvellement
de la peau et cinq minutes de grattage suffisent à réactiver
le psoriasis pendant deux semaines. La lutte contre les
démangeaisons est donc un élément capital du traitement
du psoriasis.
Le psoriasis n’est pas contagieux. Il ne met pas en jeu la
santé physique. C’est une maladie dont la gravité dépend
du retentissement des lésions sur la qualité de la vie.
C’est donc le patient et lui seul, qui sait si son psoriasis
est grave et donc si ce psoriasis peut relever ou non de
traitements majeurs, c’est-à-dire de traitements nécessitant
Le but du traitement est d’améliorer la qualité de la vie.
C’est pourquoi seul le patient peut réellement en évaluer
l’efficacité. Le patient n’est pas condamné à se soigner de
façon continue, mais peut ne se soigner qu’à certains
moments de l’année ou ne soigner que certaines localisations en fonction de son équation personnelle entre la
gêne entraînée par la maladie et celle entraînée par le
ou les traitements. Ces bases posées, la seconde partie
de la phase des explications va porter sur chacun des
traitements locaux et généraux disponibles en expliquant
leur technique d’utilisation, les contraintes dans la vie
quotidienne, les effets secondaires et la stratégie de la
surveillance.
Psoriasis des paumes
c) La Négociation
C’est la phase la plus importante de la prise en charge
thérapeutique. Elle évolue de consultation en consultation
au fur et à mesure que, à travers questionnement et explications, le malade est de mieux en mieux informé et est
donc capable de dialoguer d’égal à égal, mais avec un
point de vue évidemment différent et complémentaire,
avec son médecin.
L’objectif de la négociation est de trouver le meilleur
compromis entre les contraintes, vécues par le patient,
liées à la maladie et liées aux traitements, et les données
objectives, connues du médecin, sur les rapports bénéfices/risques de chaque traitement, association thérapeutique et succession de traitements. Comme dans toute
bonne négociation, chacun doit sortir, le médecin et le
patient, de cette négociation en ayant le sentiment d’avoir
exprimé et fait accepter concrètement, dans la décision
prise, son point de vue. C’est la condition de l’observance
thérapeutique.
d) La Prescription
C’est le contrat qui conclue la négociation. Idéalement, ce
contrat devait être signé par le médecin et par le malade,
témoignant ainsi de la participation de chacun. La prescription n’est en aucun cas «une ordonnance».
LES TRAITEMENTS LOCAUX
Indications
Les traitements locaux peuvent être utilisés seuls ou
associés les uns aux autres dans les psoriasis limités et
stables. Ils peuvent être associés aux traitements généraux
pour en diminuer la posologie, faire face à une poussée
passagère ou augmenter leur efficacité dans certaines
localisations. Certains traitements locaux sont surtout
15 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET
utiles pour faire face à une situation de crise et seront
utilisés pendant des temps relativement courts, d’autres
ne développent leur efficacité qu’au long cours et se présentent plus comme des traitements de fond. Un même
traitement local peut être utilisé quotidiennement en
traitement d’attaque et de façon progressivement plus
espacée en traitement d’entretien. Nous manquons cruellement de traitements locaux bien adaptés aux traitements
d’entretien du psoriasis et surtout des psoriasis étendus.
L’hydratation cutanée
Il a été montré par Eugène Farber que l’hydratation cutanée pouvait aller jusqu’à freiner de 50% le renouvellement
épidermique d’une plaque de psoriasis Un bon excipient
peut entraîner une amélioration du PASI de 60 % comme
l’ont montré certaines études de traitements locaux contre
placebo. Les cosmétiques (et donc les excipients) ont des
activités biologiques différentes sur l’épiderme. L’activité
biologique des cosmétiques est encore mal connue et les
excipients n’ont pas tous la même efficacité anti-psoriasique. L’hydratation cutanée faite juste avant la photothérapie, augmente la transparence de la couche cornée et
donc le risque d’accident phototoxique.
Les goudrons
Très efficaces, mais malheureusement malpropres et
malodorants, ils ont été interdits en France sans véritable
argumentation ni toxicologique ni épidémiologique.
Le dioxyanthranol ou anthranile
L’anthranile n’interagit pas avec l’ADN, n’est ni mutagène
ni carcinogène et elle agit en bloquant la respiration
mitochondriale et en inhibant la voie des pentoses. Ceci
provoque une diminution drastique de l’énergie disponible pour la cellule avec une action sélective sur les
cellules ayant une forte activité mitotique et mitochondriale, ce qui est le cas des kératinocytes psoriasiques.
Contrairement à tous les pays européens, nous n’avons
pas de préparations satisfaisantes de Dioxyanthranol en
France et nous sommes forcés de passer par des préparations magistrales, sur lesquelles il doit être clairement
indiqué « Préparation magistrale remboursable à usage
thérapeutique » pour permettre un remboursement. La
qualité de la préparation magistrale doit être contrôlée,
ce qui est facile en observant simplement la couleur de la
préparation qui doit être jaune très claire. Toute trace de
marron indique que le dioxyanthranol est oxydé et qu’il
s’est transformé en dimères qui sont salissants et inactifs.
Appliqué sur la peau, le Dioxyanthranol est irritant et ce
d’autant plus quand on est en zone de peau fragile, région
génitale, plis, cou et visage. Le Dioxyanthranol tache le
linge, puisque au contact du linge et de l’air il va s’oxyder
progressivement, et l’on voit apparaître en quelques
heures des tâches marrons, difficiles à faire disparaître.
L’efficacité du dioxyanthranol utilisé selon une bonne
stratégie est équivalent à celle de la PUVA.
Les corticoïdes locaux
La corticothérapie locale reste le traitement local de référence dans le psoriasis dans de nombreux pays. Elle est
encore le traitement local de référence pour la plupart des
essais thérapeutiques concernant de nouveaux traitements
locaux. Cette situation paradoxale est la conséquence de
ce que la corticothérapie locale a été longtemps le seul
traitement local disponible et que ce traitement est relativement peu coûteux.
Chacun a pu constater qu’avec une corticothérapie locale
bien faite un petit nombre de patients bénéficiait de
rémissions prolongées, permettant l’arrêt progressif du
traitement local mais que la plupart des patients deviennent cortico-dépendants, et qu’il existe un effet rebond
fréquent après l’arrêt d’une corticothérapie locale. Chez
certains patients la corticothérapie locale au long cours
semble entretenir la maladie. Il existe des psoriasis
cortico-entretenus.
De façon intéressante, les différentes régions du corps ne
répondent pas de la même façon à la corticothérapie locale.
Les zones pileuses sont en général cortico-sensibles. La
corticothérapie locale dans le psoriasis, comme dans
toutes les maladies chroniques, est contre indiquée de
façon prolongée au niveau du visage.
En pratique :
La corticothérapie locale dans le psoriasis est utilisée
essentiellement pour faire face à des situations d’urgence
où un blanchiment doit être obtenu rapidement sans que
l’on ait à tenir compte de l’efficacité à long terme: mariage,
départ en vacances etc... La corticothérapie locale peut
être utilisée également comme starter en association
avec un autre traitement, dont l’effet thérapeutique met
plus longtemps à se manifester : Daivonex, rétinoïdes
locaux, rétinoïdes donnés par voie générale, Méthotrexate.
La corticothérapie locale est contre-indiquée en association avec les photothérapies du fait du risque de rebond à
l’arrêt de la corticothérapie locale malgré la photothérapie.
La corticothérapie locale reste un traitement quasi
constamment efficace et presque dénué d’effets secondaires au niveau du cuir chevelu. Les effets secondaires de
la corticothérapie locale sont bien connus. Il faut insister
sur la possibilité de provoquer ou de révéler une insuffisance surrénale chez de rares patients ayant une sensibilité
très particulière et pour l’instant mal comprise.
Les dérivés de la vitamine D
Ce sont, par ordre de mise à la disposition des patients, le
Calcipotriol (Daivonex®), le Tacalcitol (Apsor®), et, dans
certains pays le Calcitriol (Silkis®).
Les dérivés de la vitamine D ont tous une activité anti-psoriasique intéressante, égale ou légèrement inférieure aux
corticoïdes de classe II, sur trois mois de traitement. Des
études comparatives dans des situations plus proches de
la réalité, c’est-à-dire sur un an, entre corticoïdes locaux et
dérivés de la vitamine D n’ont pas été réalisées. L’avantage
majeur des dérivés de la vitamine D est l'absence de
rebond ou de tachiphylaxie ce qui permet de les utiliser
de façon très libre voire irrégulière. Ils possèdent tous un
potentiel irritant pour certains patients sans que l’on en
comprenne exactement les mécanismes, ni que l’on puisse
le prévoir. Actuellement, le produit le plus efficace est le
Daivonex en pommade, utilisé matin et soir et c’est également la stratégie d’utilisation la plus souvent irritante.
Les risques de trouble du métabolisme phospho-calcique
semblent exceptionnels avec les dérivés de la vitamine D
utilisés par voie topique, si les conditions d’utilisation
16 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET
conseillées sont respectées. Ces molécules améliorent la
qualité de vie de 30 à 40 %, des patients. Des efforts
restent à faire a) vers la mise au point de forme galénique
améliorant l’efficacité et la tolérance b) vers des formes
restant tout à fait efficaces à une application par jour c)
vers une connaissance toujours meilleure des possibilités
d’association. L’association des dérivés de la vitamine D
avec la corticothérapie locale est association la plus intéressante. On peut mettre l'un des médicaments le matin
l'autre le soir. À on peut utiliser une association toute
faite particulièrement commode, le Daivobet.
Les dérivés de la vitamine D peuvent être associés, de
façon tout à fait bénéfique, aux photothérapies (application
après traitement pour éviter la photo-destruction), aux
traitements par les rétinoïdes sous réserve d’une bonne
tolérance cutanée, au Méthotrexate et à la Ciclosporine.
En pratique :
Il s’agit du traitement local de fond le plus commode
du psoriasis, lorsque la tolérance est bonne et que les
contraintes d’application ne sont pas trop lourdes pour
le patient. Ce sont des molécules très intéressantes en
association avec les autres traitements locaux et les
autres traitements généraux.
Les rétinoïdes topiques
L’utilisation de rétinoïdes topiques dans le traitement du
psoriasis est limitée le caractère irritant de ces molécules
avec la possibilité d’entraîner un phénomène de Koebner.
Récemment, l’étude systématique d’un nouveau dérivé des
rétinoïdes, le Tazarotène (Zorac®) a permis de préciser les
modalités de son application au traitement du psoriasis.
Le traitement doit être commencé, pendant environ six
semaines, par l’association au Zorac® d’une corticothérapie locale de force 1. Cette stratégie limite l’irritation
provoquée par le Zorac®, et le Zorac® diminue l’effet
atrophogénique des corticoïdes et supprime l’effet rebond
lié à l’arrêt brutal d’une corticothérapie locale forte. Le problème majeur comme avec tous les rétinoïdes topiques
est l’irritation cutanée. La solution est la même qu’avec
tous les rétinoïdes topiques, il faut éduquer les patients
à mettre le moins possible de produit et à ajuster la
fréquence des applications en fonction de la tolérance.
Certains patients commencent à une fois par semaine.
Comme avec les autres rétinoïdes, il y a une accoutumance progressive qui permet, après quelques semaines,
d’aboutir à une application tous les jours. Cela nécessite
une discipline stricte. C’est dire l’intérêt de l’association
corticothérapie locale et Tazarotène qui fait gagner du
temps.
Le laser pulsé à colorant
Il a été montré récemment que l'utilisation de laser pulsé
à colorant à dose purpurogénique était capable, vraisemblablement du fait d'une destruction sélective d'une
micro circulation particulièrement altéré, de blanchir de
façon extrêmement durable des plaques de psoriasis. Ce
traitement n'est que transitoirement efficace dans des
plaques récentes. Par contre il semble être quasi définitivement efficace dans les plaques extrêmement anciennes,
épaisses et résistantes à tous les traitements locaux et
généraux.
Les cures thermales
Le soleil et la mer améliorent 70 % des psoriasiques et en
aggravent 10 %. Nous n’avons pas d’évaluation rigoureuse
du bénéfice des cures thermales. On ne sait pas, dans les
cures thermales, la part d’efficacité liée à la détente
psychologique et à la thérapie de groupe qu’elles représentent, au rituel de l’utilisation de l’eau thermale ou aux
qualités propres de telle ou telle eau thermale. Un certain
nombre de patients (25 % ?) tirent un réel bénéfice de la
cure sur le plan de leur qualité de vie. On ne sait pas non
plus comment se situe le bénéfice d’une cure par rapport
à un séjour à la mer et au soleil. Enfin, nous ne disposons
d’aucune information permettant de supposer que des
cures coûteuses et non prise en charge par la sécurité
sociale comme les cures à la Mer Morte ont un intérêt
particulier par rapport aux cures disponibles en France.
LES TRAITEMENTS GENERAUX
Indication
Les traitements généraux sont indiqués lorsque le psoriasis
retentit de façon importante sur la qualité de vie et que
les traitements locaux sont trop peu efficaces ou trop
contraignants. D'après une étude récente réalisée par le
club français du psoriasis, 30 % des psoriasis ont besoin
d'un traitement général. Les traitements généraux peuvent
être associés à des traitements locaux, soit temporairement
pour gagner du temps, soit pour avoir un résultat
meilleur sur quelques zones limitées et résistantes, soit
pour faire face de façon temporaire à une poussée de
psoriasis et éviter ainsi de devoir augmenter les doses du
traitement général, soit enfin, pour augmenter l’efficacité
de doses faibles et bien tolérées d’un traitement général.
Les traitements généraux sont les photothérapies, les
rétinoïdes, le méthotrexate, la ciclosporine et de façon
exceptionnelle, l’azathioprine, le mycophénolate mophétyl, l’hydroxyurée, la photophérèse extra corporelle.
Les dérivés de l'acide fumarique ne sont pas encore
disponibles en France.
Les photothérapies
La photothérapie du psoriasis consiste à utiliser les
propriétés biologiques des ultraviolets B solaires à des fins
thérapeutiques. La PUVA n’est pas une photothérapie.
C’est une chimiothérapie photo - activée par les UVA. Les
psoralènes photoactivés deviennent des molécules intercalaires de l’ADN, puissamment photo mutagènes, et
photo carcinogènes chez l’animal.
La Photothérapie UVB
La Photothérapie UVB est de loin la plus ancienne. Il
s’agit de l’utilisation du rayonnement naturel solaire,
dont on sait qu’il améliore dans 70 % des cas les psoriasis.
Leur utilisation en association avec les goudrons en
Angleterre et avec le Dioxyanthranol aux Etats-Unis sous
forme de cures de trois à quatre semaines, a été pendant
plus de 60 ans le traitement de référence des psoriasis
étendus. Les cures sont réalisées à raison de trois à cinq
séances par semaines. La dose de départ dépend du
phototype, la vitesse d’augmentation des doses dépend de
17 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET
la vitesse d’induction du bronzage et les effets secondaires aigus sont identiques aux coups de soleil. L’effet
carcinogène au long cours est considéré comme faible,
voire négligeable pour beaucoup d’auteurs américains,
bien qu’aucune étude épidémiologique rigoureuse n’ait pu
évaluer de façon précise ce risque. Sur le plan biologique
les UVB sont beaucoup moins photo mutagènes que la
PUVAthérapie et les lésions faites dans l’ADN sont beaucoup plus faciles à réparer que celles qui sont provoquées
par la photo activation intra-cellulaire des psoralènes. Les
sujets à risque pour la photo-carcinogénèse UVB sont
vraisemblablement les mêmes que ceux pour les expositions solaires. Ils sont pour l’instant mal identifiés, mais des
progrès devraient être faits dans les années qui viennent.
La Photothérapie UVB peut être utilisée en traitement
d’attaque et pour certains en traitement d’entretien. On
ignore pour l’instant s’il existe une dose maxima, au-delà
de laquelle cette thérapeutique doit être définitivement
arrêtée. On ignore également si la Photothérapie UVB
peut être encore proposée à des patients ayant atteint la
dose cumulative maximale de PUVAthérapie.
La Photothérapie UVB peut être associée de façon tout à
fait efficace avec les dérivés de la vitamine D par voie
topique, ainsi qu’a des rétinoïdes topiques. Dans ces deux
derniers cas, le traitement local doit être fait le soir après
la Photothérapie.
L’association photothérapie UVB en traitement d’attaque
et d’entretien aux rétinoïdes au long cours est de plus en
plus en vogue aux Etats-Unis. Il serait certainement utile de
développer, pour la Photothérapie UVB seule ou associée
aux rétinoïdes, le même effort en épidémio-cancérologie
que celui qui a été réalisé, il y a 25 ans pour la PUVAthérapie.
Les UVB peuvent être utilisés de deux façons. Soit les UVB
à large spectre, les moins efficaces ou la Photothérapie
avec des UVB à spectre étroit, centrés sur 311 nanomètres
et disponible grâce aux tubes Philips TL01. Cette dernière
photothérapie à spectre étroit a tendance à se développer
du fait de son efficacité proche de celle de la PUVAthérapie.
Le 8 méthoxypsoralène peut être remplacé, si le patient
souffre de nausées, par le 5 méthoxypsoralène (psoraderm V). La dose est alors de 1,2 mg/kg et la prise des
comprimés se fait trois heures avant le traitement. En
dehors de la diminution des nausées observées avec le
5 méthoxypsoralène, les deux médicaments 8 MOP et
5 MOP ont les mêmes effets secondaires aigus et chroniques.
Le but de la montée des doses est d’avoir toujours la
même dose d’UVA au niveau de la couche basale de
l’épiderme, quelque soit l’épaississement de la couche
cornée et le bronzage induits par le traitement. Une cure
de PUVAthérapie est de trois séances par semaine pendant deux mois, puis d’une séance par semaine pendant
un ou deux mois. Il est essentiel de ne pas faire de traitements chroniques pour limiter la toxicité cumulative
chronique de ce traitement. La PUVAthérapie dans le psoriasis est donc uniquement un traitement d’attaque. Des
rémissions prolongées supérieures à un an après la cure
sont observées chez 30 % des patients et le blanchiment
est obtenu chez 70 % des patients.
- Les effets secondaires :
La PUVAthérapie peut provoquer des effets secondaires
aigus ou chroniques.
Les effets secondaires aigus sont des accidents phototoxiques, survenant deux à trois jours après une irradiation
excessive. Cet accident photo toxique n’a donc rien à voir
avec le coup de soleil. Il est beaucoup plus tardif et beaucoup plus durable. A côté de ces accidents phototoxiques,
Psoriasis généralisé.
La PUVAthérapie
La photo activation dans la peau des psoralènes (P) par les
UVA (PUVA) a été un progrès thérapeutique majeur pour
un grand nombre de dermatoses étendues chroniques et
en particulier pour le psoriasis.
Les protocoles de PUVAthérapie sont différents pour
chaque dermatose traitée. Dans le cas du psoriasis, le
protocole de base est parfaitement standardisé: si on utilise
le 8 méthoxypsoralène (Méladinine), il faut prendre deux
heures avant les séances la quantité de Méladinine
immédiatement inférieure à la dose de 0,7 mg/kg, en
sachant que les comprimés sont de 10 mg. Les comprimés
doivent être pris avec quelques aliments pour en favoriser
l’absorption. Des lunettes filtrant les UVA doivent être
portées dès la prise des comprimés jusqu’à la nuit les
jours des séances d’irradiation. Cela est essentiel pour
prévenir l’apparition ou éviter l’aggravation rapide d’une
cataracte par photo fixation des psoralènes sur les protéines du cristallin. Les lunettes utilisées peuvent être
des lunettes de soleil à forte capacité de filtration UVA ou,
mais cela est beaucoup plus coûteux, des verres incolores
Orma UVX de chez Esilor.
18 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET
on observe parfois en cours de traitement et de façon
imprévisible, sans que cela soit relié clairement à un
surdosage, des altérations des plexus nerveux du derme
superficiel qui se traduisent par des douleurs à type
d’élancements violents extrêmement proche des douleurs
observées dans le zona. Ces douleurs peuvent atteindre
de grands territoires cutanés et sont extrêmement
pénibles et insomniantes. Ces douleurs guérissent en
règle générale en cinq semaines et nécessitent, bien sûr, un
arrêt complet du traitement. Le port de sous-vêtements
serrés pour éviter les frôlements cutanés et la codéine
peuvent être d’une grande aide. Si ce traitement est insuffisant, il faut utiliser le Rivotril en commençant par une
goutte le soir et en augmentant très progressivement
jusqu’à une dose maximale de 5 gouttes en fonction de
la tolérance et de l’efficacité. Les antalgiques majeurs
peuvent quelquefois être nécessaires.
Les effets secondaires chroniques sont un vieillissement
cutané accéléré en particulier au niveau du visage. Il est
essentiel pendant le passage en cabine de protéger le
visage avec un linge et de prescrire dès la prise des comprimés, l’application d’ écrans de protection UVA/UVB
d’indices élevés pour éviter la phototoxicité supplémentaire
provoquée par les UVA naturels au niveau du visage. Les
effets secondaires chroniques les plus sévères sont les
cancers spinocellulaires cutanés en particulier, chez les
sujets ayant déjà été traités de façon chronique par les
UVB, par le Méthotrexate, ou par l’Arsenic. Le risque est,
bien sûr, encore augmenté chez les patients ayant déjà eu
un baso ou un spinocellulaire. Il faut noter que ce risque
carcinogène est particulièrement important au niveau
des régions génitales masculines et qu’il est donc de règle
de les protéger par un vêtement pendant les séances.
La toxicité cumulative liée au caractère photomutagène
et photocarcinogène des psoralènes photoactivés fait que la
PUVAthérapie ne peut être utilisée que de façon limitée
au cours de la vie. Il ne faut donc pas dépasser pour une
peau de type 1 une dose cumulative de 1000 joules, pour
une peau de type 3, 1500 joules, et pour une peau de type
4 ou 5, 2000 joules.
Ces données sont approximatives et des tests devraient
bientôt être disponibles pour permettre d’évaluer quantitativement à quel point la PUVAthérapie a perturbé les
capacités de réparations de l’ADN des cellules cutanées.
Enfin l’apparition de lentigines doit faire arrêter définitivement la PUVAthérapie bien que l’on ne connaisse pas
le risque associé à cette apparition.
Contrairement aux UVB, la PUVAthérapie doit donc être
réservée à un traitement de crise ou à un traitement
général de première intention chez un patient n’ayant eu
jusqu’à présent qu’un traitement local. La PUVAthérapie
a d’autant plus de chance d’être efficace que le soleil
lui-même est efficace. Les patients rapidement blanchis
par PUVAthérapie (avant 18 séances) ont plus de chance
d’avoir une rémission prolongée que les patients relativement résistants au traitement. C’est dire l’importance
d’une bonne stratégie thérapeutique, les erreurs les plus
fréquentes étant une dose insuffisante de Méladinine et
une montée trop timide des irradiations dans l’espoir
louable d’éviter les effets secondaires, mais avec comme
conséquence un échappement au traitement lié au bronzage et à l’épaississement de la couche cornée.
Comment diminuer les effets secondaires
de la PUVAthérapie ?
Plusieurs progrès majeurs ont permis de diminuer les
effets secondaires de la PUVAthérapie.
- La balnéo-PUVAthérapie
Avec cette technique, au lieu d’ingérer les psoralènes, le
patient prend un bain dans de l’eau à 37°C, contenant
une solution de 8 méthoxypsoralène.
Après dix minutes dans ce bain, la concentration de psoralène est la même dans la baignoire et dans l’épiderme
avec une quasi-absence de passage systémique. Le visage et
les yeux ne contiennent aucune molécule de psoralène.
Par contre, la photomutagenèse au niveau épidermique
reste la même et les risques carcinogènes identiques.
- Les associations thérapeutiques.
Différentes associations thérapeutiques permettent
d’augmenter l’efficacité de la PUVAthérapie et donc de
diminuer le nombre de séances de façon tout à fait significative. La première technique est la prise de rétinoïdes
par voie orale, à une dose inférieure à 1/2 mg/j/kg. Ce
traitement est commencé quinze jours avant la PUVAthérapie. Une fois le patient blanchi et la PUVAthérapie arrêtée,
certains arrêtent les rétinoïdes, mais bien souvent leur
poursuite se justifie pour retarder les rechutes.
D’autres traitements peuvent potentialiser l’efficacité de
la PUVAthérapie. On les utilise tous les soirs et jamais
directement avant la séance. Il s’agit des dérivés de la
vitamine D et des rétinoïdes locaux, en particulier pour
accélérer le blanchiment de zones bastions.
Les rétinoïdes
Lorsque le psoriasis nécessite un traitement systémique,
l’acitrétine et l’étrétinate sont les traitements de fond par
excellence. Ils sont malheureusement contre-indiqués chez
la femme fertile, du fait de la nécessité d’une contraception pendant toute la durée du traitement, mais également dans les deux ans suivant l’arrêt du traitement.
Les rétinoïdes utilisés par voie générale sont l’étrétinate
(Tigason®) et l’acitrétine (Soriatane®). L’acitrétine est le
métabolique principal de l’étrétinate. L’étrétinate et
l’acitrétine ont le même profil thérapeutique dans les premiers mois du traitement, mais n’ont pas les mêmes
effets secondaires au long cours. De plus, certains
patients sont plus sensibles à l’une ou l’autre molécule. Il
est donc particulièrement dommageable que ces deux
molécules ne restent pas disponibles pour les patients
dans tous les pays.
L’efficacité des rétinoïdes se manifeste lentement alors que
leurs effets secondaires apparaissent, pour une dose donnée, dans les quinze premiers jours du traitement. Lorsque
la dose est diminuée du fait des effets secondaires, ces derniers disparaissent dans les quinze jours suivant la modification de la dose. Les études thérapeutiques ont montré
que la dose maxima bien tolérée par un patient était, pour
ce patient, la dose la plus efficace. En effet, avec un traitement d’attaque proche du mg/kg/j, le taux de blanchiment
(PASI 95%) est de 25%, alors qu’avec un début à faible dose
et l’augmentation progressive vers la dose maxima bien
tolérée, le taux de blanchiment est de 40%.
Les rétinoïdes sont donc la seule famille de médicaments
existant actuellement dans la pharmacopée dont la posologie est choisie en fonction non pas de l’efficacité mais
19 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET
de la tolérance et donc de la qualité de vie du patient. Les
effets secondaires sont en effet essentiellement bénins
mais parfois très inconfortables du fait de la fragilisation des
épithéliums et des phanères provoquée par ces molécules.
Les règles de prescription sont donc particulièrement
simples. On commence habituellement à 10 mg/j en
mangeant, puis les doses sont augmentées par paliers de
5 ou 10 mg tous les quinze jours ou tous les mois, jusqu’à
trouver la dose maxima tolérée, c’est-à-dire le plus souvent
la dose entraînant une chéilite supportable. Si cette dose
est dépassée, le patient diminue la posologie jusqu’à
retrouver la dose maxima bien tolérée. L’efficacité est
jugée sur l’amélioration cutanée observée trois mois après
avoir atteint la dose maxima parfaitement bien tolérée.
Il faut savoir que pour chaque patient l’activité des rétinoïdes passe par trois phases en fonction de la dose : à
très faibles doses ils n’ont pas d’efficacité thérapeutique,
puis on atteint la dose d’efficacité thérapeutique si elle
existe. Si on dépasse cette dose, les rétinoïdes peuvent
fragiliser la peau au point d’entraîner une aggravation
du psoriasis par un phénomène de Koebner. La fenêtre
thérapeutique entre inefficacité et intolérance peut se situer
à 5 mg près. Il est toujours possible avec les rétinoïdes, du
fait de leur longue demi-vie, d’ajuster le traitement 5 mg
par 5mg, en variant le nombre de comprimés pris les
jours pairs et les jours impairs, par exemple.
Les rétinoïdes peuvent provoquer de violents maux de
tête, une tristesse, voire une dépression, une diminution
de la libido.
La surveillance biologique
La surveillance biologique est tout à fait simple puisqu’il
suffit de faire un dosage des transaminases, du cholestérol
et des triglycérides avant le traitement, au bout d’un mois
de traitement puis tous les trois mois. L’acitrétine a tendance à augmenter plus souvent les triglycérides alors
que l’étrétinate augmente plus souvent le cholestérol.
Les troubles lipidiques sont d’autant plus fréquents que le
patient est obèse, diabétique ou abuse de l’alcool. Seule
une augmentation importante des triglycérides est une
contre-indication à commencer le traitement. Par contre,
une augmentation modérée des triglycérides ou une
hypercholestérolémie incitent simplement à surveiller tous
les mois le bilan lipidique et à insister auprès du patient
pour la mise en place d’un régime. En cas d’augmentation
progressive du cholestérol, la décision sera fonction du
résultat thérapeutique : régime seul, hypolipémiant ou
arrêt des rétinoïdes.
L’acitrétine n’est qu’exceptionnellement hépato-toxique,
mais peut provoquer, assez souvent, en particulier chez les
patients obèses ou abusant d’alcool, une augmentation
des transaminases à deux ou trois fois la normale. Dans
ces situations, il est important de renforcer la surveillance
biologique (surveillance mensuelle), de demander aux
patients de supprimer l’alcool et l’excès de sucre, de faire
un régime pour maigrir
La surveillance osseuse
Cette surveillance se pose dans deux contextes différents :
chez l’enfant et chez l’adulte. Chez l’enfant les rétinoïdes
sont remarquablement efficaces, mais le traitement doit
toujours être surveillé en collaboration avec le médecin
généraliste ou le pédiatre, pour être certain qu’il n’existe
pas d’altération de la courbe de croissance. Chez l’adulte, le
risque est celui de calcification des insertions tendineuses.
La présence d’hyperostoses est plus fréquente chez les
psoriasiques que chez les sujets normaux, mais il est
certain que chez certains sujets, les rétinoïdes peuvent
favoriser le développement d’hyperostoses parfois spectaculaires. La surveillance systématique semble d’un très
mauvais rapport coût/bénéfice. Par contre, dans les
traitements prolongés au-delà de cinq ans ou en cas
d’apparition de calcifications douloureuses (épine calcanéénne, par exemple), il semble légitime de pratiquer une
scintigraphie osseuse et des radios dirigées sur les zones
éventuelles d’hyper fixation. En cas d’hyperostose, il est
alors possible d’en surveiller tous les deux ou trois ans
l’évolution. L’indication à arrêter alors les rétinoïdes est
très discutée et doit être envisagée cas par cas en fonction
du bénéfice thérapeutique observé par le patient. Certains
patients présentant des hyperostoses non douloureuses,
clairement reliées au traitement, refusent de l’arrêter du
fait du bénéfice thérapeutique observé.
De rares patients sont sous rétinoïdes depuis plus de 20 ans
maintenant, et se pose le problème des effets secondaires
potentiels au très long cours. La vigilance reste essentielle
pour ces patients. Certains d’entre eux présentent une
atrophie du derme, mais difficile à interpréter car ces
patients utilisent également de temps à autre un peu de
corticothérapie locale. Ces observations ont amené à la
réalisation d’une étude faite sur cinq ans, à la recherche
de l’apparition d’une ostéoporose sous traitement par les
rétinoïdes. Sur cette durée, aucune variation significative
n’a été observée. Pour les traitements au très long cours,
dépassant vingt ans, mon attitude est de faire une densitométrie osseuse afin de vérifier que cette dernière est
dans la normale, en fonction de l’âge du patient.
Les fortes doses
Les rétinoïdes peuvent se donner à fortes doses, proches
d’1 mg/kg/j dans deux circonstances :
• La première est le psoriasis pustuleux. Dans cette
indication, l’acitrétine ou l’étrétinate peuvent être
remplacés par l’acide 13cis rétinoïque (Roaccutane)
chez la femme voulant envisager une grossesse.
En effet, l’effet anti-inflammatoire recherché :
l’inhibition de la migration des polynucléaires
neutrophiles, est le même avec l’acide 13cis
rétinoïque qu’avec l’acitrétine. Dès que la poussée
est contrôlée (7 à 10 jours) on baisse les doses à
25 g/j le plus souvent.
• La seconde est le rhumatisme psoriasique.
Les rétinoïdes à fortes doses, proches d’1 mg/kg/j,
entraînent une amélioration fonctionnelle dans
environ 2/3 des cas, au prix d’effets secondaires
cutanés ou muqueux importants. Le rapport
efficacité/effet secondaire du Méthotrexate est
en général plus favorable dans cette indication
qui reste donc exceptionnelle.
L’enfant
Chez l’enfant, les rétinoïdes ne doivent pas être donnés à
une dose supérieure à 1/2 mg/kg/j, et entraînent plus
souvent que chez l’adulte un œdème cérébral avec cépha-
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lées et troubles du caractère qui doivent amener à arrêter
le traitement, à ne le reprendre qu’à des doses beaucoup
plus faibles ou à le contre-indiquer.
L’érythrodermie
Dans l’érythrodermie psoriasique, les rétinoïdes peuvent
être un bon traitement, mais uniquement à très faibles
doses, 10 ou maximum 20 mg par jour sous peine de
risquer de provoquer une érythrodermie suintante pouvant
mettre en jeu le pronostic vital.
Les traitements associés
Les rétinoïdes s’associent avec bonheur à tous les traitements locaux, mais augmentent le caractère irritant de
certains d’entre eux (dérivé de la vitamine D et bien
sûr rétinoïdes locaux). Ils potentialisent l’efficacité de la
Photothérapie et sont de plus en plus utilisés en conjonction avec les UVB à large spectre ou les UVB TL01. Ils
peuvent être associés au Méthotrexate au prix d’une
surveillance hebdomadaire ou bi-mensuelle du bilan
hépatique. L’intérêt de leur association à la Ciclosporine
n’a jamais été clairement montré.
Les rétinoïdes sont contre-indiqués avec les tétracyclines,
cette association risquant d’entraîner un œdème cérébral.
Les rétinoïdes sont le type même du traitement
d’entretien au très long cours du psoriasis chez les
patients chez lesquels ils sont efficaces. Leur efficacité
est maximum après un an de traitement. Il est donc souvent nécessaire de les associer au départ avec un traitement d’attaque permettant d’améliorer plus rapidement
l’état du patient.
Le Méthotrexate
Le Méthotrexate reste le traitement de référence des psoriasis étendus sévères ou associés à une atteinte articulaire.
Le bilan avant traitement
Le bilan avant traitement est bien codifié : il faut d’abord
faire un examen clinique général et un bilan biologique.
Ce dernier doit comporter une NFS, plaquettes pour
s’assurer de l’absence d’anomalie hématologique et surtout
de l’absence de macrocytose. Il faut un dosage de la créatininémie pour s’assurer qu’il n’existe pas d’insuffisance
rénale, et un bilan hépatique pour vérifier l’absence
d’hépatopathie, ainsi que d'hépatite B. et C. Il faut mettre
en place, chez la femme, une contraception qui durera
pendant tout le traitement et pendant les trois mois qui
suivent son arrêt. L'utilité d'une contraception chez
l'homme reste discutée.
La prescription
La première prise de Méthotrexate sera de 5 mg pour éviter tout phénomène d’intolérance (ulcérations buccales
en particulier) ou d’idiosyncrasie, puis se poursuivra une
fois par semaine, un jour précis choisi avec le malade et
noté sur l’ordonnance, à une dose située entre 20 et 25 mg.
Pour améliorer la tolérance du Méthotrexate un ou deux
comprimés de Spéciafoldine seront pris tous les soirs, sauf
le jour de la prise du médicament. Pour éviter au maximum les erreurs thérapeutiques, et pour commencer le
traitement dans les meilleures conditions de bio-disponi-
bilité, il est préférable de commencer le traitement en
injection intramusculaire ou sous-cutané pendant les trois
ou six premiers mois. Lorsqu’on est certain de ce que le
malade est bien éduqué et de ce que le traitement est efficace, il est, bien sûr, beaucoup plus confortable de passer
des injections intramusculaires à la prise de comprimés
(Novatrex®). Les comprimés sont souvent ingérés en trois
prises, une fois par semaine, soit, par exemple, le vendredi soir à 20H, le samedi matin à 8H et le samedi soir
à 20H. Il est tout à fait possible de donner la dose hebdomadaire en deux prises. La prise de la dose hebdomadaire en une fois augmente le risque de troubles digestifs et
risque de banaliser le traitement et de rendre
l’observance moins rigoureuse.
Avec le Méthotrexate, il faut éviter un certain nombre de
médicaments qui doivent être indiqués sur l’ordonnance.
Ce sont le Bactrim, le Probénécide, les fortes doses
d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Lorsque les patients prennent des doses filées d’aspirine
ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens pour un rhumatisme psoriasique par exemple, il est bien sûr tout à fait
possible de commencer normalement le traitement par
le Méthotrexate.
La surveillance
La surveillance est également très simple. Il suffit de faire
une NFS, plaquettes toutes les semaines pendant deux
mois puis tous les mois et un dosage des transaminases
tous les mois.
Le problème majeur de la surveillance est la ponctionbiopsie hépatique, examen grévé d’une morbidité et
d’une mortalité non négligeable. La règle était de faire
une ponction-biopsie hépatique chaque fois qu’une dose
cumulative de 1,50 g de Méthotrexate a été dépassée. Les
hépatologues français considèrent que cette stratégie est
excessive et fait courir aux patients des risques inutiles.
Ils considèrent également que le Méthotrexate comporte
peu de risques hépatiques chez les patients n’ayant pas
d’hépatopathie évolutive et n’abusant pas d’alcool. Il est
donc important de travailler avec une équipe
d’hépatologues entraînés à la surveillance de ce médicament
Une série d’études anglaises suggèrent que le risque de
voir apparaître sous Méthotrexate une fibrose hépatique
est extrêmement faible sinon nul chez les patients chez
lesquels le taux de Procollagène III sérique est normal et
reste normal lors d’une surveillance faite systématiquement
tous les trois mois. En fait la mise au point d’une méthode
non invasive d’évaluer la fibrose : le Fibroscan, rend ce
dosage couteux et les ponctions biopsies hépatiques
inutiles. Ces dernières ne seront prescrites par les hépatologues que dans de rare cas où l’on souhaite poursuivre le
methotrexate malgré une cytolyse hépatique importante.
La Toxicité pulmonaire du Méthotrexate se pose dans
deux contextes différents :
a) La première est un syndrome d’hypersensibilité
avec fièvre à 39-40°C, toux, dyspnée, apparition d’une
grande éosinophilie et d’un infiltrat pulmonaire non systématisé. Il faut bien sûr arrêter d’urgence le traitement
et ne jamais le reprendre. Cet accident est exceptionnel.
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b) Le second problème est celui des fibroses pulmonaires sous Méthotrexate. Après plus de 40 ans d’utilisation
en Dermatologie, sans que cet effet secondaire ait été
noté, ce sont nos collègues rhumatologues qui, deux ou
trois ans après le début de l’utilisation du Méthotrexate
dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, ont noté
l’apparition de fibrose pulmonaire chez quelques
patients. Cela illustre le fait que les effets secondaires d’un
médicament ne sont pas les mêmes suivant la pathologie
traitée. Cela incite également les dermatologues à être
attentifs devant la survenue d’une dyspnée chez un psoriasique, car même si cet effet secondaire est exceptionnel
dans le traitement du psoriasis, il faut cependant le
prendre en compte.
Les traitements associés
Le Méthotrexate peut être associé à tous les traitements
locaux. Si on l’associe à la photothérapie, il faut faire
l’injection de Méthotrexate le vendredi soir après la dernière séance, pour que le Méthotrexate soit éliminé avant
la séance du lundi. Le Méthotrexate en effet n’est pas
photo sensibilisant, mais phototransformé en un photoproduit hautement photosensibilisant. Le Méthotrexate peut
être associé aux rétinoïdes, en resserrant la surveillance
hépatique et à la Ciclosporine dans des cas exceptionnels.
La Ciclosporine
La Ciclosporine a d’abord été testée dans le psoriasis chez
des patients résistants à tous les autres traitements. Dans
ces conditions, il s’agissait d’un traitement chronique au
long cours et l’on voyait apparaître régulièrement, surtout
au delà de un an de traitement, une diminution de la
filtration glomérulaire, souvent mais non constamment
associée à une augmentation de la créatininémie, aboutissant à une fibrose rénale et pouvant donc amener à
une insuffisance rénale non réversible De même, les
hypertensions apparaissant parfois sous Ciclosporine ne
sont pas toujours réversibles à l’arrêt du traitement. Ceci a
amené dans un premier temps, à restreindre les indications de ce médicament puisqu’il ne pouvait résoudre des
situations difficiles que pendant un temps limité, puis, dans
un second temps, à un changement complet d’attitude vers
l’évaluation de traitements de courte durée avec l’espoir
d’éviter les effets toxiques cumulatifs.
Le bilan avant traitement
Le bilan avant le traitement par la Ciclosporine est bien
standardisé. Il faut :
- un examen clinique complet pour être certain qu’il
n’y a aucune maladie évolutive,
- une NFS et un bilan inflammatoire pour être certain
qu’il n’y a pas d’anomalie biologique majeure,
- un dosage de la créatininémie trois jours de suite
pour avoir la créatininémie de base qui permettra
d’ajuster les doses du traitement, en fonction de la
tolérance rénale,
- un bilan lipidique, car la Ciclosporine peut induire
dans les premiers mois du traitement une hypertriglycéridémie,
- un bilan gynécologique chez la femme pour s’assurer
de l’absence de lésion à papilloma virus du col utérin,
qui pourrait être aggravée par l’immunosuppression
entraînée par la Ciclosporine,
- un examen dentaire pour vérifier l’absence de paraondotopathie, qui doit être soignée avant traitement
pour diminuer le risque d’hypertrophie gingivale
déclenchée par la Ciclosporine.
La tolérance du traitement peut être en partie prévue à
l’avance, puisque les arrêts de traitement pour effets
secondaires sont d’autant plus fréquents que l’âge est
avancé, que le patient est obèse et que la tension diastolique est élevée, même dans les limites de la normale. Un
avantage majeur de la Ciclosporine est qu’elle ne nécessite
pas de contraception chez la femme et que toutes les
grossesses sous Ciclosporine se sont déroulées sans problème fœtal. Le profil idéal pour bénéficier de la Ciclosporine
est donc d’être une femme jeune, mince et hypotendue.
La surveillance
La surveillance est simple. Il faut faire tous les mois un
dosage de la créatininémie et une mesure de la tension
artérielle. Si la créatininémie a augmenté de plus de 30 %
par rapport, non pas à la normale, mais par rapport à la
valeur de base du patient, il faut baisser les doses de
Ciclosporine. En cas de doute et étant donné la grande
variabilité des dosages de la créatininémie, il est raisonnable de refaire un dosage avant de modifier un traitement
efficace.
Chaque fois que la durée cumulative du traitement par la
Ciclosporine a atteint un an, il faut faire une mesure de
la filtration glomérulaire, ce qui donne une totale sécurité
sur la tolérance rénale. C’est un examen peu coûteux et
non invasif.
Stratégie d’utilisation
Du fait de sa toxicité rénale dans les traitements prolongés,
l’idée est venue d’utiliser la Ciclosporine en cure courte
de trois à cinq mois, soit comme traitement d’attaque soit
pour passer un cap, soit pour donner à un traitement
d’entretien prescrit en relais le temps d’agir. Certains
patients utilisent donc la Ciclosporine quatre ou cinq
mois chaque année, par exemple pour passer un été dans
des conditions de vie sociale normale.
Cette nouvelle approche thérapeutique a amené à proposer
la Ciclosporine comme traitement systémique de première
intention. Dans ces conditions, il a été observé que 30 %
des patients restaient blanchis six mois après l’arrêt d’une
courte cure de Ciclosporine. Ces constatations ont profondément modifié l’utilisation de ce médicament vers
des sujets plus jeunes, des cures courtes et des malades
moins résistants.
Traitements associés
Pour potentialiser les effets de la Ciclosporine, les traitements locaux et en particulier les dérivés de la vitamine D
semblent particulièrement intéressants. L’association avec
la photothérapie est contre-indiquée, du fait du rôle
immunosuppresseur de la Ciclosporine qui peut favoriser
le développement de carcinomes spinocellulaires.
L’apparition brutale de multiples carcinomes spinocellulaires a été observée sous ciclosporine chez de rares
patients ayant eu de longues cures de PUVAthérapie
auparavant. Des antécédents de PUVAthérapie intensive
et prolongée sont donc une contre-indication à
l’utilisation de la Ciclosporine. La Ciclosporine peut être
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associée aux rétinoïdes sans que cette association ait pour
l’instant été bien étudiée. La stratégie la plus intéressante
est sans doute que les rétinoïdes soient pris en relais de
la Ciclosporine pour diminuer la rapidité et l’intensité
d’une rechute à l’arrêt de ce traitement d’attaque.
L’association Ciclosporine et Méthotrexate est possible,
mais reste exceptionnelle.
LES TRAITEMENTS DITS BIOLOGIQUES
La seule caractéristique réunissant les traitements dits
biologiques et que ce sont des molécules protéiques obtenues par génie génétique.
La stratégie de développement de ces molécules consiste
à bloquer une cascade d'activation moléculaire que l'on
pense importante dans la physiopathologie du psoriasis.
Nous disposons actuellement de deux grandes familles de
molécules : l'une inhibe la migration et l'activation lymphocytaire dans la peau, l'autre s'oppose à l'action du
TNF alpha.
Ces molécules ont une activité comparable à celle des
traitements systémiques classiques du psoriasis. Elles portent l'espoir d'une absence de toxicité d'un organe. Elles
sont donc indiquées chez des patients résistants, intolérants
ou souffrant de contre-indication à l'utilisation des traitements systémiques classiques du psoriasis. Le nombre de
ces patients est évalué à environ 9 % de la population
générale des psoriasiques. De ce fait ces traitements dits
biologiques représentent un progrès thérapeutique majeur.
Les inhibiteurs de l'activation lymphocytaire
Le Raptiva ou efalizumab
Le Raptiva est une protéine dirigée contre le CD11a molécule impliquée dans la migration des lymphocytes T hors
de capillaires et dans leur activation intra tissulaire.
Il soulage environ la moitié des patients traités et permet
d’obtenir dans un petit nombre de cas une disparition
totale des lésions. Il n’a pas d’efficacité dans le rhumatisme
psoriasique. Il n’est pas indiqué non plus dans les psoriasis
très inflammatoire éruptif ou pustuleux. Chez certains
patients il a un effet positif sur l’humeur qui peut beaucoup
s’améliorer, ce qui est toujours précieux dans une maladie
chronique comme le psoriasis.
Raptiva lorsqu’il y a eu un cancer dans les 5 dernières
années. Cette précaution peut ne pas être suivie lorsqu’on
a vraiment besoin du médicament.
En France la prescription initiale est faite à l’hôpital et
renouvelée éventuellement à l’hôpital tous les 6 mois.
Entre temps le médicament est renouvelé par le dermatologue traitant.
Bilan avant traitement
C’est essentiellement un bilan clinique, une NFS plaquettes
et un bilan hépatique.
Surveillance sous traitement
On dose les plaquettes sanguines tous les mois pendant
3 mois, puis tous les 3 mois et en cas de maladie hépatique
on surveille les enzymes hépatiques tous les mois.
Interactions médicamenteuses
Elles ne sont pas connues.
En cas de vaccination, on peut se vacciner tout à fait
normalement sauf avec les vaccins vivants atténués
pour lesquels il faudra interrompre temporairement le
traitement.
Effets secondaires
On peut observer quelquefois des maux de tête, de la fièvre,
des frissons, des nausées, des douleurs musculaires, un
petit peu comme si on avait la grippe et ce durant les premières injections uniquement. Il peut y avoir quelquefois
une irritation aux points d’injections. On observe une
hyper lymphocytose sanguine, c’est le reflet du mécanisme
d’action du médicament.
Les études cliniques ont permis en outre d’identifier et
d’apprendre à gérer un certain nombre de réactions cutanées apparues au cours ou à la suite d’un traitement
par efalizumab. Chronologiquement on distingue deux
catégories de réactions, celles survenant durant le traitement et celles survenant après l’arrêt du traitement. Ces
réactions sont différentes chez les répondeurs et les non
répondeurs.
Méthode d’utilisation
Une injection sous cutanée toutes les semaines, la première injection se fait à la dose de 0,7 mg/kg et les injections
suivantes à la dose de 1 mg/kg.
On continue le traitement pendant 3 mois. Au bout de
3 mois s’il n’y a pas d’amélioration on arrête le traitement
et on prend le relais par un autre traitement. Si le psoriasis
s’aggrave on arrête d’urgence et on prend le relais par un
autre traitement. Si le psoriasis va mieux on continue le
traitement jusqu’au 6e mois. Au bout de 6 mois on arrête
le traitement et on surveille la peau. En cas de début de
rechute on reprend aussitôt le Raptiva pour éviter qu’il y ait
un rebond c'est-à-dire une rechute avec une aggravation
importante du psoriasis.
I/ Chez les répondeurs
A/ Durant le traitement, deux types de réactions cutanées ont
été décrites :
• Une éruption paradoxale transitoire, localisée sur
des zones initialement non atteintes alors que les
lésions préexistantes continuent d’évoluer favorablement.
• Une éruption papuleuse localisée se manifestant par
des papules inflammatoires de 2 à 4 mm de diamètre,
en général sur les plis, la nuque et le tronc, survient
4 à 8 semaines après le début du traitement. Cette
éruption est estimée survenir chez environ un quart à
un tiers des patients répondeurs. Histologiquement,
les lésions biopsiées révélaient l’aspect d’une réaction à polynucléaires dermo- épidermique.
Ces deux types de réaction disparaissent spontanément
avec la poursuite du traitement. On peut s’aider bien sûr
d’un traitement topique associé.
B/ Après l’arrêt du traitement :
Par ailleurs par précaution on évite le Raptiva pendant la
grossesse et toujours par précaution, on ne donne pas le
Après arrêt du traitement, chez les patients ayant répondu
au traitement (répondeurs : au moins 75% d’amélioration
23 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET
du score PASI, répondeurs partiels : entre 50 et 75 %
d’amélioration du score PASI), un effet rebond (= rechute
avec un score PASI de plus de 25% par rapport au score
PASI initial) est observé chez 6.65 % des patients. Pour
éviter ce rebond il suffit de reprendre d’urgence le traitement selon le schéma thérapeutique initial.
II/ Chez les non répondeurs
Une éruption inflammatoire généralisée, constituée de
lésions étendues, érythémateuses parfois œdémateuses
ou pustuleuses peut survenir chez 1 % à 3 % des patients
le plus souvent entre la 6e et la 10e semaine de traitement.
La conduite à tenir est : contrôler cette poussée par un
dermocorticoïde fort, arrêter efalizumab et envisager le
relais rapide par un autre traitement systémique.
Après l’arrêt du traitement par efalizumab, des cas
d’aggravation du psoriasis par rapport à l’état initial sont
survenus (25%). Ainsi, chez ces patients non répondeurs, à
l’arrêt d’efalizumab, il faut mettre en place une surveillance
étroite et prendre le relais par un autre traitement d’action
rapide (traitement systémique et/ou dermocorticoïde de
classe I ou II).
Plus rarement on voit le psoriasis s’aggraver à partir de la
4e semaine de traitement, dans ce cas là il faut changer
très rapidement de traitement. Il peut y avoir pendant les
premières semaines du traitement des éruptions cutanées
qui ne sont pas du psoriasis et qui seront facilement
contrôlées par un traitement local, ou disparaîtront spontanément.
Les inhibiteurs du TNF alpha.
Ils inhibent l’action du TNF circulant (Enbrel) ou circulant et membranaire (Remicade et Humira). Ils ont en
commun de favoriser les infections, en particulier à germes
intra cellulaires (Tuberculose , mycobactéries atypiques..)
et ce d’autant plus qu’ils sont plus efficaces. Ils sont tous
contrindiqués en cas de maladie auto-immune, de maladie
démyélinisantes et d’insuffisance cardiaque sévère. Par
précaution on ne les autorise pas en cas de grossesse et
d’antécédents de cancers depuis moins de 5 ans.
Enbrel (etanercept)
L’Enbrel est une protéine de synthèse qui inactive le
TNFα circulant humain. Elle est efficace dans le psoriasis
cutané et dans le psoriasis articulaire. L’efficacité se
manifeste entre 1 et 3 mois. Environ 50 % des patients en
tirent un bénéfice important.
Méthode d’utilisation
L’Enbrel est prescrit en injections sous cutanées 2 fois par
semaine. La dose classique est 25 mg en sous cutanée 2 fois
par semaine, mais très souvent dans le psoriasis on sera
forcé de commencer à 50 mg 2 fois par semaine pendant
les 3 premiers mois puis de passer après cela, lorsque la
peau est bien améliorée, à une injection sous cutanée à
25 mg 2 fois par semaine. La durée d’une cure est de 6 mois.
Au bout de 6 mois on arrête le traitement. Il n’y a pas de
rebond on peut donc observer tranquillement la situation.
Le psoriasis a tendance à rechuter en 3 mois en moyenne.
Lorsque le patient est de nouveau gêné on reprend l’Enbrel,
cette fois-ci à 25 mg 2 fois par semaine. Les cures se répètent ainsi tous les 6 mois.
Par précaution de principe on ne prescrit pas l’Enbrel
chez la femme enceinte, ni lorsqu’il y a eu un cancer
dans les 5 ans qui ont précédé.
En France la prescription initiale est faite à l’hôpital et
renouvelée éventuellement à l’hôpital tous les 6 mois.
Entre temps le médicament est renouvelé par votre
dermatologue traitant.
Bilan avant traitement
On recherche avant tout un foyer infectieux chronique
sinusien, dentaire, gynécologique, ou les signes d’une
tuberculose ancienne non traitée qui serait passée inaperçue: calcifications pulmonaires, intra-dermo réaction à la
tuberculine fortement positive. En cas de doute sur une
tuberculose ancienne, un traitement anti-tuberculeux
sera donné trois semaines avant le traitement par
l’Enbrel.
Surveillance sous traitement
Elle est extrêmement simple, uniquement clinique, et au
cours d’une consultation mensuelle où on évalue le bénéfice thérapeutique, la commodité du traitement et
l’absence de réveil d’un foyer infectieux endormi. Il n’y a
pas d’examen de sang systématique à faire.
Interactions médicamenteuses
Elles ne sont pas connues.
En cas de vaccination, on peut se vacciner tout à fait
normalement sauf avec les vaccins vivants atténués pour
lesquels il faudra interrompre temporairement le traitement.
Effets secondaires et données pratiques
On peut observer différents effets secondaires avec l’Enbrel
mais qui sont modestes. Des réactions d’irritations aux
points d’injections pendant le premier mois du traitement
et surtout des infections. La préoccupation principale est
de détecter le plus précocement possible un épisode
infectieux.
En cas d’intervention chirurgicale comportant un risque
infectieux, on arrête l’Enbrel avant l’acte chirurgical et on
le reprend lorsque la cicatrisation est achevée.
Remicade (Infliximab)
Le Remicade est une protéine qui se fixe à la fois sur le
TNF circulant et sur le TNF fixé à la surface des cellules
et inactive donc le TNF dans toutes ses localisations. C’est
une molécule partiellement humanisée et qui stimule donc
la production d’anticorps anti Remicade qui diminuent,
parfois rapidement, son efficacité. Comme tous les inhibiteurs du TNF son risque principal est lié au réveil d’une
infection chronique et en particulier d’une tuberculose
latente. Sa surveillance sous traitement sera également
centrée essentiellement sur le risque de voir réapparaître
une infection endormie. Le Remicade est efficace sur la
peau et sur les articulations. Son efficacité est importante
puisqu’il soulage en quelques semaines 80 à 85% des
patients
24 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET
Méthode d’utilisation
Le Remicade est administré en perfusion intraveineuse
lente. La dose est de 5 mg par kilo et par perfusion. Les
perfusions sont réalisées à la semaine zéro, à la semaine 2,
à la semaine 6 puis tous les deux mois. Il n'est pas utile
de pratiquer une prémédication. En cas d'effets secondaires liés à la perfusion, la première mesure à prendre
est de réduire la vitesse de la perfusion puis de l'arrêter si
la réaction persiste. La perfusion doit durer au minimum
deux heures et le patient doit être gardé en observation
pendant les deux à quatre heures suivantes pour déceler
une réaction secondaire retardée.
La prescription de methotrexate à petites doses, habituellement 10mg une fois par semaine, potentialise l'action
du Remicade et diminue la production d'anticorps anti
Remicade. En cas d'échappement au traitement, les
perfusions sont faites tous les mois. Si cela n'est pas
suffisant il faut changer de traitement.
Bilan avant traitement
il faut rechercher une contre-indication: tuberculose ancienne infection chronique (dentaire, sinusienne...) Vaccination
récente avec le divan vaccin atténué grossesses maladies
auto-immune maladie hépatique insuffisance cardiaque
sévère maladie démyélinisante
Surveillance sous traitement
Avant chaque perfusion il faut faire un bilan à la
recherche d'une infection. On recherche l'apparition
d'anticorps antinucléaires, on fait un bilan hépatique, une
radio de poumons et une numération formule sanguines
plaquettes
Les interactions médicamenteuses
Elles ne sont pas connues.
En cas de vaccination, on peut se vacciner tout à fait
normalement sauf avec les vaccins vivants atténués pour
lesquels il faudra interrompre temporairement le traitement.
Effets secondaires
Les effets secondaires observés sous Remicade sont nombreux. Des réactions désagréables pendant les perfusions
sont observées chez 15 à 20 % des patients et durant 5 %
des perfusions. Ils ne réapparaissent pas de façon systématique. Ils peuvent être graves dans1 % des cas. Le
risque infectieux principal est le risque de tuberculose.
On a également décrit des listérioses et des histoplasmoses.
Le Remicade est le plus puissant des médicaments anti
TNF. C'est également celui qui augmente le plus le risque
d'infection. Des éruptions psoriasiformes paradoxales ont
été décrites sous Remicade ainsi que l'apparition de titres
très élevés d'anticorps anti ADN, parfois associée à des
signes cliniques évoquant un lupus. Des hépatites graves
ont été provoquées par le Remicade. Enfin à une échappement aux traitements, après quelques mois, est assez
souvent observée. C'est la conséquence de la production
d'anticorps anti Remicade. Il faut alors prendre le relais
par un autre traitement. Habituellement on utilise un
autre traitement anti TNF, l'Humira ou l’Enbrel
En cas d’intervention chirurgicale comportant un
risque infectieux, on arrête le Remicade avant l’acte
chirurgical et on le reprend lorsque la cicatrisation est
achevée.
Humira (Adalimumab)
L’Humira est une protéine qui se fixeà la fois sur le TNF
circulant et sur le TNF fixé à la surface des cellules et
inactive donc le TNF dans toutes ses localisations. C’est
une molécule complètement humanisée et qui stimule
peu la production d’anticorps (diminution moyenne de
l’efficacité de 10ù tous les ans). Comme tous les inhibiteurs du TNF son risque principal est lié au réveil d’une
infection chronique et en particulier d’une tuberculose
latente. Sa surveillance sous traitement sera également
centrée essentiellement sur le risque de voir réapparaître
une infection endormie. L’Humira est efficace sur la peau et
sur les articulations. Son efficacité est importante puisqu’il
soulage environ 70 à 75 % des patients de façon tout à fait
valable.
Méthode d’utilisation
L’Humira est prescrit en injections sous cutanées. La première injection est à 80 mg, les injections suivantes à 40 mg.
Habituellement les injections se font tous les 15 jours
mais, parfois, pour avoir un résultat plus rapide sur la
peau on est amené à commencer le traitement avec une
injection chaque semaine.
Bilan avant traitement
Il s’agit de rechercher une tuberculose latente ou un foyer
infectieux chronique. Il comporte une IDR à la tuberculine,
une radio de poumons, et un bilan inflammatoire.
Surveillance sous traitement
Elle est mensuelle et repose essentiellement sur la
recherche d’une infection, uniquement par l’examen clinique. Les examens biologiques peuvent être nécessaires
en cas de suspicion.
Les interactions médicamenteuses
Elles ne sont pas connues.
En cas de vaccination, on peut se vacciner tout à fait
normalement sauf avec les vaccins vivants atténués pour
lesquels il faudra interrompre temporairement le traitement.
Effets secondaires
On peut observer différents effets secondaires avec
l’Humira mais qui sont modestes. Des réactions
d’irritations aux points d’injections pendant le premier
mois du traitement et surtout des infections. La préoccupation principale est de détecter le plus précocement
possible un épisode infectieux.
En cas d’intervention chirurgicale comportant un risque
infectieux, on arrête l’Humira avant l’acte chirurgical et
on le reprend lorsque la cicatrisation est achevée.
On connaît de mieux en milieu l'efficacité des traitements
dits biologiques. Reste à définir, pour chacun d'entre eux,
leur utilité. Beaucoup de travail reste à faire pour évaluer
l'association de traitements biologiques avec les traitements
systémiques et l'association des traitements biologiques
entre eux.
25 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET
Actuellement, dans notre expérience, la situation est la
suivante :
Si l'on se trouve devant un psoriasis chronique, relativement peu inflammatoire, ayant besoin est une nette
amélioration de la qualité de sa vie, le traitement de
choix est le Raptiva avec une efficacité du même ordre
que celle du Soriatane mais plus rapide.
Si l'on se trouve devant un psoriasis en poussée, en goutte,
inflammatoire ou arthropathique, le traitement de choix
est l’Enbrel avec une efficacité du même ordre que celle
du Soriatane mais plus rapide.
Si l'on se trouve face à une urgence, du fait de la gravité
des lésions ou du retentissement de psoriasis, le traitement de choix est le Remicade. L'efficacité sera du même
ordre que celle de la ciclosporine à 5 mg par kilo et par
jour. Il faudra souvent prévoir le relais après quelques
mois soit par l'Enbrel, soit par l’Humira.
Si l'on souhaite un traitement commode, au moins aussi
efficace que le methotrexate, comportant moins de
risques infectieux que le Remicade, et traitant de façon
très efficace la peau et les articulations, le choix sera
l’Humira.
Ces règles d'utilisation devraient être assez rapidement
modifiées par l'évaluation de l'association Raptiva / Soriatane et par celle de l'association Raptiva/Enbrel. Dès à
présent l'association de petites doses de méthotrexate
avec les anti TNF alpha semble très utile pour en potentialiser l'efficacité et empêcher la formation d'anticorps
anti Remicade ou anti Humira.
Bibliographie
Le psoriasis de la clinique au traitement.
Louis Dubertret. Editions MED’COM 2004.
Psoriasis : Sergio Chimenti, See Firenze.
Italis 2005.
26 - Kératin 2008 ; 14 : 14-26 / L. DUBERTRET
Les lasers fractionnels en 2008
SERGE MORDON
(Lille - France)
Résumé
Depuis l’introduction du concept de « Fractional photothermolysis » par l’équipe de R. Anderson en 2004, avec
le laser Fraxel de la Société Reliant, plusieurs sociétés
commercialisent aujourd’hui des machines dont le point
commun est de traiter la peau au moyen de spots lasers
régulièrement espacés.
Plusieurs longueurs d’onde sont proposées : 1,44μm (Nd :
YAG) 1,54μm (Er : Glass ou laser à fibre dopée à l’Erbium),
2,97μm (Er :YAG) et enfin 10,6μm (CO2) avec pour conséquences des interactions laser – tissu différentes dans la
mesure où la pénétration optique n’est pas similaire pour
chacune de ces longueurs d’onde. De plus le diamètre des
spots, l’espacement de ceux-ci, l’énergie mise en jeu sont
très variables d’une machine à l’autre. Enfin, l’association
d’un système de refroidissement ou non amène un paramètre supplémentaire.
La terminologie a ainsi évolué : on parle maintenant de
« Microthermal-Rejuvenation », de « fractional ablative skin
resurfacing », etc. .., et il n’est plus possible de parler d’un
mode d’action commun à ces techniques « fractionnelles ».
Certaines machines n’induisent qu’une destruction de
l’épiderme et du derme superficiel, d’autres permettent
d’obtenir une photocoagulation plus profonde du derme.
De part l’aspect ponctuel du traitement, les zones coagulées
ont généralement la forme d’un cône ou d’un cylindre.
Pour les lasers émettant à 1,44μm et 1,54μm, le stratum
corneum n’est pas éliminé lors du traitement car il contient
relativement peu d’eau. Ceci lui permet de continuer à
assurer son rôle de barrière et d’empêcher la perte d’eau
et de diminuer le risque infectieux. L’espacement laissé
entre chaque spot traité permet une réépithélialisation
rapide. Cette régénération par les kératinocytes forme
alors un épithélium organisé, pavimenteux, stratifié,
kératinisé, qui recouvre la plaie et qui reforme une barrière
protectrice contre l’environnement extérieur. Les cônes
de coagulation dans le derme sont à l’origine d’une
réponse cicatricielle avec prolifération de fibroblastes et
production d‘une nouvelle matrice extra-cellulaire avec
synthèse de collagène et d’élastine. Il semble aussi que
cette réponse s’étende à toute la zone tissulaire « affectée
thermiquement » par diffusion de chaleur à partir du
cône chauffé.
Par contre, les lasers émettant à 2,97μm et 10,6μm induisent, de part la forte absorption par l’eau, une volatilisation
superficielle avec une coagulation associée. L’utilisation de
spots espacés et non plus contigus réduit considérablement
l’éviction sociale du patient car érythème et oedème ne
sont présents que quelques jours. La persistance de peau
intacte entre spots accélère considérablement la ré-épithélisation.
La photothermolyse fractionnelle (1,44μm – 1,54μm)
proposent des bénéfices cliniques intermédiaires entre le
relissage et le remodelage, mais sans les inconvénients
connus du relissage. D’autres applications semblent avoir
été trouvées. Il s’agit en particulier du traitement des
cicatrices d’acné et chirurgicales. Le traitement du mélasma
pourrait être une application intéressante puisqu’il semble
que cette technique permette d’éliminer la mélanine du
derme. En ce qui concerne, les autres lasers Erbium-YAG
et CO2 (2,94μm – 10,6μm) proposés pour le relissage fractionnel, le recul n’est pas encore suffisant pour juger de
l’efficacité à long terme de cette technique.
Introduction
Depuis l’introduction du concept de « Fractional photothermolysis » par l’équipe de R. Anderson en 2004, avec
27 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON
le laser Fraxel de la Société Reliant, plusieurs sociétés
commercialisent aujourd’hui des machines dont le point
commun est de traiter la peau au moyen de spots lasers
régulièrement espacés (Manstein, Herron et al. 2004;
Fournier and Mordon 2005) .
Plusieurs longueurs d’onde sont proposées : 1,44μm (Nd :
YAG) 1,54μm (Er : Glass ou laser à fibre dopée à l’Erbium),
2,97μm (Er : YAG) et enfin 10,6μm (CO2) avec pour
conséquences des interactions laser – tissu différentes
dans la mesure où la pénétration optique n’est pas similaire pour chacune de ces longueurs d’onde. De plus le
diamètre des spots, l’espacement de ceux-ci, l’énergie
mise en jeu sont très variables d’une machine à l’autre.
Enfin, l’association d’un système de refroidissement ou
non amène un paramètre supplémentaire.
La terminologie a ainsi évolué : on parle maintenant de
« Microthermal-Rejuvenation », de « fractional ablative skin
resurfacing », etc. .., et il n’est plus possible de parler d’un
mode d’action commun à ces techniques « fractionnelles ».
Cet article se propose donc de faire une revue des différentes techniques existantes. En 2007, il est possible de
parler de 3 approches : « Photothermolyse Fractionnelle »
réalisée avec un laser émettant à 1,54μm, MicrothermalRejuvenation réalisée en particulier avec le laser 1,44μm
et enfin «Fractional Ablative Skin Resurfacing ou Relissage
Fractionnel» obtenu avec les lasers utilisés précédemment
pour le relissage, c’est à dire le laser CO2 et le laser
Er : YAG.
faible (125μm) produisant finalement des effets très proches
du resurfacing classique. La figure suivante illustre le
principe de cette technique.
Plusieurs longueurs d'onde ont été évaluées : 1480nm,
1525nm, 1540nm. Cette dernière longueur d'onde donnait
les meilleurs résultats en terme de pénétration optique.
Le laser utilisé est un laser à fibre émettant à 1540nm
avec une fibre dopée comme milieu amplificateur. Le
rythme de répétition des tirs atteignant 2400 spots/s, le
traitement est réalisé au moyen d'une pièce à main qui est
déplacée par l'opérateur sur la zone à traitée. Les tirs ont
lieu uniquement si la pièce à main est en mouvement
avec un déplacement qui varie de 0,5 à 6cm/s selon la
dextérité du praticien. Un système de déplacement du
spot dans l’embout (15 à 7mm de diamètre) produit une
densité de 500 spots/cm2 par passage.
En fonction de la zone à traiter, l'énergie est réglable de
5 à 20mJ/spot. Un scanner interne synchronisé avec le
déplacement de la pièce à main effectué par le praticien
réalise un motif pré-paramètré de micro-spot (appelé
MTZ: Microthermal Treatment Zones ou zones microscopiques de traitement thermique).
Figure 2: laser Fraxel-Reliant SR (documentation Reliant Technologies)
Photothermolyse Fractionnelle
La technique fractionelle a été présentée pour la première
fois au du congrès de l’American Society for Lasers in
Medicine and Surgery (Dallas, Avril 2004), au moyen
d’un laser développé par la société Reliant Technlogies.
Le principe de cette technique consiste à réaliser la
coagulation de zones microscopiques au moyen de
micro-spots de l'ordre de 75μm de diamètre (Manstein,
Herron et al. 2004). Dans ce qui suit, c’est donc principalement les résultats obtenus avec ce laser qui seront évoqués,
puisque c’est celui-ci qui bénéficie du plus grand nombre
d’études expérimentales et cliniques.
Les auteurs, à l’origine de cette technique, ont choisi un
espacement entre les spots de 250μm; un espacement plus
Figure 1 : Principe de la photothermolyse fractionnelle par le laser
FRAXEL SR-RELIANT (documentation Reliant Technologies)
Fractional Photothermolysis
Fraxel Laser Treatment
Figure 3: pièce à main du laser Fraxel-Reliant SR
(documentation Reliant Technologies)
28 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON
La densité MTZ la plus utilisée se situe autour de
2000/cm2. La figure suivante illustre l'évolution l'aspect
d'une MTZ immédiatement après traitement.
Figure 4: aspect d'une MTZ après traitement réalisée avec
une énergie de 20mJ (documentation Reliant Technologies)
d'OptiGuideTM Blue). Grâce à ce système optique, le recouvrement est homogène avec une densité constante de
spots/cm2.
Avec cette technique, les études histologiques montrent
que chaque impulsion du laser conduit à une photocoagulation d’un cône, dont la profondeur varie de 300 à
500μm et avec un diamètre moyen de 35 à 70μm (Figure 6).
A l’issue de ce tir, l’épiderme n’est pas vaporisé. Histologiquement, on observe après un traitement les phases
suivantes.
• Environ 1 heure après les tirs, les MTZs débutent leur
cicatrisation par un mouvement des kératinocytes sur les
bords profonds et latéraux de la lésion épidermique.
Figure 6: aspect obtenu 1
heure après traitement
(coloration LDH)
(documentation Reliant
Technologies)
Enfin, cette pièce à main est couplée à un Système Intelligent de Traçage Optique (IOTS). Ce système nécessite
l'application préalable d'un liquide bleuté : l'OptiGuideTM
Blue sur toute la zone à traitée. Cette solution Bleue, certifiée par la FDA est ensuite éliminée par simple lavage de
la peau après l'intervention. La pièce à main ne tire qu’au
fur et à mesure qu’elle se déplace sur la peau et que le
système IOTS détecte la présence d'OptiGuideTM Blue. Les
tirs cessent si elle s’immobilise et s'il n’y a plus de contact
entre la peau et l’embout de la pièce à main (absence
Figure 5: Application de la solution OptiGuide TM Blue avant
traitement. (documentation Reliant Technologies)
Figure 7: aspect obtenu 24 heures
après traitement (coloration LDH).
Les débris microscopiques
nécrotiques épidermiques sont
clairement apparents. (documentation Reliant Technologies)
• 12 heures plus tard, les cellules viables autour des MTZ
ont encerclé les débris nécrotiques et des pigments
épidermiques formant ainsi une entité appelée par les créateurs de la technique, les MEND (Débris microscopiques
nécrotiques épidermiques de 30 à 70μm, Microscopic
Epidermal nécrotique débris).
• 24 heures après un traitement, on retrouve les MEND
dans le stratum cornéum pendant que le derme et
l’épiderme continuent leur réparation. Il y a une ré-épithélialisation complète en 24h (figure 7). Cliniquement,
la présence des ces milliers de MEND se traduit par un
aspect pseudo bronzé pendant 3 à 14 jours selon l’énergie
contenue dans le tir, et l’espacement entre les MTZ. Ce sont
ces deux derniers paramètres (énergie/tir et espacement
entre les MTZ induites) qui vont déterminer l’importance
de l’effet clinique et histologique obtenu. Les MEND
subissent ensuite une extrusion transépidermique.
• Vers le 16e jour, les MENDS s’exfolient naturellement.
A noter que le stratum corneum n’est pas détruit lors du
traitement car il contient relativement peu d’eau. Ceci lui
permet de continuer à assurer son rôle de barrière et
d’empêcher la perte d’eau (contrairement au relissage
traditionnel), et de diminuer le risque infectieux. Cette
cicatrisation ultrarapide permet d’avoir très peu d’effets
indésirables par rapport à ceux observés lors d’un relissage
La figure 10 montre d'évolution d'une zone traitée "MTZ".
29 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON
La figure 10 montre d'évolution d'une zone traitée "MTZ"
en fonction du temps. A chaque impulsion correspond
une micro-coagulation qui apparaît comme un spot brun
lors du processus de cicatrisation.
En 2007, d’autres constructeurs proposent des machines
très similaires, non plus avec un laser à fibre, mais un laser
Erbium : Glass qui émet à la même longueur d’onde, c’est
à dire à 1.54μm. C’est le cas de la société Palomar Medical
avec le Lux1540™ et de la société coréenne Lutronic avec
le laser Mosaic F1.
Il n’est plus nécessaire d’avoir un scanner avec le Lux1540™.
L’utilisation d’un système optique avec des micro-lentilles
permet d’obtenir soit 100 ou 320 microspots/cm2 à partir
d’un spot unique. Les colonnes de coagulation ont un
diamètre de 150μm et peuvent atteindre jusqu’à 1 mm
de profondeur avec une énergie de 100mJ.
Figure 8 :
colonne de coagulation
obtenue avec le laser
Fraxel. (énergie par spot :
10mJ) (documentation
Reliant Technologies).
Figure 9 :
colonne de coagulation obtenue
avec le laser Fraxel.
(énergie par spot : 20mJ (documentation Reliant Technologies).
Figure 10: évolution d'une MTZ après traitement réalisée avec une énergie de 20mJ
(documentation Reliant Technologies)
Figure 11 : Profondeur et largeur moyennes des colonnes
de coagulation (MTZ) obtenues ex-vivo et in-vivo en fonction
de l’énergie (laser Fraxel : 1.54Ìm) (Bedi, Chan et al. 2006)
Figure 12 : pièce à main du laser Palomar
Lux1540 Fractional™ (Documentation Palomar).
30 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON
Microthermal-Rejuvenation
Cette technique de « Microthermal-Rejuvenation » est
réalisée avec le laser développé par la société Cynosure
l’Affirm. Ce laser Nd : YAG émet des impulsions de 3ms la
longueur d’onde 1.44μm donc très proche des 3 lasers
précédents (1.54μm). En conséquence, les effets obtenus
sont donc aussi très similaires à la technique de photothermolyse fractionnelle. Grâce à un système optique
appelé CAP, le faisceau de 10 mm de diamètre est divisé
en 1200 microspots de 100μm de diamètre. Ceux-ci sont
séparés d’une distance de 250μm On a donc là aussi la
possibilité d’obtenir des colonnes de coagulation.
Cependant comme l’énergie par pulse est plus faible (de
l’ordre de 4 à 5mJ), les colonnes de coagulation ne dépassent pas une profondeur de 300μm (Bene, Weiss et al. 2006).
Figure 13 : Microspots produits par le laser
Lux1540 Fractional™ (Documentation Palomar)
Figure 16 : Principe de fonctionnement du laser Mosaic FA qui
permet d’obtenir des MNC (Micro Necrotic Column) (documentation
société Lutronic).
Figure 14 : Colonnes de coagulation obtenues sur la peau de porc
avec le laser Lux1540 Fractional™ (25mJ).
H&E x100 (Documentation Palomar)
Enfin, la société coréenne Lutronic propose un appareil
utilisant lui aussi un laser Erbiumglass.
Figure 15 :
Pièce à main du
laser Mosaic F1
(documentation
société Lutronic).
Relissage Fractionnel
Plusieurs constructeurs ont décidé d’adapter le principe de
la phtothermolyse fractionnelle aux lasers de relissage (CO2
ou Er: YAG) qu’ils commercialisaient déjà. On peut donc
parler alors de relissage fractionnel (fractional ablative skin
resurfacing en anglais). Il s’agit donc de traiter la peau, non
plus uniformément avec une ou plusieurs passes, comme
c’est le cas avec un relissage classique, mais en point par
point. La peau non altérée entre chaque spot permet une
ré-épidermisation et une cicatrisation beaucoup plus
rapides. Les œdème et/ou d’érythéme post-traitement sont
réduits et leur durée est considérablement raccourcie.
C’est le principe utilisé par la société Alma Lasers avec leur
module Pixel 2940nm Er: YAG. Ce laser Erbium: YAG émettant à 2940nm est équipé d’un système optique qui permet
d’obtenir sur une surface de 11 x 11 m, 49 ou 81 micro-spots.
L’énergie d’une impulsion de 1,1 J donne alors sur chaque
micro-spot une énergie de 13mJ (81 micro-spots) ou de
24 mJ (49 micro-spots). La société Lumenis a aussi souhaité
proposer son laser CO2 pour le relissage fractionnel et a mis
en oeuvre une procédure appelée ActiveFX™. Par rapport à la
technique de relissage traditionnelle, le diamètre du spot a
été réduit de 2,25 mm à 1,3mm et le scanner a été programmé de façon à recouvrir qu’en partie la zone traitée.
31 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON
Figure 17 : La répartition de l’énergie dans la peau au moyen
du système CAP induit des colonnes de coagulation
(documentation société Cynosure).
Figure 20 : Impacts obtenus sur la peau avec le Pixel 2940nm
Er : YAG (documentation Alma lasers).
Figure 18 : Colonnes de coagulation obtenues avec le laser Affirm
1.44μm. (documentation société Cynosure).
Figure 21 : Comparaison des spots utilisés lors du relissage
traditionnel et avec la technique Activ FX réalisée avec le laser CO2
UltraPulse ® Encore™ (documentation société Lumenis).
Figure 22 : Comparaison recouvrement obtenus lors du relissage
traditionnel et avec la technique Activ FX réalisée avec le laser CO2
UltraPulse® Encore™ (documentation société Lumenis).
Figure 19 :
Pixel 2940nm
Er : YAG
(documentation
Alma lasers).
Suivant le même concept, l’équipe du Pr. Anderson (Pandolfino, Laubach et al. 2006), d’une part et la société
Reliant Technologies (Hantash, Bedi et al. 2006), d’autre
part ont récemment évalué un laser CO2 utilisant un diamètre beaucoup plus petit : respectivement de 200μm et
120 μm.
Outre le diamètre et le nombre de spots appliqués sur la
peau, l’énergie par pulse a été réduite. Cependant, ces
longueurs d’onde sont fortement absorbées par la peau et
on procède comme pour le relissage classique à une volatilisation de l’épiderme et du derme superficiel. Celle-ci
dépendra bien entendu de l’énergie appliquée. Comme le
32 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON
montrent les figures suivantes, obtenues par Pandolfino,
une énergie élevée (500mJ) peut conduire à des volatilisations jusqu’à une profondeur de 4mm (Pandolfino, Laubach et al. 2006).
Par contre le recours à des énergies plus faibles telles que
celles utilisées par Hantash, permet de limiter l’action à
des profondeurs comprises entre 400μm et 1mm. Dans ce
cas, le laser CO2 réalise des spots de 120μm de diamètre.
Un scanner permet d’appliquer plus de 1500 spots par
seconde. Cependant, là encore, on peut noter qu’on
obtient une colonne de volatilisation entourée d’une zone
coagulée et non pas uniquement une coagulation comme
les lasers 1,44μm et 1,54μm.
Figure 25 : colonnes de volatilisation obtenues avec un laser C02
diam du spot : 200μm, (énergie : 500mJ, durée : 1ms).
Une zone coagulée de 50Ìm entoure cette colonne.
(Pandolfino, Laubach et al. 2006).
Figure 23 : coupe histologique parallèle à la surface de la peau
obtenue à une profondeur de 40Ìm. Laser CO2 , diam du spot :
120μm, 18mJ, Marquage LDH. (Hantash, Bedi et al. 2006).
Figure 26 : coupe histologique (H&E) d’une colonne obtenue avec un
laser C02, diamètre du spot 120μm. energie 9,2mJ. (Hantash, Bedi et
al. 2006).
Figure 24 : colonnes de volatilisation obtenues avec un laser C02,
diam du spot : 200μm (énergie : 500mj, durée : 1ms).
(Pandolfino, Laubach et al. 2006).
Figure 27 : coupe histologique (H&E) d’une colonne obtenue avec
un laser C02, diamètre du spot 120μm. énergie 13.8mJ.
(Hantash, Bedi et al. 2006).
33 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON
Figure 29 : coupe histologique (H&E) d’une colonne obtenue
avec un laser C02, diamètre du spot 120μm. energie 23.3mJ
(Hantash, Bedi et al. 2006).
Figure 31 : Profondeur et largeur moyennes des colonnes
obtenues en fonction de l’énergie (laserCO2 : 10.6μm).
Marquages H&E et LDH donnent des valeurs légèrement
différentes (Hantash, Bedi et al. 2006).
Figure 28 : coupe histologique (H&E) d’une colonne obtenue
avec un laser C02, diamètre du spot 120μm. energie 18mJ
(Hantash, Bedi et al. 2006).
D’autres sociétés ont annoncé des lasers Er : YAG ou CO2
fonctionnant sur des principes très similaires. En ce
début d’année 2007, les caractéristiques précises de ces
machines ne sont pas encore accessibles.
Figure 30 : Formes des lésions obtenues à partir des coupes
histologiques précédentes (Hantash, Bedi et al. 2006).
Etudes Cliniques
Depuis 2004, plusieurs études cliniques ont pu être
publiées. Le propos de cet article n’est pas de les analyser
en détail. Cependant, ces études montrent que les lasers
fractionnels sont aujourd’hui proposés pour traiter :
- Les stigmates du vieillissement (Manstein, Herron et
al. 2004 ; Bass 2005 ; Mazer and Buis 2005 ; Rahman,
Alam et al. 2006 ; Seckel 2006; Wanner, Tanzi et al.
2007),
- Différents types de cicatrices (Behroozan, Goldberg et
al. 2006 ; Fisher, Skover et al. 2006 ; Rahman, Tanner
et al. 2006),
- Les mélasma (Rokhsar and Fitzpatrick 2005; Tannous
and Astner 2005),
- Les vergétures (Bernstein, Chapas et al. 2006).
Figure 32 : Patient avant et après deux traitements. Laser 1.54μm
Fraxel (documentation Reliant Technologies).
Before
34 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON
After 2 treatments
Figure 33 : Patient avant et après quatre traitements.
Laser 1.54μm Fraxel (documentation Reliant Technologies).
Before
After 4 treatments / 7 Months
Figure 35: Patient with melasma before and after 5 sessions with the Fraxel 1.54μm laser
(Rokhsar and Fitzpatrick 2005)
Figure 34 : Patient avant et après 3 traitements. laser Affirm 1.44μm (Cynosure).
35 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON
En conclusion, la photothermolyse fractionnelle (1,44μm – 1,54μm) propose des
bénéfices cliniques intermédiaires entre
le relissage et le remodelage, mais sans
les inconvénients connus du relissage.
D’autres applications ont été trouvées. Il
s’agit en particulier du traitement des
cicatrices d’acné et chirurgicales. Le traitement du mélasma pourrait être une
application intéressante puisqu’il semble
que cette technique permette d’éliminer
la mélanine du derme (Hantash, Bedi et
al. 2006).
En ce qui concerne, les autres lasers
Erbium-YAG et CO2 (2,94μm – 10,6μm)
proposés pour le relissage fractionnel, le
recul n’est pas encore suffisant pour juger
de l’efficacité à long terme de cette technique.
Bibliographie
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face using Fraxel laser treatment." Aesthetic
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36 - Kératin 2008 ; 14 : 27-36 / S. MORDON
L’actualité dermatologique
DANIEL WALLACH
(Paris - France)
MÉLANOME
La controverse du ganglion sentinelle
MORTON DL, THOMPSON JF, COCHRAN AJ,
MOZZILLO N, ELASHOFF R, ESSNER R, NIEWEG OE,
ROSES DF, HOEKSTRA HJ, KARAKOUSIS CP,
REINTGEN DS, COVENTRY BJ, GLASS EC, WANG HJ ;
MSLT GROUP.
Sentinel-node biopsy or nodal observation in melanoma.
N Engl J Med. 2006 ; 355 : 1307-17.
GIROD A, SALMON R, RODRIGUEZ J.
Mélanome cutané et ganglion sentinelle : où en est-on ?
Bull Cancer 2007 ; 94 : 687-691.
GUILLOT B, BERNARD A.
Les resultats de l’étude de Morton doivent-ils modifier les
recommendations de prise en charge du mélanome ?
Ann Dermatol Venereol 2007 ; 134 ; 17-19.
GONZALEZ U.
Cloud over sentinel node biopsy: unlikely survival
benefit in melanoma.
Arch Dermatol 2007 ; 143 : 775-776.
Le 12 Septembre 2007, une recherche Medline sur «biopsie
du ganglion sentinelle » et « mélanome » fournit 1248 références. C’est dire que le problème est d’importance, et
pour tout dire, non résolu. Parmi ces publications, l’étude
internationale dirigée par Donald Morton, qui a duré de
1994 à 2002 et a été publiée en 2006 dans le New England
Journal of Medicine, a été commentée comme rarement
un article médical l’a été. Et comme nous verrons, si ces
commentaires ne sont pas tous favorables, leurs conclusions
ne sont pas non plus univoques.
D Morton, qui a proposé en 1991 la technique du ganglion
sentinelle, rapporte donc des résultats intérimaires d’une
importante étude menée aux USA, en Australie et en
Europe, comparant cette technique à la simple observation
clinique chez des patients ayant été opérés d’un mélanome
de taille intermédiaire (indice de Breslow entre 1,2 et
3,5mm). On sait que l’examen histologique du ganglion
sentinelle, premier relais lymphatique des mélanomes,
peut identifier des micrométastases avant leur expression
clinique. L’intérêt de cette technique est donc d’abord
de permettre une stratification (staging) plus fine des
mélanomes, et l’histologie du ganglion sentinelle a été
récemment integrée dans les classifications cancérologiques.
Ensuite, en pratiquant un curage ganglionnaire précoce,
on peut espérer améliorer le pronostic. Enfin, on épargne
un curage inutile aux patients sans atteinte ganglionnaire.
Jusqu’à présent cependant, l’impact de la technique du
ganglion sentinelle sur la survie n’avait pas été démontré.
Entre 1994 et 2002, 1269 patients présentant un mélanome
primitif d’épaisseur intermédiaire ont été randomisés en
deux groupes après exérèse élargie de la lésion cutanée.
Un groupe, observationnel, était surveillé cliniquement et
on ne pratiquait de curage ganglionnaire qu’à l’apparition
d’adénopathies palpables. Le second groupe bénéficiait
d’une biopsie du ganglion sentinelle (BGS), et d’un curage
dans le cas où elle était positive. L’objectif principal était
de mesurer la survie à 5 ans. Celle-ci est identique dans les
deux groupes (87%), et cette conclusion, pour beaucoup
des critiques de Morton, est la principale qui doive être
retenue. Mais il y a d’autres données: notamment, la survie
sans maladie résiduelle est supérieure dans le groupe
BGS : 78% contre 73%. Dans le groupe BGS, la présence
de micrométastases (16% des patients) est le meilleur
indicateur pronostique: en l’absence de micrométastases, la
survie à 5 ans (survie liée au mélanome) est de 90%, contre
72% pour les BGS positives (p<0,001). Il est également
intéressant de noter que dans le groupe observationnel,
37 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH
le taux de métastases ganglionnaires a été très proche de
celui des micrométastases à la BGS : 15,6%. Mais dans ce
groupe, il y avait plus de ganglions atteints : 3,3 en
moyenne, contre 1,4 dans le groupe BGS positives. Et si on
considère l’ensemble des patients ayant eu des métastases
ganglionnaires, la survie est meilleure chez ceux qui ont
eu une BGS et un curage immédiat (72%) que chez ceux
qui ont eu un curage retardé (52%). Ici aussi, la différence
est significative. En cas de BGS faussement négative, suivie
de métastase ganglionnaire, le pronostic est le même que
pour les patients du groupe observationnel qui ont présenté une métastase.
Les commentateurs soulignent qu’il convient de retenir
les résultats du critère principal (la survie globale, qui est
la même dans les deux groupes) et soulèvent plusieurs
critiques méthodologiques qui selon eux rendent caducs
certains des résultats. Et ils ne retiennent pas la conclusion
de D Morton, à savoir que la lymphadénectomie immédiate
après identification de métastases microscopiques améliore
la survie. Ainsi, B Guillot et A Bernard estiment que cette
étude ne remet pas en cause les recommandations
publiées en 2005 par la Société française de Dermatologie :
la technique du ganglion sentinelle n’est pas recommandée
de façon systématique, mais peut être proposée dans
le cadre de protocoles particuliers. A. Girod et ses collaborateurs, chirurgiens de l’Institut Curie à Paris, ne
méconnaissent pas les divers éléments de la controverse,
mais indiquent que « l’intime conviction » de nombreux
cliniciens fait que cette technique se diffuse rapidement.
Et quant à eux, ils l’ont adoptée.
Une nouvelle classification tient compte de l’évolutivité
LIPSKER D, ENGEL F, CRIBIER B, VELTEN M, HEDELIN G.
Trends in melanoma epidemiology suggest
three different types of melanoma.
Br J Dermatol. 2007 ; 157 : 338-43.
L’importante base de données que constitue le Registre
des cancers du Bas-Rhin a permis à l’équipe de dermatologie de Strasbourg d’étudier l’épidémiologie du mélanome sur une période de plus de vingt ans, au cours de
laquelle 2094 mélanomes ont été diagnostiqués. Entre
1980 et 2001, on observe une importante augmentation
de l’incidence des mélanomes, toutes catégories confondues: en nombres de cas pour 100 000 personnes, cette
incidence passe en vingt ans de 4,2 à 13 pour les
femmes et de 2,3 à 10,2 pour les hommes. Mais malgré
cette augmentation considérable, qualifiée par certains
d’épidémique, la mortalité est restée stable, diminuant
même chez les femmes, de 1,6 à 0,9 pour 100 000. Ainsi,
les mélanomes augmentent, comme cela a été observé
dans la plupart des pays du monde ; mais alors que leur
gravité est bien connue, la mortalité n’augmente pas.
Comment expliquer cet apparent paradoxe ? Essentiellement en examinant l’épaisseur des mélanomes, paramètre fortement corrélé avec le pronostic. On observe
ainsi que l’épaisseur moyenne des mélanomes diminue
régulièrement: depuis la fin des années 1990, elle est de
l’ordre de 0,5 mm. Plus précisément, le nombre de
mélanomes fins augmente de façon importante; à
l’opposé, l’incidence des mélanomes épais, d’indice de
Breslow supérieur à 2 mm, est restée stable.
La partie la plus originale de cette étude concerne
l’évolutivité des tumeurs. Pour 717 patients, le délai diagnostique, c’est-à-dire le temps écoulé entre le premier
signe d’alarme et l’exérèse, était connu. Ce délai était
significativement plus court pour les mélanomes de plus
de 2 mm (médiane 12 mois) que pour les mélanomes de
moins de 1 mm d’épaisseur (médiane 24 mois). La comparaison entre les tumeurs excisées rapidement et celles
excisées tardivement montre comme seule différence
l’épaisseur, plus importante dans le groupe excisé rapidement. On peut donc dire que ce ne sont pas les mêmes
mélanomes qui croissent progressivement, et seraient
plus épais parce que diagnostiqués plus tard. Ce sont des
tumeurs de développement plus rapide. Une analyse
détaillée des caractéristiques des mélanomes conduit les
auteurs à proposer une nouvelle classification qui, contrairement à la classification actuelle basée sur la seule épaisseur au moment de l’exérèse, tient compte de
l’évolutivité de ces tumeurs.
Les mélanomes de Type I sont ces mélanomes à croissance
rapide, de mauvais pronostic. Leur incidence est stable, et
leur survenue ne semble pas liée aux expositions solaires.
Les mélanomes de type II, à croissance lente et de bon
pronostic, siègent préférentiellement sur le tronc et
semblent en rapport avec des expositions solaires aiguës
intermittentes. Les mélanomes de type III, également à
croissance lente, siègent préférentiellement sur le visage
et le cou et apparaissent liés à l’âge et aux expositions
chroniques.
On peut craindre que les campagnes d’éducation solaire et
de dépistage n’affectent que peu le nombre des mélanomes
agressifs de type I. Les auteurs concluent que le défi de
ces prochaines années sera de déterminer les facteurs de
risque des mélanomes de type I, ainsi que leurs caractères
cliniques initiaux. On a déjà observé que ces mélanomes
sont fréquemment achromiques et que les critères de
suspicion ABCD ne sont pas opérants pour les soupçonner.
Seul le critère E, qui indique une évolutivité d’une lésion
cutanée, correspond à ces mélanomes à croissance rapide.
PEMPHIGUS
Le rituximab est un traitement efficace du pemphigus
JOLY P, MOUQUET H, ROUJEAU JC, D'INCAN M,
GILBERT D, JACQUOT S, GOUGEON ML, BEDANE C,
MULLER R, DRENO B, DOUTRE MS, DELAPORTE E, PAUWELS C, FRANCK N, CAUX F, PICARD C,
TANCREDE-BOHIN E, BERNARD P, TRON F, HERTL M,
MUSETTE P.
A single cycle of rituximab for the treatment
of severe pemphigus.
N Engl J Med 2007 ; 357 : 545-552.
CIANCHINI G, CORONA R, FREZZOLINI A, RUFFELLI M,
DIDONA B, PUDDU P.
Treatment of severe pemphigus with rituximab:
report of 12 cases and a review of the literature.
Arch Dermatol 2007 ; 143 : 1033-1038.
Le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique
dirigé contre la molécule CD20, spécifique des lymphocytes B. Il est utilisé avec succès dans le traitement des
lymphomes B, et depuis quelques années il a été proposé
38 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH
pour le traitement de maladies auto-immunes où les
auto-anticorps jouent un rôle pathogène. Parmi ces maladies figure le pemphigus, et depuis 2004 une vingtaine de
publications ont fait état de succès du rituximab chez des
malades atteints de pemphigus.
L’article des spécialistes français des maladies bulleuses
publié en Août 2007 dans le New England Journal of
Medicine constitue la plus importante série à ce jour, et
confirme que le rituximab constitue un progrès important
dans le traitement du pemphigus. Cet article concerne
21 patients. Ils présentaient tous un pemphigus, vulgaire
(14 cas) ou superficiel (7 cas). 5 de ces patients étaient
résistants à la corticothérapie générale, avec une maladie
toujours évolutive malgré des doses de prednisone de
94 mg par jour en moyenne ; 11 patients étaient corticodépendants, nécessitant des doses quotidiennes de
prednisone de l’ordre de 29 mg en moyenne. Tous avaient
reçu également des immunosuppresseurs ou des
immunoglobulines, sans succès. Un troisième groupe, de
5 patients, a été sélectionné parce qu’ils présentaient des
contre-indications importantes à la corticothérapie
(diabète grave, hypertension artérielle). Ces 5 patients
ont donc été traités d’emblée par rituximab. Ce point
est important à souligner parce que, comme tous les
nouveaux traitements et d’autant plus qu’il est coûteux,
le rituximab n’est proposé qu’à des patients ayant déjà
reçu sans succès les traitements conventionnels (et ayant
en général souffert de leurs effets secondaires). Actuellement, on ne propose pas le rituximab de première intention,
mais des études comme celle-ci pourraient amener à
modifier cette attitude.
Tous les patients avaient un pemphigus grave, atteignant
en moyenne 27% de la surface corporelle, parfois beaucoup plus, avec des lésions muqueuses graves et une
altération de l’état général. Le traitement a consisté en un
cycle unique de quatre perfusions hebdomadaires de
rituximab, à la dose de 375 mg / m2. Trois mois après, le
résultat est spectaculaire : 18 des 21 patients sont en
rémission complète. Deux autres atteindront cette rémission un peu plus tard, et un seul patient, atteint d’un
pemphigus foliacé généralisé, sera un échec. Sur les
20 patients en rémission, 9 rechuteront, après un délai
moyen de 18 mois. Deux d’entre eux seront traités par un
second cycle de rituximab, qui induira une rémission
complète. Les autres recevront des corticoïdes topiques
ou oraux. Au total, avec un suivi moyen de 34 mois, 18
patients sont en rémission, dont 8 ne reçoivent pas de
corticoïde du tout ; les autres en prennent encore de
faibles doses.
Deux effets secondaires graves seront observés : une pyélonéphrite 12 mois après le traitement, et une septicémie
mortelle 18 mois après le traitement. Ce dernier patient
recevait également un traitement par anti-TNF alpha
pour une polyarthrite rhumatoïde. Les auteurs ont pratiqué un suivi immunologique détaillé, qui montre comme
on s’y attendait une diminution rapide et importante des
anticorps anti-desmogléine, l’absence de diminution des
immunoglobulines en général, et une disparition complète
des cellules B circulantes.
La série italienne publiée ce même mois d’Août dans les
Archives of Dermatology est tout à fait semblable: 12
patients atteints de pemphigus grave et résistant aux autres
traitements ont été traités par un cycle de quatre perfusions
de rituximab. Tous ont obtenu une rémission complète et
aucune complication infectieuse n’a été observée.
L’efficacité du rituximab dans le pemphigus est donc
clairement démontrée. Reste à établir la place de ce
traitement, par rapport aux traitements conventionnels
dominés par la corticothérapie générale, dont on connaît
la très médiocre tolérance. Le rituximab sera-t-il réservé
aux cas résistants ? Ou proposé d’emblée ? Il est trop tôt
pour répondre à cette question.
PSORIASIS
Une nouvelle voie d’immunomodulation,
mais des interrogations sur la tolérance
KRUEGER GG, LANGLEY RG, LEONARDI C, YEILDING N,
GUZZO C, WANG Y, DOOLEY LT, LEBWOHL M;
CNTO 1275 Psoriasis Study Group.
A human interleukin-12/23 monoclonal antibody for the
treatment of psoriasis.
N Engl J Med 2007 ; 356 : 580-592.
L’anticorps monoclonal appelé CNTO 1275 est dirigé
contre la molécule p40 qui est commune aux interleukines
IL12 et IL23. L’interleukine 12, produite par les cellules
dendritiques, active les lymphocytes T en stimulant
l’expression de cytokines TH1, dont l’interféron gamma
et le Tumor Necrosis Factor alpha. Cette voie est importante dans la physiopathologie du psoriasis. L’interleukine
23 active une sous-population T particulière, Th17 (secrétant
de l’interleukine 17), dont on a montré qu’elle intervient
également dans l’induction du phénotype psoriasique de
l’épiderme. De nombreux arguments expérimentaux
permettent de penser que l’inhibition de ces cytokines
pourrait être bénéfique dans le psoriasis.
Cet article rapporte les résultats d’un vaste essai clinique
contrôlé en double aveugle, comparant plusieurs posologies
de CNTO 1275 et un placebo. 320 patients ont été recrutés,
64 dans chaque groupe, recevant respectivement une dose
sous-cutanée unique de 45 mg de l’anticorps anti
IL12/IL23, une dose unique de 90 mg, quatre doses hebdomadaires de 45 mg, 4 doses hebdomadaires de 90 mg,
et quatre doses de placebo. L’évaluation principale a porté
sur l’évolution du psoriasis trois mois après le début du
traitement.
Les patients étaient majoritairement des hommes d’une
quarantaine d’années, pesant en moyenne entre 90 et 95 kg,
et présentant un psoriasis en plaques, atteignant environ
un quart de la surface corporelle. Leur score PASI était
entre 18 et 20, et leurs scores de qualité de vie montraient
une altération significative.
Le résultat principal est que le CNTO 1275 a entraîné une
amélioration considérable, et dose-dépendante, du psoriasis. Le score PASI 75, c’est-à-dire une diminution du PASI
des trois quarts, est atteint pour 52% des patients ayant
reçu 45 mg, et 81% de ceux qui ont reçu quatre fois
90 mg. Des améliorations de 90% et même de 100% ont
aussi été obtenues, ici aussi de façon plus fréquente avec
les doses les plus élevées. Outre le PASI, les auteurs ont
mesuré un score global d’efficacité, et aussi un score de
qualité de vie, et tous deux montrent également une
amélioration très importante et dose-dépendante.
39 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH
En termes d’efficacité, l’anticorps anti-IL12 / IL23 semble se
situer au niveau des anti-TNF alpha les plus performants,
bien qu’il n’y ait pas eu de comparaison directe.
Les auteurs ont également examiné en détail la tolérance
du traitement. Bien que l’essai ait porté sur un nombre
relativement limité de patients, et pendant une période
assez brève, on a observé parmi les patients traités par
l’anticorps monoclonal plusieurs évènements graves :
deux infections nécessitant une hospitalisation, et surtout
deux cas d’infarctus du myocarde et un cas de thrombose
cérébrale. Le problème est donc maintenant de savoir si
ces effets secondaires sont de nature à compromettre
l’utilisation de l’anticorps anti-IL12/IL23. Les auteurs ne
commentent pas le fait que le poids moyen de leurs
patients était de plus de 90 kg. On a attiré l’attention
récemment sur la fréquence de l’obésité et des autres
éléments du syndrome métabolique dans le psoriasis. Le
rôle de cette « co-morbidité » dans la tolérance des traitements systémiques est un autre problème qui nécessite
des études attentives.
DERMATITE ATOPIQUE
Prurit, inflammation, stress, xérose
LEE CH, CHUANG HY, SHIH CC, JONG SB, CHANG CH,
YU HS.
Transepidermal water loss, serum IgE and beta-endorphin as
important and independent biological markers for development of itch intensity in atopic dermatitis.
Br J Dermatol 2006 ; 154 : 1100-1107.
Signe majeur de la dermatite atopique, le prurit continue
de défier les cliniciens et les chercheurs. En fait, étant
donné qu’il s’agit à la fois d’un signe subjectif et d’une
cible thérapeutique essentielle, il serait du plus haut intérêt
de disposer de marqueurs fiables, qui permettraient de
prévoir un effet anti-prurigineux des traitements, ou de
l’objectiver, de façon à échapper au flou inévitable des
appréciations uniquement cliniques.
A la recherche d’un marqueur biologique du prurit, ces
chercheurs taïwanais ont exploré soixante quinze
patients atopiques de tous âges, qu’ils ont classés en
quatre catégories en fonction de l’intensité du prurit. Ils
ont mesuré plusieurs marqueurs biologiques: dans le sang,
ils ont dosé les IgE, et aussi deux neuromédiateurs, la
beta-endorphine et le vaso-intestinal peptide. Au niveau
de le peau, ils ont mesuré de façon non invasive les
pertes insensibles en eau et le pH.
Par des tests statistiques adaptés, on observe que les IgE
circulantes, la beta-endorphine, et les pertes insensibles,
sont corrélées avec le niveau de prurit, et ceci de façon
indépendante. IgE et beta-endorphine sont également
corrélés avec le SCORAD, qui inclut le prurit parmi ses
paramètres. Par contre, les taux de VIP et le pH cutané ne
sont pas corrélés avec le prurit. Bien que les résultats des
tests statistiques soient significatifs, on ne se hasarderait
pas à conclure que les paramètres cités permettront
d’évaluer le prurit, ni au cours d’essais cliniques ni a fortiori en pratique quotidienne. Il est cependant intéressant
d’observer que ce travail confirme la nature multifactorielle du prurit de la dermatite atopique. En effet, les IgE
sont un bon marqueur des sensibilisations allergiques, la
beta-endorphine est un important médiateur du stress, et
les pertes en eau dépendent directement de l’efficacité de
la barrière épidermique. On ne saurait mieux définir les
facteurs physiopathologiques de la dermatite atopique.
Quels scores utiliser ?
HOLM EA, WULF HC, THOMASSEN L, JEMEC GB.
Assessment of atopic eczema :
clinical scoring and noninvasive measurements.
Br J Dermatol 2007 ; 157 : 674-680.
ORANJE AP, GLAZENBURG EJ, WOLKERSTORFER A, DE
WAARD-VAN DER SPEK FB.
Practical issues on interpretation of scoring
atopic dermatitis : the SCORAD index, objective
SCORAD and the three-item severity score.
Br J Dermatol 2007 ; 157 : 645-648.
On compte au moins quinze échelles de scores cliniques
pour la dermatite atopique, et aucune ne peut être considérée comme un « étalon-or » qui ferait autorité et auquel
on pourrait comparer les autres. Le SCORAD est certainement le mieux étudié et le plus utilisé, le score EASI
bénéficie d’une bonne expérience, mais cela n’empêche
pas de nombreux cliniciens d’utiliser d’autres échelles,
voire d’en proposer de nouvelles. C’est une situation pour
le moins paradoxale ; dans le cas du psoriasis par exemple,
tout le monde utilise le score PASI, qui a fait l’objet de
beaucoup moins de travaux méthodologiques et a été mis
en place empiriquement. Peut-être était-ce une meilleure
approche ? Dans le cas de la dermatite atopique, on dispose aussi de techniques d’évaluation biologique non
invasive, qui ont l’avantage de l’objectivité. Il est donc
important de connaître les corrélations de différents
scores cliniques entre eux, et également les corrélations
entre les scores cliniques et les mesures biologiques. C’est
ce travail qu’ont effectué E Holm et ses collaborateurs.
101 patients atopiques danois de tous âges et de toutes
gravités de DA (le SCORAD variait entre 0 et 87, avec une
moyenne de 28,5) ont été évalués cliniquement et biologiquement. Pour la clinique, les auteurs ont choisi le
SCORAD et le score EASI, parce que ce sont les plus
connus, et aussi le sore ADSI (Atopic Dermatitis Severity
Index) qui diffère des précédents parce qu’il évalue les
signes cliniques (érythème, suintement, prurit, excoriations
et lichénification) uniquement sur une lésion cible, lésion
représentative dont on pouvait penser qu’elle serait mieux
adaptée à une comparaison avec les mesures biologiques.
Les auteurs ont mesuré ADSI sur trois lésions cibles, et
en ont exclu le prurit, dans le but de ne garder que des
signes objectifs. On voit cependant là une de ces si nombreuses « déviations » qui sont en fait difficiles à justifier.
Les mesures biologiques ont été effectuées au niveau du
pli du coude, du dos de l’avant-bras et du creux poplité. Il
s’agit des pertes d’eau transépidermiques, de l’hydratation,
de l’érythème (par spectroscopie), de l’épaisseur de
l’œdème par échographie et de la desquamation. Toutes
les mesures ont été effectuées deux fois à six mois
d’intervalle, et trente personnes non atopiques ont aussi
été explorées à titre de témoins.
Le résultat le plus important est que tous les scores
apparaissent fortement corrélés, avec des coefficients de
corrélation supérieurs à 0,8 pour la comparaison des
40 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH
scores cliniques entre eux, et de plus de 0,6 pour la comparaison entre les scores cliniques et biométrologiques.
Seule la desquamation semble « déconnectée » des autres
critères. Il est exact qu’elle ne représente que médiocrement
l’eczéma, même si les auteurs ont pris soin d’exclure les
patients atteints d’ichtyose vulgaire, ce qui d’ailleurs peut
éventuellement se discuter.
Dans la mesure où tous les scores sont bien corrélés, on
peut conclure qu’ils représentent tous fidèlement l’intensité
de la dermatite atopique. Il est donc légitime d’utiliser le
plus simple, ou celui auquel on est le plus habitué. Les
auteurs penchent pour l’ADSI, parce que l’évaluation de
la surface atteinte est toujours difficile, et aussi parce que
ces scores objectifs cliniques sont fortement corrélés avec
ceux, comme le SCORAD, qui incluent le prurit, notion
toujours difficile à objectiver.
Le Pr AP Oranje, un des leaders du Groupe de travail
européen qui a mis au point le SCORAD, plaide quant à
lui en faveur de l’utilisation du TIS, Three-Item Severity
Score, qui mesure simplement, en les cotant de 0 à 3,
l’érythème, l’œdème et les excoriations. Bien que moins
sensible que le SCORAD, le TIS lui est très bien corrélé, et
particulièrement facile à mettre en œuvre, ce qui pourrait
être utile pour des études épidémiologiques. Mais on le
voit, le débat n’est pas clos.
ACNÉ
entre le score ECLA et le score CADI. C’est certainement
le point qui mérite d’être retenu, car il constitue la justification des échelles de qualité de vie, qui mesurent quelque
chose de différent de la gravité objective d’une maladie.
Tous les dermatologues le savent, un patient peut être terriblement affecté par une acné minime, tandis qu’un autre
supportera avec le sourire une acné affichante. Faire remplir un score CADI à nos patients pourrait permettre
par exemple, de détecter précocement des sentiments
d’anxiété ou de dépression chez un adolescent qui ne se
sera pas beaucoup exprimé au cours de la consultation, et
qui ne présenterait qu’une acné modérée.
En entrant un peu plus dans le détail, on trouve évidemment des corrélations entre les deux échelles : Score CADI
et acné du visage par exemple (mais pas acné en dehors
du visage), score CADI et cicatrices. Il y a aussi une
corrélation positive entre le score ECLA global et la perception de l’importance du problème par les patients.
Mais comme on l’a vu, les scores psychologiques sont en
définitive plus informatifs quand ils sont dissociés des
scores cliniques.
Des protocoles d’isotrétinoïne intermittente
AKMAN A, DURUSOY C, SENTURK M, KOC CK,
SOYTURK D, ALPSOY E.
Treatment of acne with intermittent and conventional
isotretinoin : a randomized, controlled multicenter study.
Arch Dermatol Res. 2007 ; 299 : 467-473.
Les scores clinique et psychologique ne sont pas corrélés
DRENO B, ALIREZAI M, AUFFRET N, BEYLOT C,
CHIVOT M, DANIEL F, FAURE M, LAMBERT D, POLI F,
MERIAL-KIENY C, NOCERA T.
Corrélation clinique et psychologique dans l’acné :
utilisation des grilles ECLA et CADI.
Ann Dermatol Venereol. 2007 ; 134 : 451-455.
Le groupe de dermatologues spécialistes de l’acné réuni
autour de B Dréno propose une étude des grilles
d’évaluation de l’acné qui devrait pouvoir être transposée
en pratique quotidienne. Le principe est de comparer les
résultats de deux échelles, l’une concernant l’intensité
objective de l’acné et l’autre son retentissement psychologique. Le score ECLA (Evaluation clinique des lésions
d’acné) repose sur les nombres de lésions, rétentionnelles,
inflammatoires et nodulo-kystiques, sur le visage (Facteur
F1) sur le cou et le tronc (Facteur F2) et sur l’existence de
lésions cicatricielles (Facteur F3). Il est donc déterminé
par le dermatologue, de façon assez rapide, au cours de la
consultation. Le score CADI (Cardiff Acne Disability Index)
consiste en un court questionnaire explorant cinq champs
de retentissement psycho-social de l’acné : sentiments de
gêne, perturbations de la vie sociale, des activités, sentiments
vis-à-vis de la peau, et appréciation de la gravité du
problème posé par l’acné. Quoique très court, ce questionnaire CADI a été validé et est tout à fait fiable.
128 patients acnéiques âgés de 21 ans en moyenne,
présentant une acné relativement ancienne (6 ans en
moyenne) ont participé à l’étude. Leur acné était objectivement, le plus souvent, légère à modérée. Les scores
ECLA ont été déterminés par les dermatologues, et les
patients ont rempli, seuls, le questionnaire CADI.
La conclusion essentielle est qu’il n’y avait pas de corrélation
Des publications de cas isolés ont suggéré que
l’isotrétinoïne orale pouvait être efficace dans l’acné à
doses moindres que ce qui est habituellement recommandé. C’est ce qui a incité ces auteurs à mettre en œuvre
un essai clinique comparatif. 66 patients atteints d’acné
modérée à sévère, qui n’avaient pas répondu à un traitement antibiotique ou avaient rapidement rechuté, ont été
répartis en trois groupes. Le premier groupe a suivi le
traitement conventionnel, à savoir 0,5 mg / kg / jour,
tous les jours pendant six mois. Les deux autres groupes
ont reçu de l’isotrétinoïne de façon intermittente, toujours à la dose de 0,5 mg / kg / jour : soit les dix premiers
jours de chaque mois pendant six mois, soit tous les jours
pendant un mois et les dix premiers jours du mois pendant les cinq mois suivants.
A la fin des six mois de traitement, les résultats ne sont
pas différents dans les trois groupes. C’est-à-dire que les
protocoles intermittents ont amélioré l’acné aussi bien que
le protocole conventionnel, avec une très importante
diminution des scores. Six mois plus tard par contre il y a
une différence, puisque le groupe conventionnel reste
très amélioré, tandis que les groupes intermittents voient
leurs scores remonter. L’un des patients du groupe ayant
reçu le moins d’isotrétinoïne a même rechuté. Si l’on
distingue les acnés modérées et les acnés sévères, on
observe que pour les acnés sévères, le protocole comportant dix jours de traitement pendant six mois est significativement inférieur au protocole conventionnel. Par
contre, pour les acnés modérées, les trois protocoles sont
équivalents.
Les patients ayant reçu de l’isotrétinoïne intermittente
l’ont mieux tolérée, notamment pour ce qui concerne les
fréquents effets secondaires cutanéo-muqueux . Ce point
41 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH
est important car on suppose qu’il détermine l’observance
des patients. Autre avantage des traitements intermittents:
un coût bien inférieur, ce qui est avantageux économiquement, et un puissant facteur d’observance dans les pays où
les patients payent les médicaments. En conclusion, cette
étude suggère qu’il est justifié d’aménager les posologies de
l’isotrétinoïne en fonction de facteurs individuels : gravité
de l’acné, intensité des effets secondaires, éventuellement
facteurs économiques. Les patients recevant beaucoup
moins que les doses conventionnelles devraient avoir
un résultat comparable, et beaucoup mieux tolérer le traitement. Bien entendu, les précautions bien connues et
obligatoires en matière de contraception doivent être les
mêmes quel que soit le type de posologie. Enfin, on sait
que ces administrations intermittentes ne sont pas mentionnées dans les textes « officiels » sur le traitement de
l’acné. Mais le but des études cliniques est de faire
progresser les connaissances, et les textes officiels, qui
ont déjà évolué, évolueront peut-être encore.
MYCOSIS FONGOÏDE
Les difficultés du consensus
TRAUTINGER F, KNOBLER R, WILLEMZE R, PERIS K,
STADLER R, LAROCHE L, D'INCAN M, RANKI A,
PIMPINELLI N, ORTIZ-ROMERO P, DUMMER R,
ESTRACH T, WHITTAKER S.
EORTC consensus recommendations for the treatment
of mycosis fungoides/Sezary syndrome.
Eur J Cancer 2006 ; 42 : 1014-1030.
Des spécialistes de dix pays européens se sont réunis à
l’initiative de l’EORTC pour bâtir des recommandations
consensuelles pour le traitement des lymphomes cutanés
à cellules T, mycosis fongoïde et syndrome de Sézary
(MF/SS). Bien que le plus fréquent des lymphomes cutanés,
le MF/SS reste rare, avec une incidence de l’ordre de 1 à 2
cas pour 100 000 habitants. Cette rareté est probablement
une des explications à l’absence d’essai contrôlé de grande
ampleur dans la littérature. Les autres raisons sont le fait
que le mycosis fongoïde est une maladie indolente, qui
progresse très lentement et dont l’histoire naturelle se
prête donc mal à des évaluations ; et aussi le fait que tous
les pays, et tous les centres, ne disposent pas de tous les
traitements, et donc ne sont pas à même de les comparer.
On note en particulier que la méchloréthamine locale, très
appréciée en France, n’est en fait commercialisé qu’en
France et aux Pays-Bas. Les autres pays de l’EORTC n’en
disposent pas. Encore faut-il moduler cette affirmation,
puisque la méchloréthamine n’est actuellement (Septembre
2007) plus disponible en France.
Après avoir passé en revue la littérature disponible, les
experts formulent un certain nombre de recommandations.
Elles représentent donc un consensus européeen, mais il
faut noter qu’elles reposent sur des niveaux de preuve
assez peu satisfaisants (dits de niveau 4) faute d’études
cliniques suffisantes. Pour les mycosis fongoïdes débutants
(IA, IB et IIA dans la classification internationale, c’est-à-dire
uniquement cutanés), on doit d’abord considérer
l’abstention. Il s’agit là d’une proposition logique dans la
mesure où le pronostic vital n’est pas en jeu, et où même
la progression de la maladie est un événement rare au
stade de plaques. Si un traitement est indiqué, il s’agira
d’un traitement uniquement local et les experts proposent
dans l’ordre : PUVA – Photothérapie UVB – Corticothérapie locale – Radiothérapie localisée – Electronthérapie –
Méchloréthamine – BCNU. Le choix peut dépendre de
considérations personnelles ou de la disponibilité des
traitements.
Les traitements systémiques ne seront proposés qu’en
seconde intention : dans l’ordre le bexarotène oral,
l’interféron seul, l’interféron associé aux rétinoïdes, la
denileukin diftitox (immunothérapie anti-IL2), le méthotrexate à faibles doses.
Aux stades plus évolués (tumeurs cutanées, atteinte
ganglionnaire, érythrodermie), la chimiothérapie de type
lymphome non hodgkinien peut être proposée, ainsi que
plusieurs types d’association des traitements précédents.
Pour le syndrôme de Sézary, on recommande en première
intention, dans l’ordre, la photochimiothérapie extra-corporelle, l’interféron alpha, le denileukin diftitox, l’association
de chlorambucil et de prednisone.
On conclura donc qu’il convient de proposer des traitements en accord avec l’évolution prévisible de la maladie,
et d’être attentif à l’impact à la fois de la maladie et des
traitements sur la qualité de vie. Aux stades précoces, on
discutera entre l’abstention et traitements locaux ; aux
stades tardifs, on proposera aux patients de participer à
des essais thérapeutiques pour améliorer la connaissance
de l’efficacité des nouveaux traitements.
ALOPÉCIE
Une nouvelle classification pour l’alopécie commune
LEE WS, RO BI, HONG SP, BAK H, SIM WY, KIM DO W,
PARK JK, IHM CW, EUN HC, KWON OS, CHOI GS, KYE
YC, YOON TY, KIM SJ, KIM HO, KANG H, GOO J, AHN SY,
KIM M, JEON SY, OH TH.
A new classification of pattern hair loss that is universal for
men and women : basic and specific (BASP)
classification.
J Am Acad Dermatol 2007 ; 57 : 37-46.
Calvitie commune, calvitie hippocratique, alopécie séborrhéique, androgénétique, les termes sont nombreux pour
désigner la chute de cheveux progressive que certains
considèrent même comme physiologique. Plusieurs
systèmes de classification ont été proposés, dont les plus
utilisés sont celui de Hamilton, ou Norwood-Hamilton,
pour le type masculin, et celui de Ludwig pour le type
féminin. Des variantes ont aussi été élaborées, et il n’y a
pas de consensus à ce sujet. En outre, la distinction entre
types masculin et féminin (qui peuvent tous les deux
s’observer dans les deux sexes), ne fait pas l’unanimité.
Les très nombreux auteurs de cet article sont les membres
de la Korean Hair Research Society, qui proposent un
nouveau système de classification applicable potentiellement pour toutes les ethnies et dans les deux sexes.
Ce système est appelé BASP, BA pour Basic et SP pour
spécifique. Une adaptation française sera nécessaire. Mais
précisons que basic désigne la ligne d’implantation antérieure des cheveux et SP la densité des cheveux sur deux
zones, frontale et vertex.
La ligne antérieure peut être linéaire (L), lorsqu’il n’y a
42 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH
pas d’alopécie, ou avoir une forme de M (vue de face), de
C (vue de profil) ou de U (en fer à cheval, vue de profil).
Pour chacune de ces formes, il y a des degrés, de 0 à 3.
Quant à la densité, elle est cotée de V1 à V3 lorsqu’elle
est diminuée sur le vertex, et de F1 à F3 lorsqu’elle est
diminuée dans la zone frontale. Le score BASP décrit
donc précisément la calvitie. M2V1 par exemple désignera
une calvitie avec une ligne antérieure en M moyennement
creusé, et une diminution de la densité sur le vertex
(proche de l’ancien Norwood III – Vertex). L’apprentissage
de la cotation BASP est rapide, efficace en quinze minutes,
et les auteurs ont obtenu une très bonne précision et
reproductibilité entre médecins. Par ailleurs, six photographies standardisées sont prises pour chaque patient,
permettant des cotations par des experts indépendants,
et de faciles comparaisons en cas de traitement, par
exemple.
2213 patients coréens, consultation pour une chute de
cheveux, ont été examinés et classés selon le système
BASP. Il ne s’agit donc pas d’une population générale,
mais on voit déjà la répartition entre les différents types
d’alopécie, chez les hommes et chez les femmes, et la
progression de l’intensité de la calvitie en fonction de l’âge.
Il sera très intéressant d’appliquer la classification BASP à
différentes populations dans le monde. Et on peut penser
que les essais cliniques de produits destinés aux alopécies
utiliseront aussi cette technique précise et d’utilisation
apparemment facile et reproductible.
SYNDROME DE SWEET
sations du dos des mains, variété clinique relativement
fréquente; dix-huit cas de lésions superficielles pustuleuses
ou bulleuses ; un cas où le syndrome de Sweet a été induit
par l’imatinib ; trois cas associés à des infections (Penicillum, salmonellose, mycobactérie atypique. Enfin, un patient
présentait à la fois un syndrome de Sweet et un pyoderma
gangrenosum.
Sur le plan histologique, on a noté sept cas qui comportaient une inflammation sous-cutanée. Le plus souvent,
elle était associée à un infiltrat dermique ; dans un cas
seulement, l’atteinte hypodermique était isolée, chez un
patient présentant un syndrome myélodysplasique. Dans
trois cas, on trouvait dans la peau des polynucléaires
normaux et des précurseurs immatures. Deux de ces trois
patients étaient atteints d’une hémopathie. Enfin, dans
deux cas, une authentique vascularite était présente.
Ainsi, le syndrome de Sweet présente de fréquentes atypies,
qui ne doivent pas faire remettre en cause le diagnostic.
Ces atypies se voient aussi bien dans les Sweet idiopathiques que dans les Sweet secondaires à une hémopathie.
Les signes évocateurs d’hémopathie sont l’anémie, notion
déjà classique, et l’atteinte sous-cutanée, ce qui n’était pas
réellement établi.
On peut donc conclure que le syndrome de Sweet est une
dermatose relativement protéiforme. A propos de leur cas
associé à un pyoderma gangrenosum, les auteurs soulignent
l’importance du concept de dermatoses neutrophiliques,
spectre continu de dermatoses inflammatoires où il est
un peu artificiel d’isoler des entités précises. Le syndrome
de Sweet, enrichi de ses atypies cliniques, histologiques,
étiologiques, apparaît comme da dermatose prototypique
au sein de ce spectre.
80% des cas ont des atypies cliniques et/ou histologiques.
NEOH CY, TAN AW, NG SK.
Sweet's syndrome : a spectrum of unusual clinical
presentations and associations.
Br J Dermatol 2007 ; 156 : 480-485.
En 1964, lorsque Robert Douglas Sweet a décrit la dermatose
aiguë fébrile neutrophilique à laquelle on a rapidement
donné son nom, il s’agissait d’un tableau relativement
stéréotypé. Au cours des années suivantes, à mesure
qu’un nombre plus grand de cas étaient observés, des
formes atypiques ou inhabituelles ont été décrites. Si
bien qu’actuellement, le cadre du syndrome de Sweet
s’est élargi, et qu’on peut éprouver le besoin de savoir ce
qu’il comprend réellement. Cet article en provenance du
principal centre de référence en dermatologie à Singapour
permet de percevoir assez bien l’ensemble des formes
atypiques et des étiologies du syndrôme de Sweet .
Entre 1999 et 2004, 37 cas de syndrome de Sweet, répondant aux critères classiques, ont été diagnostiqués à
Singapour. Il s’agissait d’adultes entre 14 et 78 ans, avec
un rapport femmes / hommes égal à 1,5. On sait qu’en
Europe, les cas féminins sont les plus nombreux. 10 patients
avaient un syndrome de Sweet non idiopathique : cinq
cas d’hémopathies malignes (leucémies et syndromes
myélodysplasiques), trois infections (dont une associée à
une hémopathie), trois maladies auto-immunes.
Les atypies cliniques ou histologiques étaient fréquentes,
de l’ordre de 80% des cas, aussi bien dans les formes
idiopathiques que non idiopathiques. Les auteurs ont ainsi
observé, en termes d’atypies cliniques : sept cas de locali-
FIBROSE SYSTÉMIQUE NÉPHROGÉNIQUE
Sur la piste du gadolinium
RICHMOND H, ZWERNER J, KIM Y, FIORENTINO D.
Nephrogenic systemic fibrosis : relationship to gadolinium
and response to photopheresis.
Arch Dermatol 2007 ; 143 : 1025-1030.
PRYOR JG, POGGIOLI G, GALARIA N, GUST A,
ROBISON J, SAMIE F, HANJANI NM, SCOTT GA.
Nephrogenic systemic fibrosis : a clinicopathologic
study of six cases.
J Am Acad Dermatol 2007 ; 57 : 105-111.
HIGH WA, AYERS RA, CHANDLER J, ZITO G, COWPER SE.
Gadolinium is detectable within the tissue of patients with
nephrogenic systemic fibrosis.
J Am Acad Dermatol 2007 ; 56 : 21-26.
Les premiers cas de fibrose systémique néphrogénique
(FSN) ont été décrits en 1997 chez des insuffisants rénaux
dialysés. A ce moment, l’accent était mis sur les modifications sclérodermiformes de la peau et la maladie a été
appelée dermopathie fibrosante néphrogénique. Le terme
de FSN rend mieux compte du caractère potentiellement
systémique d’une affection qui atteint aussi les articulations.
Il s’agit d’une maladie aiguë s’installant en quelques jours
ou semaines. Elle comporte un épaississement fibreux de
la peau, ressemblant à un scléromyxoedème, symétrique
43 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH
sur les membres et le tronc, ainsi que des contractures
articulaires, une faiblesse musculaire et des douleurs diffuses. L’apparition récente de cette maladie a fait suspecter
des facteurs récents dans la prise en charge des insuffisants
rénaux, comme les procédures de dialyse, l’érythropoïétine,
d’autres médicaments, et on a aussi insisté sur la fréquence des interventions chirurgicales et des thromboses dans
les antécédents immédiats des malades. En 2006, un
groupe autrichien a rapporté l’association entre la FSN et
une récente exposition au gadolinium, agent de contraste
utilisé pour l’imagerie par résonance magnétique. Bien
que les éléments de certitude manquent encore, il apparaît
aujourd’hui que le gadolinium est effectivement impliqué
dans la fibrose systémique néphrogénique. Dans la quasitotalité des cas rapportés, les patients avaient été exposés
au gadolinium moins de deux mois avant l’installation de
la FSN. Ainsi, la FDA a récemment émis une mise en garde
contre la pratique des IRM chez les insuffisants rénaux.
Des techniques de microscopie électronique couplée à la
spectroscopie permettent de mettre en évidence le gadolinium dans des biopsies de peau de patients atteints de
FSN, mais ceci, bien évidemment, ne constitue pas une
preuve de causalité et il n’est pas exclu que d’autres facteurs,
soit pathologiques comme les thromboses et les anticorps
antiphospholipides, soit iatrogènes comme les traitements
mis en œuvre chez ces patients porteurs de graves polypathologies et dialysés, soient à l’avenir mis en évidence.
Il n’y a pas actuellement de traitement efficaces de la FSN
et les nombreuses tentatives faites jusqu’à présent se sont
toutes avérées décevantes. H Richmond et al. rapportent
leur expérience de la photophérèse extra-corporelle : ils
ont traité cinq patients et indiquent qu’après une moyenne
de 34 séances sur 8 mois, ils ont obtenu, chez trois de ces
cinq malades, une amélioration légère : diminution de
l’épaississement cutané, amélioration des possibilités de
mouvements dans la vie quotidienne.
URGENCES
Les urgences existent, mais on ne peut pas les soupçonner
à l’avance
PENSO-ASSATHIANY D, BOURDON-LANOY E,
DERANCOURT C, ROUJEAU JC, BASTUJI-GARIN S.
Demandes de rendez-vous en urgence en dermatologie libérale : Etude Urgences en Dermatologie libérale (ET.U.DE).
Ann Dermatol Venereol 2007 ; 134 : 23-29.
Les dermatologues sont tous confrontés à des demandes de
consultation en urgence, auxquelles il n’est pas toujours
facile de répondre. Le but de cette étude, qui vient après
d’autres études concernant la dermatologie hospitalière,
était d’estimer cette demande quantitativement et d’essayer
de savoir si elle était justifiée. Quarante dermatologues
volontaires, donc pas obligatoirement représentatifs, ont
participé à cette étude. Il s’agit pour deux tiers de
femmes, installées en secteur I ou en secteur II, seules ou
en cabinet de plusieurs médecins. 17 ont une secrétaire à
temps plein. Ces dermatologues libéraux voient en
moyenne 101 malades par semaine, avec des extrêmes
de 53 et 168. Leur délai de rendez-vous est de 20 jours,
32 jours pour un rendez-vous après 17 heures. Dans une
semaine «normale», ils reçoivent en moyenne 7,4 malades
« en urgence », avec des extrêmes de 0 à 27.
Tous les dermatologues ont accepté, pendant une semaine,
de voir la totalité des malades appelant pour une consultation en urgence. Ces patients ont rempli un auto-questionnaire et les dermatologues ont estimé si l’urgence
leur semblait justifiée.
Il y a eu 613 appels pour une consultation en urgence,
601 patients sont venus au rendez-vous fixé et 548 ont
rempli le questionnaire. Le dermatologue a rempli la totalité du dossier pour 531 malades et a estimé que l’urgence
était justifiée pour 153 d’entre eux, soit 29%. Les motifs
d’appel étaient des éruptions, notamment du visage, un
prurit, un eczéma, une modification de tumeur. Les diagnostics les plus fréquents ont été un eczéma (22,4%),
une infection (14,3%), une dermatite atopique (5,2%).
Les naevus comptent pour 2,8% et contrairement à ce
qui avait été observé dans les urgences hospitalières, il
n’y a pas d’urticaire dans cette série (Cependant, l’article
n’indique pas la totalité des diagnostics).
Les auteurs se sont surtout attachés à déterminer quels
critères permettent de discriminer entre l’urgence justifiée
et l’urgence non justifiée. En analyse univariée, les
« cloques d’eau », l’atteinte du visage, des signes généraux,
une gêne dans les activités, un début ou une aggravation
depuis moins de 7 jours et surtout moins de 48 heures, et le
fait de n’avoir pas pu aller travailler, sont significativement
associés à une demande justifiée. En analyse multivariée, on
retrouve ces symptomes, ainsi que la « boule qui grossit ».
A partir de cette identification des signes d’appel qui
doivent faire soupçonner une « vraie urgence », ou du moins
une demande médicalement justifiée, les auteurs ont
tenté d’établir un score. Mais ils n’ont pas pu déterminer
de seuil satisfaisant : si on veut ne pas manquer une vraie
urgence, en pratique, il faut voir tout le monde. Bien que
les auteurs soient déçus de n’avoir pas pu proposer un
score utilisable en pratique, leur conclusion est du plus
haut intérêt. Elle montre que l’urgence existe et qu’il faut
y répondre, car même si elle peut paraître injustifiée
dans deux tiers des cas, avec, rappelons-le, des critères
totalement subjectifs, il est impossible de le prévoir à
partir des signes d’appel. On peut aussi conclure qu’il est
nécessaire d’une part que les patients puissent avoir un
accès direct rapide à leur dermatologue, d’autre part que
celui-ci soit organisé de façon à y répondre, ce qui nécessite donc d’envisager une quinzaine de consultations « à
rendez-vous rapide » hebdomadaires.
IMMUNITÉ INNÉE
Un nouveau rôle pour la vitamine D
SCHAUBER J, DORSCHNER RA, CODA AB,
BUCHAU AS, LIU PT, KIKEN D, HELFRICH YR, KANG S,
ELALIEH HZ, STEINMEYER A, ZUGEL U, BIKLE DD,
MODLIN RL, GALLO RL.
Injury enhances TLR2 function and antimicrobial
peptide expression through a vitamin D-dependent mechanism.
J Clin Invest 2007 ; 117 : 803-811.
La cathélicidine et d’autres peptides anti-microbiens jouent
un rôle essentiel dans la défense de l’épiderme contre les
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infections. Ils sont produits en réponse à l’activation de
récepteurs appelés TLR (Toll-like récepteurs) par des
micro-organismes, ou par des traumatismes mécaniques.
Dans ce dernier cas, la sécrétion de peptides anti-microbiens intervient pour éviter la surinfection des plaies.
L’équipe du Pr R Gallo, signataire de cet article, a montré
que les gènes codant pour les peptides antimicrobiens
sont induits par la forme active de la vitamine D (1,25
(OH)2 D3). Poursuivant ces travaux, ils montrent ici que
la vitamine D intervient dans la synthèse de peptides
anti-microbiens après une blessure. Chez l’homme
comme chez la souris, une blessure épidermique stimule
la conversion de la forme inactive à la forme active de
vitamine D. Si l’on bloque le récepteur de la vitamine D,
ou si l’on inhibe l’hydroxylase responsable de cette
conversion, ou si on diminue la vitamine D disponible,
on inhibe l’induction de cathélicidine, ainsi que de TLR2
et de CD14, autres éléments des défenses immunes.
Ce rôle de la vitamine D dans les défenses immunes est
probablement important dans un certain nombre d’autres
situations. Par exemple, des taux sériques bas de vitamine
D3, chez les Noirs américains, sont associés à une hypersensibilité à la tuberculose. On sait que la vitamine D est
synthétisée dans la peau à partir de précurseurs, sous
l’influence des UVB. Ce processus nécessite des expositions
solaires et est moins actif chez les sujets de phototype
foncé. Sans le savoir, les médecins qui soignaient la tuberculose par des séjours ensoleillés mettaient probablement
en œuvre cet effet biologique de la vitamine D.
CICATRISATION
Le rôle majeur du GM-CSF
FANG Y, GONG SJ, XU YH, HAMBLY BD, BAO S.
Impaired cutaneous wound healing in granulocyte/macrophage colony-stimulating factor
knockout mice.
Br J Dermatol 2007 ; 157 : 458-465
La cicatrisation cutanée est un phénomène biologiquement
très complexe. On en distingue trois phases : la phase initiale vasculaire et inflammatoire est dominée par l’afflux
de cellules inflammatoires ; la phase proliférative est celle
de l’angiogenèse et de la synthèse de collagène ; enfin la
phase de maturation voit l’inflammation diminuer et la
cicatrice se remodeler. De très nombreux acteurs interviennent au cours de ce processus de reconstruction
tissulaire et il est certainement difficile d’attribuer un rôle
prépondérant à un type cellulaire ou à une molécule
donnée. Il apparaît cependant que le GM-CSF joue un rôle
particulièrement important. Il y a déjà eu des publications
sur ce thème, incluant des travaux cliniques où des
injections locales de GM-CSF ont permis d’améliorer la
cicatrisation de plaies chroniques. Cette équipe de
chercheurs chinois et australiens a voulu explorer le
mode d’action du GM-CSF dans la cicatrisation. Pour cela,
ils ont utilisé des souris « knockoutées » pour le GM-CSF,
c’est-à-dire génétiquement dépourvues de cette cytokine.
Des plaies cutanées expérimentales cicatrisent de façon
retardée chez ces souris, par rapport à des souris normales.
Chez ces dernières, une plaie cutanée est complètement
fermée en 10 jours. Chez les souris knockout pour le GM-
CSF, la cicatrisation est ralentie, et complète en 14 jours
en moyenne. Des études complémentaires montrent que
de nombreuses cytokines sont diminuées du fait de
l’absence de GM-CSF : notamment l’interleukine 6 et des
cyokines actives sur les macrophages. Il y a une diminution
du recrutement des cellules inflammatoires (neutrophiles
et macrophages) et une diminution de la vascularisation
des plaies. Les auteurs n’ont pas pu déterminer si le GMCSF actif sur la cicatrisation provient des kératinocytes
sur place, ou s’il s’agit du GM-CSF des cellules hématopoïétiques. On confirme en tout cas que le GM-CSF est
une cytokine-clé de la cicatrisation.
OBSERVANCE
Sachons-le, l’observance est faible
ALI SM, BRODELL RT, BALKRISHNAN R, FELDMAN SR.
Poor adherence to treatments: a fundamental principle of
dermatology.
Arch Dermatol. 2007 ; 143 :912-5.
JONES-CABALLERO M, UNAEZE J, PENAS PF, STERN RS.
Use of biological agents in patients with moderate to severe
psoriasis : a cohort-based perspective.
Arch Dermatol. 2007 ; 143 : 846-850.
L'équipe du Dr R Stern a enrôlé il y a maintenant près de
trente ans 1450 patients traités par PUVAthérapie pour
psoriasis, dans le but principal de surveiller les effets
secondaires à long terme. Actuellement, cette cohorte,
dont la plupart des membres ne suivent plus de PUVAthérapie depuis longtemps, représente une population
bien suivie de patients présentant un psoriasis important.
En 2005, 521 patients ont pu être examinés. A cette occasion,
les auteurs se sont intéressés à l’utilisation des traitements
biologiques, aux résultats obtenus et à l’opinion des
patients sur ces traitements.
Sur 521 patients, 74, soit 14%, ont été traités par un
Biologique au cours de ces dernières années. il s'agissait le
plus souvent de l'etanercept, plus rarement de l'infliximab,
de l'efalizumab, de l'alefacept. Par rapport aux autres
patients, ceux traités par Biologique étaient plus jeunes
(en moyenne 61 ans contre 65) et avaient atteint un niveau
d'éducation plus élevé. Ces deux facteurs sont probablement des incitations à essayer de nouveaux traitements.
Mais, assez logiquement, leur psoriasis était également
plus important. En 1998, c'est-à-dire avant la disponibilité
des Biologiques, leurs futurs utilisateurs étaient plus
nombreux (67%) à avoir un psoriasis modéré à sévère. Ce
pourcentage a diminué à 42% en 2005. Les futurs non-utilisateurs, avaient pour 43% un psoriasis modéré à sévère,
chiffre qui est resté stable.
Les utilisateurs de Biologiques trouvent, majoritairement,
qu'il s'agit des traitements les plus efficaces qu'ils aient
reçu, tandis que les non utilisateurs continuent de préférer
la PUVA. On peut donc dire, globalement, que les Biologiques ont plutôt été prescrits aux patients les plus atteints,
qui en ont une opinion positive.
Mais l'éditorial qui accompagne cet article attire l'attention
sur une conclusion un peu différente : la discordance
entre les résultats observés au cours des essais cliniques
et ceux obtenus « dans la vraie vie ». Ainsi, on peut retenir,
45 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH
dans la cohorte de l'étude « PUVA », que parmi les patients
ayant été traités par un Biologique, 42% conservent un
psoriasis modéré ou sévère. Evidemment, on n'a pas de
détail sur les durées et autres modalités de traitement. Ce
chiffre est cependant très différent de ce qu'annoncent
les essais cliniques des Biologiques. D'où provient la différence ? Probablement de l'observance.
Cette observation n'est pas particulière aux traitements
du psoriasis. Elle est vraie pour tous les traitements en
général, oraux et locaux, mais probablement plus encore
en dermatologie, où les traitements topiques en particulier
sont parfois tellement déplaisants qu'ils découragent la
plupart des malades.
Il faut que nous soyons bien convaincus que l'observance
réelle des traitements est très éloignée de ce que nous
écrivons sur nos ordonnances. Il y a à celà de multiples
raisons : l'absence de confiance dans le médecin,
l'incompréhension des traitements purement suspensifs,
la lassitude, le découragement, la négligence, le désagrément des pommades grasses, la crainte des effets secondaires des corticoïdes.
Les auteurs prennent l'exemple du traitement du psoriasis
du cuir chevelu, qui doit être agréable à appliquer ; sinon
il ne sera pas utilisé et donc jugé inefficace. Ils prennent
aussi l'exemple de cas de dermatite atopique grave, continuant d'évoluer malgré un traitement ambulatoire, et
spectaculairement améliorés par une courte hospitalisation
où les traitements seront réellement effectués.
Il est possible que la sous-estimation des déficits
d'observance ait amené à une mauvaise compréhension
de la pharmacologie des traitements. Par exemple, on a
beaucoup parlé de la tachyphylaxie, phénomène
d'échappement qui fait qu'après un certain temps, les
dermocorticoïdes perdent leur efficacité. Mais ce phénomène, fréquent en pratique, n’a pas été retrouvé lors des
essais cliniques. La raison pourrait être qu'il s'agit en fait
d'un déficit d'observance : si les dermocorticoïdes
n'agissent plus, c'est parce que les patients ont cessé de
les appliquer.
D'ailleurs les essais cliniques les plus étroitement surveillés ne sont pas à l'abri de difficultés d'observance, dès
lors que les traitements sont appliqués sans contrôle
direct. L'utilisation de "mouchards" électroniques a montré
que les patients cessent rapidement de prendre régulièrement leurs traitements.
Il revient aux praticiens, et en fait cela a toujours fait
partie de leurs obligations, de prendre la mesure de ce
phénomène individuellement, afin de ne pas se tromper
si leurs traitements n'obtiennent pas les résultats prévus
par les essais cliniques. D'abord obtenir la confiance du
patient, savoir ce qui lui convient, ce qu'il souhaite. Et le
revoir fréquemment, par exemple après quelques jours de
corticothérapie locale, pour constater la bonne efficacité,
parler de la tolérance, dissiper les fausses craintes et
croyances, et envisager la suite du traitement de façon plus
pertinente. En effet, ce sont les traitements de longue
durée qui sont les plus sujets aux déficits d'observance.
Mais tout cela, les prescripteurs le savent bien.
46 - Kératin 2008 ; 14 : 37-46 / D. WALLACH
KERATIN
e n
r e c h e r c h e
d e r m a t o l o g i q u e
code 47 06 23
a c t u a l i t é s