110311 Chine Modification climat
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110311 Chine Modification climat
Note de veille, 11 mars 2011 Une météo à la demande ? Les activités humaines sont aujourd’hui largement rendues responsables du phénomène du réchauffement climatique mondial et des dérèglements météorologiques qu’il provoque. Mais l’homme peut-il aussi modifier le climat à sa guise, pour lutter contre des sécheresses ou éviter des intempéries ? La technique de l’ensemencement des nuages, permettant de provoquer ou d’empêcher des précipitations, suscite de plus en plus d’intérêt dans le monde, notamment en Chine. Si les techniques de manipulation du climat suscitent de nombreux débats en Occident, elles sont en revanche largement utilisées en Chine, où le gouvernement n’hésite pas à modifier les conditions climatiques selon ses besoins. Depuis 1995, les « bureaux de modification du climat » provoquent en effet, sur commande des autorités locales, des chutes de pluie ou de neige pour lutter contre les sécheresses ou les incendies 1. Pour cela, d’après les chiffres officiels, le Bureau chinois de modification du climat dispose d’une délégation dans chaque province du pays totalisant 32 000 employés et un budget annuel compris entre 60 et 90 millions de dollars US 2. Selon l’agence de presse gouvernementale Xinhua, entre 1999 et 2006, 250 millions de tonnes de pluie ont ainsi été artificiellement créées 3. Dans le cadre du 11e plan quinquennal, le parti communiste prévoit de « faire tomber » 50 millions de m3 d’eau chaque année sur le territoire chinois. Dernier exemple en date, le 10 février 2011, les autorités pékinoises ont déclenché des chutes artificielles de neige sur huit provinces sévèrement touchées par la sécheresse. La pratique utilisée par les météorologues chinois consiste à envoyer dans la couche nuageuse de l’iodure d’argent, ce qui provoque une condensation de la vapeur d’eau contenue dans les nuages et entraîne des précipitations (ou des chutes de neige). Cette technique dite d’ensemencement des nuages permet de disperser le brouillard, d’empêcher ou de provoquer des précipitations ou des chutes de grêle, sous réserve que certaines conditions climatiques soient réunies. Cette technologie a été inventée aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Utilisée à titre expérimental jusque dans les années 1970 pour lutter contre les sécheresses locales, elle a progressivement été délaissée car elle provoquait plus souvent de la grêle que de la pluie. Le 1 http://news.xinhuanet.com/english/2007-10/07/content_6839502.htm. Ready, aim, fire and rain. Pallavi Aiyar, Asia Times, 13 juillet 2007. http://www.atimes.com/atimes/China/IG13Ad01.html. ; http://news.xinhuanet.com/english2010/china/2011-02/14/c_13731880.htm. 3 http://uk.reuters.com/article/2007/12/14/environment-china-drought-dc-idUKPEK13275320071214. 2 © Futuribles, Système Vigie, 11 mars 2011 1 fait qu’aucune étude n’ait démontré l’efficacité des techniques d’ensemencement des nuages sur les précipitations explique aussi la baisse continue des expériences menées en Occident 4. Mais, depuis quelques années, un regain d’intérêt s’observe pour l’ensemencement des nuages. Selon l’OMM (Organisation météorologique mondiale, qui dépend des Nations unies), actuellement, des centaines de programmes plus ou moins expérimentaux seraient en cours dans le monde, notamment aux États-Unis, en Russie, en Amérique latine et dans certains pays européens. Par exemple, l’entreprise Weather Modification, spécialisée dans ce type d’opérations, compte aujourd’hui une trentaine de projets aux États-Unis, et d’autres en Argentine, en Arabie Saoudite et en Espagne. Aux États-Unis, l’État de l’Utah mène actuellement quatre projets d’ensemencement utilisant de l’iodure d’argent, pour un budget total de 430 000 dollars US 5. Mais c’est dans les pays en développement (qui sont de fait les plus concernés par les sécheresses) que les projets sont les plus nombreux. Ainsi, en Thaïlande, la technique est utilisée depuis les années 1970 6. L’organisme chargé de provoquer les précipitations compte 500 salariés et un budget annuel de 20 millions de dollars US. Le gouvernement justifie son action par des d’études qui ont démontré que l’ensemencement permettait de recharger les nappes phréatiques dans les régions les plus sèches. De même, en Inde, un projet pilote mené dans l’État d’Andhra Pradesh depuis 2003 aurait permis d’augmenter le volume des précipitations de 14 % par an en moyenne 7. Une autre étude de l’American Meteorological Society menée à la fin des années 1990 conclut que l’ensemencement des nuages en Afrique du Sud permet d’accroître le volume des précipitations de 10 % 8. Néanmoins, l’efficacité de cette technologie n’a pas été démontrée formellement au niveau international, alors que son utilisation est relativement coûteuse. En 2010, après avoir analysé des expériences menées depuis 50 ans, des chercheurs ont même conclu que les hausses de précipitations constatées après des ensemencements étaient souvent plus causées par des phénomènes climatiques naturels que par l’action humaine 9. Selon l’OMM, l’impact de cette technique serait limité, et en tout cas insuffisant pour contenir une sécheresse. Il dépend aussi en grande partie des conditions météorologiques locales (présence de nuages, taux d’humidité atmosphérique...). Les scientifiques s’interrogent aussi 4 Committee on the Status and Future Directions in U.S Weather Modification Research and Operations, National Research Council. Critical Issues in Weather Modification Research. http://www.nap.edu/catalog.php?record_id=10829. 5 Voir le site Internet http://water.utah.gov/cloudseeding/currentprojects/. 6 KHANTIYANAN Warawut. 50 Years of Thailand Cloud Seeding Activity. Bangkok : Bureau of the Royal Rainmaking and Agricultural Aviation, Bangkok, 2007. 7 Voir CASWMT (Centre for Atmospheric Sciences and Weather Modification Technologies). International Workshop and Brainstorming Session on Evaluation of Cloud Seeding Operations in Andhra Pradesh, 2008, http://www.indiawaterportal.org/taxonomy/term/8764. 8 MATHER G. K., TERBLANCHE D. E. « Results of the South African Cloud-Seeding Experiments Using Hygroscopic Flares ». Journal of Applied meteorology, American Meteorological Society, novembre 1997. 9 LEVIN Zev, HALFON Noam, ALPERT Pinhas. « Reassessment of rain enhancement experiments and operations in Israel including synoptic considerations ». Atmospheric Research, 2010, site Internet : 10.1016/j.atmosres.2010.06.011. © Futuribles, Système Vigie, 11 mars 2011 2 sur la possible nocivité de l’iodure d’argent utilisé, même à petites doses comme c’est le cas pour l’instant. L’ensemencement des nuages est donc toujours utilisé avec prudence, car il reste mal maîtrisé, comme le prouvent les pratiques chinoises : en novembre 2009, la municipalité de Pékin a provoqué des chutes de neige sur la région, afin de compenser les effets de la sécheresse, sans prévenir la population. L’opération a provoqué des tempêtes de neige, paralysé la ville de Pékin et causé le décès de 40 personnes. Les dérives permises par la technologie sont également dénoncées : pour l’ouverture des jeux Olympiques de Pékin en août 2008 et lors de la célébration du 60e anniversaire de la fondation de la république en octobre 2009, les autorités ont affirmé qu’elles avaient fait en sorte que les éventuelles précipitations soient « déplacées » pour ne pas perturber les cérémonies. L’ensemencement des nuages à l’aide d’iodure d’argent ne constitue sans doute pas LA solution aux problèmes de sécheresse dans le monde. Mais une meilleure coordination des recherches internationales permettrait d’en déterminer plus précisément le potentiel et d’encadrer si besoin les pratiques. Cécile Désaunay Sources : THIBAULT Harold. « La Chine déclenche des pluies contre la sécheresse ». Le Monde, 12 février 2011 ; site Internet de la NAIWMC (North American Interstate Weather Modification Council) : http://www.naiwmc.org/ ; site Internet du Beijing Meteorological Bureau : http://web.archive.org/web/20071013132209/http://bjmb.gov.cn/en/wmod.asp ; site Internet de Weather Modification : www.weathermodification.com. http://www.wmo.int/pages/about/wmo50/e/wmo/today_pages/physics_chemistry_e.html; OMM. « Executive Summary of the WMO Statement on Weather Modification, Updated in the Meeting of the Expert Team on Weather Modification Research ». WMO Documents on Weather Modification, mars 2010, site Internet : http://www.wmo.int/pages/prog/arep/wwrp/new/weathermod_new.html. © Futuribles, Système Vigie, 11 mars 2011 3