Négocier un accord sur le forfait-jours - CFTC-CSFV

Transcription

Négocier un accord sur le forfait-jours - CFTC-CSFV
Négocier un accord sur le forfait-jours
Le forfait jours est un mode d’organisation du temps de travail réservé aux salariés
disposant d’une grande autonomie, en général les cadres. Il permet de décompter le
temps de travail non pas selon une référence horaire mais selon un nombre de jours
travaillés sur l’année.
L’employeur n’a donc pas à distinguer ce qui relève dans une journée de travail du
temps de travail effectif, des pauses et des temps de trajet.
La rémunération est forfaitaire et doit être en rapport avec les sujétions imposées aux
salariés.
La mise en place du forfait jours implique cependant le respect de conditions
légales strictes.
Sont ainsi obligatoires :

La signature par le salarié d’une convention de forfait individuelle,
formalisant l’accord exprès du salarié (en général intégré dans le contrat de
travail)
Cette convention précise le nombre de jours travaillés et leurs modalités de décompte, les
conditions de prise des jours de repos, la rémunération et les modalités de surveillance de la
charge de travail du salarié.

L’existence d’un accord collectif (de branche ou d’entreprise) prévoyant le
recours au forfait jours
L’accord doit déterminer obligatoirement les catégories de salariés susceptibles de conclure
une convention de forfait, la durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait est établi et
fixer les caractéristiques principales de ces conventions.
Récemment, la Cour de Cassation a défini des exigences nouvelles en matière de
dispositions pour garantir la santé et la sécurité des salariés au forfait jours. De
nombreux accords existant sur le sujet ne sont plus valables et doivent être renégociés.
En tant que représentants CFTC, vous êtes nombreux à être confrontés tant dans les
entreprises que dans les branches à une telle négociation. Il peut s’agir d’un accord
E
spécifique
ou d’une partie d’un accord plus général sur l’aménagement du temps de
.
travail.
Pour vous aider dans la négociation, il vous est proposé ci-dessous un modèle
d’accord reprenant les dispositions classiques et nos préconisations et conseils
Accord de branche ou d’entreprise ?
En matière de temps de travail c’est l’accord d’entreprise qui prévaut sur l’accord de branche
même s’il est moins favorable. Vérifiez donc que l’accord proposé en entreprise soit aussi
favorable que ce que prévoit votre convention collective.
En branche, il est possible de renvoyer à la négociation d’entreprise le soin de définir certaines
modalités du forfait jours : dans ce cas, le recours au forfait jours n’est possible que si un accord
d’entreprise est conclu sur le sujet.
Je vérifie que mon accord prévoit bien les clauses obligatoires suivantes :
Définitions des salariés concernés
Fixation du nombre de jours travaillés (dans la limite de 218 par an)
Modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillés
Modalités de prise des journées ou demi-journées de repos
Règles sur le repos quotidien et le repos hebdomadaire
Conditions de contrôle de l'application de ce type de forfait
Modalités de suivi de l’organisation de travail et de la charge de travail des
salariés concernés.
2
Accord type relatif au forfait jours
Modèle Type
Nos conseils
Préambule
Les parties signataires réaffirment leur attachement aux droits à la santé, à la sécurité
et au repos des salariés.
Le préambule peut aussi être
l’occasion de rappeler les motifs
pour lesquels le recours à ce
mode d’organisation du travail
est nécessaire.
Salariés concernés
Conformément à l’article L.3121-43 du Code du travail, peuvent conclure une
convention de forfait en jours sur l'année

les salariés qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi
du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire
collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont
intégrés

les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et
qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du
temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
La notion d’autonomie s’apprécie par rapport à l’autonomie dans l’organisation du
temps de travail c’est-à-dire par rapport à la liberté dont bénéficie le salarié pour
déterminer son emploi du temps, son horaire de travail, calendrier des jours et demi
jours de travail ou encore ses plannings de déplacement professionnels
Il peut être utile de bien définir
la notion d’autonomie dans
votre accord. Notez toutefois
que l’autonomie du salarié ne le
fait pas échapper au pouvoir de
subordination de l’employeur,
qui peut lui imposer par
exemple d’être présent à des
réunions, de respecter des
délais pour la prise des congés,
etc…
Il s’agit des salariés occupant les emplois suivants…
Il est important de limiter le
recours au forfait jours à
certaines catégories d’emplois
qui impliquent une véritable
autonomie. Ces catégories
doivent
être
strictement
définies dans l’accord.
/ positionnés dans la classification au niveau ou échelon…
Il est rappelé que la conclusion d’une convention annuelle de forfait en jours requiert
l’accord écrit du salarié et fait impérativement l’objet d’un accord signé par les parties
(contrat de travail ou avenant au contrat). Le refus du salarié de signer cette convention
ne remet pas en cause le contrat de travail du salarié et n’est pas constitutif d’une
faute.
Notez-le ! Il s’agit d’un simple
rappel des dispositions de
l’article L.3121-40 du code du
travail
Durée du forfait annuel en jours
Le nombre de jours travaillés est fixé à … jours par année, journée de solidarité incluse.
Le nombre de jours travaillés
fixés par l’accord ne peut
excéder 218 jours (journée de
solidarité incluse) par année. Il
est tout à fait possible de définir
un plafond moindre. S’il existe
des congés conventionnels, ces
3
congés doivent être déduits du
nombre de jours travaillés.
Ce chiffre correspond à une année complète de travail d’un salarié ayant acquis la
totalité des droits à congés payés.
L’année peut s’entendre de
l’année civile ou d’une autre
période de 12 mois (par
exemple
la
période
d’acquisition des congés payés,
du 1er juin au 31 mai)
Pour les salariés ne bénéficiant pas d’un congé annuel complet, le nombre de jours de
travail est augmenté à concurrence du nombre de congés légaux et conventionnels
auquel le salarié ne peut prétendre.
Pour les salariés entrant ou sortant en cours d’année civile, le nombre de jours prévus
est déterminé prorata temporis en fonction du nombre du nombre de mois travaillés sur
l’année
Les absences ne donnant pas lieu à récupération (notamment les absences maladie)
devront être déduites du nombre de jours devant être travaillés par le salarié
Même si elles ne sont pas
rémunérées,
les
absences
doivent être déduites du forfait
jours ; dans le cas contraire,
cela
reviendrait
à
faire
récupérer aux salariés ses
absences- ce qui est illicite dans
la plupart des cas, notamment
en cas de maladie, de grève ;
etc…
(Clause facultative) Forfait jours réduit
Les salariés qui souhaitent exercer une activité réduite sur l’année (notamment dans le
cadre d’un congé parental) peuvent bénéficier d’un forfait annuel inférieur au seuil
défini précédemment. Le salarié sera rémunéré au prorata du nombre de jours fixé par
sa convention et sa charge de travail devra tenir compte de cette réduction convenue.
L’insertion d’une telle clause
permet de tenir compte des
salariés
cadres
qui
souhaiteraient bénéficier d’un
temps partiel.
(Clause facultative) Renonciation à des jours de repos
La possibilité de renonciation
aux jours de repos est prévue
par l’article L.3121-45 al 1 du
Code du travail. A défaut
d’accord, le nombre maximal de
jours pouvant être travaillés est
de 235 jours et la majoration
fixée à 10%.
De nombreux accords prévoient
une majoration plus favorable
(par exemple 20%).
Le salarié qui le souhaite peut avec l’accord préalable de l’employeur renoncer à une
partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire. L’accord entre
l’employeur et le salarié est établi par écrit.
Dans le souci de préserver la santé du salarié, le nombre de jours travaillés dans l’année
ne peut excéder….jours.
Le taux de majoration applicable à la rémunération de ces jours de travail
supplémentaires est fixé à …%.
Modalités de mise en œuvre du forfait et garanties pour les salariés
Réglementation de la durée du travail
Il est précisé que compte tenu de la nature du forfait jours, le salarié n’est pas soumis à
un contrôle de ses horaires de travail.
Conformément à l’article L.3121-48 du Code du travail, les salariés au forfait jours ne
sont pas soumis :

à la durée légale hebdomadaire prévue à l’article L. 3121-10 du code du
travail soit 35 heures par semaine ;
4


à la durée quotidienne maximale de travail prévue par l’article L. 3121-34 du
code du travail soit 10 heures par jour ;
aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues par les articles L.
3121-35 et L. 3121-36 du Code du Travail (soit 48 heures pour une semaine ou
44 heures sur 12 semaines consécutives).
En revanche, les salariés au forfait jours bénéficient obligatoirement :

d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives (article
L. 3131-1 du code du travail)

d’un repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives
auxquels s’ajoutent les 11 heures de repos quotidien (article L. 3132-2 du
Code du travail)
Il est rappelé que ces limites n’ont pas pour objet de définir une journée habituelle de 13
heures par jour mais une amplitude exceptionnelle maximale de la journée de travail.
Les amplitudes de travail devront rester raisonnables et la répartition de la charge de
travail sera équilibrée dans le temps.
Décompte des jours travaillés et prise des jours de repos
Le forfait annuel en jours s'accompagne d'un décompte des journées travaillées au
moyen d'un suivi objectif, fiable et contradictoire mis en place par l'employeur.
L'employeur est tenu d'établir un document qui doit faire apparaître le nombre et la
date des journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours
non travaillés en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours
de repos.
Ce document rappellera la nécessité de respecter une amplitude et une charge de
travail raisonnables et une bonne répartition dans le temps de travail du salarié.
Ce suivi est établi par le salarié sous le contrôle de l'employeur qui a pour mission de
vérifier l’amplitude de travail du salarié.
Conseil :
Il est important d’éviter des
clauses qui font peser sur le
salarié le respect d’une
amplitude
de
travail
raisonnable.
Le positionnement des jours de repos par journée entière ou demi-journées se fait au
choix du salarié, en concertation avec la hiérarchie, dans le respect du bon
fonctionnement du service dont il dépend.
Il convient dans cette partie de
définir
un
mode
de
fonctionnement qui permette
de contrôler que le temps de
travail
du
salarié
reste
raisonnable tout en respectant
son autonomie. Ainsi par
exemple, il faut éviter les
dispositions qui valorisent en
heures la journée ou demijournée de travail ou de repos.
Alternative
Les modalités de prise des journées ou demi-journées de repos sont fixées par moitié sur
proposition du salarié pour l’autre moitié à l’initiative de l’employeur.
Garanties du droit à repos
Sous l’influence des normes européennes, la Cour de Cassation impose que les conventions de forfaits en jours soient
prévues par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi
que les temps de repos journaliers et hebdomadaires et ce au nom du droit à la santé et au repos. De nombreuses
possibilités existent.
Ci-dessous quelques propositions à choisir et adapter selon votre entreprise ou votre branche.
5
Suivi régulier de l’organisation du travail et de la charge du salarié par le supérieur
hiérarchique
Vous
pouvez
également :
L’employeur devra analyser les informations relatives au suivi des jours travaillés au
moins une fois par … (semestre/trimestre/mois).
- que le salarié puisse à sa
demande se faire accompagner
par un salarié de son choix
qu’un
compte
rendu
d’entretien écrit soit établi à
l’issue de cet entretien pour
consigner les solutions et
mesures envisagées
S’il apparaît que la charge de travail et l’organisation du salarié révèlent une situation
anormale, il recevra le salarié à un entretien sans attendre l’entretien annuel prévu par
l’article L. 3121-46 du Code du travail afin d’examiner avec lui l’organisation de son
travail, sa charge de travail, l’amplitude de ses journées et d’envisager toute solution
permettant de traiter des difficultés identifiées.
Entretiens périodiques
En application de l’article L.3121-46, le salarié est reçu une fois par an par l’employeur
lors d’un entretien portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail
dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et
familiale ainsi que la rémunération.
proposer
Conseil :
Le dispositif prévu par le Code
du travail peut être renforcé ;
selon la Cour de Cassation, la
tenue de cet entretien annuel
n’est d’ailleurs pas suffisante
pour permettre d’assurer le
respect du droit à repos du
salarié.
Vous pouvez proposer
mesures suivantes :
les
-
Obligation
pour
l’employeur
de
convoquer le salarié à
un entretien portant
sur
les
matières
prévues à l‘article L.
3121-46 du Code du
travail au moins deux
fois par an
-
Assistance du salarié
le souhaitant par un
salarié de son choix
-
Compte rendu écrit à
l’issue de chaque
entretien
OU
Formulaire reprenant
les points à évoquer
lors de l’entretien
avec des encadrés
destinés à recueillir
les observations du
salarié
-
-
Prévoir une formation
à destination des
managers
sur
la
conduite
de
ces
entretiens.
Dispositif d’alerte
En cas de difficulté inhabituelle portant sur l'organisation et la charge de travail le
salarié a la possibilité d'émettre, par écrit, une alerte auprès de l'employeur qui recevra
6
le salarié dans les 8 jours et formulera par écrit les mesures qui sont, le cas échéant,
mises en place pour permettre un traitement effectif de la situation. Ces mesures feront
l'objet d'un compte-rendu écrit et d'un suivi.
L'employeur transmet une fois par an au CHSCT, ou à défaut aux délégués du personnel,
le nombre d'alertes émises par les salariés ainsi que les mesures prises pour pallier à ces
difficultés.
Droit de déconnexion
L’employeur veillera à ce que les locaux professionnels soient fermés avant et
après…heures et le weekend. L’accès aux mails professionnels sera bloqué pendant ces
périodes.
L’employeur prendra les mesures nécessaires pour que le salarié ait la possibilité de se
déconnecter des outils de communication à distance mis à sa disposition.
Fixation d’une durée maximale de travail quotidien ou hebdomadaire
Afin d’assurer l’effectivité du droit à repos du salarié, il est prévu par dérogation plus
favorable aux dispositions légales que les salariés au forfait jours bénéficieront des
mesures suivantes :
L’amplitude de la journée de travail ne pourra excéder …
négocier en deçà de 13 heures
Le temps de repos sera de minimum …
négocier au-delà de 11 heures
Le repos hebdomadaire sera au minimum de…
aller au-delà des 35 heures de
repos : par exemple prévoir au
minimum deux jours de repos
consécutifs
Rémunération
La rémunération du salarié est fixée sur l’année et sera versée par douzième
indépendamment du nombre de jours travaillés sur l’année.
Il est rappelé que conformément à l’article L. 3121-47 du Code du travail, lorsqu'un
salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération
manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant
toute clause contraire, conventionnelle ou contractuelle, saisir le juge judiciaire afin que
lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard
notamment au niveau du salaire pratiqué dans l'entreprise et correspondant à sa
qualification conformément aux dispositions légales.
Conseil :
Il est possible dans cet article de
revendiquer le bénéfice d’une
rémunération minimale pour les
salariés au forfait jours.
Exemple :
rémunération
minimale fixée au plafond de la
sécurité
sociale
ou
correspondant à 120% du
salaire minimum conventionnel
de la catégorie à laquelle
appartient le salarié.
Suivi des forfaits jours par les représentants du personnel
Les comités d'entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, sont informés et
consultés chaque année sur le recours aux forfaits jours dans l'entreprise, ainsi que sur
les modalités de suivi de la charge de travail des salariés. Ces informations (nombre de
salariés en forfaits jours, nombre d'alertes émises, synthèse des mesures prises) sont
également transmises au CHSCT.
N’hésitez pas à faire vérifier votre accord auprès du service juridique
7