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Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique N°92 : Août 2007 Nous sommes des animaux mais on n’est pas des bêtes – Jean-Marie Meyer Entretiens avec Patrice de Plunkett 1 Catastrophe ! On veut donner aux animaux des « droits », comme les droits de l’homme ! Pourquoi ? En s’attaquant à cette question, les auteurs, un philosophe et un journaliste, s’interrogent en profondeur sur ce qui sépare l’homme de l’animal. Ce qu’ils découvrent bouscule nos idées et sonne l’alarme pour l’avenir de notre espèce. Un livre décapant ! De La Fontaine au New Age La Fontaine aimait les bêtes, mais il considérait que l’être perfectible et admirable, c’était l’humain. Dans l’idéologie du New Age, l’admirable est l’animal. La vérité n’est pas dans l’homme mais dans la nature. Les humains d’aujourd’hui ne sont plus censés partager des idées mais des émotions et le seul domaine où l’on parle d’intelligence, c’est précisément les études qui cherchent à la repérer chez l’animal... Votre chien vous parle, mais vous ne le comprenez pas ? Dialogue de sourds ? Ce n’est pas vous qui êtes sourd, c’est l’animal qui est muet ! Ne confondons pas communication et langage. L’homme veut faire connaître à l’autre, non seulement ce qu’il a « senti », mais ce qu’il a « compris ». Se borner à réagir à une impression par un cri, ce n’est pas du langage, c’est du réflexe et c’est proche de l’animal. Celui-ci communique par un signal, qui déclenche une action. Le mot utilisé par l’humain est un signe, habité par un sens et orienté vers la transmission d’une connaissance. L’intelligence humaine agit en se libérant de l’affectivité et en mettant les choses à distance. Ainsi, le mot « pain » pourra continuer à intéresser l’homme après qu’il se sera nourri. Autrement dit, il y a deux principes différents de représentation et de communication : le concept et l’image. Le concept ouvre l’intelligence à « l’être de la chose », c’est le propre de l’homme ; l’image vient du monde sensible, qui déclenche une représentation et pousse à l’action, c’est le psychisme de l’animal. En somme, la parole humaine exprime la réflexion, alors que le comportement animal est un ensemble de réactions d’adaptation entre un organisme et son milieu. L’animal et la bête L’animal, c’est l’être animé, doté d’une âme. Parmi ceux-ci, Aristote distinguait les « animaux » doués de la parole et tous les autres, les « bêtes ». Les instincts animaux ne sont pas l’équivalent de la raison humaine : - la raison est une unité de conduite, fondée sur des processus logiques et une libre capacité de réflexion. L’homme est un animal doué de sensibilité, capable de réflexion, de discours et de concept, - la bête est sous l’emprise de ses tendances et de ses réponses à l’environnement. Elle est douée de sensibilité, mais privée de raison. Seul l’homme est capable de comportements qualifiés à tort de « bestiaux » ; la grandeur de l’homme se dessine en creux dans l’abîme du mal. L’homme peut utiliser dans la méchanceté toute son intelligence. L’animal ne peut être cruel car il n’est pas humain. Préméditer un acte, jouir de la souffrance de l’autre, toutes les cruautés dont l’homme est capable n’a pas d’équivalent chez la bête. La bête et l’homme Ce qui pose un problème aujourd’hui, ce n’est pas la bête, c’est l’homme. Il perd de vue sa propre originalité. Nous avons de plus en plus de mal à assumer le paradoxe humain : être des animaux de ce monde mais également autre chose que de la matière. Les droits de l’animal ? Donner des droits juridiquement et politiquement reconnus aux bêtes, c’est contester la notion même de Droit, qui est propre à l’homme. C’est abattre l’anthropocentrisme qui place l’homme au centre de la Création. Ainsi, les droits de l’animal tueraient les Droits de l’Homme. Hyper-écologie / biotechnologie Les défenseurs des droits de l’animal sont des ultra-écologistes pourfendeurs de l’industrie biotechnologique mais ils partagent le même non-dit : ils oublient le visage et le mystère de l’homme. La dignité humaine n’est plus au centre. On ne parle plus de l’homme, on parle du « vivant » qui n’est qu’un matériau. L’hyper-technologie s’arroge le droit de manipuler l’humain ; l’hyper-écologie résorbe l’humain dans le « Grand Tout » de la Nature. Ces deux courants font la même impasse sur l’originalité de l’espèce humaine ; la dignité humaine n’est plus au centre. Ils oublient ainsi l’essentiel qui est de distinguer entre la protection d’une espèce et le respect d’une personne et cela souligne, s’il en était encore besoin, l’urgence de la vigilance philosophique. 1. Nous sommes des animaux mais on n’est pas des bêtes- Libres propos d’un philosophe sur les animaux et les hommes – Ed. Presses de la Renaissance – Avril 2007 Gènéthique - n°92 - août 2007 Le corset invisible – Eliette Abecassis , Caroline Bongrand Libération de la femme ? Aujourd’hui que vivent vraiment les femmes ? Après les avancées voulues par le féminisme et entérinées par la loi, les femmes françaises connaissent-elles vraiment une vie meilleure ? Deux femmes écrivains, difficilement qualifiables de réactionnaires, dressent un tableau désenchanté de la condition féminine et s’interrogent1. Les femmes ne trouvent pas leur place dans la société d’aujourd’hui. Elles n’en peuvent plus de faire le grand écart entre le travail et la vie familiale, d’être affamées par les régimes, terrifiées par leurs rides, de se débattre dans le divorce et de devoir être toujours plus belles, plus minces, plus performantes, bonnes mères et bonnes épouses. Pourquoi une femme qui réussit sa carrière reste-t-elle célibataire ? Pourquoi celle qui se marie amoureuse est-elle cinq ans plus tard au bord du divorce ? Pourquoi l’avortement, revendiqué comme un droit acquis de haute lutte, est-il en réalité vécu comme une épreuve terrible, une souffrance physique et morale indicible parce que taboue ? L’avortement est l’exemple même du corset invisible qui emprisonne les femmes dans leur soitdisant libération : « Il existe un fossé terrible entre la loi et le vécu de son application ». « En réalité, ce sont les hommes qui sont libérés d’un enfant dont ils ne veulent pas s’encombrer et les mères qui culpabilisent. » « Ce que j’avortais, ce n’était pas le fœtus, c’était moi, c’était mon essence féminine », reconnaît l’une de ces femmes. Le féminisme s'est construit Contre Le féminisme s’est construit contre l’homme, contre le patriarcat, contre l’ordre établi, mais aussi contre le féminin et donc contre la nature profonde de la femme. Le féminisme s’est construit contre l’homme, tout en le prenant comme modèle. Et les femmes toutes puissantes ont pris la place des hommes dans bien des domaines ; après avoir revendiqué le divorce, elles ont montré qu’il était possible d’élever des enfants seules, mais à quel prix ? Au prix d’elles-mêmes et au prix de l’homme qui se trouve exclu de la cellule familiale. C’est ainsi que la pornographie sur Internet vole au secours de l’homme fragilisé ; là, il retrouve l’image de l’homme surpuissant… Pour une nouvelle femme française En conclusion, la femme d’aujourd’hui a dépassé le cap de la lutte contre l’homme. Eliette Abecassis et Caroline Bongrand concluent : « même les femmes les plus fortes en apparence nous l’ont confié : elles donnent l’impression de tout maîtriser, mais elles ont besoin de l’homme. Pour libérer la femme de son corset invisible, il faut libérer la société toute entière et donc libérer l’homme, c’est-à-dire lui redonner sa place ». 1. Le corset invisible – Manifeste pour une nouvelle femme française - Eliette Abecassis et Caroline Bongrand - Ed. Albin Michel - Mars 2007 Qui sommes-nous avant de naître ? – Dr Roger Bessis La reproduction bouleversée Avant, tout semblait simple : la reproduction était le résultat de la sexualité et le fœtus se développait dans le mystère du ventre maternel. Rompant avec des millénaires d’inconnu et de fatalisme, la médecine fœtale permet aujourd’hui de connaître tous les détails de la période intra-utérine, de détecter précocement les troubles du développement et parfois d’y remédier. Les bouleversements autour de la reproduction font aussi surgir mille questions médicales, juridiques, morales, éthiques et sociales qui exigent des choix cohérents. Face aux situations inédites que vont connaître les fœtus, le Docteur Roger Bessis, l’un des pionniers de l’échographie et l’une des personnalités marquantes de la médecine fœtale, réclame d’urgence un statut pour dépasser l’opposition entre chose et personne. Le fœtus individualisé Le médecin peut intervenir sur le fœtus pour le soigner, le supprimer ou choisir parmi d’autres un embryon exempt d’une pathologie donnée (diagnostic préimplantatoire). Le fœtus peut également être l’instrument d’un projet qui ne le concerne pas (quand il n’entraîne pas sa destruction), lorsqu’il s’agit d’utiliser ses cellules ou ses organes dans un but thérapeutique au profit d’un autre. Il peut désormais être détaché de sa référence à la sexualité du couple parental ou encore de l’utérus maternel. S’il est impossible de prévoir l’usage que nos descendants feront de l’utérus artificiel ni si celui-ci bouleversera effectivement les relations entre hommes et femmes, en revanche la certitude de sa survenue pose très concrètement la question de l’individualisation du fœtus. Un statut de fœtus ? Entre chose et personne, le Dr Bessis plaide en faveur d’un statut du fœtus qui inciterait à rechercher pour l’avenir des alternatives aux techniques de conception ouvertement utilitaires (clonage thérapeutique, enfant « docteur », banque d’embryons…). Sa claire distinction de la personne humaine permettrait selon Roger Bessis, de résoudre le non-sens de l’inexistence pénale du fœtus sans remettre en cause l’avortement. Sur cette question, la position de l’auteur est claire : la pratique d’une médecine fœtale efficace est indissociable de la possibilité d’interrompre la grossesse éventuellement, et ce jusqu’à la veille de la naissance pour motif médical. Or, reconnaître au fœtus le statut de personne serait lui reconnaître des droits particuliers, éventuellement opposables à ceux de la mère, ce qui interdirait tout avortement. « Il est temps d’échapper au double obscurantisme de ceux qui refusent l’évidence du droit à l’avortement au nom du fœtus et de ceux qui refusent l’évidence du fœtus au nom de l’avortement », conclut Roger Bessis. Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune – 37 rue des Volontaires, 75725 Paris cedex 15. www.genethique.org – Siège social : 31 rue Galande 75005 Paris Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Aude Dugast Contact : Astrid Palluat – [email protected] - Tel : 01.44.49.73.39 - Imprimerie PRD S.A. – N° ISSN 1627 - 4989 Gènéthique - n°92 - août 2007 Gènéthique - n°92 - août 2007