Promotion des ventes et capital-marque

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Promotion des ventes et capital-marque
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Promotion des ventes et capital-marque
par Pierre DESMET
| Lavoisier | Revue française de gestion
2003/4 - n° 145
ISSN 0338-4551 | pages 175 à 185
Pour citer cet article :
— Desmet P., Promotion des ventes et capital-marque, Revue française de gestion 2003/4, n° 145, p. 175-185.
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DOSSIER
PAR PIERRE DESMET
Promotion des ventes
et capital-marque
Assimilée à une réduction
de prix, la promotion des
ventes a souvent été vue
comme une technique
réduisant le capitalmarque. Une vue élargie
de cette question est
proposée avec la
présentation des effets
indirects qui peuvent
effectivement accroître
l’importance accordée
au prix et donc réduire
la rentabilité des
investissements
publicitaires. Mais
la promotion est aussi un
moyen de communication
original, plus impliquant,
qui peut contribuer
à l’image de la marque
et dont les effets
sont mesurables.
S
oucieux de la préservation du capital représenté
par leurs marques, les managers s’interrogent
depuis longtemps sur les effets de leurs actions
commerciales, en particulier les promotions. S’ils ont le
sentiment d’un effet négatif, celui-ci n’a longtemps pas
pu être confirmé par les études scientifiques menées sur
le sujet.
Cet article a pour but de présenter et d’expliquer les
effets négatifs observés tout en mettant en évidence la
vision réductrice retenue tant dans la généralisation abusive de la promotion, assimilée uniquement à des réductions de prix, que dans l’oubli de la prise en compte des
effets de communication de la promotion sur le capitalmarque et le capital-client.
La première partie présente les concepts de capitalmarque et de capital-client ainsi que leurs mesures. La
seconde présente la richesse et la diversité des objectifs,
des mécanismes et des effets de la promotion des ventes
alors que les recommandations fournies dans la troisième partie ont pour but d’éclairer les décisions managériales.
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I. – CAPITAL-MARQUE
ET CAPITAL-CLIENT
Développée surtout dans un contexte produit, avec une séquence de choix spécifique
(cognitif, affectif, conatif), l’approche marketing de masse privilégie la communication publicitaire pour construire et entretenir la marque sur les deux premiers
niveaux. Au-delà de cette communication
unidirectionnelle, la réflexion sur les services et la prise en compte d’une consommation plus expérientielle renforcent maintenant le lien entre la mémorisation des
expériences d’achat et de consommation et
l’image de marque.
Parallèlement au capital-marque, l’information précise détenue sur les clients, grâce
aux bases de données, a amené la prise en
compte d’un autre capital, le capital-client,
qui représente le revenu net actualisé que
des actions marketing personnalisées permettent d’obtenir d’un client pendant la
durée de la relation. Tant pour l’entreprise
que pour le client, la valeur dépasse alors la
dimension marque-produit.
Pour l’entreprise, les questions de gestion
concernent la constitution, l’entretien et
l’exploitation de ce capital. La segmentation des clients entraîne la prolifération et la
différenciation des produits, la diminution
de leur potentiel de vente alors même que
les dépenses publicitaires nécessaires à la
création de leur notoriété et de leur image
s’accroissent du fait de l’encombrement
publicitaire. D’où l’émergence d’interrogations managériales sur la gestion du portefeuille de marques et sur la construction de
marques plus générales, auxquelles sont
rattachées plusieurs produits, qui permettent de préserver et d’amortir les investissements publicitaires. La pression pour des
résultats à court terme entre alors en conflit
avec la gestion à long terme du capitalmarque. En effet, certains moyens d’action,
notamment la promotion des ventes, ont des
effets très importants à court terme sur les
ventes mais peuvent aussi avoir un effet
négatif sur le capital de la marque.
L’intérêt pour le capital-client, plus récent,
provient de l’observation que l’information
collectée lors des interactions avec les
clients permet de réduire les coûts des opérations marketing par un meilleur ciblage,
d’une part, et d’accroître la valeur de la
prestation par une personnalisation de
celle-ci aux besoins du client, d’autre part.
Du fait de nouveaux modes de communication personnalisés par le marketing direct,
la marque est capable d’avoir une communication intégrée qui dépasse les limites
d’une transaction commerciale et cherche
la création d’une relation durable avec le
client. Dans le cadre de ce marketing relationnel, la promotion donne, à la fois, les
raisons et les moyens de communiquer et
contribue à un enrichissement du capitalclient.
Ces deux perspectives, capital-client et
capital-marque, sont maintenant réintégrées
dans une perspective globale de la gestion
des ressources marketing de l’entreprise.
1. La valeur d’une marque
pour un client
La relation positive entre la valeur de la
marque et la rentabilité a été confirmée
avec, cependant, la présence de rendements
décroissants et une asymétrie : la baisse de
la valeur de la marque ne se traduit pas
directement par la baisse de rentabilité
(Kerin et Sethuraman, 1998).
La valeur économique apportée à l’entreprise par une marque provient des ventes et
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d’une réduction des coûts. Le supplément
de ventes est dû à une valeur supérieure
créée par un produit marqué qui se traduit
par une préférence supérieure tant pour le
distributeur que pour le client final. Le distributeur a l’assurance d’un produit connu,
voire prévendu, capable d’attirer des clients
et bénéficiant d’une forte rotation des
stocks. La coopération permet au producteur de bénéficier d’un référencement plus
facile, d’une présence forte et d’une exposition favorable en magasin, facteurs-clés
d’une part de marché importante. La
marque crée aussi une valeur pour le client
final ce qui, au-delà d’une préférence
accrue, peut conduire à l’acceptation d’un
prix plus élevé (price premium). L’adhésion
du client aux valeurs représentées par la
marque peut aussi réduire les coûts, par
exemple les coûts d’acquisition d’un nouveau client par les actions de parrainage
effectuées.
2. La marque est influencée
par toutes les décisions de l’entreprise
Du point de vue du client, le capital-marque
est influencé par toutes les actions et communications, contrôlées ou non, dans lesquelles la marque est impliquée. Historiquement, la communication publicitaire de
masse a été privilégiée pour sa capacité à
construire une notoriété, une image et une
signification symbolique socialement partagée. L’attitude envers la marque est influencée par l’attitude envers la communication
publicitaire et par la réaction émotive
engendrée par celle-ci.
Mais la marque est influencée par toutes les
dimensions du mix-marketing : la politique
produit par l’innovation et la largeur de
l’offre, la politique de prix par la prime
demandée et la cherté perçue, la politique
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de distribution par le service (vente et
après-vente). Ces influences sont créées
dans différents contextes (achat, exposition
à une publicité, participation à un jeu, etc.)
et l’encombrement publicitaire conduit à
rechercher des communications plus
proches du contexte d’achat ou de consommation et plus originales. Au-delà de ces
actions contrôlées par l’entreprise, la
marque est aussi touchée par le bouche à
oreille, par le boycott et les autres actions
(parrainage) que la personne peut entreprendre ou par d’autres communications
non contrôlées.
II. – PROMOTION DES VENTES
Par une assimilation des objectifs (communication publicitaire ou action commerciale) aux médias, la promotion des ventes
a longtemps été cantonnée dans le « horsmédia », regroupant tous les médias autres
que les médias de communication de
masse. Sa capacité à communiquer est
maintenant reconnue et elle est devenue un
élément incontournable du mix-marketing
puisque le total médias représente 35 %,
contre 65 % pour le hors-médias dont 16 %
pour la promotion des ventes et 32 % pour
le marketing direct (France-Pub Irep,
2001).
1. La diversité et la richesse
des techniques promotionnelles
La promotion est définie comme « une offre
conditionnelle visant à stimuler le comportement de cibles du processus d’achat pour
accroître la demande à court ou moyen
terme » (Desmet, 2002). Elle vise, directement ou indirectement, plusieurs cibles,
comme les distributeurs et intermédiaires,
la force de vente, ou le client final. Les pro-
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motions vers les intermédiaires ou les
contributions aux opérations qu’ils mettent
en œuvre (trade) constituent une part
importante des dépenses mais ne sont pas
abordées dans cet article.
Le contenu d’une offre promotionnelle est
très varié et donne lieu à un grand nombre
de mécanismes souvent regroupés en quatre
grandes catégories : les techniques de prix
et de produit, les techniques de primes, les
jeux-concours et les techniques d’essai.
D’autres classifications existent dont certaines offrent des visions plus pertinentes
des caractéristiques des techniques : la
nature de l’offre (du produit, du prix, du
risque, etc.), son caractère certain/incertain,
immédiat/différé et son destinataire (acheteur/autrui). Les techniques économiques
représentent cependant la part la plus
importante en nombre des opérations promotionnelles sur les produits grand public
et en magasin (BIPP, 56 % en 2000).
Aux opérations promotionnelles indépendantes, dont certaines offraient déjà des
bénéfices différés, il faut maintenant ajouter
les programmes de fidélisation qui récompensent de manière permanente des comportements. Ces programmes collectent des
informations individuelles et permettent la
mise en place d’une communication bidirectionnelle ciblée de nature transactionnelle, pour des réductions de prix différées,
ou de nature plus relationnelle ou affective.
2. Les effets promotionnels
Les effets promotionnels sont de différentes
natures car la promotion est, à la fois, une
offre communiquée, induisant donc des
effets comparables aux effets d’une publicité, et une décision-action de la part du
récepteur, une expérience qui génère une
satisfaction intrinsèque et des effets tant
cognitifs qu’affectifs.
Les conséquences de la promotion sur le
choix et les ventes proviennent de différents
effets :
– L’effet de visibilité et détournement de
l’attention : la promotion est saillante,
c’est-à-dire très visible au moment du
choix. Ceci peut conduire à lui donner plus
d’importance aux dépens des attributs du
produit, notamment lorsque le client est
faiblement impliqué, et à simplifier le processus de choix. L’effet immédiat sur les
ventes est positif mais le poids accordé à la
différenciation artificiellement créée par la
publicité est plus faible, réduisant le rendement de cet investissement publicitaire.
Tableau 1
LES PRINCIPALES CATÉGORIES D’EFFETS PROMOTIONNELS
Les effets directs
Les effets indirects
Effet de visibilité
Effet de valeur
Effet d’image
Effet de garantie
Effet de stimulation-déception
Effet d’exposition
Effet sur l’univers de concurrence
Effet d’auto-perception
Effet d’inférence
Effet d’apprentissage
Effet de qualité perçue
Effet du prix de référence
Effet sur l’équité
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– L’effet de valeur : la promotion offre une
valeur, éventuellement additionnelle, en
contrepartie du comportement. Cette valeur
touche le prix (prix réduit, remboursement),
le produit vendu (produit gratuit, produit en
plus), un autre produit (cadeau, prime), le
service (parking remboursé, livraison gratuite). Cet effet est cependant complexe car
l’adjonction d’une offre promotionnelle
dont la valeur perçue est faible semble avoir
un effet non pas nul mais même négatif sur
la valeur globale perçue.
– L’effet d’image : par la dotation ou par la
destination de la promotion (promotions
caritatives), l’entreprise peut véhiculer des
associations qui renforcent des attributs ou
des bénéfices du produit et influencent globalement la marque. Dans certains
contextes législatifs (tabac, alcools), la promotion constitue la dimension majeure de
la communication.
– L’effet de garantie : en présence d’un
niveau élevé de risque perçu, la promotion
peut offrir des réducteurs d’incertitude sur
le prix comme la garantie de remboursement de la différence, sur le produit ou le
choix avec la garantie « satisfait ou remboursé ».
– L’effet de stimulation : par la surprise et
l’excitation, il correspond à la satisfaction
induite par la réception (publipostage pour
un anniversaire) ou la participation à une
opération de type loterie. A contrario, un
effet de déception est aussi créé quand les
bénéfices anticipés ne sont pas obtenus
(jeux).
– L’effet d’exposition : la communication
promotionnelle entraîne une exposition à la
marque qui conforte sa notoriété. Bien plus
la promotion par l’objet (prime, boutique,
club) permet une exposition répétée, éventuellement dans un contexte proche de la
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situation d’utilisation (cuisine, salle de
bain), difficilement accessible avec les supports publicitaires classiques.
– L’effet sur l’univers de concurrence : lorsqu’elle est présente, la promotion est un
signal dont la valeur dépasse celle des
autres informations disponibles (les attributs notamment) ce qui étend le champ de
concurrence en réduisant les barrières perçues entre les segments et en donnant une
force intégratrice à la marque.
Au-delà de ces effets directement recherchés par l’entreprise, la promotion a aussi
des effets plus complexes et plus difficilement maîtrisables. Différents mécanismes
peuvent conduire à une influence de la promotion des ventes sur le capital-marque. La
figure 1 présente un modèle simplifié ne
prenant en compte que le prix, la promotion
et la publicité. Deux groupes sont à distinguer : les effets promotionnels directs sur les
perceptions et sur les choix et les effets indirects, modérateurs, sur les sensibilités au
prix ou à la publicité.
1. L’effet d’auto-perception : deux réactions
opposées sont mises en avant chez l’acheteur, soit la satisfaction au vu de la capacité
à profiter d’une bonne affaire (l’acheteur
avisé), soit le refus de se laisser manipuler.
Dans les cas où l’acheteur donne beaucoup
d’importance à l’interprétation que les
autres personnes vont faire de son choix,
ces effets peuvent être déterminants
(Simonson et al., 1994).
2. L’effet sur l’équité : selon l’approche
économique, les promotions sélectives sur
les clients peu fidèles, en réduisant la taille
de la cible, limitent le budget. Une
recherche selon une perspective behavioriste montre les effets négatifs sur la perception de la marque par les consommateurs fidèles qui s’estiment lésés par la
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Figure 1
EFFETS POTENTIELS DE LA PROMOTION SUR LA MARQUE
marque qui ne respecte plus un contrat
d’équité. L’offre de prix réduits aux clients
infidèles ne serait pas une pratique tenable
pour la marque sur le long terme.
3. L’effet d’inférence : selon la théorie de
l’attribution, une personne analyse l’information disponible sur une situation pour en
déduire les raisons des comportements
observés. Face à une promotion dont la raison d’être est faiblement justifiée, le client
peut en déduire une moindre qualité du produit, d’où une attitude moins favorable pour
le rachat. De plus, en réfléchissant après
coup à son achat, la présence d’une promotion lui sert de justification principale et ne
le conduit pas à former une attitude favorable vis-à-vis de la marque (Raghubir et
Corfman, 1999).
4. L’effet sur la qualité et la valeur perçues : en situation d’information incomplète
(attributs internes d’expérience), le client
utilise les informations disponibles
(marque, prix, labels, etc.) pour inférer la
qualité du produit. Réciproquement, le
principal déterminant de la prime de prix
qu’une marque peut demander est la différence de qualité perçue. Si la promotion
réduit le prix, la qualité inférée sera plus
faible (Sethuraman et Cole, 1999).
5. L’effet sur le prix de référence : le client
évalue l’intérêt d’un achat en fonction d’un
prix de référence constitué à partir des
informations externes qui lui sont accessibles et d’informations qu’il a mémorisées.
Synthèse mémorisée des prix observés ou
payés, le prix de référence interne est réduit
par l’exposition à des prix promotionnels
conduisant le client à plus de réticences à
l’achat lors du retour au prix normal (Slonim et Garbarino, 1999).
6. L’effet sur l’élasticité-prix. Comme pour
la communication publicitaire, l’effet de la
promotion sur l’élasticité-prix est complexe : lorsque la promotion met en avant le
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prix, elle accroît la sensibilité au prix et
inversement. Cependant, même lorsque le
prix n’est pas mis en avant, la promotion
peut quand même augmenter la sensibilité
au prix par un autre mécanisme, l’accroissement de l’ensemble de considération.
L’importance relative de ce dernier effet
dépend du lieu où se forme l’ensemble de
considération : plus le choix se fait sur le
point de vente, moins la communication
publi-promotionnelle non monétaire a d’effets positifs.
7. L’effet d’apprentissage : selon la théorie
du conditionnement, un comportement est
renforcé par l’obtention de bénéfices, le
renforcement étant d’autant plus fort que le
bénéfice est directement et immédiatement
relié à l’effort effectué. Or le bénéfice promotionnel est un renforçateur immédiat
alors que la consommation du produit n’est
qu’un renforçateur différé ; l’achat en promotion renforce donc plutôt la recherche
des promotions que l’achat de la marque et
rend les ventes de la marque dépendantes
de la poursuite de la promotion.
En conclusion, les effets promotionnels
directs, recherchés, sont riches et permettent une communication complémentaire
de la communication publicitaire, plus
orientée vers l’expérience et associée à
une plus forte implication. Mais elle
engendre des effets complexes, à la fois
directs et médiateurs, dont le plus important est l’accroissement de l’importance
relative accordée au prix. Malgré le grand
nombre d’études effectuées, les résultats
sont encore très incomplets et comportent
des biais importants : ils ne traitent souvent que des produits de grande consommation, du point de vue des industriels et
s’occupent principalement des techniques
promotionnelles par réduction de prix
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directe ou différée, de plus les recherches
concernent presque exclusivement le marché américain.
III. – UNE APPROCHE
MANAGÉRIALE DES DÉCISIONS
PROMOTIONNELLES
Pour que la politique promotionnelle, tant
au niveau stratégique qu’au niveau tactique,
n’ait pas trop d’effets négatifs sur la marque
et contribue même à son développement,
plusieurs points doivent être gardés en
mémoire.
1. Place de la promotion
dans la stratégie marketing
Le recours intensif à la promotion et au
marketing opérationnel est justifié plus
dans une approche distribution (push) que
dans une approche client (pull) pour
laquelle les dépenses de communication
sont indispensables. Plus l’échange avec le
distributeur est relationnel (transactionnel),
plus l’industriel utilise la publicité (la promotion), la part de marché amplifiant cet
effet (Anselmi, 2000). Le linéaire exerçant
une influence prépondérante sur la valeur
d’une marque de produits de grande
consommation (Tourtoulou et Dietsch,
2002), la promotion consommateur contribue donc au capital-marque par un gain
d’espace en magasin (tête de gondole) et de
visibilité (prospectus, stop-rayon) alors que
la promotion distributeur augmente le
goodwill de la marque auprès de celui-ci.
L’interrogation sur la valeur ajoutée de la
marque pour le client doit être la première
question posée. Car la promotion est utilisée dans deux contextes différents : le premier correspond à un contexte où la marque
est forte, avec les promotions d’attaque
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(augmentant le référencement, favorisant
l’essai), le second à une situation de faiblesse (promotions de défense) où le supplément de prix demandé ne semble plus
justifié par la valeur apportée par la marque,
l’objectif est alors le maintien du niveau des
ventes à court terme. Loin d’être la source
de la baisse de valeur de la marque, les promotions pratiquées (plus de produit, prix
plus faible) ne sont alors que le constat de
l’incapacité de la marque à apporter une
valeur spécifique.
La politique promotionnelle doit intégrer la
politique de prix. Au capital-marque est
associé un prix de référence que le client
utilise comme point de référence pour évaluer une offre. Le niveau de ce prix de référence évolue en fonction des prix observés
et des promotions fréquentes le réduisent.
Bien plus, les élasticités de la demande au
prix et à la publicité sont, elles aussi,
influencées : l’élasticité de la demande au
prix s’accroît lorsque la publicité décroît et
lorsque la pression promotionnelle est
accrue. Si la publicité a un effet positif sur
le capital-marque, les réductions de prix
promotionnelles ont un effet négatif (Jedidi
et al., 1999).
L’arbitrage entre publicité et promotion
pour le développement du capital-marque
dépend des circonstances. Il est à l’avantage
de la promotion lorsque le produit est en
phase de maturité de son cycle de vie ou
lorsque le prix relatif ou la part de marché
de la marque sont plus faibles. Au contraire,
il est à l’avantage de la publicité s’il s’agit
d’un produit nouveau. D’autres facteurs
comme la pression des résultats à court
terme, le poids important des distributeurs
et la faible expérience des décideurs,
conduisent les managers à privilégier la
promotion (Low et Mohr, 2000).
La conclusion d’un surinvestissement promotionnel et la mise en œuvre d’une réduction des moyens promotionnels ne constituent pas une garantie de l’amélioration de
la rentabilité car l’efficacité de ce changement de stratégie dépend des réactions des
concurrents et des partenaires distributeurs.
La réduction et la réallocation des budgets
marketing d’un groupe lessivier international aux dépens de la promotion n’a pas
conduit à une amélioration de la rentabilité
(Ailawadi et al., 2001).
2. Place de la promotion
dans le mix-marketing
Sur le plan tactique, les promotions offrent
des avantages spécifiques pour le développement du capital de la marque. Les perspectives récentes soulignent la contribution
de l’expérience, notamment le service, à
l’enrichissement de l’image de marque. Or
la force de la promotion est de mettre le
récepteur en action et de lui offrir un
contact direct, ce qui permet une expérience
de consommation qui informe sur certains
attributs (essai, dégustation, etc.) et élargit
ainsi l’ensemble des marques acceptables.
Au-delà de cette expérience marque-client,
d’autres expériences non commerciales
entre les clients peuvent aussi être stimulées
par des opérations promotionnelles au sein
de clubs ou de communautés.
Si les promotions prix peuvent réduire à
moyen terme le prix de référence, à court
terme elles constituent une alternative à la
baisse de prix et permettent de maintenir, au
moins momentanément, un prix tarif stable.
Cependant du fait de l’effet négatif à moyen
terme et lorsque les prix de référence sont
perturbés, comme actuellement avec l’euro,
il est préférable d’utiliser d’autres techniques économiques comme le produit en
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plus et, surtout, le produit gratuit qui a
l’avantage de ne pas générer de coûts industriels spécifiques.
Conditionnelle, et éventuellement personnalisée, la promotion est un instrument de
communication souple, ciblé et à l’efficacité contrôlable. Par opposition à une communication publicitaire souvent perçue
dans un contexte de faible écoute et implication, la promotion est toujours impliquante car elle exige un comportement de
participation. De plus, dans une approche
capital-client, elle offre des échanges spécifiques et donc des possibilités d’accumulation d’informations et constitue un vecteur
incontournable dans le cadre des programmes de fidélisation et des bases de
données clients tant des industriels que des
distributeurs.
Pour amplifier les effets positifs et limiter
les effets négatifs de la promotion sur la
marque, une attention particulière doit être
portée à deux points de l’offre promotionnelle. Les offres doivent être adaptées au
produit et aux attentes des clients. Une
cohérence entre les bénéfices (hédoniques
ou utilitaires) de la promotion et ceux du
produit permet d’obtenir une plus grande
efficacité (Chandon et al., 2000). Une offre
promotionnelle doit toujours avoir une
contrepartie ou, au moins, une justification
plausible. Lorsque le client s’interroge sur
les raisons de l’opération ou lorsqu’aucun
effort particulier ne lui est demandé, l’effet
négatif sur l’attitude vis-à-vis de la marque
est d’autant plus probable que l’attitude
actuelle est faible, comme c’est le cas pour
les nouveaux produits.
3. Les effets promotionnels
La question de la mesure des effets promotionnels est complexe car, au-delà des effets
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immédiats, ils doivent être pris en compte
tant au niveau dynamique qu’à différents
niveaux d’agrégation.
Pour les produits de grande consommation,
les effets promotionnels à court terme sur
les ventes sont souvent importants mais
dépendent de la communication promotionnelle : l’effet d’une réduction de prix est très
nettement accru avec sa mise en avant promotionnelle en magasin (tête de gondole)
ou hors magasin (prospectus). Les effets
des promotions économiques sont très
importants, l’élasticité des ventes au prix
est d’un ordre de grandeur 10 à 20 fois
supérieur à l’élasticité à la publicité (– 1,7
contre 0,1 à 0,2) (Sethuraman et Tellis,
1991).
On ne doit cependant pas se contenter de ce
constat car ces effets à court terme doivent
être minorés. En effet la valeur de référence
utilisée pour le calcul du volume incrémental est sous-estimée : du fait de la pression
promotionnelle, une partie des volumes
venant de l’anticipation d’un achat ou du
stockage par les clients ayant adapté leur
comportement (Mela et al., 1997).
Pour les techniques de prix, les effets différés sont, au mieux, nuls et au pire significativement négatifs, de l’ordre des deux cinquième de l’effet immédiat. À titre de
comparaison, les effets publicitaires différés sont positifs et du même ordre de grandeur que l’effet observé la première année
(Lodish et al., 1995).
Un effet net et positif sur les ventes ne suffit pas pour garantir la rentabilité de l’opération car les coûts de communication promotionnelle sont très importants qu’ils
soient industriels pour les promotions onpack ou d’achat d’espace. Ce coût important conduit à des coopérations internes
(méga-promotion des marques d’un même
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groupe) ou externes. Dans ce cas, qu’elles
soient horizontales (copromotion) ou verticales avec un distributeur (tradepromotion), les contributions réelles au
capital de la marque sont alors plus incertaines et plus difficiles à évaluer.
La promotion influence la composition de
la clientèle. La communication publicitaire
accroît la part du segment des clients fidèles
et réduit l’élasticité-prix. Pour la promotion
les effets sont plus complexes, différent
selon la technique, et dépendent de la fidélité des clients : la promotion-prix accroît
l’élasticité-prix, surtout pour le segment des
non-fidèles, les autres promotions ont des
effets inverses selon les segments : comme
pour la publicité, la promotion réduit
l’élasticité-prix du segment des clients
fidèles mais elle l’accroît fortement pour le
segment des non-fidèles (Mela et al., 1997).
CONCLUSION
Les managers s’interrogent sur l’effet de la
promotion sur le capital-marque, cet effet
serait double, par la baisse de la qualité perçue de la marque et par la réduction de l’efficacité des investissements publicitaires.
Ces deux politiques ont en effet des actions
complémentaires mais aussi parfois contradictoires : la publicité cherche à créer ou à
mettre en valeur une marque pour différen-
cier l’offre et réduire l’élasticité-prix or les
effets positifs des promotions prix sur
l’élasticité-prix sont avérés. Cette relation
n’est cependant pas une relation de causalité et l’emploi des promotions prix est
révélateur d’une incapacité de la marque à
créer un supplément de valeur pour le
client.
Au-delà des techniques économiques, de
réduction de prix et de supplément produit,
la promotion offre aussi de nombreux avantages tant sur le plan de la communication
que sur celui de la gestion de l’échange.
Associée à une plus forte implication de la
part du destinataire, permettant de faire ressortir un produit en linéaire, stimulant les
comportements de manière conditionnelle
et personnalisée, la promotion est aussi un
formidable outil de communication. Des
médias diversifiés, des offres on-pack au
marketing direct, permettent une communication au plus près de l’acte d’achat (en
magasin) ou de consommation (cuisine,
salle de bain). La promotion est aussi l’expression d’un échange de plus en plus personnalisé qui a amené de nombreuses entreprises à prendre conscience de la nécessité
de gérer une interaction avec leurs clients
associant ainsi la notion de capital-client à
celle de capital-marque et passant d’un
marketing de masse à une gestion de la relation client.
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BIBLIOGRAPHIE
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