Trois études sur le sommeil ajoutent à la compréhension des
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Trois études sur le sommeil ajoutent à la compréhension des
Trois études sur le sommeil ajoutent à la compréhension des troubles anxieux et des troubles de l’attention par stéphane trépanier La recherche en santé mentale tire généralement ses constats de l’observation diurne. Pourtant, en moyenne, huit heures chaque jour sont consacrées au sommeil. Le tiers de l’existence. La pédopsychiatrie a-t-elle quelque chose à apprendre des cerveaux au repos? Assurément. D’autant qu’ils s’avèrent particulièrement actifs la nuit sous leur apparente léthargie. C’est une des convictions qui animent les travaux du laboratoire de recherche sur le sommeil de l’Hôpital Rivière-des-Prairies. Trois recherches sur le sommeil de jeunes qui présentent un trouble anxieux, un trouble de l’attention, ou les deux à la fois, y sont actuellement menées. Dans l’espoir évidemment d’améliorer la qualité de récupération des patients, mais aussi afin de mieux comprendre ce qui se passe dans leur tête une fois les lumières éteintes. Car même endormis, les diagnostics subsistent. Le Dr Roger Godbout, responsable du la- scientifique se porte alors sur un cerveau boratoire du sommeil et chef du Service en interaction. Si l’on souhaite étudier ce de recherche à l’HRDP, en est convaincu : qui se passe dans la tête de certains pa- « La santé, il faut l’appréhender sur une tients en l’absence d’influence externe, le période de 24 heures, pas seulement durant nos 16 heures d’éveil. L’étude du sommeil, c’est une fenêtre ouverte sur le cerveau, la santé mentale et la santé en général. Un indicateur qui nous permet de voir des choses qu’on ne discerne pas à l’éveil ». On aurait donc tort de se priver de ce terrain d’exploration en marge du jour. sommeil possède dès lors les attributs tout L’observation en l’absence de stimulation La plupart des recherches sont faites à l’éveil. Donc nécessairement en présence de stimulus de l’environnement. Le regard désignés pour répondre à cette demande : « Un peu comme pour une voi- ture montée sur des blocs. On fait rouler le moteur et on observe comment le véhicule fonctionne à son état de base. À l’aide de techniques assez raffinées, on observe l’activité cérébrale pour savoir comment elle se distribue, à quelle fréquence, etc. On prétend que cet état de base, soit dans le sommeil lent ou dans le sommeil paradoxal, nous montre comment le cerveau, sans stimulus du monde extérieur, s’agite par lui-même » explique le Dr Godbout. Trois recherches en une Trois recherches sur le sommeil de jeunes anxieux et celui de patients avec un trouble de l’attention sont actuellement en cours. Si elles n’ont pas encore atteint la phase finale de la publication dans une revue savante, les résultats analysés à ce jour ont été présentés dans des congrès scientifiques et ils confirment qu’il se trouve au profond de la nuit quelques réponses aux questions que la pédopsychiatrie se pose ou, à tout le moins, des pistes à explorer. L’anxiété ne dort pas La première étude porte sur le sommeil problématique d’enfants âgés de 7 à 12 ans présentant un trouble anxieux. On y 9 10 compare l’électroencéphalogramme L’analyse de l’activité cardiaque au pour établir qu’il y a effectivement de jour et de nuit, de préciser Roger cours du sommeil est également in- un problème. Que ce soit sur le plan Godbout. « C’est connu, les enfants anxieux dorment mal, mais c’est moins catastrophique qu’on pensait du point de vue de la structure même du sommeil lorsqu’il est enregistré en laboratoire. » Les mesures de l’électroencéphalogramme de jour et de nuit sont par contre plus révélatrices et l’analyse des graphiques de l’électroencéphalogramme surprend déjà. L’hypothèse de départ présumait que les enfants anxieux présenteraient une activité cérébrale nocturne semblable à celle des enfants simplement insomniaques. Or, ce n’est pas le cas, rapporte Roger Godbout : « On se serait attendu à ce que l’électroencéphalogramme du sommeil nous montre de l’hypervigilance insomniaque dans certaines zones spécifiques du cerveau. Le problème est plutôt généralisé et visible dans plusieurs gammes de fréquence des ondes cérébrales. On constate de plus que le sommeil n’améliore pas les tracés du matin par rapport à ceux du soir, contrairement au groupe contrôle. Il se passe quelque chose pendant le sommeil de l’enfant anxieux qui nuit à la récupération, mais qui ne semble pas directement lié à son anxiété. Cela nous porte à croire que les problèmes de sommeil et d’anxiété coexistent comme deux entités dotées d’une certaine indépendance. Il y a donc peu de chance que si on traite l’anxiété, les problèmes de sommeil disparaitront nécessairement. Et inversement ». trigante, selon le Dr Godbout. des réveils nocturnes, du temps « C’est connu, les enfants anxieux d’endormissement, ont un fonctionnement cérébral aty- ments pendant le sommeil, des pique dans les régions responsables pauses respiratoires, etc. Mais pris respectivement de la gestion des dans leur ensemble, on se rend émotions et de la gestion des activi- compte que plusieurs indicateurs tés végétatives. Le lien entre les deux voisinent dangereusement avec les zones semble différent de celui des seuils au-delà desquels un dysfonc- jeunes en santé. Notre hypothèse tionnement est des mouve- cliniquement est qu’on devrait observer le reflet constaté. « Quand on examine la mi- de ces différences en scrutant la crostructure du sommeil, il y a plein façon dont la fréquence cardiaque de petites altérations qui s’addition- se manifeste au cours du sommeil. nent. On parle alors d’instabilité du En effet, en mesurant le ratio entre sommeil. La physiologie du sommeil les basses et les hautes fréquences est préoccupante. Ce n’est pas pa- cardiaques au cours du sommeil, on thologique, mais comme pour le constate que ces dernières sont fa- syndrome métabolique, l’accumula- vorisées chez les enfants anxieux. tion des indices qui s’approchent Ceci indique un déséquilibre, le sys- des limites de la normale inquiète. tème de régulation ne parvenant Ça nous permet de penser qu’ils ont pas à faire son travail. Comme si le un système nerveux moins stable, corps essayait de s’adapter en vain moins bien régulé, moins harmo- à un état de stress important et chro- nieux pendant le sommeil », avance nique. Ça génère des dysfonctions le Dr Godbout. en général dans l’activité cardiaque, Quand deux diagnostics cohabitent que l’on observe aussi dans le sommeil. » Attention et sommeil troubles??? La troisième recherche en cours tente de départager ce qui appartient au trouble de l’attention et Une seconde recherche porte sur le ce qui provient d’un trouble sommeil des jeunes qui présentent d’anxiété pour expliquer les pro- un trouble grave de l’attention. Pour blèmes de sommeil observés chez cette clientèle, on constate ici aussi une clientèle porteuse des deux en laboratoire que les problèmes de diagnostics. Dans le cas de ces sommeil sont moins évidents que ce jeunes, est-ce que le traitement de qui était anticipé. On ne retrouve l’anxiété affecte leur trouble de l’at- aucune anomalie probante sur un tention et réduit leurs problèmes de aspect particulier du sommeil. Pris in- sommeil? À ce chapitre, les pre- dividuellement, chaque indicateur mières constatations tendent à dé- est en deçà des critères cliniques montrer que le phénomène est plus subtil qu’il n’y parait : « Chez les en- pas légion. Et quand il y en a une qu’un jeune psychotique rêve à ses fants porteurs d’un diagnostic de trouble de l’attention, il y a souvent une constellation de symptômes anxieux qui gravite autour du diagnostic principal. Ceci est accompagné de troubles du sommeil ainsi que de somnolence diurne. Nous constatons qu’une intervention cognitivocomportementale de groupe visant les symptômes d’anxiété peut améliorer certains de ceux-ci. On constate aussi que certaines variables du sommeil sont améliorées alors que d’autres persistent : les enfants étudiés s’endorment beaucoup plus vite, mais ils continuent de présenter un nombre total et une sévérité de symptômes de sommeil élevés ainsi que de la somnolence diurne. Cela suggère que nous sommes en présence de deux constellations de troubles de sommeil, avec une partie attribuable à l’état anxieux et une autre imputable à d’autres facteurs. Ceux-ci appartiennent-ils à la constellation des troubles de l’attention? La question demeure. On attend donc avec grande fébrilité l’analyse des résultats de l’intervention cognitivocomportementale sur les troubles de l’attention », de mentionner le Dr Godbout. qui parait offrir quelques données tourments de la journée ou, au sur la question, on constate que ces contraire, réussit-il à compenser un informations le sont essentiellement peu? C’est un pan de la recherche Peu d’études comparables L’analyse en laboratoire du sommeil des jeunes TDAH, l’angle adopté par l’HRDP pour observer le sommeil des jeunes, est relativement inédite. Tant chez les adultes que chez les enfants porteurs d’un trouble de l’attention, les études sur le sommeil ne sont à partir de questionnaires. Une pro- qui m’interpelle beaucoup. J’aime- cédure qui a ses limites. rais aussi trouver d’autres méthodes Pour la clientèle des troubles d’étudier le sommeil des enfants. anxieux, la recherche n’est pas Comment les faire s’exprimer sur beaucoup plus avancée. Si le som- leurs nuits? À leur âge, ça ne se dit meil de la clientèle adulte est étudié, pas facilement en mots. Les ques- celui de l’enfant est quasi absent des tionnaires, c’est une façon adulte de radars de la science. Roger Godbout procéder. Les enfants ne maitrisent précise que : « La recension de la lit- pas encore le vocabulaire pour bien térature ne nous renseigne pas beaucoup sur le sommeil des enfants anxieux. On sait toutefois que chez l’adulte, il y a un écart entre les réponses aux questionnaires et les résultats en laboratoire. Le patient dit qu’il dort mal, que son sommeil n’est pas rafraichissant, mais les appareils ne le mesurent pas. On croyait auparavant qu’il s’agissait de pseudo insomniaque. On se trompait. On n’avait tout simplement pas l’humilité d’avouer que nos appareils ne mesurent probablement pas la plainte du patient. » Il y a donc tout un champ d’investigation qui reste à défricher. décrire ce qui se passe en eux ni les caresse depuis longtemps. Je suis D’autres projets à l’horizon convaincu que je vais finir par le réa- Le docteur Godbout attend l’avancée des recherches en cours avec impatience, tout en planifiant les sui- outils pour estimer subjectivement le temps qui file la nuit. Mais le dessin, c’est naturel et spontané pour eux. Je souhaiterais amorcer un projet à partir de leurs dessins. Dessine-moi ta nuit! Comme adultes, nous serions bien embêtés de le faire. Mais un enfant ne se posera pas de question. Il va sauter sur ses crayons. Peu importe ce qu’ils présentent, après 2500 dessins, je devrais avoir une meilleure idée de ce qui se passe dans leurs dodos. Il me faudra trouver des partenaires, élaborer un protocole, etc. C’est un rêve que je liser ». Le sommeil : une saine habitude de vie vantes : « La vie nocturne est très Le sommeil n’est pas un simple inter- riche. Le rêve est une autre fenêtre sur le cerveau. On connait peu de choses sur la question. Peu de gens s’y intéressent. À quoi le patient rêve-t-il et qu’est-ce que ça veut dire? Est-ce en continuité ou en compensation avec ce qu’il vit le jour? Est-ce rupteur qui clôt les activités cérébrales jusqu’au matin. Le cerveau s’active la nuit pour absorber l’expérience de la journée et préparer la suivante. Par conséquent, on doit accorder au sommeil l’importance qu’il mérite, au même titre que les 11 autres composantes des saines habitudes de vie. C’est un vecteur crucial de la santé, d’affirmer Roger Godbout. Plusieurs étudiants du Dr Godbout mènent les recherches suivantes… « J’espère que les résultats des re- cherches contribueront à sensibiliser les parents, les soignants, les gestionnaires La recherche sur les troubles anxieux et les jeunes eux-mêmes au rôle majeur du sommeil sur la santé. On n’en est est moche. Pour un enfant qui a déjà un Étude du sommeil, des cauchemars, de l'EEG et de la mémoire émotive chez des enfants ayant un trouble anxieux Anne-Karine Gauthier, trouble de santé mentale, l’impact est Ph. D. Psychologie que trop peu conscient. Pourtant, on expérimente ses effets tous les jours. Une seule mauvaise nuit et la journée qui suit encore plus grave. Un enfant anxieux qui fait des apnées du sommeil, même à faible intensité, c’est déjà trop. Un enfant de huit ans qui ronfle, ce n’est pas normal. Ça détériore de façon significative le portrait clinique. Il faut augmenter Évaluation de la condition cardiovasculaire et de l’organisation du sommeil chez les adolescents ayant un trouble anxieux Tommy Chevrette, Ph. D. Sciences biomédicales, cosupervisé par Dre Hélène Bouvier de la Clinique des troubles anxieux la conscience collective. En adoptant des habitudes de sommeil plus saines, comme on nous le demande pour l’alimentation et l’exercice, on améliore considérablement la qualité de vie ». Un DVD sur le sommeil des patients de L’instabilité du sommeil et son lien avec le fonctionnement cognitif chez les enfants ayant un trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité Mélanie Labrosse, étudiante au programme conjoint M.D./Ph. D. de la Faculté de médecine de l’Université de l’Hôpital et des jeunes de la région de Montréal, cosupervisée par Marie-Claude Guay de la Montréal, produit par le CECOM de Clinique des troubles de l’attention l’HRDP, sera d’ailleurs lancé lors du colloque organisé par l’Hôpital Rivière-desPrairies et la Fondation les petits trésors sur la santé mentale et le sommeil, qui se tiendra en octobre prochain, et auquel participera le Dr Godbout en tant Caractérisation du sommeil et de l’EEG dans les troubles de l’attention Marc-André Gingras, Ph. D. Psychologie La recherche sur le trouble de l’attention avec trouble anxieux que Caroline Berthiaume de la Clinique Comorbidité du TDAH avec un trouble anxieux : caractéristiques et réponse à un traitement Maxime Bériault, étudiant au doctorat en psychoéducation, des troubles anxieux et le Dr Laurent cosupervisé par Lyse Turgeon du Service de recherche que conférencier d’ouverture, ainsi Mottron de la Clinique de l’autisme. Une façon d’investir dans le sommeil grâce à l’éveil… des consciences. 12 La recherche sur le trouble de l’attention