bilan et memoires de la seconde guerre mondiale en france

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bilan et memoires de la seconde guerre mondiale en france
Regards historiques sur le monde actuel
Thème 1 – Le rapport des sociétés à leur passé (9-10 heures)
Question 2 - Les mémoires : lecture historique
L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
(4-5h)
Bibliographie
Bédarida François, Histoire, critique et responsabilité, Complexe/IHTP CNRS, « Histoire du temps présent », 2003
Douzou Laurent La Résistance française, une histoire périlleuse, Seuil, 2005
Frank Robert, « La mémoire empoisonnée », dans La France des années noires, 2. De l’Occupation à la Libération,
Seuil, « Points histoire », 2000
Laborie Pierre, Le chagrin et le venin, La France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues, Bayard, 2011.
Nora Pierre, « Entre mémoire et histoire », Les Lieux de mémoire, I. La République, Gallimard, « Bibliothèque
illustrée des histoires », 1984
Paxton Robert, La France de Vichy, Paris, Seuil, 1973
Prost Antoine, Douze leçons sur l’histoire, Seuil, « Points histoire », 1996
Ricœur Paul, La Mémoire, l’Histoire et l’Oubli, Seuil, « Points essais », 2003
Rioux Jean-Pierre, « Devoir de mémoire, devoir d’intelligence », Vingtième siècle. Revue d’histoire, janvier-mars
2002
Rousso Henry, Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Seuil, « Points histoire », 1990
Rousso Henry, Connan Eric, Vichy, un passé qui ne passe pas, Gallimard, « Folio histoire», 1999
Rousso Henry, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, Gallimard, « Folio histoire », 2001
Traverso Enzo, « Auschwitz : une mémoire singulière ? », Qu’est-ce que transmettre ?, Sciences humaines hors
série n° 36, mars-avril-mai 2002
Veil Simone, « Réflexions sur la mémoire de la Shoah », Historiens et Géographes, n° 384, octobre-novembre 2003
Wieviorka Annette, Déportation et Génocide. Entre la mémoire et l’oubli, Hachette, « Pluriel »,2003
Wieviorka Annette L’Ere du témoin, Hachette, « Pluriel », 2002
La Mémoire, entre histoire et politique (s.d. Yves Léonard), Cahiers français n° 303, juillet-août 2001.
« Les historiens et le travail de mémoire », Esprit, août-septembre 2000.
Le « présentisme » est l’abandon de la conception d’un passé éclairant l’avenir au profit de son instrumentalisation
notamment au service des émotions du présent. L’étude du regard de l’historien sur le patrimoine et les mémoires
est l’occasion d’une fructueuse réflexion sur l’apport de la démarche historique à la construction de l’esprit
critique.
Les processus de patrimonialisation et de mémorialisation consistent dans l’attribution d’une valeur
contemporaine à une sélection de traces matérielles ou immatérielles du passé : monuments, objets, pratiques
culturelles, souvenirs… Cette valeur est attribuée dans le cadre d’un jeu d’échelles qui part de pour atteindre
l’humanité entière. Cette attribution construit des récits. Lorsque l’un de ces récits est porté par un groupe
suffisamment puissant et légitime aux yeux de l’opinion publique, il devient interpellateur sous la forme du « devoir de
conservation » et du « devoir de mémoire ». Cette double nature de témoin et de récit du passé entretient la confusion
avec l’histoire, elle-même récit du passé. Mémoires et patrimoine relèvent fondamentalement de la subjectivité,
La démarche de l’historien, quant à elle, est déterminée par une volonté d’objectivité et elle relève d’un
processus de vérité, même si celle-ci est contingente et provisoire, relative aux sources, aux temps et à la posture de
l’historien. Elle contient la possibilité de son évolution, voire de sa réfutation.
Une mémoire sert les intérêts, matériels ou symboliques d’un groupe. Un patrimoine est toujours celui de quelqu’un.
Une société démocratique ne peut pas en rester à un rapport simplement patrimonial et mémoriel à son passé.
Elle se doit de le regarder en face. Et pour cela, le travail de l’historien lui est indispensable.
Processus de mémorialisation qui se fait en Le travail des historiens est en fait parallèle à
plusieurs temps :
ce « travail de mémoire ». Il s’en nourrit et s’en
distingue par la mise à distance des
mémoires et par leur historicisation. Ainsi,
l’historiographie des conflits et de leurs
mémoires passe par les mêmes phases :
- Occultation destinée à la restauration
- l’histoire des conflits eux-mêmes avec
de la paix civile au sortir des conflits ;
affinement progressif de la recherche
qui met en lumière des faits d’abord
occultés, y compris dans le travail des
historiens ;
- « travail de mémoire » des groupes
- la
dénonciation
du
processus
insatisfaits ;
d’occultation et la mise en lumière de
ses enjeux dont les apports peuvent
être repris dans le débat public ;
- Réception plus ou moins large et non
- dans les contributions les plus
sans conflits des mémoires ainsi
récentes, la prise de distance avec
révélées, jusqu’à leur acceptation
les excès du débat public.
officielle.
Les interrogations suivantes peuvent servir de fils directeurs :
- En quoi le contexte d’élaboration des mémoires étudiées les a-t-il déterminées
(construction des mémoires) ?
- Quelles mémoires de ces conflits peuvent être identifiées au sein de la société
française (multiplicité des mémoires) ?
- Comment, dans quels rythmes et dans quelles perspectives les historiens ont-ils
fait de ces mémoires des objets d’histoire (historicisation des mémoires) ?
1° - La construction des mémoires : restaurer l’unité ?
2° - Mémoires en débat, mémoires revisitées
Travail de mémoire des groupes insatisfaits
Travail de mise en lumière des historiens
3° - Mémoires acceptées, mémoires moins passionnelles ?
L’Etat entre justice et repentance : de l’usage politique de la mémoire
L’historien, le juge et les mémoires
SIA : étude de trois images
 Les cérémonies du 11 novembre 1945
Quelles remarques peut-on faire sur la date ?
La cérémonie qui se déroule le 11 novembre (armistice de la première guerre mondiale) associe les
morts des deux guerres mondiales en un seul geste.

Le choix de la date met en valeur le concept gaullien de « la guerre de trente ans » qui commencerait
en 1914 et s'achèverait en 1944
- Quelles remarques sur le(s) lieu(x) ? Une cérémonie qui s'étend sur deux jours :

le 10, le transfert des quinze dépouilles depuis le fort de Vincennes jusqu'aux Invalides ;

le 11, la remontée des Champs-Élysées, l'hommage de la place de l’Etoile (où le général De Gaulle
prononce une courte allocution), le transfert des corps au Mont-Valérien.
Une cérémonie qui égraine ainsi le chapelet de lieux nationaux prestigieux. La cérémonie célèbre la France éternelle
qui a combattue d’où l’importance accordée aux faits militaires.
Bilan de l’image : La France, affaiblie par le conflit et les années d’occupation, célèbre là dans l’unanimité le deuil de
ses victimes. C’est un pays victorieux et uni, malgré l'émiettement du souvenir, en quinze dépouilles représentant des
aspects fort différents du conflit (deux résistants dont une femme ; deux déportés dont un juif ; un prisonnier de
guerre ; un FFI ; neuf militaires).
Les mots d’ordre sont de restaurer (politiquement) et reconstruire (économiquement) le pays L’esprit de la résistance
souffle son unité sur le pays ou dans cette guerre des deux France, l’une l’emporte très nettement sur l’autre.
-

 La Une du Nouvel Observateur, juin 1990
-
-
Que montre l’image ?
Une vieille photo montre deux hommes : un civil et un militaire allemand qui semblent bien s’entendre
(sourire du civil). Il s’agit de René Bousquet, secrétaire général de la police du gouvernement de
Vichy, et de Karl Oberg, chef des SS et la police allemande en zone occupée.

Pourquoi ces hommes ? ils traduisent la collaboration de la France et des français avec l’Allemagne
nazie et notamment au sujet du génocide juif. En effet, les 16 et 17 juillet 1942 se déroule la rafle du
Vel’ d’Hiv (13 152 Juifs furent arrêtés par la police française en vertu des accords passés Bousquet et
Oberg) qui devient symbole de la complicité de Vichy dans le génocide. Si d'autres arrestations
massives ont commencé dès mai 1941, des femmes, des enfants et des vieillards étaient pour la
première fois touchés.
Quelles remarques peut-on faire sur la date ? La Une date de 1990, une date fort éloignée du second
conflit mondial : près de deux générations ont pu grandir durant cette période. Pourtant, la presse se fait
largement l’écho du traumatisme suscité par le souvenir de la collaboration d'État. Les nouvelles
générations s’interrogent, les anciennes commencent à parler…

 Photo de Guy Mocquet accompagné du BOEN du 2 Août 2007 (doc 10 p 61)
Image d’un jeune adolescent (17 ans au moment de son exécution) qui adresse une dernière lettre à ses parents, à sa
famille. Personnage emblématique de la résistance communiste, et ce dès 1942, il est « récupéré » par le pouvoir
politique en place. Cette utilisation interroge et suscite des polémiques politiques (indignation de Marie-Georges
Buffet) et scientifiques : la démarche va en effet à l’encontre de la pratique historique. On dénonce alors l’usage
mémoriel, l’empathie et plus encore la « caporalisation mémorielle » (jean-Pierre Azema)(dirigisme envers les
enseignants et occultation des autres aspects de cette période). Cette « lettre » de Guy Mocquet soulève, ranime le
débat sur les rapports entre Histoire et mémoire, sur la « dictature » des lois mémorielles.
Bilan global : L’analyse des trois photos permet de montrer le chemin parcouru en France entre
l’unanimisme forcé du lendemain de la seconde guerre mondiale et le réveil de la mémoire de la
collaboration d’Etat et du génocide pour finir avec la distance nécessaire prise par rapport à ce
poids de la mémoire.
Le titre du cours permet ainsi de comprendre qu’il n’existe pas « une » mais « des » mémoires de la
seconde guerre mondiale : des mémoires officielles, oubliées, rivales… qui entretiennent des
rapports étroits, mais sans jamais se confondre, avec l’Histoire. Histoire qui a pour objet de délivrer
un message objectif, de vérité
1° - CONSTRUCTIONS DES MEMOIRES,
L’UNITE ? (1945-ANNEES 1960)
CONSTRUCTION DES MYTHES
:
RESTAURER
L’historien identifie des moments clés pour délimiter des périodes, des ruptures =
périodisation
L’historien contextualise pour expliquer et examine la place que ces mémoires prennent
dans l’opinion publique et dans les discours = contextualisation
L’historien identifie, classe, analyse les différentes mémoires.
L’historien confronte les mémoires aux faits, aux sources.
1.1 – Le mythe résistancialiste
Le discours prononcé par le général de Gaulle le 25 août 1944 annonce clairement ce que sera
la France de demain doc sur CNS http://portail.cns-edu.net (durée : 1mn 43s)
« Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par
son peuple, avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout
entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle ».
Il faut refermer la « parenthèse de Vichy », il faut célébrer une France victorieuse (affiche
Paul Colin à commenter) qui s’est battue dès les premières heures (à Londres) : Vichy est nul et
non avenu car ce n’était pas la France.
Cette volonté de refermer la parenthèse passe par :
- Une épuration considérée comme « limitée » (doc 1 p 58) car il faut effacer les
blessures, refermer la parenthèse ouverte par Vichy. La France a besoin d’hommes
pour reconstruire la France politiquement et économiquement. Comment juger les
responsables alors que près de 80% des juges avaient prêté serment à Pétain ?


-
-
Epuration : (photo sur diapo) Dès les premiers jours de la libération, se mettent en place des cours martiales improvisées
qui débouchent sur des exécutions sommaires (photo p 265). Les femmes ayant eu des relations avec les occupants sont
tondues par des RMS (résistants du Mois de Septembre). La tonte se présente comme une prise de guerre facile qui
compense la frustration de la débâcle. Les lynchages sont également nombreux. Ces épurations sauvages résultent de la
haine accumulée durant les années d’occupation et de la vengeance personnelle. Le nombre de victimes est estimé à 10
000 par le Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Justice légale : Mise en place de cours régionales de juin à septembre 1944 et d’une Haute cour de justice en novembre
1944.163 000 dossiers, 7 000 condamnations à mort (dont 4400 à contumace) et 767 exécutions. Les hauts responsables
vont payer ainsi que les petits mais pas les puissants. De même, on condamne plus en campagne qu’en ville (ex de
Valenciennes : la Cour acquitte le tiers des patrons, le quart des artisans, commerçants, professions libérales, militaires ou
policiers mais seulement le dixième des paysans, ouvriers et employés). L’épuration est également administrative :
nationalisations de Renault et des mines du Nord-pas-de-Calais, sanctions (peu nombreuses) contre les fonctionnaires.
La cérémonie du 11 novembre 1945 (cf intro)
le vote des lois d’amnistie (doc 2 p 58) (1946, 1947, 1951 et 1953) ayant pour objet de
faire oublier la période 1940-1944 : il y avait ainsi près de 30 000 détenus en 1946, ils
sont moins de 1 000 en 1954 et une dizaine en 1960. Par ailleurs, De Gaulle en 1950
considère que la détention de Pétain est inutile. La France a ainsi reconstruit son
identité politique et morale moyennant l’oubli et le refoulement d’une partie de son
passé alors que de nombreux déportés restent marqués par l’univers
concentrationnaire.
La célébration des héros de la résistance : transfert des cendres de Jean Moulin
au Panthéon (1964)
La France entre pour près d’un quart de siècle dans une période d’amnésie où se forge des
mémoires officielles.
1.2 – Des mémoires résistantes concurrentes
Au sortir de la guerre,la mémoire résistante offre un cadre structurant à la mémoire collective et aux
valeurs des Français. Gaullistes et communistes entendent représenter la légitimité nationale grâce à leur
action dans le combat clandestin. C’est donc une mémoire de la victoire qui est construite :
 le PCF se présente comme le parti des 75 000 fusillés (doc 3 p 59 à étudier) (chiffre largement
exagéré puisque les résistants tombés au combat et les civils fusillés n’excèdent pas 50 000) et
doit faire oublier son attitude ambiguë jusqu’au mois de juin 1941
 Les Gaullistes, rassemblés derrière l’homme du 18 juin, prennent en charge, de façon efficace, le
souvenir et la commémoration de l’action résistante. Ils mettent en avant la contribution de la
France à la victoire et construisent cette mémoire sur :
o Des lieux : Le mont Valérien (fort militaire à l’ouest de Paris où ont été fusillés 4500
résistants) est le lieu de mémoire par excellence ;
o Des actions :
- Des commémorations mais que commémorer ? (frise sur diapo) les
aléas de la célébration du 8 Mai (fête nationale dès 1946, il ne devient férié
qu’en 1953 mais annulé par De Gaulle en 1959, sauf pour le 20 ème
anniversaire en 1965. Il est supprimé en 1975 par VGE puis rétabli en
1981) choquent une partie des résistants. Il y a par ailleurs, multiplicité des
lieux de commémoration.
- l’année 1964 est celle du transfert des cendres de Jean Moulin au
Panthéon (photo p 266 et discours de Malraux 4 p 59 + doc sur CNS
http://portail.cns-edu.net durée : 20mn39s).
- L’institution du Concours national de la Résistance et de la
Déportation, marque un apogée de la commémoration.
o Des personnages : discours de Malraux p 280 (troisième et dernière phrases)
Jean Moulin sert de souvenir écran : il symbolise l’union de la France libre et de la
résistance intérieure, et permet de personnifier la Résistance, finalement résumée en la
seule personne du général de Gaulle :
Moulin = Résistance
Résistance = De Gaulle
De Gaulle = France
Donc Résistance = France
L’organisation du défilé témoigne, tout comme le discours de Malraux, de cette
personnification (schéma sur diapo). (la veille la commémoration était plus populaire,
plus privée)
Le cinéma, révélateur d’une époque
Les films de cette période traduisent cette pensée unanimiste. Il s’agit de glorifier l’action de la résistance,
montrer une France victorieuse, une France qui se bat… « Une France éternelle ».
- La bataille du rail – R. Clément, 1946 - CNS http://portail.cns-edu.net (durée : 5mn06s)
exploiter à partir du plan n°16 (2mn20s)
- L’armée des ombres – J.P. Melville - présente le destin tragique d’un groupe de résistants dans la
France libre. C’est une réflexion sur l’engagement résistant, traite des doutes des hommes quant
il s’agit d’éliminer un traître ou de leurs peurs face à la torture.
- Paris brûle-t-il ?
- La grande vadrouille de G. Oury témoigne, quant à elle, de la banalisation du souvenir de la
guerre
Ainsi, la tonalité « résistancialiste » (terme forgé par l’historien Henry Rousso doc 1 p 64, ce terme
désigne un mythe qui vise à minimiser le soutien accordé par la société française à Vichy, à faire de la
résistance un objet de mémoire, et à assimiler celle-ci à l’ensemble de la nation) domine : elle est renforcée
par les écrits des Historiens. Robert Aron publie en 1954, une Histoire de Vichy (doc 5 p 59) qui développe
la théorie du glaive et du bouclier, théorie défendue par Pétain lors de son procès. Faute de sources
fiables (pas d’accès aux sources américaines et britanniques) et en passant sous silence la politique
d’exlusion/répression, Robert Aron développe alors une thèse aujourd’hui entièrement remise en cause.
1.3 – Des mémoires niées, oubliées
Le résistancialisme multiplie les zones d’ombre sur les mémoires de la guerre.
 Mémoire des déportés
CNS http://portail.cns-edu.net Retour des prisonniers et déportés (durée : 1mn52s)
Texte de Simone Veil 1 p 56
Au sortir de l'occupation, la division des Français, les réticences de
Affiche sur diaporama
beaucoup d'entre eux à admettre les responsabilités du gouvernement
- Qui sont les déportés selon les
de Vichy ont conduit de nombreux responsables à minimiser, voire à
gommer tout ce qui pourrait aggraver ces divisions et contrarier leur
infos ?
désir de faire oublier ces fractures, notamment en ce qui concerne les
- Que cherche-t-on à faire dans
persécutions et la déportation des juifs [...] Une de mes sœurs a été
déportée à Ravensbrück pour faits de résistance. Dès son retour,
ces infos et cette affiche ?
elle a été invitée dans diverses instances, comme bien d'autres
- Pourquoi la prise de parole, le
résistants, à parler de la résistance et de la déportation, mais ce
ne fut jamais le cas pour ma sœur aînée également déportée à
témoignage sont-ils difficile ?
Auschwitz, ni pour moi. Nous n'étions que des victimes, non des
héros : peu importe ce que nous avions vécu. D'ailleurs on ne
manquait pas de nous le rappeler brutalement dans les associations
d'anciens déportés résistants. À leur retour, beaucoup n’avaient plus de
famille, pas de relations, pas d'argent ni de métier. Ils avaient tout à
construire, repartant souvent de zéro. La priorité était de se retrouver
soi-même pour pouvoir survivre. Les uns ont préféré rompre tout
lien avec leurs anciens camarades, enfouir au fond d'eux-mêmes
tous les souvenirs. Les autres, les plus nombreux, ont conservé des
liens très solides avec leurs camarades de déportation, ne serait-ce
que pour pouvoir parler entre eux du camp, sans avoir à craindre
l'incompréhension ou l'indifférence.
Avec le retour des premiers déportés,
apparaît une prise de conscience, sous forme
de choc, de l’univers concentrationnaire. Mais
dans cet immédiat après-guerre, la singularité
du Génocide n’est pas reconnue : il est inclus
dans la vaste famille des « déportés
politiques ».
La figure de référence du déporté est celle du Simone Veil, « Réflexions d’un témoin », Annales ESC, n°3, mai-juin
résistant et l’amalgame est fait entre tous les 1993
types de camps, dont Buchenwald, Auschwitz
ou Dachau, selon les sensibilités, constituent les exemples emblématiques. S’instaure une
mémoire patriotique de la déportation qui regroupe toutes les victimes du nazisme. Les premiers
monuments ou les premières plaques indiquent que les victimes sont « mortes pour la France » au
même titre que les résistants ou les militaires (femmes, enfants et vieillards seraient ainsi morts au
champ d’honneur).
Le caractère spécifique du génocide est ainsi gommé et la responsabilité de l’Etat français
oubliée.
Par ailleurs, les associations juives souhaitent d’abord affirmer leur appartenance à la
communauté nationale, et leurs urgences vont à l’entraide et à la reconstruction.
Ensuite, les rescapés des centres d’extermination occupent une place modeste au sein de
l’ensemble de ceux qui reviennent de déportation : 54 % du total des partants, mais 6 % des
survivants ; leurs témoignages, nombreux dans les toutes premières années de l’après-guerre
mais difficilement reçus par la société, se tarissent ensuite.
« Les victimes sont toujours gênantes. Leurs plaintes sont lassantes pour qui désire retrouver au
plus vite la sérénité bienveillante des jours » Emmanuel Mounier dans le journal l’Esprit en
septembre 1945.
Le cinéma, révélateur d’une époque
Nuit et Brouillard (1956), d’Alain Resnais et Jean Cayrol,
qui concerne le système concentrationnaire dans son
ensemble et présente une vision univoque du camp et du déporté, apparaît révélateur de cette
période d’une quinzaine d’années.(NB : l’affiche fut censurée, on demanda aux auteurs de retirer
l’image d’un policier devant le camp de Pithiviers)
 Mémoire des prisonniers de
guerre
Photo d’un monument aux morts
Les prisonniers de guerre ne peuvent
prétendre au prestige des poilus (NB : on
ne
construit
pas
de
nouveaux
monuments aux morts, on rajoute
quelques noms sur les monuments
existants). Ces anciens combattants,
victimes de la plus grande déroute de
l’armée française (« l’étrange défaite »),
restent discrets.
« Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard, en consultant les archives, que je sus
l’histoire de "l’îlot spécial" de Nexon. D'ici partirent des vieillards, des femmes,
des enfants dont les noms surgissent pour moi (mais pour qui d'autre?) des
feuillets jaunis des dossiers d’archives, durant l’hiver 1942 où j'étais présente. Ce
sont les archives qui m’ont appris qu’il ne s'agissait que d'un regroupement
provisoire préalable à un convoi massif vers l'Est. Une baraque, ça ne parle pas.
Quand les cris s’éteignent, ils peuvent disparaître. Quelles traces peut garder un
lieu? Pourtant, quand je revins à Nexon, cherchant les pistes de ma mémoire
estompée, c'est bien avec la pensée que les lieux me parleraient, seraient les
témoins. Ma première visite fut au cimetière où je ne vis plus les croix de bois ni
les étoiles dans l'espace qui fut réservé au camp (…)
Quelques jours après, j'appris, à la mairie, qu'une stèle commémorative avait été
érigée sur les lieux. Je la vis cette stèle, à peine plus haute que les herbes qui
l'entouraient, et si discrète. On peut y lire: "Ici furent enfermés de nombreux
patriotes". Vous étiez des "patriotes", vous tous, les "indésirables étrangers"?
J'appris ensuite, par une personne de l'office du tourisme, qu'au cimetière aussi, il
y avait des traces, un cénotaphe où s'inscrivaient les noms des israélites morts
pendant l'hiver 1942, "victimes du nazisme". Je relus avec émotion la pierre, les
noms de tant de mes amis des baraques. Mais pourquoi "victimes du nazisme'?
Des nazis français, alors ? Car enfin, ces juifs-là, ne sont pas morts en
déportation, mais bien en France. Sans doute était-ce aussi des nazis qui
établirent les listes de décès que je trouvais, à la rubrique cimetière, dans les
documents de la mairie. Je trouvais dans les noms juifs quelques protestants
convaincus ; je trouvais dans les Chrétiens tous les « sans Dieu » des Brigades
internationales. Si on n’était pas juif, on était chrétien, forcément. Et si on n’était
pas patriote, on était nazi, forcément. Et si on était nazi, on était allemand,
forcément. »
Laurette Alexis-Monet, Les Miradors de Vichy, Les Editions de Paris, 2001
 Mémoire vichyste
Affiche sur diaporama
La droite déconsidérée en raison de son
soutien à Vichy profite des dissensions
entre les partis de la Résistance pour
relever la tête (amnistie, Pinay au
gouvernement) : on observe une certaine
résurrection du pétainisme. La théorie du bouclier est mise en avant alors que De Gaulle était
l’épée. Cela laisse l’opportunité aux français de croire que Pétain à éviter le pire.
Transition/Bilan :
Après cette première phase de résistancialisme, d’amnésie collective et de mutisme
délibérée ou subie, s’ouvre une nouvelle période à la jointure des décennies 1960-1970,
avec l’arrivée à l’âge adulte d’une nouvelle génération, la fin du gaullisme historique, les
mutations de la mémoire juive.
Mémoire et Histoire sont deux représentations différentes du passé.
La mémoire tire sa force des sentiments qu’elle mobilise : elle installe le souvenir dans
l’affectif, voire le mythe et le sacré. Ouverte à la dialectique de l’amnésie et du souvenir, guère
consciente de ses enrichissements et déformations successifs, elle est en évolution permanente
et susceptible de longues latences et de soudaines revitalisations.
Les mémoires individuelles, les mémoires de groupes — qui constituent l’élément militant et
moteur de la mémoire collective —, ont parfois mis en doute la mémoire nationale
institutionnelle ou mémoire officielle telle qu’elle était véhiculée par l’enseignement et les
commémorations officielles.
L’histoire est une reconstruction savante et incomplète du passé mais qui se veut
objective. L’histoire est volonté de comprendre, mise en récit problématisée, transformation en
pensé de ce qui est ordinairement de l’ordre du vécu affectif et émotionnel ou du système de
représentations.
2° - MEMOIRES EN DEBAT, MEMOIRES REVISITEES : « UN PASSE QUI
NE PASSE PAS » (1960’S-1990)
2.1 – La mémoire revisitée par l’Histoire dans un contexte renouvellé
A la fin des années 1960-début des années 1970, une nouvelle génération, qui n’a pas
connu la guerre, arrive à l’âge adulte et s’interroge sur cette période. C’est également la fin du
gaullisme historique (« la chienlit, c’est lui ») alors que le parti communiste décline : les tenants du
résistancialisme sont plus « discrets » et les paroles se libèrent.
La relecture historienne des années noires ébranle le mythe d’une résistance univoque avec
notamment la publication de La France de Vichy de R. Paxton, traduit en 1973 (doc 6 p 60).
L’auteur démonte la thèse du double jeu et montre que Vichy a pris l’initiative de la collaboration
d’Etat. La représentation dominante diffuse désormais une double culpabilité : avoir accepté le
régime, n’avoir pas su ou pas voulu accepter la vérité ni punir les coupables.
Les historiens français lui emboitent le pas tels que Jean-Pierre Azema (de Munich à la libération :
1938-1944, Paris, Seuil, 1979), ou Henry Rousso (Le syndrome de Vichy, Paris Seuil, 1987). Le
travail des historiens consiste à prendre de la hauteur par rapport à cette « parole inflationniste » :
après avoir été plongé dans l’amnésie et le mutisme, la société française entre dans « l’ère du
témoin ».
2.2 – Travail de mémoire par les groupes insatisfaits et médiatisation
AP – Travail sur Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophüls (1969)
Le Chagrin et la Pitié, une rupture ? dossier p 62-63
Questions :
- A partir de l’affiche du film Le Chagrin et la
pitié, quel fut le comportement des français ?
Que représentent les photographies ?
- Pourquoi ce film constitue-t-il un choc pour
Françoise Giroud et les français (doc 3 p 63)?
- Pourquoi le film a-t-il été interdit(doc 4 p
63) ? Quel est le regard de l’auteur sur cette
interdiction ?
En haut lieu, on aurait trouvé, paraît-il, que Le Chagrin et la Pitié s’était
fait une fâcheuse réputation de destructeur de mythes, et que certains
mythes sont nécessaires au bonheur et à la tranquillité d’un peuple.
(…)
Tout ouvrage historique sérieux traitant de cette époque de notre
Histoire reconnaît que les résistants actifs constituaient une minorité de
Français. Cela s’écrit depuis longtemps, cela se dit un peu partout.
Pourquoi alors, n’aurait-on pas le droit de constater cette évidence
dans les domaines d’expression qui s’adressent au plus grand nombre,
c’est-à-dire au cinéma et à la télévision ? (…)
Je n’ai pas voulu démontrer, seulement montrer. Un film ne dit rien, il
ne prouve rien, il montre. (…)
Bien souvent, d’une année à l’autre, j’ai entendu des gens se plaindre
à la sortie de mon film : « on ne nous montre pas les combats de
maquis » ou encore « on ne nous montre pas les difficultés de la vie
quotidienne ». c’est confondre Le Chagrin et la Pitié avec Paris brûle-til ? ou La bataille du rail, c’est-à-dire avec des films de reconstitution
historique (…). Il est indéniable que le propos de démystifier cette
époque par rapport aux « versions officielles » précédemment
promulguées a été prépondérant dans le choix du sujet.
M. Ophuls, Le Chagrin et la Pitié, 1980 (réponse à des questions de
lycéens en 1979)
Ce film, vous ne le verrez pas sur le petit écran auquel il
était destiné. On tient en haut lieu les Français
incapables de se regarder dans une glace, tels qu’ils
furent, tels qu’ils se dépeignent eux-mêmes, tels qu’ils
se jugent.
Tout le monde le sait mais il ne faut pas le dire. Le
manteau d’Hermine que Charles de Gaulle a jeté sur les
guenilles de la France doit à jamais dissimuler qu’elle
avait perdu non seulement la guerre, ce qui n’est rien,
mais l’honneur. Et, que prise en bloc, elle s’en
arrangeait bien.
Le premier choc est dur. Pour peu qu’on ait eu plus de
quinze ans en 1940, on en suffoque. Pleurer
soulagerait. Mais on ne pleure pas. On rage.
La foule, fervente, agitant des petits drapeaux,
acclamant un vieux soldat, parce qu’ « en France, ça
finit toujours par un militaire » dit cruellement un anglais.
Maurice Chevalier chantant : « ça sent si bon la
France… » En 41. En 42. Pendant que le général
Huntziger demandait aux allemands « si nos deux pays
ne pouvaient pas aller plus loin sur le plan de la
collaboration militaire ». Il ne fallait pas avoir l’odorat
sensible. La brochette de vedettes de l’écran partant
joyeusement visiter les studios de Berlin, de Vienne, de
Munich… Le Dr Goebbels les accueillera. Hitler devant
la tout Eiffel, devant l’Opéra, montant les marches de la
Madeleine, et, sur son passage, les agents de police
saluant spontanément. Spontanément.
Tant et tant d’images qui font mal, de discours
chevrotants, de proclamations ignobles ou imbéciles,
que l’on croyait oubliés, que nous étions nombreux à
avoir volontairement enfouis, pour toujours, dans le
sable de la mémoire parce que la vie, ce n’est jamais
hier, c’est aujourd’hui.
Oui, le premier choc est dur. Il faut savoir que, au-delà
de 40 ans, personne ne peut voir Le Chagrin et la Pitié
innocemment. Sans retrouver le goût amer de sa propre
lâcheté, si l’on fut de la majorité, soit le tremblement de
la fureur, si l’on fut des autres
Françoise Giroud, L’Express, 3 mai 1971
 Dans le film Le chagrin et la pitié, les français y sont montrés comme maréchalistes et
attentistes. Tournant le dos au résistancialisme, le film d’Ophüls est un documentaire sur la vie
quotidienne à Clermont Ferrand pendant l’occupation et présente différents acteurs des
événements : pétainistes, collaborateurs, notables, résistants anonymes… Les témoignages
alternent avec des documents d’archives. On découvre la France de Vichy moins conditionnée
par la présence allemande qu’on pouvait le croire, et les traces encore vivantes de la guerre
franco-française. L’affiche du film accumule les éléments informatifs :
- une explicitation du titre « Chronique d’une ville française sous l’occupation »
- un commentaire dithyrambique « nul ne peut ignorer cette leçon d’histoire »
- une juxtaposition de photographies qui dénoncent la France de Vichy : l’Assemblée
nationale recouverte d’un slogan en Allemand (deutschland siegt an allen fronten), des
passants lisant une interdiction faite aux juifs d’entrer dans une salle de spectacle, un
bureau de recrutement de la Légion des Volontaires français, une affiche reprenant une
phrase de Victor Hugo à propos de la nouvelle Europe, une photographie de soldats
allemands passant devant la guérite d’un gendarme français et enfin, la reproduction
d’une affiche (en français) de lutte contre la Résistance et les alliés.
 Entre 1971 et 1981, un conflit fait long feu entre le réalisateur et la télévision qui tente
d’endiguer la vague « rétro » déclenchée par le film. Le projet, financé par la télévision
allemande, est diffusé en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis, mais l’ORTF
pratique la censure car, selon son directeur, le film « détruit les mythes dont les français ont
encore besoin ». Françoise Giroud livre ici une critique acerbe du résistancialisme, tout comme
les auteurs du film. F. Giroud témoigne de l’engouement provoqué par ce film en raison du
choc du passé qu’il révèle : chaque individu se retrouve confronté, avec cette évocation d’un
« passé qui ne passe pas » à sa lâcheté ordinaire ou sa fureur durant le conflit.
 Le Chagrin et la pitié inaugure la mode « rétro » qui voit, à partir de 1974 (Lacombe Lucien
de Louis Malle CNS http://portail.cns-edu.net (durée : 1mn03s)) l’éclosion de films inspirés
de la guerre : 45 entre 1974 et 1978. Ce film se range dans la catégorie des films-procureurs
qui dénoncent Vichy et la collaboration d’Etat.
Le dernier Métro, Uranus, Laissez-passer etc prennent à bras le corps le problème et ne
tergiversent plus. Le régime de Vichy est clairement évoqué ainsi que l’attitude des français.
Les auteurs s’attachent à montrer la diversité et la complexité des situations. Le
résistancialisme n’est plus de mise : le travail des historiens est passé par là et il interroge sur
le comportement des français sous l’occupation
2.2 – La (re)naissance de la mémoire juive
La décennie 1960 marque un tournant et une (re)découverte en raison :
- du procès Eichmann (2 p 65) (1961), qui ouvre l’ère du témoin porteur d’histoire,
- de la guerre des Six Jours. Celle-ci constitue une étape majeure à cause de l’angoisse
qu’elle suscite pour le jeune Etat d’Israël. La mémoire du Génocide devient constitutive
de l’identité juive et revendique sa place dans la société.
- du débat enclenché par la projection d’Holocauste (1978-1979) qui rassemble 120
millions de téléspectateurs outre-atlantique
- de l’action militante des déportés juifs : création de l’association Fils et Filles des
Déportés Juifs de France (FFDJF) en 1979 par Serge Klarsfeld.
- de la diffusion du film Shoah qui témoigne de l’horreur de la déportation en s’appuyant
sur des témoignages (cf Ophüls). (2 p 56) CNS http://portail.cns-edu.net (durée :
3mn40s)
- du procès Barbie ouvert en 1987 (7 p 60)
Les historiens et de la lutte contre l’entreprise négationniste  docs sur diapo:
Quelles sont les thèses du négationnisme ? Dans quelles mesures peut-on parler de pouvoir de
nuisance ? Quelles sont les réponses des historiens ?
- CNS http://portail.cns-edu.net (durée : 2mn15s) quelques mois après l’affaire
Darquier de Pellepoix (ancien commissaire aux questions juives qui nie l’existence des
chambres à gaz), Robert Faurisson publie dans la revue La défense de l’occident (fondé
par Maurice Bardèche, beau-frère de Brasillach) un article paru plus tard dans le Monde
sous le titre « le problème des chambres à gaz » ou « la rumeur d’Auschwitz ». Maître
de conférences en littérature à l’Université de Lyon II, Faurisson parvient à médiatiser le
négationnisme.
- Si les thèses de Faurisson font l’objet de réfutations incontestables, elles deviennent
populaires auprès des milieux d’extrême droite et d’extrême gauche au nom d’une
contestation de la « vérité officielle » et d’une lecture anticapitaliste de l’histoire. En
1987, Jean-Marie Le Pen avec ses déclarations se rapproche de ces thèses qui se
diffusent dans la presse d’extrême-droite. De nouveaux adeptes se trouvent dans les
milieux islamistes qui voient là un moyen de contester l’existence de l’Etat d’Israël .
- Condamnées à plusieurs reprises, les thèses de Faurisson ont stimulé la recherche
scientifique sur la Shoah dès 1980 (Raul Hilberg, La destruction des juifs d’Europe). Ces
thèses ne vont pas, comme le dit Pierre Vidal-Naquet, à l’encontre de la vérité mais « à
l’encontre de la prise de conscience de la vérité » en quelque sorte à l’encontre de la
mémoire CNS http://portail.cns-edu.net (durée : 2mn43s)
Cette libération de la parole se traduit par un énorme travail documentaire et l’intervention de
témoins dans les débats télévisuels et auprès des jeunes dans les établissements scolaires.
Transition/Bilan :
Le « passé qui ne passe pas » du régime de Vichy, selon l’expression de l’historien Henry
Rousso, alimente un traumatisme qui va grandissant et qui perdure aujourd’hui, comme en
témoigne les affaires, procès et autres déclarations des hommes politiques.
Dès lors, un nouveau regard est jeté sur ce passé.
(Rappel) Mémoire et Histoire sont deux représentations différentes du passé.
La mémoire tire sa force des sentiments qu’elle mobilise : elle installe le souvenir dans l’affectif, voire le mythe et le sacré. Ouverte à la
dialectique de l’amnésie et du souvenir, guère consciente de ses enrichissements et déformations successifs, elle est en évolution permanente et
susceptible de longues latences et de soudaines revitalisations.
Les mémoires individuelles, les mémoires de groupes — qui constituent l’élément militant et moteur de la mémoire collective —, ont parfois mis
en doute la mémoire nationale institutionnelle ou mémoire officielle telle qu’elle était véhiculée par l’enseignement et les commémorations
officielles.
L’histoire est une reconstruction savante et incomplète du passé mais qui se veut objective. L’histoire est volonté de comprendre, mise en récit
problématisée, transformation en pensé de ce qui est ordinairement de l’ordre du vécu affectif et émotionnel ou du système de représentations.
Mémoires et histoire sont deux représentations complémentaires du passé.
Histoire et mémoires s’entrecroisent : au cours de cette période (années 60-1990), les témoins
(qui ont une mémoire individuelle et collective des événements) constituent des sources orales
que l’Historien doit croiser. Les débats mémoriels sur la Shoah stimulent ainsi la recherche
historique (cf les ouvrages tels que Paroles de poilus peut-être vu l’an dernier).
3° - MEMOIRES ACCEPTEES, MEMOIRES MOINS PASSIONNELLES ?
3.1 - « Le syndrome de Vichy » : l’Etat entre justice et repentance ou de
l’usage politique des mémoires
A la libération, de Gaulle refuse de proclamer la république considérant que celle-ci n’avait
pas cessé d’exister. Par la suite les gouvernants français se sont longtemps refusés à reconnaître
officiellement la responsabilité de l’Etat français dans les déportations juives :
- en 1972, le président Pompidou invite à la réconciliation nationale après avoir amnistié
Paul Touvier (chef de la milice lyonnaise).
- François Mitterrand refusa de condamner le régime estimant que Pétain avait rompu
avec la tradition républicaine.
Mais grâce aux avancées historiographiques, la mémoire collective des années 1940-1944 évolue.
La responsabilité de l’Etat français dans la persécution est réévaluée :
- F. Mitterrand est le premier à assister à la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv’ en
1992 ce qui suscite une manifestation entraînant la colère et la honte de R.Badinter CNS
http://portail.cns-edu.net (durée : 2mn21s)
- Inauguration d’un monument commémoratif faisant mention de la déportation raciale (3 p
57)
- mise en place d’une journée une journée commémorative à partir de 1993 (le 16 juillet)
(4 p 57)
- F. Mitterrand inaugure en 1994 le musée mémorial d’Izieu.
L’avancée déterminante a lieu en 1995  8 p 60 Discours de J. Chirac le 16 juillet 1995 CNS
http://portail.cns-edu.net (durée : 2mn32s). A cette date, commémorant la rafle du vel’ d’hiv’ du
16 juillet 1942, Jacques Chirac admit la complicité avec l’occupant de « français » et « l’Etat
français ».
Par la suite est créée, en 2005 la fondation pour la Mémoire de la Shoah, présidée par Simone Veil
( doc 1 p 52). Nicolas Sarkozy souhaite mettre en place 1 écolier/ 1 déporté.
Nicolas Sarkozy redonne un statut héroïque à la résistance en imposant la lecture de la lettre de
Guy Mocquet dans les écoles (10 p 61) et par ses déplacements annuels sur lez plateau des
Glières (9 p 61) alors que le travail des historiens montre la difficulté d’une histoire de la
Résistance (Laurent Douzou, La résistance française : une histoire périlleuse, paris, Seuil, 2005).
3.2 – Histoire, justice et mémoires
La poursuite des anciens responsables de Vichy inculpés pour crimes contre l’humanité
(Jean Leguay, secrétaire général de la police de R. Bousquet, en 1979, Paul Touvier en 1981,
Maurice Papon en 1983 puis en 1997-1998) ou de SS (Klaus Barbie en1987) permet de rendre
justice. En 2000, la mission Matteoli est chargée d’indemniser les familles qui ont été spoliées.
On entre alors dans un régime mémoriel et dans une logique victimaire où les groupes,
concurrents, souhaitent faire reconnaître leur souffrance (tsiganes, malgré nous).
De cette mémoire, découle la notion, très controversée, de devoir de mémoire. Un devoir qui serait
fixée par des commémorations, des décrets, des lois. Or la loi ou encore la justice ne peuvent faire
l’Histoire : les historiens œuvrent pour que le parlement (avec les lois mémorielles) n’interviennent
pas dans l’écriture de l’histoire afin de ne pas déboucher sur une histoire officielle (article de JeanPierre Azema dans L’Histoire n° 323, septembre 2007). Les historiens ont en effet pour objet
d’établir les faits et non de remémorer les faits.
Cette justice ou ces procès n’apportent rien à l’Histoire. La justice n’éclaire pas le passé : au mieux
elle éclaire, informe, sensibilise l’opinion publique. Un procès n’est pas un témoignage pour
l’Histoire, c’est un acte de justice visant un individu à qui la société demande compte de son
action.
Conclusion :
Mémoires et histoire sont en
interaction permanentes. On peut
dégager des phases dans ces
relations aux visées distinctes et
parfois contradictoires. Patrimoine
et mémoires ont en commun d’être
le fruit de choix (plus ou moins
militants) d’acteurs individuels mais
surtout de groupes ou institutions
(nationale voire mondiale comme
l’ONU). Face à ce caractère
subjectif ou intéressé, l’historien
cherche, avec méthode, à atteindre
une certaine objectivité dans la
mise en récit des relations que les
sociétés entretiennent avec leur
passé.
EVALUATION : Document :
Biographie de Maurice Papon
Consigne : En quoi cette biographie
témoigne des évolutions des mémoires de la seconde guerre mondiale en France telles que les
historiens les ont dégagées.

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