Redalyc.Carnap et les éléments visant le développement d`une

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Redalyc.Carnap et les éléments visant le développement d`une
Red de Revistas Científicas de América Latina, el Caribe, España y Portugal
Sistema de Información Científica
Magdalena Pradilla Rueda
Carnap et les éléments visant le développement d'une ontologie à partir des machines logiques
Revista Colombiana de Filosofía de la Ciencia, vol. X, núm. 20-21, 2010, pp. 133-145,
Universidad El Bosque
Colombia
Disponible en: http://www.redalyc.org/articulo.oa?id=41418343006
Revista Colombiana de Filosofía de la Ciencia,
ISSN (Version imprimée): 0124-4620
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Colombia
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Le Projet Académique à but non lucratif, développé sous l'Acces Initiative Ouverte
Carnap et les éléments visant le développement
d’une ontologie à partir des machines logiques
Magdalena Pradilla Rueda1.
R ésumé
A la question « si le savoir informatique largement technifié nous présente encore
des problèmes qui peuvent être résolus par une réflexion philosophique ou s’il est
capable de répondre à ce type de problématique depuis ce savoir même », nous
répondons ontologiquement présentant les objets informatiques selon la perspective ontologique interne posée par Carnap, dans laquelle la réalité d`un objet est
donnée par un ‹ monde possible › et son existence est procurée par son adaptation
aux différents éléments du monde donné. Or, le savoir informatique se présente sous
divers mondes de réalité tels que : le monde des phénomènes empiriques, du langage,
des calculs, des systèmes formels généraux et de la complexité. Ces mondes sont le
support de la construction des objets, c’est donc dedans chacun des mondes que nous
trouvons des problèmes philosophiques et épistémologiques authentiques qui, dans
la plupart, sont résolus d’âpres réflexions philosophiques. Ainsi même, les divers
mondes construits déploient une ‹ généalogie › du savoir en question et l’ensemble
d’eux montre un ‹ objet informatique › dans son intégralité.
Mots clés: philosophie de la science, logique mathématique, épistémologie de l’Informatique, ontologie, calculabilité.
A bstract
To the question: “does the widely technified systems information knowledge present
problems for us, which could be solved by a philosophic reflection, or can that
knowledge answer by itself to this kind of problems?”, we ontologically answer by
presenting the information objects according to ‘internal ontological perspectives’
proposed by Carnap, in which an object reality is given by ‘possible worlds’ and the
existence by its adaptation to the elements of that given world. So forth, the systems
information knowledge exists in various worlds, such as: empirical objects world,
language world, calculus world, formal systems and complexity worlds. These worlds
are the foundation of objects building, and in each of these worlds the authentic
philosophical and epistemological problems appear, which can be solved mostly by
philosophical reflections. In addition, these various worlds conforms a ‘genealogy’ of
this knowledge, and the total set of these worlds show the existence of an ‘information object’ in its integrality.
Key words: philosophy of science, mathematical logic, informatics epistemology,
ontology, calculability.
1
Docteur en Philosophie‚ Université de Paris 1 – Panthéon Sorbonne‚ 2008.
Carnap et elements [...] - Magdalena Pradilla Rueda
Introduction
Parler d’informatique est en quelque sorte parler d’une espèce de machines que
nous pourrons appeler ‹ nouvelles › ou plus couramment ordinateurs, ce qui nous
amène à transformer radicalement la notion de machine qu’on avait jusqu’alors.
Nous savons que la création des machines en général a correspondu aux
différents ordres de besoins ressentis par l’être humain au long de l’histoire,
comme, la prolongation des sens ou fonctions de motricité, mémoire, calcul,
…, entre autres. Ainsi, par voie de conséquence, nous trouvons progressivement, depuis des siècles, des machines installées parmi nous : machines
pour l’industrie (métiers à tisser, moulins à eaux et à vent, puis moteurs à
explosion pour toutes sortes de travaux, etc.), machines destinées à nous transporter (trains, bateaux, avions, etc.), machines pour nous aider dans les tâches
quotidiennes (fours, réfrigérateurs, etc.), machines pour l’écriture et le dessin,
machines pour nous divertir, machines pour gérer les emplois et nos affaires
quotidiennes, machines pour faire de la musique, machines pour communiquer (télégraphes, etc.), machines pour calculer (piano de Jevons, automate
de Leibniz, machine de Babbage, etc.). Or les machines sont de plus en plus
nombreuses et proches des façons de faire de l’être humain en tant que tel.
Parmi cet ensemble de ‹ machines ›, nous identifions les machines à calculer,
dans lesquelles nous pourrions intégrer ces ‹ nouvelles machines ›, mais c’est
justement la nouveauté de ces machines ou ordinateurs qui nous conduisent
à les classer d’une manière différente des anciennes machines. L’originalité
de ces machines se réfère à ‹ l’assimilation de l’esprit dans la machine ›, dont
l’innovation réside dans le recours à l’utilisation de la logique. Cette nouvelle
caractéristique représente une discontinuité dans la tradition de réaliser des
machines qui jusqu’alors n’étaient que des machines matérielles. Ainsi la
démarche perd-elle le caractère pragmatique de la résolution de problèmes de
calcul et devient-elle essentiellement logique et théorique.
Nous voyons comment des calculateurs mécaniques sont devenus logiques
et informationnels et servent à accroître nos capacités mentales de calcul, de
raisonnement, de mémorisation et de traitement de l’information. Leur invasion change le monde mais aussi notre conception du monde et nos théories
sur le monde. Les mathématiques et la logique ont été bouleversées par les
concepts nouveaux tirés des théories spécifiques à ces machines comme une
nouvelle manière de calculer telle que la calculabilité et d’autres conceptions.
On est situé, ainsi, face à des nouvelles théories et des nouveaux concepts,
servant de fondement à l’informatique théorique et pratique, tant pour la
construction des ordinateurs que pour le développement des applications
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permettant l’usage de ces nouvelles machines. Ce savoir dont l’application est
du ressort de la pratique de l’homme dans son quotidien et des spécialistes
logiciens, mathématiciens ou informaticiens, se présente notamment comme
le résultat des représentations logico-mathématiques, linguistiques et relatives
au calcul. C’est ici que surgit une question générale qui est de savoir si cette
connaissance largement technifiée nous présente encore des problèmes qui
peuvent être résolus par une réflexion philosophique ou si elle est capable de
répondre à ce type de problématique de manière interne (Caveing 2004)2 .
Objets informatiques
Pour répondre nous allons nous situer dans une problématique propre de ce
savoir : la relation de ces machines et la réalité et dans ce cas nous parlerons
des ‹ objets informatiques ›, lesquels se situent au centre du développement
des machines logiques. Nous allons utiliser le mot ‹ objet › dans le même
sens employé pour les mathématiciens, indiquant les éléments sur lesquels
un mathématicien ou informaticien réalise d’abord son activité théorique et
ensuite leur applicabilité. Par ailleurs, nous savons que ce terme appartient au
langage ordinaire, c’est à dire avec une large charge de polysémie, qui pourra
introduire des opacités dans la saisie de la pensée informatique au travers de
ces objets. Mais justement, ces divers sens nous ont incités à préciser le sens
de ‹ l’objet informatique › en le posant comme but du savoir informatique car
elle a affaire à des ‹ objets ›, référés à une certaine ontologie, comme dans le
cas des mathématiques. A présent, la question devient alors ‹ ontologique ›3
et peut se poser en termes de : à quel type d’objets appartiennent les objets
informatiques, quelle est leur réalité et leur existence?
Tout d’abord nous voudrons présenter les différents types d’objets ou entités
en mathématiques, selon le caractère de réalité prescrite, lesquels sont le
support des objets informatiques. J. Boniface (2004 8 - 14), nous présente
cet aspect en mathématiques, dans lesquelles les mathématiques grecques, en
partie ‹ empiriques › fondées sur le calcul d’objets concrets, succèdent des
mathématiques rationnelles, où aux entités singulières et concrètes de la
mathématique empirique, se substituent des entités abstraites. Il ne s’agit plus
2
Maurice Caveing se demande dans le même sens : « Les mathématiques posent-elles encore
aujourd’hui des problèmes à la solution desquels puisse contribuer la réflexion philosophique ? Ne
sont-elles pas elles-mêmes les seules capables de répondre aux interrogations qu’elles suscitent ? ».
3
Ontologie comprise comme branche de la philosophie qui se référée à ‹ ce qui est ›, des classes et
structures d´objets‚ propriétés‚ événements‚ procédures et relations dans leur domaine de réalité.
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de considérer un terrain carré, mais d’étudier les propriétés du carré. Cette
structure est l’essence même, ‹ réalité › ou cause première des réalités empiriques. De cette façon, la nature de ces nouveaux objets abstraits peut être soit
des entités parfaites et purement intelligibles, des ‹ idées › dotées d’une réalité
en dehors de l’objet empirique (les platoniciens) ou bien des entités ‹ logiques ›
(les aristotéliciens). Dans ce cas-ci, par exemple, si le carré est étudié en dehors
de toute réalité physique, il n’existe aucun carré en soi subsistant dans un
monde sépare, il est clair que dans ce premier moment il existe des mathématiques empiriques et abstraits suivant la façon d’aborder leur réalité.
Ce problème de la réalité et de l’existence d’objets abstraits resurgit à la
fin du XIXe siècle sous deux aspects : a) les tenants d’une mathématique
‹ réelle ›, adossée à l’intuition et aux mathématiques conceptuelles dont la
non-contradiction souvent suffit à justifier l’existence: les objets simples sont
considérés comme existants et la version courante est appelée ‹ platonicienne ›
et prend la voie de la transcendance et de la théorie ; b) sur ce que l’on peut
considérer comme existence véritable, employée au sens de l’effectivité réelle
dont la formule algébrique peut remplacer la figure géométrique, couramment appelée ‹ non-platonicienne › et qui prend la voie de l’immanence, de
la pratique et de la construction de l’objet. Cet aspect peut prendre diverses
formes, selon la conception de l’objet : ‹ nominaliste › où les classes d’objets
sont des ‹ façons de parler ›, et non des objets proprement dits ; ‹ empiriste ›
où une analogie entre les mathématiques et les sciences de la nature se met
à jour : il faut que l’objet apparaisse dans une évidence sensible, pour que
l’objet existe ; ‹ intuitionniste › où l’objet apparaît dans l’intuition sensible ou
conceptuelle. Dans ces trois cas, il est nécessaire de procéder à la construction
de l’objet, et au-delà la forme est ‹ constructiviste ›, et les objets mathématiques sont engendrés à partir d’objets primitifs.
Cette typologie générale d’objets mathématiques est le support des objets
informatiques appartenant ceux-ci, en principe, aux objets abstraits qui suivant
leur développement correspondent à la forme ‹ empiriste › ou ‹ constructiviste ›.
L a realité des objets informatiques
La question sur la réalité des objets nous pose déjà un choix ontologique. Pour
cela c’est R. Carnap (1997) qui nous présente une notion d’ontologie ne concernant seulement le monde en soi même mais aussi théories‚ langages ou croyances.
Il établit deux types : une ontologie externe et une interne. L’externe fait référence à la forme traditionnelle de ‹ prendre › l’objet‚ type platonicien‚ muni d’une
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réalité et une existence par soi-même. Pour Carnap cette sorte d’ontologie est
une ‹ pseudo-question › qui pose des problèmes insolubles et pour autant elle n’a
aucune applicabilité. L’interne est prise‚ comme l’étude ontologique des théories
spécifiques ou systèmes des croyances‚ pouvant construire des modèles avec des
propriétés qui leurs correspondent. Ainsi l’ontologie dans le sens traditionnel
est remplacée par l’étude de comment un langage ou science donnée devient
une théorie du contenu ontologique des certaines représentations. Ainsi, l’ontologie traditionnelle cherche des principes se constituent en vérités de la réalité
des phénomènes‚ par contre‚ les praticiens de l’ontologie interne cherchent des
principes qui peuvent ou ne pas être vrais d’après cette réalité phénoménique‚
nous pourrons parler alors ‹ d’alternatives de mondes possibles › de Carnap dans
lesquels les objets ou entités sont représentés dans le domaine ou monde donné.
Dès lors‚ la réalité des objets est donnée par chacun de ces ‹ mondes possibles ›.
Ainsi même‚ Carnap présente la notion d’existence dans cette ontologie
interne comme l’adaptation ou cohérence de l’objet avec les différents éléments
du domaine ou monde donné tels : les règles‚ les propriétés‚ les relations‚ ainsi
que les concepts et notions conformant les théories de base du domaine.
En conséquence‚ les objets informatiques peuvent être considérés comme appartenant aux divers domaines ou mondes de réalité tels que le cerveau ou pensé‚ le
langage‚ les calculs numériques‚ les systèmes formels et la complexité. Or l’existence des objets est définie par leur ‹ adaptation › aux éléments du domaine.
Nous voudrons montrer le développement de la construction de chaque
domaine‚ référé aux objets informatiques et aux machines logiques‚ en signalant les enjeux philosophiques et épistémologiques qui se présentent et leur
solution donnée à l’intérieur de chaque domaine‚ répondant ainsi à la question principale posée.
Ontologie interne : différents domaines
des objets informatiques et machines logiques
Nous identifions deux périodes dans le développement des machines logiques,
prisent comme objets informatiques généraux, qui suivent aussi la construction
des différents mondes ou domaines. Dans une première période des ‹ machines
logiques ›, le cerveau, les réseaux nerveux, l’organisme en général d’une part, et
de l’autre, l’esprit et la pensée, sont représentés directement par ces machines,
par exemple les réseaux neuronaux développés ou milieu du siècle dernier. Or si
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le cerveau fonctionne comme une machine à calculer4 nous sommes dans le cas
de la machine comme ‹ modèle du cerveau ›. De même, si les machines peuvent
réaliser certaines fonctions semblables aux fonctions réalisées par quelqu’un qui
calcule, la machine peut devenir un ‹ modèle de la fonction de calculer › et par
extension le modèle d’un ‹ cerveau pensant ›.
L’enjeu philosophique‚ dans ce cas‚ porte sur le statut du modèle des
machines dont elles ne sont pas des cerveaux mais les cerveaux une variété,
très mal comprise, de machines logiques. Pour cela, il fallait représenter le
monde neurophysiologique et celui de l’esprit : il ne s’agit pas ici d’humaniser
la machine, mais bien de mécaniser l’humain dans son ensemble.
Or le rapport de ces premières machines logiques est direct avec la réalité
des phénomènes, de l’organisme ou de la pensée et on pourra les qualifier des
‹ objets abstraits empiriques ›. Ici, le logicien agissant en tant qu’épistémologue
va se demander : comment un calculateur humain effectue les calculs, pour
pouvoir ensuite représenter logiquement la méthode résultante. Et lorsqu’il
agit en qualité de philosophe, il va se demander si ces machines sont capables
de réaliser des processus similaires à la pensée, et dans quel sens.
Penser est donc pour Turing ‹ imiter › (1950 263-269). Ici il pose la pensée
des machines non pas en termes philosophiques, mais en termes épistémologiques, bien entendu, elle ne peut prendre corps qu’à l’intérieur du champ de
ces connaissances.
Si la pensée n’est identifiable que dans et par ses produits, il faut abandonner l’idée qu’on puisse l’appréhender a priori mais accepter de la
concevoir comme un constat, le fruit d’une inférence[…] La pensée
est aujourd’hui posée comme génératrice de logiques, non comme
enfermée dans l’une d’elles […] (Pélissier & Tête xxxi –xxxii).
Celle-ci se fonde sur un constat, en principe sur le plan formel, ensuite avec
les développements de la construction des machines computationnelles sur le
plan matériel. La théorie de la connaissance développée dans ces recherches,
se propose d’exprimer l’idéalité du calcul, or elle s’interroge sur les conditions
de possibilité entre le sujet de connaissance (machine) et la réalité à connaître
(comportement ou phénomènes) à travers la logique.
Ces réalisations des logiciens et des mathématiciens ont renouvelé à fond la
manière dont on explique comment la connaissance traite ses contenus. Ainsi,
4
Shannon, C. E. et McCarthy, J. (1956) . Ils nous signalent que le système nerveux souvent comparé
à un échangeur téléphonique ou machine à calculer dirige les données sensorielles et motrices.
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dans ce cas, produire de la connaissance requiert de passer par cette ‹ machine
logique › qui instaure un statut de machines sans précédent.
Dans une deuxième période de machines logiques, le besoin de formes de
représentation symboliques et numériques s’est fait ressentir rapidement, telles
les formes langagières, les numériques dans les calculs‚ les systèmes formels
et la complexité. Or la représentation de la réalité par les machines logiques
a dû passer par ces intermédiaires. Les objets informatiques ainsi résultants
sont des ‹ objets abstraits construits › par opposition aux ‹ objets abstraits
empiriques › de la première période. Nous avons ainsi leur construction sous
les domaines ou mondes suivants.
Le L angagière
La définition de langages produit une abstraction grandissante dans le
rapport machine-réalité à cause du fort degré de formalisation des langages.
Celle-ci requiert une ‹ technicité › très poussée, indispensable à leur intelligibilité, maîtrisée par un logicien-informaticien spécialisé qui contrôle l’appareil
conceptuel lié à la technicité du langage et non par un philosophe traditionnel.
Mais si, à l’origine de ces machines, nous n’avons que des éléments concrets
du réel (pensée ou organisme) comme objets de réflexion philosophique, dans
cette deuxième période, nous retrouvons d’avantage la réalité dans le cadre
des langages formels propres à la réflexion philosophique dans la tradition de
Wittgenstein, Frege et Russell, qui n’échappent pas non plus à des interrogations de type linguistique, comme celles de Chomsky (1957).
La structuration de ces langages en un ensemble de symboles, d’un côté, et
l’ensemble de règles de formation et transformation, d’un autre côté, est une
de leurs bases essentielles, car cet ensemble de symboles peut être le but d’une
étude ou transformation logico-mathématique indépendamment de tout
contenu. De cette façon, la manipulation de symboles ne se fait qu’à partir
de règles sans avoir tenu compte d’un quelconque contenu, c’est ainsi que les
formes de représentation de langages se placent en correspondance avec les
machines ou procédures opératives.
Pareillement, la théorie des grammaires syntaxiques formalisée par les
études de Chomsky (1957) produit un tournant en faveur de langages de
programmation qui s’affirment prioritairement.
Nous voyons aussi comment le besoin de définir des niveaux linguistiques
nous mène à une scission interne qui affecte le langage (métalangage et langage)
conduisant à tenir, en langage naturel, un discours sur lui-même. De même,
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la définition du statut et du sens des signes se constituent en enjeux philosophiques. La question ici est de savoir sur quel statut philosophique ces langages
se constituent. Par ailleurs, nous savons que construire un langage formel, est
affaire de logicien, mais le soumettre à la critique dépasse le domaine de la
logique dans une réflexion qui s’exerce sur le détail technique des expressions.
C’est donc cette réflexion critique, de style wittgensteinien, qui nous présente le
noyau philosophique de cette période de développement de la théorie, d’autant
plus que ces réflexions sur les langages formels et la mise en ‹ technique › postérieure nous conduit aux langages informatiques (Wittgenstein 1993). Nous
avons ainsi repéré alternatives capitales de la logique mathématique, en établissant un nouveau type de rapport entre celle-ci, le langage et la philosophie.
Des lors, un niveau de construction de la connaissance de l’objet informatique est issu de ces réflexions dans ‹ l’objet langagier ›.
Le calculable:
Ces machines logiques ayant pour but la réalisation des calculs, ont également
nécessité de déterminer une réalité et une ‹ épistémologie du calcul › qui est du
ressort du logicien, prenant appui par ailleurs sur l’appareil de la plus stricte
technicité, comme les fonctions calculables, la récursivité, la décidabilité, la
complétude ou la consistance. De sorte que la pensée philosophique est susceptible d’intervenir dans les choix initiaux aussi bien que sur les résultats obtenus,
la réflexion philosophique nous permettant encore de marquer les limites entre
une démonstration et la vérité, le traitement de domaines infinis ou de l’axiomatique, en précisant ces notions; ainsi par exemple nous avons, les réflexions
consécutives à la démonstration des théorèmes ‹ d’incomplétude ›, ‹ de limitation des formalismes › et les essais philosophico-épistémologiques et techniques
de Hilbert (2002 [1968]), Gödel (1989 [1931]), Turing (1937; 1950), Church,
Kleene (1956), Post, etc. Or, la forme et la nature des rapports entre philosophie
et calcul sont-elles transformées, comparativement à ce qu’elles étaient pour les
classiques et même pour les criticistes d’origine kantienne.
Nous présentons ainsi, un autre niveau de construction de la connaissance
de l’objet informatique : ‹ l’objet calculable ›.
Le système formel général
La notion de calcul existante jusqu’alors est largement touchée par l’accès
d’un système formel général, en nous présentant un autre cadre de réalité,
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dans lequel convergent le langage formel et les calculs, intriquant démonstration et calcul, question également abordée par la réflexion philosophique,
depuis Leibniz jusqu’à Hilbert. Ainsi même, nous retrouvons le calcul logique
dont le discours logique se présente sous forme de suites d’écriture symbolique
à caractère logico-mathématique dans lesquelles s’articulent signes logiques et
procédés mathématiques pour la réalisation des calculs, notamment formalisés
et issus d’une constructivité. De sorte qu’après ces réflexions, cette identification démonstration et calcul, ne s’avère valable que pour des petits fragments
des mathématiques qui, formalisés, peuvent présenter cet avantage, telles les
expressions décidables, propres à l’informatique. L’objet de réalité dans ce cas
est le système formel général.
Le développement poussé de systèmes formels généraux nous conduit aux
conditions nécessaires pour effectuer le passage d’une machine logique à une
machine physique ou ordinateur et de cette façon nous obtiendrons un autre
niveau de construction de l’objet informatique : ‹ l’objet programmable ›.
La suite de la construction de l’objet informatique requiert dès lors la référence de la structure d’une ‹ machine matérielle ›, c’est á dire le dispositif
matériel que vo-réaliser les opérations.
Le complexe
Trois méthodes de complexité, celle de Kolmogorov (aléatoire), celle du calcul
et celle dite organisée, nous présentent des réponses aux questions sur le type
de complexité informatique requise et les méthodes pouvant la mettre en place,
afin de franchir les limites actuelles du temps, espace et du matériel d’un ordinateur. C’est-à-dire que précisions et abstractions des notions sur la complexité,
l’information, l’évaluation, ‹ l’aléatorité ›, s’amplifient de plus en plus, et les
réflexions sur elles sont du ressort du logicien-technicien réfléchissant comme
philosophe et épistémologue. Ainsi même, la recherche de nouveaux matériaux
physiques pour la construction des processeurs et leurs modèles correspondants
de calcul ont fait tourner le regard des chercheurs vers la nature, soit le biologique, le physique ou le cerveau. C’est donc parce qu’on est arrivé à trouver
une ‹ souplesse › dans ces méthodes théoriques de la complexité qu’on peut
atteindre le champ du ‹ physique ›. Mais dans ce cas, les représentations qui
en résultent et les modèles de calcul sont beaucoup plus abstraits, quoique plus
précis, structurés, effectifs et performants que dans la première période, mêlant
également réflexions philosophiques et épistémologiques. L’objet de réalité dans
ce cas réside d’une part dans la nature (objet abstrait empirique) et d’autre part
dans les structures de la complexité (objet abstrait construit).
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Nous présentons ainsi, un autre niveau de construction de la connaissance
de l’objet informatique : ‹ l’objet traitable ›.
Nous voyons comment la construction de ces objets informatiques présente
différents mondes ou domaines de réalité, dans lesquels se précise tant le
domaine du réel des phénomènes - premier niveau des machines - comme
les domaines du réel correspondants au langage, calcul, systèmes formels
et complexité - deuxième niveau des machines -. Ainsi même‚ nous identifions l’existence interne des objets informatiques dans les domaines suivant
leur adaptation et dans ce cas la construction des objets correspondant aux
éléments internes du monde donné.
Il nous reste encore une perspective de cette existence interne‚ non présentée
par Carnap‚ mais que pour le cas des objets informatiques est pertinent. Nous
allons nous référer à l’intégralité ou totalité de l’objet informatique‚ appréhendée sous un seul monde en entier‚ assemblant les divers mondes et pouvant
saisir son identité et son universalité ‹ d’un seul coup ›.
Ontologie interne : l’objet informatique intégral.
C’est donc à partir de cet objet intégral que nous pourrons parler‚ tout
diabond pour les machines logiques‚ d’un objet abstrait par rapport aux objets
concrets, matériels du monde physique‚ mais ceci nous pose déjà un problème
car pour saisir l`existence de l’objet informatique dans son intégralité, il est
nécessaire de prendre en compte une condition déterminante de l’objet qui est
l’espace et la temporalité de la machine ‹ physique ›.
C’est ainsi que les développements des objets présentés antérieurement ont
toujours été déterminés par le physique (cerveau, organisme) ou les différents
matériels de construction des ordinateurs, de sorte que ces éléments conditionnent l’aspect logico-mathématique des ordinateurs comme la décidabilité,
la finitude, la complétude, la consistance, les procédures effectivement calculables et les théories de la complexité. De cette façon, saisir l’objet dans son
intégralité nécessite des éléments ‹ concrets ›, qui distinguent clairement un
objet mathématique d’un objet informatique.
Il nous reste donc à déterminer ces éléments concrets, dont Kolmogorov nous
donne une esquisse. Nous savons qu’il a utilisé les suites de 0 et 1 ou ‹ bits ›
pour donner une notion d’évaluation ou mesure de l’information contenue
dans une suite ou un ensemble de suites de bits. Pour lui, dans ces suites nous
trouvons l’ensemble général d’un algorithme, programme et données dont
nous avons besoin pour la réalisation des applications en informatique. Or,
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une suite de bits est sous-jacente aux structures informatiques. C’est donc
le ‹ bit › qui forme synthétiquement l’objet informatique, en totalisant toutes
les notions et formes différentes structurantes de l’objet, en ayant une identité ‹ concrète › et saisissable d’un seul ‹ coup d’œil › et une universalité par
laquelle l’objet peut être le support de nombreuses applications se rapportant
aussi bien à des sujets du monde réel qu’aux mondes logico-mathématiques.
A son tour, il peut cependant être d’une part, la représentation du monde
logico-mathématique (en binaire) et d’autre part, la représentation dans le
plan matériel ou physique (le circuit), c’est-à-dire saisissable dans le concret.
Le développement de l’objet informatique ainsi présenté comporte certaines
caractéristiques propres, telles que la temporalité avec le passage d’un niveau
intuitif à un niveau formel – abstrait et finalement à un niveau concret, la
constructivité comme notion ‹ dénombrable ›, rendant les diverses manipulations formelles et effectives et l’applicabilité ou plasticité comme l’aptitude
à ‹ modéliser › dont sont dotés les objets informatiques. Un tel objet intégrerait
le champ accessible à l’intuition mais en même temps il serait complètement
détaché de toute référence à l’intuition, il serait l’acquis de toute la démarche
de formalisation et d’abstraction ultérieure représenté concrètement. Nous
pourrions découvrir en lui les différentes structures et virtualités inscrites en
vertu du cadre opératoire qui le caractérise.
Conclusion
La nouveauté de la quête ontologique interne proposée par Carnap nous situe
a fortiori dans une problématique épistémologique, en utilisant et présentant
des ‹ outils formels ›. Ces outils hautement technifiés sont employés conjointement avec les langages de la logico - mathématique, supportant et assistant
aux philosophes, logiciens et épistémologues à exprimer des idées et notions
intuitives de manière plus claire et avec une plus grande rigueur. Ainsi des
enjeux philosophiques exprimés par ces moyens formalisés ont la possibilité
de trouver des solutions plus précises. En conséquence, nous voyons comment
en construisant les théories de base des objets informatiques, des intuitions
peuvent se formaliser en explorant des situations logico-mathématiques dans
lesquelles ces tentatives de formalisation des concepts de base sont enrichies
progressivement. Un concept ainsi élaboré s’affirme et solidifie également
par la proposition des projets concurrents et équivalents de manière qu’un
nouveau pas est franchi dans l’histoire des idées où des thèses ou postulats
deviennent un point d’appui sur lequel la théorie résultante (dans ce cas l’informatique) continue sa construction.
[143]
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