Migration de transit - Staatssekretariat für Migration

Transcription

Migration de transit - Staatssekretariat für Migration
SCHWEIZERISCHE EIDGENOSSENSCHAFT
CONFÉDÉRATION SUISSE
CONFEDERAZIONE SVIZZERA
CONFEDERAZIUN SVIZRA
Département fédéral de justice et police DFJP
Office fédéral des migrations ODM
Domaine de direction procédure d'asile
MILA / Analyses sur la Migration et les Pays
28 août 2006
Focus
Maroc
Migration de transit
Public
Desk Pays I
Quellenweg 6
3003 Berne-Wabern
Schrankenerklärung
Das vorliegende Produkt wurde von der Sektion Migrations- und Länderanalysen MILA des
Schweizerischen Bundesamtes für Migration (BFM) erstellt. Der Inhalt basiert grundsätzlich auf
öffentlichen Informationsquellen, welche mit grösstmöglicher wissenschaftlicher Sorgfalt recherchiert, ausgewertet und aufbereitet worden sind. Kein Produkt der Sektion MILA erhebt den Anspruch, ein erschöpfendes Bild zu einem bestimmten Land oder zu einer bestimmten Fragestellung zu vermitteln. Es lassen sich daraus weder die Asylrelevanz eines individuellen Vorbringens
noch ein allfälliger Flüchtlingsstatus ableiten. Auch lassen sich überholte, unvollständige, unpräzise oder unkorrekte Angaben nicht in allen Fällen ausschliessen. Die Berücksichtigung von nicht
amtlichen Quellen verleiht diesen keinen amtlichen Charakter. Das vorliegende Dokument kann
nicht als politische Stellungnahme seitens der Schweiz oder deren Behörden gewertet werden.
Clauses limitatives
Le présent document a été élaboré par la Section Analyse sur la Migration et les Pays MILA de
l'Office Fédéral des Migrations (ODM) en Suisse. En principe son contenu repose sur des informations publiques. Celles-ci ont été recherchées, exploitées et présentées le plus scrupuleusement possible du point de vue scientifique. Les documents de la Section MILA ne prétendent pas
donner une image exhaustive des pays traités ou apporter une réponse définitive aux thèmes
abordés. De même, ils ne permettent pas de déduire si les arguments invoqués par une personne
sont déterminants pour l'octroi de l'asile, ni si le statut de réfugié doit être accordé à cette dernière. En outre, des données dépassées, incomplètes, imprécises ou incorrectes ne sont pas totalement exclues. A noter que l'utilisation de sources non administratives ne leur confère pas pour
autant un caractère officiel. Enfin, le présent document ne peut pas être considéré comme une
prise de position politique de la Suisse ou de ses autorités.
Disclaimer
The product at issue has been compiled by the Migration and Country Analysis Section (MILA) of
the Swiss Federal Office for Migration (FOM). In principle the contents are based on public
sources. All the information provided has been researched, evaluated and processed with utmost
care. No product of the MILA Section claims to provide an exhaustive picture of a certain country
or a particular matter. Nor may conclusions be drawn from it as to the merits of any claim to refugee status or asylum. Outdated, incomplete, inaccurate or incorrect information cannot be ruled
out. The consideration of non-official sources does not endow these with official character. The
present document is not a political statement on the part of Switzerland or its authorities.
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1.
Introduction
Les événements d’octobre 2005 ont montré avec acuité la pression migratoire de la part
des pays Subsahariens sur le Maghreb et en particulier sur le Maroc. Pris entre la politique « forteresse » de l’Union européenne (UE) et la politique d’ouverture envers
l’Afrique, le Maroc cherche à trouver une solution pour endiguer le phénomène migratoire, et en particulier l’immigration illégale et les réseaux de trafic y afférents. Doté de
nouvelles institutions et assisté matériellement et techniquement par l’UE, en particulier
par l’Espagne, le Maroc s’efforce actuellement de faire face avec détermination à la
pression migratoire tout en s’engageant dans un dialogue régional, nécessaire pour obtenir la coopération de ses partenaires maghrébins et subsahariens.
2.
Contexte: Conséquences des événements de Ceuta et
de Melilla en automne 2005 sur la politique migratoire1
Bien que le phénomène d’entrées illégales dans les enclaves espagnoles de Ceuta et de
Melilla ne soit pas nouveau, les événements d’automne 2005 ont atteint une acuité sans
précédent. En effet, entre le 27.9. et le 6.10., près de 3'000 migrants africains (majoritairement d’Afrique de l’Ouest) ont tenté - par vagues successives de plusieurs centaines
de personnes et par tous les moyens (ex. échelles de fortune) - de forcer le dispositif
frontalier en vue de pénétrer en Espagne. Si 900 migrants ont finalement réussi à y entrer, beaucoup ont toutefois été refoulés, de nombreux se sont blessés en escaladant les
fils de fer barbelés en rasoirs et 16 personnes ont trouvé la mort, dont certaines suite à
des blessures causées par balles tirées par les gardes frontières espagnols ou marocains. Cette poussée migratoire soudaine sur Ceuta et Melilla s’explique notamment par
le fait que les nombreuses mesures sécuritaires adoptées au niveau du Détroit de Gibraltar et des Iles Canaries en vue d’endiguer les flux (ex. système de surveillance radar
(SIVE), intensification des patrouilles, renforcement des enceintes frontalières) ont obligé
les migrants et les passeurs à chercher d’autres routes et moyens pour atteindre
l’Europe. Par ailleurs, les événements précités ont mis notamment en exergue l’urgence
d’intensifier la coopération régionale et internationale, et ce de manière multisectorielle,
ainsi que la nécessité de mettre en commun des moyens visant à limiter la pression migratoire et à la gérer dans les meilleures conditions.
3.
Maroc et Migration de transit
Rôle traditionnel dans la migration: A l’instar des autres pays maghrébins, le Maroc joue
tout à la fois le rôle de terre d’émigration, 2 de zone de transit ou de destination pour les
migrants en provenance du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne et de l’Asie. Concernant l’Afrique subsaharienne, le Maroc entretient des relations historiques, commerciales
et humaines multiséculaires avec les pays du Maghreb et ceux de la zone sahélienne. 3
Ces mouvements ont conduit à l’installation et à l’intégration définitive de très nombreux
Africains subsahariens au Maghreb (Sénégalais, Gambiens, Maliens, Ivoiriens, Nigériens, Guinéens, Mauritaniens, Congolais) et ont aussi facilité la mise en place d’un réseau de solidarité et d’accueil qui a profité aux migrants désireux de continuer leur route
vers l’Europe. A ce flux traditionnel s’ajoute depuis plusieurs années un mouvement de
migrants provenant de pays situés au sud du Sahara, principalement de l’Afrique de
l’Ouest, mais aussi du Soudan, de la Corne de l’Afrique, de l’Afrique australe et de
l’Asie. 4 Cependant, depuis l’arrêt de l’immigration en Europe en réponse à la fermeture
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AFP, fin 2005.
A noter que 1 sur 10 Marocains vit à l’étranger et que 100'000 Marocains (jeunes) sont candidats à
l’émigration chaque année. In: SDA, 7.12.05.
Charef Mohamed. La situation géographique comme facteur facilitant la migration irrégulière dans un
pays de transit. Cas de Tanger. Strasbourg, 21.9.04, p. 8-9. (Document)
Les migrants originaires des pays subsahariens fuient leur région pour de multiples raisons: pression
démographique, accroissement de la pauvreté (46 % de l’Afrique subsaharienne avait moins de 1 US$
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progressive des frontières européennes vers le milieu des années 1970, mais surtout
depuis l’introduction des systèmes de visa en Europe au milieu des années 1990, le Maroc est sujet à de nouvelles formes de migration, à savoir le transit de migrants illégaux
et l’immigration (durable) de Subsahariens. En dépit des événements d’automne 2005, le
Maroc demeure le pays de transit le plus important pour les migrants subsahariens désireux d’atteindre l’Europe.
3.1.
Géographie des routes migratoires
Description schématique: Pour atteindre l’Afrique du Nord, les candidats à la migration
utilisent en fonction de leurs moyens et des filières disponibles (ex. faux passeport et
visa, passeurs) les voies aérienne, 5 maritime et/ou terrestre. C’est toutefois la voie terrestre qui est favorisée par les migrants illégaux, car elle leur permet de renouveler leurs
moyens financiers au cours de leur périple. Mais, c’est aussi la voie la plus longue qui
peut durer plusieurs mois, voire années.
Brièvement, voici une description de cette voie terrestre:
Les filières migratoires entre les pays sahéliens et le Maghreb se nouent dans les
confins sud-algérien et sud-ouest libyen, et dernièrement sud-ouest mauritanien. Quelques villes subsahariennes jouent un rôle important d’échangeurs (Agadez, Bamako et
Goa) ou de transit (Tamanrasset et Nouadhibou) dans le choix par les migrants de leur
route, selon qu’ils cherchent à se rendre au Maroc, en Algérie ou en Libye, pour y travailler ou s’installer, avant de continuer éventuellement leur route vers l’Europe.
Avant 2005, la voie terrestre par l’Algérie représentait 80 à 90 % du volume migratoire en
direction du Maghreb, soit selon les sources entre 80’000 et 100’000 6 personnes par
an. 7 Depuis Tamanrasset, les migrants empruntaient l’une des filières de convoyage
algériennes et marocaines les conduisant au Nord de l’Algérie, pour franchir finalement
la frontière algéro-marocaine entre Maghnia et Oujda, frontière très poreuse dont le
poste officiel d’El Aleb est fermé depuis 1994. A noter que cette zone de passage a représenté 95 % des entrées illégales au Maroc (coût estimé: env. 100 - 500 € le passage
en 2006).
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par jour en 2001), dégradation environnementale, pénurie en ressources naturelles, contexte conflictuel
ou répressif, situation des droits de l’homme. En outre, le fort attrait qu’exercent le mode et le niveau de
vie économique des pays d’Europe occidentale ne fait que renforcer cette aspiration à l’émigration. In:
OIM: World Migration. 2005, p. 75 – 79. (Document)
Le migrant - muni d’un faux passeport, d’un visa d’étude ou de travail fictif, ou d’une invitation de complaisance - arrive directement à l’aéroport Mohammed V de Casablanca en provenance le plus souvent
du Mali, du Sénégal, de Côte d’Ivoire et de Guinée Conakry. In: Mehdi Lahlou. Migrations irrégulières entre le Maghreb et l’Union européenne – évolutions récentes. San Domenico di Fiesole. 2005/03, p. 10.
(Document) Al Bayane, 7.2.06. (Article).
In: Mehdi Lahlou. Migrations irrégulières. Op.cit., p. 9.
La majorité des Subsahariens emprunteraient encore cette voie.
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Carte simplifiée des principales routes de migration depuis l’Afrique de l’Ouest. 8
Une fois au Maroc, les migrants ont/avaient plusieurs choix de filières, 9 en fonction de la
durée de leur trajet, de leur destination (transitoire) et surtout de leurs moyens financiers:
• La filière de Rabat-Sud emmène les migrants - généralement les plus fortunés depuis Oujda en direction d’Agadir et de Tarfaya pour atteindre par petits bateaux
(pateras) les Iles Canaries (Fuerteventura); (coût estimé: entre 1’000 et 2’000 € 10 en
2005).
• La filière de Rabat-Nord conduit les migrants depuis Oujda jusque dans la région de
Tanger et de Tetouan, pour les faire traverser par pateras le Détroit de Gibraltar et
les débarquer sur les côtes espagnoles entre Algéziras et Malaga, ou tout simplement les amener jusqu’aux abords de l’enclave espagnole de Ceuta ou Sebta (coût
estimé de la traversée du Détroit: env. 2’000 à 2’500 € en 2006).
• La filière Oujda-Nador convoie les migrants vers le Nord-Est du Maroc pour une traversée par pateras de la Méditerranée et pour les débarquer sur les côtes ibériques
entre Malaga et Almeria ou bien tout simplement les déposer aux abords de
l’enclave espagnole de Melilla.
Depuis le renforcement des mesures contre la migration illégale au Maroc et en Espagne
en 2003, et surtout depuis les événements dramatiques de septembre et d’octobre 2005
à Ceuta et à Melilla, on constate à la fois un reflux du nombre de migrants transitant par
les pays du Maghreb, mais également une multiplication des voies de passage. En effet,
les migrants cherchent à contourner les obstacles et contraintes placés sur leur chemin,
parfois au péril de leur vie, et tendent à se déplacer vers des zones plus faciles d’accès,
grâce notamment aux multiples réseaux de passeurs, d’intermédiaires et de bénévoles,
voire de milieux mafieux.
Depuis automne 2005 / printemps 2006 et hormis la pression migratoire encore élevée
sur Ceuta et Melilla, de nouvelles tendances se dessinent, laissant apparaître d’une part,
de nouvelles routes plus au sud et d’autre part, un renforcement des routes subsahariennes. Parmi ces routes figurent:
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http://www.lib.utexas.edu/maps/africa/africa_ref802641_1999.jpg / BFM / MILA. (28.4.06).
A noter que les filières fonctionnent de manière interactive.
AP, 23.1.06.
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le franchissement de la Mauritanie en provenance du Mali (Bamako, Tombouctou ou
Goa) pour atteindre, via Nouadhibou ou le Sahara occidental, les côtes marocaines
11
et finalement traverser la mer, au moyen de petites embarcations (pateras), en direction des Iles Canaries (E);
le renforcement de la voie libyenne via le Niger (Agadez) ou via l’Algérie (Ghadamis)
en direction de l’Italie (Lampudesa, rives siciliennes); 12
enfin, l’ouverture d’une voie maritime au départ de Nouadhibou (Mauritanie) au
moyen de grandes embarcations (cayucos) pour longer les côtes marocaines jusqu’à la hauteur des Iles Canaries (E); 13 voire jusqu’à Madeira (P). Peu de migrants
semblent tenter de monter jusqu’à Tanger pour franchir le Détroit de Gibraltar.
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3.2.
Population étrangère au Maroc
L’effectif de la population étrangère présente officiellement 14 au Maroc était évalué en
2005 à près de 60’837 personnes, 15 soit environ 0.2 % de la population résidente totale
d’env. 30 millions. Parmi ces résidents étrangers, 46 % viennent d’Europe, 41,5 % proviennent d’Afrique, dont près de 8'000 Subsahariens, 16 le reste d’Asie et des Amériques.
A cela s’ajoutent les réfugiés reconnus qui s’élèvent à 2’340 fin 2005 selon les chiffres du
HCR 17 et les migrants illégaux. 18
3.2.1.
Les migrants illégaux ou irréguliers
Le nombre de victimes de noyade, de disparus lors de la traversée du Détroit ou vers les
Iles Canaries, ou encore le nombre d’arrestations de personnes clandestines au Maroc
ou dans les enclaves espagnoles nous donnent une idée de l’importance du phénomène
de la migration et de sa continuité dans les mois, voire les années à venir.
Forte présence de clandestins au Maroc: Pour le Maroc, les organisations humanitaires
avançaient les chiffres de 6'000 à 15'000 migrants en situation irrégulière vers la fin 2005
et majoritairement sans documents. 19 Cependant, les chiffres officiels relatifs aux arrestations de migrants illégaux au Maroc, respectivement 28'580 en 2004 et près de 30'000
en 2005, démontrent plutôt que le nombre des clandestins est nettement supérieur aux
chiffres estimés par les ONG. A noter que les irréguliers subsahariens formaient respectivement entre 60 et 70 % des personnes interpelées pour cette période. Parmi la quarantaine de nationalités constituant par région l’effectif précité figurent dans l’ordre
d’importance: le Maghreb (Algérie, Tunisie); l’Afrique subsaharienne (Sénégal, Mali,
Gambie, Guinée, Côte d’Ivoire, Ghana, Soudan, Liberia, Mauritanie, Nigeria, Niger, Sierra Leone, RDC, Cameroun, Erythrée, Ethiopie) et l’Asie (Bangladesh, Pakistan, Inde).
Portrait du migrant irrégulier type: Lorsqu’il est Subsaharien, il vient souvent du Sénégal,
Mali, de la Gambie, Côte d’Ivoire, du Niger ou du Nigeria; il est âgé de 18 à 32 ans. C’est
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Voir Migreurop. Revue de presse. Articles sur Ceuta-Melilla du 6.10. au 2.11.05. (Document)
Selon le Ministre de l’Intérieur italien, M. B. Pisanu, la proportion des candidats à l’immigration illégale
vers l’Europe via les côtes italiennes ou provenant du Maroc par voie aérienne est de 32,4 %. En 2005,
9'440 clandestins marocains ont été interceptés par les autorités italiennes. Le Monde, 5.1.06.
A noter que près de 11'000 émigrés clandestins africains sont arrivés par la mer aux Iles Canaries durant
les sept premiers mois de 2006. In: AFP, 21.7.06.
Pour une définition de la notion d’étranger, voir la Loi no 02/03 relative à l’entrée, au séjour et à
l’établissement des étrangers au Maroc du 11.11.03 (Dahir 1-03-196).
In: Philippe Fargues (Ed.). Migrations méditerranéennes - Rapport 2005. p. 206. (Document)
Les ressortissants les plus nombreux en 2002 viennent des pays suivants: Sénégal, Mauritanie, Congo,
Côte d’Ivoire, Nigeria, Burkina Faso, Cameroun. Une autre source évoque 30'000 Subsahariens légaux
vivant en 2005 au Maroc. In: Beat Stauffer. Vom Wartesaal zur Endstation – Flüchtlinge aus den Sahelländern. In: Inamo, Winter 2005, p. 25. (Document)
Parmi les nationalités subsahariennes ayant des réfugiés reconnus au Maroc: Congo, Angola, Mauritanie, Cameroun, Sénégal, Liberia, Guinée, Tchad, Côte d’Ivoire, Soudan, Rwanda, Somalie, Ethiopie, Niger. Selon le HCR, 2062 demandes ont été déposées au Maroc en 2005, 219 sont devenus statutaires.
In: HCR, Statistiques, 2.6.06.
Le Monde, 6.10.05.
MSF. Report on illegal sub-Saharan immigrants in Morocco. 30.9.05, p. 4. (Document); Lahlou Mehdi.
Les migrations irrégulières. Op. cit, p. 7. L’Express, 8.7.06. D’autres sources estiment que près de
200'000 migrants illégaux cherchent à quitter chaque année le Maroc, dont la moitié serait indigène.
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généralement un homme, une fois sur cinq une femme; il est rarement sans instruction
scolaire (< 10 %), mais a plutôt arrêté sa formation scolaire en cours de lycée ou à
l’obtention de son baccalauréat. Par ailleurs, ce migrant est commerçant, petit exploitant
agricole, rarement chômeur. En bref, le migrant-type n’est donc ni un illettré, ni un chômeur, ni une personne démunie. 20
Potentialités migratoires: On estime à près de 100'000 les Africains subsahariens qui
arrivent chaque année en Afrique du Nord, dont près de 20'000 à 30'000 vivent déjà
dans les régions frontalières algéro-marocaines. 21 Seuls 15 % toutefois de ces migrants
tentent de gagner l’Europe. 22 A cela s’ajoutent quelque 80'000 Subsahariens qui attendraient l’opportunité de gagner les Iles Canaries, dont 50'000 seraient en Mauritanie,
20'000 au Sénégal. 23
3.2.2.
Conditions de vie des migrants au Maroc
Depuis l’adoption des mesures restrictives de lutte contre la migration illégale au Maroc
en 2003, les conditions de vie des migrants, déjà précaires, se sont encore détériorées,
les obligeant de plus en plus à choisir la clandestinité ou le nomadisme pour éviter la
traque de la part des forces de sécurité et pour trouver de nouveaux moyens de survie.
De plus en plus instables et marginalisés, ces clandestins sont exposés à la récupération
par divers réseaux criminels (ex. prostitution), mafieux (ex. esclavage, trafic humain),
sans compter les tensions engendrées au sein de leur propre communauté et avec la
population locale. 24
3.2.3.
Relations avec la population locale
Après avoir passé des mois, voire des années, à survivre grâce à de petits boulots informels leur permettant d’économiser de l’argent tout au long de leur voyage, 25 ou bien
parfois exploités par des réseaux criminels (ex. prostitution), ou encore grâce à la mendicité aux abords des mosquées, après avoir dormi à même le sol aux abords des villes,
dans certains bidonvilles, près des décharges publiques ou dans des camps de fortune,
ces migrants arrivent finalement au Maroc - souvent démunis, 26 affaiblis physiquement et
parfois malades - après avoir traversé le plus souvent la zone frontalière algéromarocaine près de Maghnia.
Avant fin 2004, les migrants africains étaient rarement inquiétés tant par les autorités que
par la population locale. Ils vivaient ouvertement et paisiblement dans les quartiers de la
classe ouvrière des grandes villes du Nord du Maroc (Casablanca, Tanger, Rabat). 27
Les migrants clandestins y occupaient des emplois non demandés par la main-d’œuvre
marocaine, tels que certaines activités de commerce (ex. artisanat) ou de service (ex.
cordonnerie, coiffure, gardiennage, jardinage) ou parfois dans le bâtiment. Ce qui
n’empêchait pas plusieurs organisations de type mafieux d’exploiter les migrants, no28
tamment dans la prostitution.
La situation socio-économique défavorable du Maroc, notamment du fait de
l’augmentation du chômage (> 25 % dans les zones urbaines et de la pauvreté > 5 millions sur 30 millions d’habitants) alimente les tensions sociales. 29 Ainsi, depuis fin 2004,
la situation des migrants illégaux s’est précarisée, marquée par une marginalisation, une
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In: Lahlou Mehdi. Migrations irrégulières. Op. cit, p. 10.
Les forces de sécurité algériennes déclarent toutefois arrêter entre 5'000 et 10'000 migrants clandestins
annuellement, dont une majorité de Subsahariens en transit. Mehdi Lahlou. Migrations irrégulières. Op.
cit. p. 14.
Mehdi Lahlou. Migrations irrégulières. Op. cit. p. 9; Der Spiegel, 14.10.05.
Déclaration de M. P. Gaubert, président de la délégation du Comité du Parlement européen pour les
libertés civiles en visite aux Iles Canaries en juin 2006. In: Migration News Sheet, July 2006.
MSF, op. cit., 30.9.05.
En Algérie, les migrants débrouillards accomplissent tous les métiers disponibles: travaux agricoles,
terrassement de terrain, manutention, cordonnerie, commerce ambulant, services à domicile, jardinage.
A noter que le coût du voyage pour un migrant subsaharien transitant par voie terrestre via le Maghreb à
destination de l’Europe était estimé entre 4'000 et 6'000 US $ en 2002, contre 10'000 à 12'000 US $ par
voie aérienne en 2005.
IPS, 3.1.06.
Reuters, 1.11.2005.
L’Express, 8.7.06.
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xénophobie et un racisme latent et de plus en plus large de la population indigène contre
les Noirs africains; cela explique la relative passivité de la majorité de la population marocaine à l’égard des événements dramatiques d’automne 2005 à Ceuta et à Melilla et la
réaction brutale des autorités. 30
Par ailleurs, la nouvelle situation sécuritaire et répressive au Maroc a obligé les migrants
à vivre dans une peur de se voir arrêtés dans une rafle et à se réorganiser en vue
d’assurer leur voyage vers l’Europe. Ainsi, les migrants doivent désormais s’en remettre
presque exclusivement à des réseaux de passeurs professionnels, plus âpres aux gains
et moins enclins à prendre des risques pour eux-mêmes, augmentant ainsi les délais de
préparation de la traversée et les risques en coûts humains.
3.2.4.
Relations avec les autorités marocaines
Alors que les autorités marocaines avaient toléré pendant longtemps la présence des
clandestins sur leur territoire, l’accroissement du nombre de migrants et les pressions de
l’UE les ont obligées à réagir de manière drastique en vue d’endiguer le phénomène.
Cela explique les nombreuses mesures législatives, institutionnelles et opérationnelles
adoptées depuis 2003 pour lutter contre la migration clandestine et les réseaux criminels
spécialisés dans le trafic humain, que les autorités qualifient de véritable fléau. Cependant, les événements d’automne 2005 et la disproportion des moyens utilisés ont sérieusement altéré l’image internationale du Maroc, obligeant le Roi à en faire une affaire prioritaire pour le Royaume. 31 Voici les principales mesures prises dans ce sens:
Aménagement législatif: 32 En 2003, le Maroc a pris des mesures légales drastiques (Loi
no 02-03 de 2003 33 ) pour réprimer l’émigration et l’immigration illégales, pour sanctionner les personnes transportant ou prêtant assistance à des clandestins, ainsi que pour
se doter d’infrastructures garantissant l’expulsion effective et le refoulement des migrants
irréguliers. Si ladite loi prévoit de respecter les engagements internationaux en matière
notamment de droits humains 34 et du droit des réfugiés 35 (ex. principe de nonrefoulement), elle est toutefois très répressive à l’égard des illégaux et ne prévoit pas de
protection contre l’abus et l’injustice de la part de l’administration, au nom de la nécessité
impérieuse de la sûreté publique.
Création d’institutions ad hoc: 36 Parmi les dix agences gouvernementales qui s’occupent
de la migration au Maroc, deux institutions - rattachées au Ministère de l’lntérieur - ont
été créées avec l’objectif principal de lutter contre la migration clandestine, à savoir
l’Observatoire de la migration et la Direction de la migration et de la surveillance des
frontières (DMSF). Cette dernière est chargée entre autres de la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie nationale en matière de lutte contre les réseaux de trafic humain
et de la surveillance des frontières au moyen d’unités spéciales aux niveaux national,
régional et local.
Mesures répressives: Depuis l’attentat de Madrid en 2004 et face à la pression migratoire menaçante, la lutte contre l’immigration illégale a pris de plus en plus une tournure
sécuritaire, impliquant la mise en œuvre de moyens de surveillance, de dissuasion et
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Inamo. Winter 2005, p.25; Hein de Haas. Morocco: From emigration country to Africa’s migration passage to Europe. Nijmegen, octobre 2005. (Artis no L05VS0110)
Le plan de lutte serait exécuté par la Gendarmerie (Hosni Benslimane), la Sûreté générale (Hamidou
Laânigri) et la Marine nationale (Mohamed Triki) sous la supervision directe du Ministre de l’Intérieur,
Mustapha Sahel, et du Secrétaire d’Etat près du Roi au sein du Ministère de l’Intérieur, Fouad Ali el
Himma. In. http://www.maroc-hebdo.press.ma/ (10.11.05)
Khadija Elmadmad. La nouvelle loi du 11.11.03 relative au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration
et l’immigration irrégulières. Casablanca, 2004. (CARIM-AS 2004/01) et Kadija Elmadmad. Maroc: le cadre juridique et institutionnel relatif à la migration. Casablanca, 2005. (CARIM - AR2005)
Selon le Dahir no 1-03-196 du 11.11.03.
Le Maroc a ratifié de nombreux instruments internationaux, telles que la Convention contre la discrimination raciale du 21.12.65 et la Convention contre la torture du 10.12.84.
Les modalités d’application de la Convention relative au statut de réfugié du 28.7.1951 et Protocole du
4.10.67 sont fixées par le Décret no 2-57-1256 du 29.8.57 et amendées par les Décrets des 8.10.70 et
28.12.84. A noter que la reconnaissance du statut du HCR ne confère pas automatiquement le droit
d’asile au Maroc.
Sadiqi Fatima. Migration-related Institutions and Policies in Morocco. Fez, 2004. In: (CARIM - AS
2004/05). Voir aussi. OIM. World Migration 2005. (Report)
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d’activités répressives considérables, dont: 37
• Contrôle des frontières du côté marocain: 38 Pour sécuriser ses frontières, le gouvernement marocain a mis en place une ceinture de sécurité permanente réalisée à travers des équipements de reconnaissance et de surveillance appuyés par le déploiement de 11'000 éléments des forces de sécurité, dont 4'300 spécialement commis à
la surveillance de ses côtes et 4'000 autres qui sont venus renforcer les unités
contrôlant les abords de Ceuta et Melilla. 39 A cela s’ajoutent des mesures bilatérales
avec l’Espagne en particulier, au travers de patrouilles mixtes maritimes, aériennes et
terrestres, sans compter l’affectation d’agents de liaison marocains notamment dans
la surveillance électronique (SIVE) mise en place par les Espagnols pour la surveillance du Détroit et de la zone maritime des Iles Canaries.
• Rafles et expulsions: Face aux vagues successives de migrants de plus en plus déterminés à prendre d’assaut les frontières de Ceuta et de Melilla depuis 2004, 40 les
forces de sécurité marocaines ont procédé à des opérations de ratissage et à des rafles aux abords desdites enclaves et dans les quartiers populeux de plusieurs villes
du nord du Maroc où résident une majorité des Subsahariens. La plupart des personnes interceptées ont été reconduites à la frontière algérienne, généralement près
d’Oujda, voire aux confins Sud du désert marocain, d’autres ont été expulsées ou rapatriées dans leur pays d’origine du fait d’accords ad hoc existants. C’est ainsi que
des milliers de clandestins (30'000 en 2005 et 5'500 pour les quatre premiers mois de
2006 41 ) ont été arrêtés ces derniers mois et que plus de 3'000 candidats à
l’immigration clandestine ont été reconduits dans leur pays respectif, 42 y compris selon certaines sources - des demandeurs d’asile et des personnes porteuses de documents du HCR, et ce au détriment du principe de non-refoulement. 43
• Démantèlement des réseaux de passeurs: Parmi les efforts de lutte contre
l’immigration clandestine, figure également le démantèlement de réseaux y relatifs,
dont 400 en 2004, près de 480 en 2005 44 et 120 les quatre premiers mois de 2006. 45
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Passeport sans visa et accords de rapatriement permettant les expulsions « volontaires »: Le Maroc n’exige qu’un passeport valable pour les migrants maghrébins ou
pour la plupart des ressortissants des pays subsahariens, dont ceux de l’Afrique de
l’Ouest. Hormis un accord de rapatriement avec l’Espagne datant de 1992 et applicable seulement pour leurs ressortissants respectifs, le Maroc s’apprête à signer un
Mémorandum d’entente avec l’Italie sur le rapatriement des mineurs (MNA) à l’instar
de celui conclu en 2003 avec l’Espagne, et négocie actuellement un accord de réadmission avec l’UE. De plus, suite aux événements d’octobre 2005, le Maroc a réactivé ou signé des accords de réadmission avec une douzaine d’Etats subsahariens
(Mali, Sénégal, Cameroun, Guinée, Gambie, Nigeria, Sierra Leone, Congo, Côte
d’Ivoire, Liberia). Grâce notamment à ces accords, le Maroc a procédé vers la fin
2005 à des expulsions importantes de migrants clandestins subsahariens et au rapatriement de plus de 3'000 personnes dans leur pays d’origine, dont le Sénégal et le
Mali. 46 47
FAZ, 8.10.05.
Du côté espagnol, de nombreuses mesures ont été prises: ex. élévation des clôtures, dispositif de surveillance nocturne terrestre et aérienne, réalisation de nouvelles barrières et de fossés.
Le Potentiel, no 3566, 29.10.05. (Document); Le Monde, 11.7.06.
Près de 55'000 personnes auraient tenté de pénétrer dans les enclaves espagnoles en 2004, et près de
11'000 lors des huit premiers mois de 2005. In: Idem, p. 3.
Sur les 30'000 figuraient 8'000 Marocains et 22'000, majoritairement Subsahariens. In: L’Express,
10.7.06.
All Africa, 7.11.05; Le Monde, 10.10.05.
EU. Technical Mission to Morocco - Visit to Ceuta and Melilla on Illegal Immigration: 7th - 11th
October 2005, Mission Report. Brussels, 18.10.05, p. 3. In:
http://listes.rezo.net/archives/migreurop/2005-10/docdPeUwcOxzP.doc (8.2.06)
AFP. 26.1.06; http://zimigri.free.fr/presse005.htm (8.2.06); Le Messager, 10.7.06.
En effet, l’Algérie a 12'000 km de frontières communes et poreuses avec la Mauritanie, le Niger, le Mali,
la Libye, faisant d’elle un pays d’origine, d’accueil et de transit de migrants.
IPS, 2.1.06.
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•
Dialogue migratoire régional: Depuis fin 2005, le Maroc s’active également pour dynamiser sa coopération Sud-Sud, ce qui avait déjà été entamé avec le Niger précédemment. La société civile marocaine et les médias sont dorénavant impliqués dans
la contribution en vue de la sensibilisation des populations concernées. Le dialogue
migratoire avec son voisin direct est toutefois inexistant, alors que l’Algérie représente un problème sérieux dans le contexte de la migration illégale. Cependant,
seuls des efforts de coopération sécuritaire semblent se dessiner concrètement depuis fin 2005 dans les relations entre les deux pays. 48
En conséquence, les différentes mesures adoptées par le Maroc ont certes provoqué un
fléchissement momentané de l’immigration illégale vers ce pays 49,mais ne peuvent pas
avoir d’effet dissuasif sur la poussée migratoire en direction du Maghreb, dont le Maroc.
Les événements dramatiques de l’automne 2005 ont certes permis de mettre en exergue
les conditions de vie déplorables des clandestins et les mauvais traitements qu’ils
avaient pu subir, notamment de la part des forces de sécurité. 50 En particulier, la gestion
inhumaine et parfois brutale du phénomène par les autorités marocaines a également pu
entamer le capital élevé de sympathie des Subsahariens envers le Maroc. 51 Cependant,
pour ces migrants, ce sera toujours « moins pire » que dans leur pays d’origine et nul ne
veut essuyer le déshonneur d’un échec ou d’un retour forcé, alors que ceux qui ont réussi à passer et à végéter en Europe renvoient une image faussement positive, mais toutefois suffisamment attractive pour les futurs candidats et à l’exil et à la migration illégale.
Enfin, les mesures européennes et marocaines ne pourront être efficaces que si les
agents de sécurité sur le terrain sont, d’une part, prêts à exécuter sérieusement leur mission en dépit de leur solidarité africaine et d’autre part, s’ils obtiennent les moyens suffisants et adéquats pour accomplir leurs tâches (ex. formation, équipement, technologie
de détection et surtout des salaires décents).
4.
Réponses européennes subséquentes aux événements
d’automne 2005
La politique de l’Union européenne - et donc des pays de l’Europe du Sud - à l’égard du
Maroc se place dans le cadre d’une politique globale d’association partant des accords
de Schengen et des mesures qui y sont afférentes (ex. politique migratoire, libre circulation des personnes, contrôle aux frontières de l’Espace européen) jusqu’aux projets de
développement économique et de réformes démocratiques. Dans cette perspective,
l’engagement de l’Europe se veut donc être multisectoriel - comme l’a rappelé la Conférence euro-africaine de Rabat de juillet dernier sur l’immigration et le développement mais en particulier ses activités s’exercent dans les domaines suivants:
• Aspect sécuritaire: Le volet sécuritaire est prioritaire pour l’Union européenne dans
sa stratégie visant à la lutte contre l’immigration illégale et les filières de traite des
êtres humains dans cette région. A cette fin, l’UE encourage financièrement, matériellement et techniquement les pays de transit maghrébins, dont le Maroc, 52 afin de
les aider à renforcer leurs frontières et à accroître l’efficacité de leurs forces de sécurité tout en cherchant à négocier avec eux des accords de réadmission des migrants
illégaux sans documents d’identité. 53 Ainsi de nombreux moyens opérationnels sont
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Cimade, 11.10.05.
Démantèlement lors d’une opération de sécurité mixte d’un important réseau transnational d’émigration
clandestine comprenant 70 personnes, dont 19 Marocains. In: Al Bayane, 7.2.06.
Une baisse de 25 % du nombre de candidats à l’immigration vers l’Espagne a été constatée en 2005 par
rapport à 2004, alors que cette dernière année, la baisse avait déjà été de 40 % dans le Nord et de 51 %
dans le Sud du pays. AP, 23.1.06 ;
MSF Report on illegal sub-Saharan immigrants in Morocco. Op. cit., pp. 10-18; AI. Le Maroc, l’UE et
l’Espagne. Op. Cit. p.3.-7.
Voir sondage. In: Jeune Afrique / L’Intelligent, no 2337, 23.-29.10.05. (Document)
A partir des fonds MEDA dans le cadre du partenariat EUROMED, le Maroc a reçu près de 40 millions €
en vue de l’amélioration de la gestion des contrôles frontaliers en vue de lutter contre l’immigration illégale. In : AISF. Op. cit, p. 9. (Document)
Stuttgarter Nachrichten, 7.10.05 ; SDA ; AFP, 30.9.05.
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mis en œuvre dans de nombreux secteurs, notamment: 1° celui de la surveillance
des frontières (ex. projets du FRONTEX: 54 HERA, MEDSEA, BORTEC, Migration
Flow Malta, JASON); 2° celui de la gestion de flux massifs de migrants ou de demandeurs d’asile en Méditerranée (ex. Projet de création d’unités d’intervention rapides 55 ) ou dans la région des Iles Canaries (ex. création d’un Centre de coordination à Tenerife 56 ); 3° celui de la lutte contre les filières de trafic humain et de faux
papiers par le renforcement de la mise en commun des informations y relatives sous
forme de banque de données dans le cadre de Schengen/Dublin (ex. SIS, VIS) et
complémentairement au projet d’Interpol du System I-24 (27).
Aspect politique et droits de l’homme: L’UE cherche à réaliser non seulement des
projets communautaires de type sécuritaire avec le Maroc (ex. accord d’admission
d’ici fin 2006, assistance financière, matérielle et technique 57 ), mais aussi à mettre
en œuvre des réformes adaptées aux besoins et aux priorités du pays, notamment
démocratiques, dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV). L’UE
a pour objectif d’améliorer la coopération policière et judiciaire avec les pays de
transit, en particulier en matière de capacity building dans le domaine de la gestion
de la migration et de la protection des migrants et réfugiés en collaboration avec le
HCR. 58 Dans ce cadre-là, le projet d’installation de camps de rétention pour réfugiés
dans les pays de transit est pour l’instant gelé, du fait de la réticence des pays maghrébins, dont le Maroc, 59 qui refuse de servir de « gendarme pour l’Europe ». Le Maroc a toutefois admis le principe de la mise en place de deux camps pour migrants
mineurs près de Nador et Beni Mellal, visant à assurer durant leur séjour une protection et une formation scolaire/professionnelle. 60
Dialogue migratoire régional: Depuis les événements d’automne 2005, l’UE a renforcé son intérêt pour le dialogue migratoire au niveau euro-méditerranéen (ex. MTM,
EuroMed, 5+5) et euro-africain (ex. conférences régionales). Dans ce cadre-là, l’UE
favorise les initiatives bilatérales, à l’instar de la conférence ministérielle organisée
par l’Espagne, le Maroc et la France les 10 et 11 juillet derniers et qui a permis de
réunir à Rabat 57 pays européens et africains. 61 Cette réunion s’est placée sous
l’angle d’une coopération multisectorielle avec l’Afrique - nouvel axe stratégique européen - visant à renforcer non seulement le domaine sécuritaire (ex. équipement,
surveillance, répression), mais aussi les domaines techniques (ex. observation et
gestion des flux migratoires) et économiques (ex. développement d’activités locales)
des pays de transit et d’origine des migrants. Cependant, le Plan d’action sur
l’immigration adopté à Rabat a pour objectif principal de mettre en place des systèmes efficaces de réadmission de migrants en situation irrégulière entre l’ensemble
des pays concernés, et ce en échange de coopération et d’assistance. L’UE a fait
d’ailleurs de la réadmission un des thèmes principaux de son partenariat avec
l’Afrique ! Un bilan y relatif sera établi d’ici 2010. 62
FRONTEX est l’acronyme pour Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle sur
les frontières extérieures des Etats membres de l’UE. FRONTEX supervise notamment les projets HERA
(projet d’endiguement du flux de migrants provenant du Sénégal et de la Mauritanie) ; MEDSEA (Réseau
de patrouilles sur la Rive méditerranéenne), BORTEC (système de surveillance étendu à toutes les frontières de l’UE et de la Méditerranée), JASON (Contrôle des frontières maritimes du sud-est de l’UE méditerranéenne contre la migration illégale et les filières criminelles organisées), AGIOS (projet
d’optimisation des contrôles de passeports dans les ports espagnols de la Méditerranée).
ATS, 13.1.06; Reuters, 16.2.06.
Le Monde, 21.6.06. L’opération sera coordonnée par FRONTEX.
EU. Technical Mission to Morocco - Visit to Ceuta and Melilla on Illegal Immigration, op. cit. p. 5.
Depuis 2004, le HCR conduit aussi trois projets en Afrique du Nord: Capacity building des pays de transit, renforcement des systèmes d’asile et collecte d’informations sur le phénomène de transit migratoire.
In : AISF, op. cit., 11.10.05, p. 11. (Document)
Le préfet de la ville d’Oujda, M. Ibrahim, a même déclaré le 11.10.05 que « le Maroc ne pourra pas être
la poubelle de l’Europe ». In. AISF. Op. Cit., p. 1.
FAZ, 6.12.2005.
L’Algérie a refusé d’y participer. Elle estime qu’elle a déjà tenu sa réunion d’experts sur la migration comprenant 50 pays à Alger, le 3.4.06.
Le Monde, 12.7.06.
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•
Développement économique: Selon le Plan d’action adopté lors de la réunion de
Rabat, l’UE cherche également à diversifier sa coopération à travers des projets
d’aide à la création d’activités dans les pays de départ, afin de retenir les candidats
à l’émigration et d’inciter les émigrés à participer au développement de leur région
d’origine, grâce notamment à des incitations fiscales et financières. 63 Par ailleurs,
l’UE cherche à mener des campagnes de prévention et de sensibilisation aux problèmes liés à la migration dans les pays d’origine et de transit, un peu à l’instar du
« Plan Afrique » de l’Espagne, véritable offensive diplomatique, qui met l’accent sur
la répression de la migration illégale tout en offrant aux pays subsahariens concernés par ce phénomène une aide économique en contrepartie. 64
5.
Synthèse
Etat des sources et de la recherche : Si les grandes routes de migration et les lieux
d’échange et de transit nous sont connus au travers des récits de migrants subsahariens, l’information demeure lacunaire, notamment lorsqu’elle a trait aux filières de migration, aux conditions de vie des clandestins, à l’intégration passagère des migrants dans
les sociétés traversées, ou à leurs relations avec les autorités des pays de transit.
Inéluctabilité de la pression migratoire subsaharienne et maghrébine : Un récent
document de l’ODM/MILA intitulé « Migration – Westafrika » a mis en exergue la complexité et la multiplicité des facteurs à l’origine du phénomène de la migration subsaharienne, mais aussi maghrébine. Ainsi, l’émigration devient non seulement une échappatoire aux conditions de vie collectives ou individuelles difficiles des migrants, mais aussi
pour certains, représente une stratégie existentielle pour la recherche de ressources
économiques nouvelles pour leur famille, voire pour le clan tout entier.
Rémanence de l’image positive de la migration : L’image de réussite matérielle et
personnelle véhiculée par la diaspora vivant à l’étranger et les effets catalyseurs des
réseaux de trafic en tout genre impliqués dans la migration contribuent grandement à
dynamiser le phénomène migratoire dans les pays d’origine. De même, les pays de transit ou de destination perpétuent également une image positive de la migration, à l’instar
de ces amnisties massives - décrétées par certains pays européens (ex. Italie, Espagne,
France) qui ont certes permis de régulariser la situation de dizaines de milliers d’illégaux
et qui les ont sortis de leur précarité, mais qui ont, par la même occasion, donné un faux
signal d’espoir à tous les migrants aspirant depuis longtemps à des terres d’accueil attrayantes tant par leur mode de vie occidental que par leur niveau économique.
Rôle important du Maroc dans la migration : En dépit de la construction de la « forteresse européenne », le Maroc continuera à jouer son rôle traditionnel dans la migration
légale et illégale subsaharienne. Bien que le Maroc ait servi de pays de transit pour des
milliers de migrants illégaux jusqu’aux événements tragiques d’automne 2005 à Ceuta et
Melilla, il est devenu un lieu de destination pour ces clandestins, attendant le temps qu’il
faudra pour saisir l’occasion de partir en Europe.
Potentialités migratoires élevées: Si par le passé, le Maroc, en tant que pays de transit, a pu générer plus du 50 % de la migration subsaharienne en Europe, voire en
Suisse, 65 il demeurera dans les années à venir - et ce malgré les mesures de surveillance, de répression ou de sensibilisation entreprises dans cette région - un pays de
transit important et constant pour cette migration, tant les réserves de migrants sont importantes à l’intérieur et dans ses régions frontalières (ex. Algérie, Mauritanie, Sénégal).
Par ailleurs, la détérioration des conditions de vie des clandestins - du fait notamment de
la péjoration de la vie socio-économique de la société marocaine et de la traque sécuritaire - va inexorablement les inciter à quitter le Maroc pour l’Europe.
63
64
65
Le Monde, AFP, 10.7.06.
Liberté, 19.5.06.
Il n’existe toutefois pas de chiffre précis, ni d’étude approfondie, sur le flux de migrants subsahariens
ayant transité par le Maroc pour atteindre finalement certain pays européen.
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