sensibilite d`une rente viagere a l`extrapolation de la courbe de taux
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sensibilite d`une rente viagere a l`extrapolation de la courbe de taux
SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA Thierry MOUDIKI1 Membre de l’Institut des Actuaires Résumé L'engagement des compagnies d'assurance envers leurs assurés peut être de très longue durée. Dans le cas de rentes viagères d'invalidité par exemple, des prestations peuvent être versées jusqu'à des maturités allant au-delà de celles disponibles sur les marchés financiers pour des produits dérivés de taux. Dans le cadre de Solvabilité II, l'EIOPA recommande pour l'actualisation de ces flux incertains d'appliquer la méthode de Smith-Wilson à l'interpolation et à l'extrapolation de la courbe de taux. Pour la sixième étude quantitative d'impact menant à la réforme, l'extrapolation de la courbe des taux basée sur cette méthode été testée, entre autres mesures. Dans cet article, j'examine l'impact de la méthode de Smith-Wilson sur le calcul du Best Estimate d'une rente d'invalidité revalorisable. 1 http://thierrymoudiki.wordpress.com - mailto:[email protected] BULLETIN FRANÇAIS D’ACTUARIAT, Vol. 14, n° 27, janvier – juin 2014, pp. 51- 81 52 1. T. MOUDIKI CONTEXTE L'engagement des compagnies d'assurance envers leurs assurés peut parfois être de très longue durée. Dans le cas de rentes d'invalidité par exemple, le versement des prestations peut s'étendre sur toute la durée de vie résiduelle d'un ou plusieurs bénéficiaires, faisant ainsi peser un risque de long terme sur le bilan de l'assureur. L'assureur est tenu de constituer des provisions en vue du règlement futur de ces prestations, et l'évaluation de ces provisions nécessite de disposer de taux zéro-coupons, pour des maturités se rapprochant le plus possible de la date de décès maximale estimée des assurés. Les taux zéro-coupons que l'on peut obtenir des marchés au travers des prix de produits dérivés de taux, ne sont en général disponibles que pour un nombre limité de maturités. L'interpolation et l'extrapolation de ces éléments à des maturités non-observables peuvent donc s'avérer nécessaires. Les questions d'extrapolation de la courbe de taux dans le contexte de la réforme Solvabilité II suscitent depuis plusieurs années des discussions entre les assureurs et régulateurs des différents pays concernés, Barrie & Hibbert 1, le CRO Forum2, le CFO Forum, le parlement européen et l’EIOPA, l'autorité de contrôle prudentiel européenne (anciennement CEIOPS 3). Les uns et les autres, sont ainsi soit préoccupés par : - la protection des assurés, la préservation du contexte national existant, au détriment d'une uniformisation au niveau européen sans discernement des spécificités locales, - la validité technique des hypothèses et méthodes de calcul, des profits financiers, l'impact de telle ou telle mesure sur l'accroissement des besoins de provisionnement ou des besoins en capital actuels. De ces discussions a émergé un consensus sur l'utilisation de méthodes d'extrapolation dites macroéconomiques. Ces méthodes sont dites macroéconomiques au sens où leurs paramètres d'extrapolation seraient interprétables, et reliés à des grandeurs 1 Société leader sur le marché de l'assurance de la fourniture de scénarios économiques. Le CRO Forum a été fondé en 2004, dans le but de promouvoir l’usage du Risk Management en assurance. Ses membres font partie de grandes compagnies multinationales, principalement basées en Europe. 3 Committee of European Insurance and Occupational Pensions Supervisors 2 SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 53 économiques observables ou estimées. Dans le cadre du QIS5 1 et du LTGA 2, les grandeurs économiques exogènes employées pour l'extrapolation de la courbe de taux sont : l'inflation attendue, les taux d'intérêts réels espérés, et le taux forward à long terme ou taux forward ultime. Le taux forward ultime est le taux vers lequel les taux forward successifs observés à la date d'évaluation convergent pour des maturités infiniment longues, au-delà de la dernière maturité considérée comme liquide, qu'on notera LLP (Last Liquid Point). La détermination de ce taux dans le cadre de Solvabilité II repose sur l'estimation du taux d'inflation attendu à long terme, et du taux d'intérêt réel espéré. Ces deux quantités sont additionnées pour obtenir le taux forward ultime; la méthode est décrite dans (CEIOPS, 2010a). Pour le QIS5 et le LTGA un taux forward ultime de 4,2% par an a été estimé pour l'Euro, sur la base d'un taux d’inflation attendu de 2% par an et d'un taux réel de 2,2 % par an. Dans une méthode macroéconomique, une vitesse de convergence des taux forward vers le taux forward ultime est également définie. Elle peut être définie de manière équivalente comme un paramètre de la méthode d'extrapolation, ou comme un nombre d'année après le LLP au bout duquel la convergence a lieu. Diverses notes techniques ont été rédigées au sujet de la construction d'une courbe de taux de long terme pour les besoins de l'assurance, mais finalement assez peu d'articles scientifiques. Pour l'assurance, on peut citer par exemple les notes techniques (Barrie and Hibbert, 2008), (CRO Forum, 2010), (CEIOPS, 2010a), (CRO Forum and CRO Forum, 2010), (CEIOPS, 2010b), (FINANSTIL-SYNET, 2010), (Hibbert, 2013). (Barrie and Hibbert, 2008) décrit la méthode d'interpolation et d'extrapolation employée par Barrie & Hibbert. Cette méthode est basée sur une régression par des splines cubiques de la partie liquide de la courbe de taux forward, couplée à une méthode paramétrique de type Nelson-Siegel pour l'extrapolation. La méthode est intégralement reprise dans (CRO Forum, 2010), un document énonçant des principes et donnant des recommandations (best practice) sur l'extrapolation des données de marché. Certains de ces principes sont également repris dans (CEIOPS, 2010b). On peut citer par exemple le besoin que la méthode utilisée soit théoriquement et économiquement justifiée, et l'absence d'opportunité d'arbitrage entre les prix générés par la méthode d'extrapolation choisie. 1 2 5ème étude quantitative d'impact menant à la réforme Solvabilité II Long-Term Guarantee Assessment : 6ème étude quantitative d'impact menant à la réforme Solvabilité II 54 T. MOUDIKI Dans le document du CRO Forum (CRO Forum, 2010), la méthode utilisée par Barrie & Hibbert est estampillée best practice. Mais il y est néanmoins précisé que des méthodes alternatives, produisant des courbes de taux aux propriétés désirables, avec moins d'efforts techniques devraient être proposées et testées. Dans un document plus récent, faisant un état des lieux des méthodes d'extrapolation pour l'actualisation des flux d'assurance, (Hibbert, 2013) considère qu'il n'y a à ce jour aucune méthode permettant d'obtenir des courbes de taux totalement satisfaisantes. Il y a en effet d'après John Hibbert, un problème que ces méthodes ne traite pas correctement : celui de la consistance des courbes de taux dans le temps. Ainsi, bien que les courbes de taux reconstituées puissent s'ajuster correctement à la situation à un instant t, les changements de paramètres observés sur des courtes périodes ne seraient pas crédibles. Pour le QIS5, le groupe de travail du CEIOPS a opté pour une interpolation et une extrapolation de la courbe de prix zéro-coupons par la méthode de Smith-Wilson. La méthode de Smith-Wilson est introduite dans (Smith and Wilson, 2001). Elle est reprise dans (CEIOPS, 2010a) et (FINANSTIL-SYNET, 2010) dans une approche plus pragmatique. Les raisons du choix de la méthode de Smith-Wilson sont expliquées dans (CEIOPS, 2010a) et (FINANSTIL-SYNET, 2010). Il en ressort en particulier que la méthode est libre de droits, et accessible à tous - contrairement à la méthode de Barrie & Hibbert accessible au travers d'une licence payante. De plus, elle serait aisément implémentable dans un tableur ; un tableur a été fourni pour le QIS5. Le CEIOPS a tout de même conservé dans sa note certaines des recommandations des CFO Forum et CRO Forum, concernant le choix du LLP, la sélection des instruments financiers à utiliser pour la construction de la courbe, le retraitement des instruments financiers du risque de crédit qu'ils portent. La courbe de taux du QIS5 et du LTGA est ainsi construite à partir des taux swaps fixes contre Euribor 6 mois 1, considérés comme très liquides et de cotations suffisamment fiables. Une méthode de bootstrap, consistant à déterminer de manière itérative les prix implicites des zéro-coupons à partir des taux swaps est appliquée. 1 Le taux Euribor 6 mois est le taux moyen (annoncé) auquel les institutions bancaires européennes les plus importantes proposent des prêts à leurs homologues, à échéance 6 mois. Il existe en fait des taux Euribor pour 8 différentes maturités de 1 et 2 semaines, puis de 1, 2, 3, 6, 9 et 12 mois. Un swap sur Euribor 6 mois, est un contrat de gré à gré. Dans un tel contrat, les deux parties s'engagent à échanger tous les 6 mois, sur la base d'un montant notionnel, et ce jusqu'à une maturité fixée, la différence entre un taux fixe (taux swap coté sur le marché pour une maturité fixée) et le taux euribor 6 mois prévalant au début de chaque période. SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 55 Avant la crise de 2007, la construction par bootstrap d'une courbe de taux sans risque à partir des swaps sur Euribor 6 mois était largement répandue. Les acteurs de marché supposaient alors que les banques étaient exemptes de risque de défaut, et les taux interbancaires étaient considérés comme peu, voire non risqués. Par ailleurs, les taux swaps de mêmes maturités, mais basés sur des échéances d'échanges de cash-flows différentes étaient cotés avec un spread non nul, mais suffisamment faible pour être considéré comme négligeable dans les modèles. Mais à partir de 2007, la solvabilité et la solidité des banques a été fortement remise en question. Les taux swaps (entre autres instruments dérivés de taux) de mêmes maturités, mais basés sur des échéances différentes ont commencé à présenter des spreads bien plus importants que ceux observés jusqu'à lors. Ces spreads indiquaient (indiquent !) alors l'existence d'une différence de prime de risque de crédit et de liquidité entre des instruments autrefois évalués avec des différences négligeables. Des auteurs comme (Henrard, 2007) ont commencé à poser des questions légitimes sur la construction de la courbe de taux sans risque, et à remettre en question les formules usuelles des livres de finance. (Mercurio, 2009) et (Bianchetti et Carlicchi, 2011) font une analyse assez détaillée de cette situation nouvelle, et expliquent l'écartement des spreads. (Mercurio, 2009) montre notamment que les taux auparavant proches redeviennent compatibles si on tient compte de la différence de risque de crédit et de liquidité entre les différents dérivés. En l'absence d'une théorie unifiée et définitive pour expliquer le risque de crédit et de liquidité existant entre les différent dérivés de taux, le consensus actuel sur les marchés financiers est de segmenter les courbes de taux selon les échéances de paiement des swaps. Plutôt qu'une seule courbe de taux, plusieurs courbes de taux basées sur les différentes fréquences de paiement des swaps sont utilisées. On parle alors de contexte multiple curve, par opposition au contexte single curve pré-crise des subprimes. (Mercurio, 2009) présente une nouvelle méthode de bootstrap en environnement multiple curve et (Bianchetti et Carlicchi, 2011) présentent de manière détaillée les formules à appliquer dans ce nouveau contexte. L'EIOPA n'utilise pour le moment pas de courbes de taux multiple curve. Elle retraite simplement la courbe de taux swaps du risque de crédit et du risque de base1 au travers d'une translation parallèle de la courbe des taux swaps, égale à 10 points de base. 1 Le risque que les taux forward ne convergent pas vers les taux spots 56 T. MOUDIKI L'extrapolation de la courbe de taux par la méthode de Smith-Wilson est au cœur du LTGA; elle y est testée entre autres mesures1. Les résultats de cette étude ont été livrés le 14 juin 2013. Concernant l'extrapolation de la courbe de taux, l'EIOPA préconise également pour des engagements libellés en Euros, un LLP de 20 ans, et une période de convergence lente de 40 ans après le LLP, des taux forward vers le taux forward ultime. On peut cependant regretter que dans le LTGA, l'impact du niveau de taux forward ultime sur le bilan des assureurs n'ait pas été testé. Il n'est pas possible qu'il soit considéré comme étant fixe dans le temps, au vu des importantes variations qu'il a enregistrées par le passé, et sachant qu'il peut être manipulé par des communications politiques sur les prévisions de l'inflation. A ce sujet, l'EIOPA déclare simplement dans les Technical findings du LTGA, que ce taux a été fixé à 4,2% pour simplifier les calculs, et qu'il ne doit pas être considéré comme définitivement fixé à cette valeur. Je me suis interessé dans cet article à l'interpolation et à l'extrapolation de la courbe de taux, par la méthode de Smith-Wilson préconisée par l'EIOPA. Les autres mesures testées par l'EIOPA pour le LTGA, et la translation de la courbe destinés à réduire le risque de crédit ne sont pas évaluées. Dans la suite de cet article, je présente un cadre probabiliste, utilisé pour l'évaluation du Best Estimate d'une rente viagère d'invalidité revalorisable. J'introduis ensuite la méthode de Smith-Wilson, utilisée dans la détermination des facteurs d'actualisation des flux futurs de la rente, et je décris quelques-unes de ses caractéristiques. Pour finir, je présente les résultats que j'ai obtenus sur l'évaluation de la rente. J'étudie dans un premier temps la valorisation de la rente au travers de la méthode de Smith-Wilson, sur une courbe de taux où les splines cubiques génèrent en général des taux forward négatifs. Puis, j'étudie la sensibilité de la rente aux paramètres d'extrapolation de Smith-Wilson, en utilisant une courbe de taux au 31/12/2011 construite sur le modèle de la courbe de taux de l'EIOPA pour le LTGA. Tous les calculs et graphiques de cet article ont été réalisés à l'aide du logiciel R , grâce aux packages ycinterextra (cf. (Moudiki, 2013a)) et mcGlobaloptim (cf. . (Moudiki, 2013b))2. 1 2 Se reporter aux LTGA Technical Specifications pour plus d'informations à ce sujet Merci de citer les packages (consulter > help(citation)), et de citer R dans vos publications SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 2. CADRE MATHEMATIQUE D'EVALUATION DE LA RENTE 2.1 Quelques définitions 57 La description faite dans ce paragraphe correspond à un contexte single curve, précrise des subprimes, tel que nous l'avons décrit dans la section précédente. C'est le contexte d'évaluation des taux d'intérêt utilisé par l'EIOPA pour le QIS5 et le LTGA, modulo un ajustement des courbes du risque de crédit par translation parallèle de la courbe de taux swaps. Pour une présentation des nouvelles formules retenues actuellement sur les marchés, le lecteur interessé pourra consulter entre autres (Mercurio, 2009) et (Bianchetti et Carlicchi, 2011). Dans le contexte single curve, soit P t ,T le prix à la date t d'une obligation zéro- coupon d'échéance T . Il est lié à un taux d'intérêt LIBOR ou Euribor en composition simple par la relation: L(t , T ) = où t ,T 1 P(t , T ) P(t , T ) (t , T ) (1) est la durée écoulée entre t et T exprimée dans la base adéquate. De manière équivalente, on a : P (t , T ) = 1 1 L(t , T ) (t , T ) (2) Le taux forward observé en t , de maturité T et d'échéance S , est le taux de prêt ou d'emprunt fixé en t , pour une opération de prêt ou d'emprunt ayant lieu en T , à échéance S . Il est défini par : F (t , T , S ) = 1 P (t , T ) ( 1) (T , S ) P(t , S ) (3) Le taux forward instantané observé en t est défini pour une maturité et une échéance infiniment proches par : f (t , T ) = lim F (t , T , T h) h 0 On notera pour tout T (4) 0 : f (0, T ) = f (T ) Dans le cadre de l'extrapolation de la courbe de taux, on utilisera la notion de taux forward ultime, vers lequel les taux forward vont converger : f (t , ) := lim f (t , T ) T 58 T. MOUDIKI On notera : f (0, ) =: f Pour les besoins de valorisation de la partie financière l'engagement, on introduit également le taux instantané associé à la maturité t . Théoriquement, c'est un taux d'intérêt de prêt ou d'emprunt d'échéance instantanée. r (t ) := lim L(t , T ) (5) T t C'est le taux qui sert de base à la construction des modèles de taux d'équilibre et d'absence d'opportunité d'arbitrage. L'actualisation des flux futurs se base sur la théorie développée par (Harrison and Pliska, 1981) et (Harrison et Pliska, 1983) pour l'évaluation d'actifs financiers sous une probabilité martingale. Pour l'application de cette théorie, les facteurs d'actualisation stochastiques des flux futurs sont définis par : D (t , T ) = exp 2.2 T r (s)ds (6) t Cadre probabiliste d'évaluation de l'engagement Le cadre probabiliste d'évaluation de la rente se base est proche de celui décrit dans (Denuit and Robert, 2007). On considère ainsi un espace probabilisé contenant toutes les éventualités du hasard, muni d'une tribu sur l'ensemble de ses parties, et d'une mesure de probabilité historique . Pour représenter l'information disponible à une date t sur la mortalité et sur les marchés financiers, on introduit : ( t ) t 0 : Filtration - 1 engendrée par l'information financière disponible au cours du temps. ( t ) t 0 : Filtration engendrée par l'information sur la survie - et la mortalité observés au cours du temps. t 0, t := t t : La plus petite tribu contenant ( t ) t et - ( t ) t . ( t 0 ) est une filtration. On impose que 0 soit engendrée par les négligeables c'est à dire : 1 2 t s , t s : L'information n'est jamais oubliée B : B 0 2 et qu'elle soit continue à droite, SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA t = 59 s ts Dans le cadre de l'évaluation du contrat d'assurance que nous étudions, les flux sortants de l'assureur sont soumis à un risque financier lié à l'évolution des taux d'intérêt, et à un risque de mortalité lié à une évolution de la mortalité contraire à ses anticipations 1. Soient la restriction à la tribu ( t ) t de la probabilité historique , et , une probabilité risque-neutre sous laquelle les prix actualisés des actifs sont des martingales. On introduit une mesure de probabilité produit, préservant l'indépendance entre le risque de mortalité et le risque financier, définie pour tous ( A, B) t t par : a ( A, B ) := ( A) ( B ) (7) Dans l'exemple étudié dans la suite, une rente d'invalidité viagère est versée dans 1 an, tous les 6 mois, à un assuré âgé de 4 ans. Entre deux dates de règlement Ti 1 et Ti , la rente est revalorisée du taux Euribor à 6 mois observé en Ti 1 , d'échéance Ti , L(Ti 1 , Ti ) . Le Best Estimate de la rente à la date t est donc séparé en une partie garantie qu'on notera ( BEGt ) t 0 , et une partie liée à sa revalorisation qu'on notera ( FDBt ) t 0 . Le Best Estimate de l'engagement au titre de la rente d'invalidité sera ainsi égal à : t 0, BE (t ) := BEG (t ) FDB(t ) Si on note : - (8) Tx : la durée de vie résiduelle d'un assuré d'à¢ge x à la date t {T1 , , TN } : l'ensemble des dates de versement de la rente. Le Best Estimate total de la rente viagère à la date t est donné par : 0 t min1i N Ti , 1 N BE (t ) = i =1 a Tx >Ti D(t , Ti )1 L(Ti 1 , Ti ) (Ti 1 , Ti ) | t t (9) Pour les versements garantis, l'assureur doit donc provisionner : 1 N BEG(t ) = i =1 a Tx >Ti D(t , Ti ) | t t (10) Et pour les revalorisations, ce dernier devra provisionner : 1 Typiquement, moins d'assurés décèdent avant la date prévue, engendreant une augmentation du montant de la provision à constituer. 60 T. MOUDIKI 1 N FDB(t ) = a i =1 Tx >Ti D(t , Ti ) L(Ti 1 , Ti ) (Ti 1 , Ti ) | t t (11) On considérera dans la suite que le portefeuille contenant la rente à étudier est de grande taille, et que le risque de mortalité est entièrement mutualisé. La mortalité du portefeuille peut donc être considérée comme indépendante du risque financier, et conforme aux anticipations données par une table de mortalité. D'après (7), on peut réécrire (10) et (11) respectivement sous la forme : N BEG(t ) = D(t , Ti ) | t (12) D(t , Ti ) L(Ti 1 , Ti ) (Ti 1 , Ti ) | t (13) > Ti ) (Tx i =1 N FDB(t ) = (Tx > Ti ) i =1 On notera ainsi, sur la base de l'hypothèse de mutualisation parfaite des décès : p x ,T := (Tx > Ti ) i la probabilité qu'un assuré d'âge x à la date d'évaluation soit encore en vie à la date Ti ; les p x ,T étant déterministes et calculés à partir d'une table de mortalité i En absence d'opportunité d'arbitrage, d'après (Harrison and Pliska, 1981) : P (t , Ti ) = D (t , Ti ) | t où P t ,T est le prix à la date t d'un zéro-coupon de maturité T . On en déduit directement pour (12) : N BEG (t ) = p i =1 x ,Ti P (t , Ti ) (14) T Pour le calcul de (13), on introduit une mesure forward neutre i , définie par le numéraire zéro-coupon P t ,Ti (pour plus de détails sur les changements de numéraire, consulter (Geman et al., 1995) ou (Brigo and Mercurio, 2006)), sous laquelle les taux forward sont des martingales. T On a par définition de i : t < s Ti 1 , En posant s T i F (s, Ti 1 , Ti ) | t = F (t , Ti 1 , Ti ) Ti 1 , et en utilisant le fait que par définition F (Ti 1 , Ti 1 , Ti ) := L(Ti 1 , Ti ) il vient : SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA T i 61 L(Ti 1 , Ti ) | t = F (t , Ti 1 , Ti ) (15) Ainsi : P (t , Ti ) D(t , Ti ) L(Ti 1 , Ti ) (Ti 1 , Ti ) | t = P(t , Ti ) (Ti 1 , Ti ) D(t , Ti ) L(Ti 1 , Ti ) | t = P(t , Ti ) (Ti 1 , Ti ) = P(t , Ti ) (Ti 1 , Ti ) Ti d L(Ti 1 , Ti ) | t d T i L(Ti 1 , Ti ) | t = P(t , Ti ) (Ti 1 , Ti ) F (t , Ti 1 , Ti ) =: P (t , Ti ) (Ti 1 , Ti ) P (t , T ) 1 i 1 1 (Ti 1 , Ti ) P(t , Ti ) = P(t , Ti 1 ) P (t , Ti ) On a utilisé principalement ici le fait que P t ,Ti est t mesurable, et les relations (3) et (15). Finalement, on a donc pour les revalorisations : N FDB(t ) = p i =1 x ,Ti P(t , Ti 1 ) P(t , Ti ) (16) Par déduction, le Best Estimate total en utilisant (14) s'écrit : N BE (t ) = p i =1 x ,Ti P (t , Ti 1 ) (17) Les prix zéro-coupons P t ,Ti intervenant dans (14), (16) et (17) ne sont pas forcément tous connus pour tout i . Il peut être nécessaie de les interpoler ou de les extrapoler. A la section suivante, la méthode de Smith-Wilson, adoptée dans le cadre du LTGA pour leur interpolation et leur extrapolation est présentée. 3. LA METHODE DE SMITH-WILSON Dans le cadre d'une évaluation Market Consistent des engagements d'assurance, telle que celle présentée à la section précédente, il faut calculer les prix zéro-coupons P t ,Ti , i 1, , N , pour toutes les maturités auxquelles a lieu un versement de la rente. Au regard des expressions obtenues à la section précédente pour le Best Estimate garanti BEG(t ) (en (14)) et les revalorisations futures FDB(t ) (en (16)), si la courbe de 62 T. MOUDIKI taux reconstituée présente des maturités annuelles, si la rente est semi-annuelle, et si le bénéficiaire est très jeune, il sera nécessaire de déterminer des valeurs de P (t , Ti 1 ) et P (t , Ti ) pour des maturités intermédiaires non-observées, et pour des maturités s'étendant au-delà du LLP. Le consensus (surtout le choix de l'EIOPA) dans Solvabilité II s'oriente pour l'instant vers des méthodes d'interpolation et d'extrapolation macroéconomiques. L'idée est de disposer de paramètres exogènes f et , tels que f soit le niveau de taux forward ultime vers lequel les taux forward F (0, Ti 1 , Ti ) vont converger à une vitesse contrôlée par un paramètre . Le choix du taux forward ultime f n'a pas fait l'objet de tests dans le cadre de l'exercice LTGA. C'est pourtant une composante sensible de la modélisation actuelle, comme nous le verrons dans la suite. L'EIOPA s'est contentée de dire que le taux f fixé à 4,2% n'était pas à considérer comme définitif. Le choix de a lui fait l'objet de tests dans le cadre du LTGA, sous la forme équivalente du choix d'une période de convergence vers f . Il a été décidé que soit calibrée, de sorte que la convergence ait lieu 40 ans après la dernière maturité considérée comme suffisamment liquide (LLP) pour les taux swaps fixes contre Euribor 6 mois. Les paramètres f et font partie intégrante de la méthode de Smith-Wilson proposée par l'EIOPA. Pour l'application de cette méthode à l'évaluation de la rente, nous utiliserons : - une courbe de taux définie dans (Hagan and West, 2006), que les auteurs désignent par : A Curve where all Cubic Methods Produce Negative Forward Rates. - la courbe de taux zéro-coupons fournie par le Conseil National Obligataire. Cette dernière est construite sur le même principe que la courbe de taux de l'EIOPA au 31/12/2011, sur la base des cotations de swaps taux fixe contre Euribor 6 mois à cette date. Des maturités de 1 à 60 ans sont fournies par le CNO, mais nous considérerons que les maturités au-delà de 30 ans ne sont pas suffisamment liquides pour être prises en compte dans l'évaluation. SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 3.1 63 Description de la méthode Cette méthode proposée par Andrew D. Smith et Tim Wilson est issue de notes de recherche internes de Bacon & Woodrow (cf. (Smith and Wilson, 2001)). On considère les hypothèses suivantes pour N entier non égal à celui défini précédemment : - La partie liquide de la courbe de prix zéro-coupons est connue pour les maturités : u1 , u 2 , , u N Les prix zéro-coupons associés à ces maturités sont T p = ( p1 ,..., p N ) , avec pour tout i = 1, , N : pi = P(0, ui ) - Le taux forward instantané f 0,T - tend vers l'infini, vers une valeur finie f . est un paramètre de contrôle de la vitesse de convergence de converge quand la maturité T f 0,T vers f 0, quand la maturité T tend vers l'infini. Et ainsi on définit W , la fonction symétrique de Wilson pour toute maturité t et pour j = 1,, N par : W (t , u j ) := e Le prix à la date t f (t u j ) .(t u j ) e .(t u j ) .sinh .(t u j ) 0 (18) 0 d'un zéro-coupon de maturité T dans le modèle de Smith- Wilson est donné comme une somme de fonctions-noyaux par : P(0, T ) = e f T N W (T , u ) j j (19) j =1 Les paramètres inconnus j sont à déduire à partir de quantités connues. Typiquement pour i = 1, , N , les paramètre j sont estimés à partir des prix zérocoupons observés sur le marché 1 : pi = P (0, ui ), i = 1, , N On pose donc dans l'équation (19), T = ui pour i = 1, , N , et on obtient un système de N équations à N inconnues qui peut s'écrire sous forme matricielle : 1 En fait, reconstitués par bootstrap à partir des taux swaps fixes contre Euribor 6 mois 64 T. MOUDIKI p = W Avec = e f u1 ,..., e f u N T = (1 ,..., N )T et : W = W (u i , u j ) 1i , j N Les N paramètres à estimer pour obtenir la fonction de prix zéro-coupons sont donnés par : ˆ = ( W T W ) 1 W T (p ) = W 1 (p ) car W est symétrique. Par suite, pour toute maturité T 0 , on a : P(0, T ) = e N f T ˆ W (T , u ) j (20) j j =1 Dans les spécifications du LTGA, une nouvelle formulation de ce modèle est apparue. Ainsi, au lieu de la formule (19) ci-dessus, on a la suivante : P (0, T ) = e f T N ˆ W (T , u ) e j j T (21) j =1 Les prix zéro-coupons que j'ai obtenus par cette formulation de la méthode étant clairement explosifs, j'ai décidé de me tenir à la formulation (19) adoptée pour le QIS5, produisant de meilleurs résultats. Plusieurs avantages et inconvénients du modèle de Smith-Wilson sont présentés dans (FINANSTIL-SYNET, 2010) et (CEIOPS, 2010a). On peut citer notamment comme avantages évoqués, la transparence de la méthode, au sens où elle est libre de droits et accessible à tous, la relative facilité d'implémentation dans un tableur, et le fait qu'elle soit appliquée à l'interpolation et à l'extrapolation. Ces avantages sont mentionnés dans les deux notes techniques, à mon sens, essentiellement pour mettre en opposition la méthode de Smith-Wilson avec la méthode développée de Barrie & Hibbert. L'implémentation de cette dernière n'est pas accessible à tous, et son application nécessiterait pour un non-expert, le paiement d'une licence. Elle utilise de plus deux méthodes différentes pour l'interpolation et l'extrapolation de la courbe de taux : une régression par splines cubiques pour l'interpolation et une variante de la méthode de Nelson-Siegel (Nelson and Siegel, 1987) pour l'extrapolation (cf. (Barrie and SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 65 Hibbert, 2008) et (CRO Forum, 2010)). En revanche, d'après les notes techniques il n'y a dans la méthode aucune contrainte forçant T P 0,T à décroitre. Nous évoquerons les conséquences de ce point, en étudiant la structure de taux forward induite par l'interpolation sur la courbe de (Hagan and West, 2006). La méthode peut, de plus, produire des prix zéro-coupons négatifs au-delà du LLP, dans la situation (exceptionnelle) où le taux forward instantané observé au LLP vérifie : f ( LLP ) >> f 3.2 Etude des variations de la courbe de Smith-Wilson Le sens de variation de la fonctionnelle de Smith-Wilson décrite par (19) est délicat à étudier sur la partie liquide de la courbe de taux. Il dépend en effet des données placées en entrée de la méthode. Mais comme la plupart des fonctionnelles effectuant une forme de surapprentissage des données à l'aide d'un grand nombre de paramètres à estimer, la fonctionnelle de Smith-Wilson est susceptible de produire des oscillations importantes. Il est cependant possible d'étudier ses propriétés asymptotiques, c'est à dire de savoir comment elle se comporte sur l'extrapolation au-delà des maturités observées. Pour rappel, on a (en omettant la date d'évaluation égale à 0) par la méthode de Smith-Wilson : P (t ) := e f t N K j j (t ) j =1 Où on a noté : K j (t ) = W (t , u j ) = e Les paramètres 1 , , N (t u j ) sinh( (t u j )) (t u j ) e sont à estimer de sorte que P t soit la plus proche f (t u j ) possible des prix zéro-coupons reconstitués. Etudions le comportement asymptotique des taux forwards instantanés log ( P (t )) t 0, f (t ) = t Il s'agit de la variation relative des prix zéro-coupons observée pour une petite augmentation de la maturité. Vu que l'on est intéressé par le comportement asymptotique de t f t , on notera pour tout j , lorsque t > max(u1 , , u N ) : 66 T. MOUDIKI K *j (t ) := e La fonction t K j* t f (t u j ) u e t sinh(u j ) j est continue pour tout t > max(u1 , , u N ) , et indéfiniment dérivable comme somme et produit de fonctions dérivables. Pour tout t > max(u1 , , u N ) , on a donc : f t f t log ( P(t )) = log e 1 e N j K *j (t ) f t = f t log 1 e = f t log 1 N j =1 N K j j =1 je f u j * j (t ) u j j =1 e t sinh(u j ) Et par suite : f (t ) = log ( P (t )) t e t N e f u j j sinh(u j ) j =1 = f N 1 e f u j j u j e t sinh(u j ) j =1 Lorsque t tend vers , le numérateur du deuxième terme cette expression converge vers 0 pour 0 , et contrôle la vitesse de convergence de t e t vers 0. Le dénominateur converge quant à lui vers une limite finie égale à : 1 N e f u j j uj j =1 On a donc bien : limt f (t ) = f Plus est élevée, plus la convergence de f vers f est rapide toutes choses restant égales par ailleurs. Inversement, si est faible, la vitesse de convergence de f vers f est moins rapide. Pour le calibrage de la méthode, après avoir choisi f 1, le calibrage de se fait de manière itérative, en fonction d'une période de convergence souhaitée cp . La période de 1 Fixé pour l'instant par l'EIOPA pour l'Euro à 4,2% SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 67 convergence vers f étant fixée, les itérations sur commencent par = 0,1 , et tant | F (0, LLP cp , LLP cp h) f |> que : pour 0 fixé et h > 0 assez petit, on augmente la valeur de de 1 point de base. Pour le QIS5 et le LTGA, est fixé à 3 points de base. A titre d'illustration, observons les variations de la fonctionnelle de Smith-Wilson, pour la courbe de taux au 31/12/2011 reconstruite sur la base de taux swaps sur Euribor 6 mois. A la figure 1, la courbe de taux zéro-coupons du CNO est représentée par des petits points circulaires, pour des maturités allant de 1 à 30 ans. La courbe obtenue par la méthode de Smith-Wilson est représentée par une ligne continue passant par tous les points de la partie liquide de la courbe. Des périodes de convergence vers f de 3 ans (en haut) ou 10 ans (en bas), au-delà d'un LLP de 30 ans sont considérées. Les taux forward sont représentés par une ligne en pointillés. De même à la figure 2, la courbe de taux zéro-coupons du CNO est représentée par des petits points circulaires, pour des maturités allant de 1 à 30 ans. La courbe de taux obtenue par la méthode de Smith-Wilson est représentée par une ligne continue passant par tous les points de la partie liquide de la courbe. Des périodes de convergence vers f de 3 ans (en haut) ou 10 ans (en bas), au-delà d'un LLP de 20 ans sont considérées. Les taux forward sont représentés par une ligne en pointillés. Figure 1: Variations de la courbe de taux de Smith-Wilson pour LLP=30 ans, et différentes valeurs de et f (noté UFR : Ultimate Forward Rate) 68 T. MOUDIKI Figure 2: Variations de la courbe de taux de Smith-Wilson pour LLP=20 ans, et différentes valeurs de et f (noté UFR : Ultimate Forward Rate) On remarque sur les figures 1 et 2 que, quelles que soient les valeurs de f et de (correspondant à des périodes de convergence vers f de 3 et 10 ans après le LLP), l'ajustement est parfait sur la partie liquide de la courbe, avant le LLP (de 30 ans ou 20 ans). Le tableau 1 présente les écarts quadratiques moyens obtenus sur l'interpolation de la courbe de taux du CNO dans les 8 situations. Ecart quadratique moyen LLP = 30 ans LLP = 20 ans f = 4%; cp = 3 ans 3,34e-28 7,84e-30 f = 3%; cp = 3 ans 3,07e-28 2,80e-31 f = 4%; cp = 10 ans 4,34e-27 8,98e-29 f = 3%; cp = 10 ans 9,11e-27 4,41e-28 Table 1: Ecarts quadratiques moyens obtenus sur l'interpolation de la courbe de taux du CNO Le choix du taux forward ultime et de la vitesse de convergence vers de ce taux forward ultime n'ont donc qu'un impact négligeable sur l'interpolation, qui demeure quasiexacte dans toutes les situations testées. L'extrapolation de la courbe de taux au-delà du LLP est plus sensible au choix de ces paramètres. Ainsi, on remarque que plus f est élevée, plus les taux d'intérêts sont élevés SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 69 au-delà du LLP. Inversement, un f bas fera baisser les taux d'intérêts au-delà du LLP. De même, les figures 1 et 2 permettent de remarquer que pour passer d'une période de convergence de 10 ans à 3 ans, il faut augmenter la valeur de (d'où la méthode itérative de calibrage de ), et ainsi augmenter la vitesse de convergence des taux forward vers f . La réduction de la période de convergence vers un f élevé (comme aujourd'hui, à 4,2% d'après l'EIOPA) anticipe la croissance rapide des taux d'intérêt après le LLP choisi. Ainsi, le fait de choisir un LLP de 20 ans plutôt q'un LLP de 30 ans pour un f élevé fait monter les taux d'intérêt plus rapidement vers f comme on peut le voir à la figure 2. Si on considère que les cotations des taux swaps pour des maturités comprises entre 20 et 30 ans sont fiables, alors le fait de choisir un LLP de 20 ans est loin d'être Market Consistent, car plusieurs maturités liquides seraient ainsi exclues de la courbe de taux reconstituée. 4. EVALUATION ET SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'INTERPOLATION ET A L'EXTRAPOLATION DE SMITH-WILSON Nous étudions le cas du bénéficiaire d'un contrat d'assurance invalidité âgé de 4 ans. Une rente viagère différée revalorisable de 1000 euros lui est versée tous les 6 mois, dans un an à compter de la date d'évaluation. Le Best Estimate de l'engagement de l'assureur sera calculé au 31/12/2011, date utilisée par l'EIOPA pour l'exercice LTGA. La durée de versement de la prestation semi-annuelle peut donc être potentiellement de 100 ans. D'où la nécessité d'interpoler les taux d'intérêts sur une base semi-annuelle, et de les extrapoler au-delà de la dernière maturité considérée comme suffisamment liquide. Pour la prise en compte de la mortalité de l'assuré dans l'évaluation, on utilise la table de mortalité TD 88-90, établie à partir de données de l'INSEE issues de l'observation entre 1988 et 1990 sur la population masculine, et homologuée par arrêté du 27 avril 1993. Afin de disposer de probabilités de survie à des maturités semi-annuelles non disponibles, une interpolation linéaire du nombre de survivants entre deux à¢ges entiers est réalisée. 4.1 Un mot sur l'interpolation et la structure de taux forward L'interpolation de la courbe de taux à des maturités non-disponibles se fait en général par des méthodes de splines, ou des méthodes paramétriques. Les méthodes basées sur les splines produisent une reconstitution parfaite de la 70 T. MOUDIKI courbe de taux. Mais leurs (nombreux) paramètres n'ont aucune interprétation économique, et mal utilisées, elles peuvent produire des courbes de taux qui oscillent. Les méthodes paramétriques sont quant à elles basées sur l'observation de (Litterman and Scheinkman, 1991), selon laquelle la variance contenue dans les rendements des obligations peut être expliquée à 90% par 3 composantes principales qu'ils nomment niveau, pentification et courbure. Les méthodes de Nelson-Siegel et Svensson appartiennent au deuxième groupe, et sont largement utilisées par les banques centrales. D'après (Bolder and Stréliski, 1999) et (Filipovic, 2009), elles sont ainsi utilisées en Belgique, Canada, Finlande, France, Allemagne, Italie, Norvège, Espagne, Suède et UK pour la construction des courbe de taux d'obligations d'État. Pour le QIS4 1, c'est le modèle de Svensson qui avait été retenu. Dans ce modèle, les taux zéro-coupons de maturité sont donnés par la formule (notations de (Gilli et al., 2010)) : 1 exp(/1 ) 1 exp(/1 ) L(0, T ) = 1 2 exp(/1 ) 3 / / 1 1 1 exp(/2 ) 4 exp(/2 ) /2 Des descriptions plus détaillées de ces méthodes peuvent être trouvées dans (Nelson and Siegel, 1987) et (Svensson, 1995) dans leur formulation originelle, ou dans des documents plus récents comme (Bolder and Stréliski, 1999), (de Pooter, 2007), (Gilli et al., 2010) ou (Annaert et al. 2012) traitant en particulier de leur calibrage. La structure de taux forward induite par les méthodes d'interpolation mérite un peu d'attention. Il peut en effet arriver que sur l'interpolation de la courbe de taux, la reconstitution des taux spots observés soit exacte, mais que les taux forward produits par telle ou telle méthode soit négatifs. Plusieurs méthodes d'interpolation peuvent avoir ce problème, la méthode Smith-Wilson incluse. (FINANSTIL-SYLNET, 2010) évoque ce point en considérant la courbe de prix zéro-coupons : P (0,1) = 0,950001; P (0,2) = 0,95; P (0,3) = 0,9 Les auteurs signalent par ailleurs que d'autres méthodes produiraient le même type de résultats sur ces données. Les méthodes de Nelson-Siegel et Svensson produisent effectivement des taux forward négatifs sur ces données, en prenant par exemple une fréquence d'interpolation de 0,1 entre les maturités observées. 1 4ème étude d'impact menant à la réforme Solvabilité II SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 71 Or d'après la formule (3), un taux forward observé en date 0 , d'échéance Ti 1 pour une maturité Ti est négatif si et seulement si P(0, Ti 1 ) < P (0, Ti ) Une courbe de taux ainsi construite conduit à des opportunités d'arbitrage. Il suffirait en effet à un arbitrageur de vendre à la date 0 un zéro-coupon d'échéance Ti , et d'emprunter afin de financer l'achat d'un zéro-coupon d'échéance Ti 1 , pour empocher un gain positif. Le principe de base d'absence d'opportunité d'arbitrage énoncé par (CRO Forum, 2010) et (CEIOPS, 2010b) n'est donc pas toujours respecté par la méthode de construction de la courbe de taux proposée par l'EIOPA. Nous allons quantifier l'impact qu'ont les taux forward négatifs sur la valorisation de l'engagement au titre de la rente d'invalidité introduite plus haut. On considérera ici que la rente est temporaire, d'une durée de 30 ans, et que la courbe de taux est celle introduite dans (Hagan and West, 2006). Les auteurs désignent cette courbe de taux par : A Curve where all Cubic Methods Produce Negative Forward Rates, elle est présentée à la table 2. Maturité 0,1 1 4 9 20 30 Taux spot continu Taux forward discret 8,10% 7,00% 4,40% 7,00% 4,00% 3,00% 6,88% 4,33% 8,60% 1,55% 1,00% Table 2: A Curve where all Cubic Methods Produce Negative Forward Rates (Hagan and West, 2006) Aussi étrange qu'elle puisse paraître cette courbe de taux n'engendre pas d'opportunité d'arbitrage, car les facteurs de capitalisation sont croissants. Aucune des méthodes basées sur les splines présentées dans l'article ne permet cependant d'obtenir des taux forward positifs avec cette courbe en entrée. La méthode de Smith-Wilson produit également des taux forward négatifs sur cette courbe pour une interpolation semi-annuelle, ce qui contrairement à la courbe précédente de (FINANSTIL-SYSNET, 2010), n'est pas le cas de la méthode de Svensson. 72 T. MOUDIKI En utilisant le package ycinterextra (cf. (Moudiki, 2013a)) pour interpoler ces courbes de prix zéro-coupons sur une base semi-annuelle, on observe que l'ajustement de la courbe de Smith-Wilson est parfait (assuré par sa construction même), mais que la courbe oscille entre les points pour s'ajuster (voir figure 3). La méthode de Svensson, ayant moins de paramètres, s'ajuste de façon moins précise aux observations. Les paramètres obtenus pour l'interpolation par la méthode Smith-Wilson sont ceux prescrits par l'EIOPA : 0.1 et UFR = 4,2% . De plus, on obtient comme estimation des paramètres de la méthode de Smith-Wilson : (ˆ ; ; ˆ ) = (207,8;37,9;38,3;18,2;3,7;1,8) 1 6 (22) Pour la méthode de Svensson, en utilisant les notations de (Gilli et al., 2010), on obtient comme estimateurs des paramètres : ˆ1 = 0 , ˆ2 = 0.09145 , ˆ3 = 6.79741 , ˆ4 = 6.89388 ˆ1 = 3 ˆ2 = 3.12593 . Figure 3: Comparaison des prix zéro-coupons générés par les méthodes de Smith-Wilson et Svensson sur les données de (Hagan and West, 2006) Le taux forward ultime, ˆ obtenu par la méthode de Svensson est nul, mais ne 1 devient jamais négatif. La méthode de Smith-Wilson est plus flexible et s'ajuste mieux aux données observées, mais elle utilise pour cela un grand nombre de paramètres non-interprétables et oscille. Ceci se produit souvent pour des méthodes appliquant une forme de surapprentissage. SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 73 Les paramètres de la méthode de Svensson sont quant à eux interprétables économiquement, et un modèle parcimonieux a généralement un pouvoir prédictif plus élevé qu'un modèle appliquant une forme de surapprentissage. La table 3 montre que les évaluations de l'engagement calculées par les deux méthodes sont très proches. Bien que des écarts - dûs aux oscillations - plus ou moins importants soient observés entre générations, on observe un écart total de 0,7% entre les deux évaluations du Best Estimate calculées en appliquant l'une ou l'autre des méthodes. Maturité 0 à 5 ans 5 à 10 ans 10 à 15 ans 15 à 21 ans 21 à 26 ans 26 à 30 ans Total BE Smith-Wilson BE Svensson Ecart relatif 9 912,8 6 342,1 4 048,2 5 668,9 3 949,1 3 329,4 9 847,5 6 309,7 4 384,5 5 580,9 3 679,4 3 218,0 0,7% 0,5% -7,7% 1,6% 7,3% 3,5% 33 250,6 33 020,0 0,7% Table 3: Evaluations du Best Estimate par les méthodes de Smith-Wilson et de Svensson Maturité 0 à 5 ans 5 à 10 ans 10 à 15 ans 15 à 21 ans 21 à 26 ans 26 à 30 ans Total Reval. Smith-Wilson Reval. Svensson Ecart relatif 218,8 291,7 56,8 -18,7 11,7 27,8 256,9 213,9 75,0 32,9 5,9 1,8 -14,8% 36,4% -24,3% -156,8% 98,3% 1444,1% 588,1 586,4 0,3% Table 4: Evaluations des revalorisations de la rente par les méthodes de Smith-Wilson et de Svensson Les variations relatives de prix zéro-coupons successifs observés à la figure 3 sont en quelque sorte représentées par la figure 4. Ainsi, la courbe de taux forward de la figure 4 change de direction lorsque les méthodes essaient de s'ajuster au mieux aux observations en changeant de vitesse. 74 T. MOUDIKI Figure 4: Comparaison des taux forward générés par les méthodes de Smith-Wilson et Svensson sur les données de (Hagan and West, 2006) Pour la méthode de Svensson, au delà d'une maturité de 10 ans environ, elle ne change plus de direction, car la méthode n'arrive plus à s'ajuster mieux aux observations (cf. figure 3). La méthode de Smith-Wilson, plus flexible (voire semi-analytique, car par construction on exprime les prix dans une base orthogonale) produit de plus grandes oscillations, car elle tente de s'ajuster à la totalité des points. Les revalorisations de la rente présentées dans le tableau 4, dépendantes des taux forward F (0, Ti 1 , Ti ) au travers de P (0, Ti 1 ) P (0, Ti ) (par construction, voir (16)), révèlent ainsi plus clairement les disparités entre les méthodes sur les différentes générations. Là où la méthode de Svensson produit des revalorisations strictement décroissantes avec la maturité, les revalorisations induites par la méthode de Smith-Wilson oscillent, au point que sur des échéances comprises entre 15 et 21 ans, cette dernière prévoit des revalorisations de rente négatives, donc aberrantes. Les phénomènes d'oscillation de la méthode de Smith-Wilson sur cette courbe de taux finissent tout de même par se compenser, pour conduire à un écart cumulé de 0,3% entre les deux méthodes sur le calcul des revalorisations. SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 4.2 75 Sensibilité de l'engagement aux paramètres d'extrapolation de la méthode de Smith-Wilson Les figures 1 et 2 permettent de se faire une idée relativement précise du sens de variation de l'engagement d'assurance étudié, par rapport aux paramètres f et de la méthode de Smith-Wilson. En effet, d'après la formule (17), cet engagement est directement lié à la valeur des prix zéro-coupons. Ces derniers croissent quand les taux zéro-coupons baissent, et augmentent dans le cas contraire. Cependant, seule la partie de l'engagement allant au-delà du LLP est vraiment sensible au choix de ces paramètres. La sensibilité de l'engagement d'assurance au choix de f va dépendre des données fournies en entrée de la méthode. En s'aidant des figures 0 et 1, si dans un contexte où les taux d'intérêt sont bas, f est élevé (situation actuelle), ceci aura pour effet de faire baisser l'engagement au-delà du LLP. Inversement, si dans un contexte où les taux de marché sont hauts, les prévisions concernant f sont baissières, l'engagement aura tendance à augmenter. La vitesse de ces hausses/baisses d'engagement n'est pas la même sur toutes les maturités, selon le choix de la période de convergence vers f . Ainsi, le sens de variation de l'engagement pour une augmentation ou une diminution de la valeur de est lié à la valeur anticipée pour f , et aux données fournies en entrée de la méthode, dont le LLP. Globalement, dans un contexte où les taux de marché sont bas et f est élevé, une période de convergence courte fera baisser l'engagement, et une longue période de convergence le fera augmenter (voir les figures 1 et 2). Le recul ou l'avancement du LLP produit le même effet dans ce contexte. Nous faisons dans la suite de cette section une étude de la sensibilité de l'engagement total BE (0) introduit par la formule (17), aux paramètres d'extrapolation f et de la méthode Smith-Wilson. BE (0) est calculé pour un assuré âgé de 4 ans, recevant une rente semi-annuelle de mille euros, et dont les probabilités de survie en invalidité sont données par la TD 88-90. L'actualisation des flux se fait en utilisant la courbe de taux du CNO au 31/12/2011. 4.2.1 Sensibilité aux variations de f et Les variations de l'engagement sont étudiées pour des valeurs de f comprises entre 2,2% et 4,2%, et des périodes de convergence vers f comprises entre 5 et 40 ans au delà du LLP, choisi ici égal à une maturité de 20 ans. 76 T. MOUDIKI La figure 5 ci-après présente les variations de l'engagement total au titre de la rente d'invalidité, en fonction des paramètres d'intérêt. Sur les taux au 31/12/2011, on observe qu'une hausse de f fait effectivement chuter l'engagement. La baisse est plus modérée quand on raccourcit la période de convergence vers f . La pire des situations du point de vue de l'assureur, serait celle dans laquelle les taux forward ultimes baisseraient, et l'EIOPA garderait la période de convergence actuelle fixée à 40 ans. Figure 5: Sensibilité au choix de f (UFR) et du Best Estimate de la rente d'invalidité au 31/12/2011 Les écarts relatifs (en %) par rapport à la situation de référence actuelle (paramètres LTGA : f à 4,2% et période de convergence de 40 ans) sont présentés ci-dessous. Les périodes de convergence sont en colonnes, et les valeurs de f en lignes : 2.2% 2.5% 2.8% 3.0% 3.3% 3.6% 3.9% 4.2% 5 10 15 20 25 30 12.888014 13.4472481 13.9407317 14.3829804 14.7661304 14.8209128 9.529145 10.2360518 10.8700560 11.4283024 11.9465505 12.2698558 6.455210 7.2823087 8.0255752 8.6975329 9.2927950 9.8516786 3.638016 4.5683337 5.4138097 6.1724446 6.8653257 7.4755823 1.054678 2.0802973 3.0004243 3.8403652 4.6041856 5.2547160 -1.318696 -0.2127276 0.7900011 1.6779171 2.4783175 3.2285142 -3.503850 -2.3249456 -1.2663213 -0.3229555 0.5390778 1.3232249 -5.515127 -4.2770069 -3.1674687 -2.1708391 -1.2778900 -0.4693378 40 14.820913 12.269856 9.882193 7.645792 5.549399 3.582599 1.735763 0.000000 Il s'agit des variations de l'engagement qui seraient observées en cas de modification d'un des paramètres d'extrapolation f ou . SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 77 Un raccourcissement de la période convergence de 40 à 10 ans, comme souhaitée par certains superviseurs nationaux après la publication des résultats du LTGA 1, aurait pour effet de faire baisser l'engagement de 4,3%. Si en revanche les taux forward ultimes venaient à baisser de 1%, l'engagement augmenterait d'environ 6%. 4.2.2 Sensibilité aux variations de et LLP On étudie ici les variations l'engagement en fonction des périodes de convergence vers f comprises entre 5 et 40 ans au delà du LLP , et d'un LLP compris entre 20 et 30 ans. La figure 6 représente les variations de l'engagement total BE (0) de la formule (17), en fonction du LLP, et de la période de convergence vers un taux forward ultime fixé à 4,2%. Sur les taux au 31/12/2011, on observe qu'une hausse de l'un ou l'autre des deux paramètres fait augmenter l'engagement, de même qu'une diminution des deux paramètres le fait augmenter. La pire des situations du point de vue de l'assureur serait celle dans laquelle le dernier point liquide est éloigné de la première maturité, et la période de convergence est longue. En effet dans ce cas, la convergence vers f commence plus tardivement, les taux restent durablement bas, et convergent (en croissant) lentement vers f (voir figures 1 et 2). Dans cette situation, un f bas constituerait un scénario catastrophe. Les écarts relatifs (en %) par rapport à la situation de référence (paramètres LTGA) définie par un f égal à 4,2%, un LLP égal à 20 ans et une période de convergence de 40 ans sont présentés ci-dessous. Les LLP sont en lignes, et les périodes de convergence en colonnes : 20 22 24 26 27 28 29 30 5 -5.5151265 -3.3466618 -1.1729530 0.9918643 2.0474266 3.0876464 4.0985340 5.0628106 10 -4.27700693 -2.12039685 0.04053309 2.18854180 3.22069590 4.23738451 5.22024951 6.14392987 15 -3.167469 -1.017035 1.140619 3.256813 4.277505 5.269509 6.225805 7.115265 20 25 -2.17083911 -1.277890 -0.02445928 0.878048 2.11192612 2.990288 4.21322669 5.090100 5.21646931 6.048160 6.20341734 7.018303 7.13435752 7.925995 7.97455325 8.757962 30 -0.4693378 1.6726638 3.7598445 5.8374743 6.8080527 7.7618717 8.6473747 9.4221353 40 0.000000 2.177623 4.335204 6.437963 7.395424 8.335963 9.203672 9.953332 1 Consulter par exemple l'article Solvency II extrapolation proposals feed volality debate de Louie Woodall sur le site www.risk.net 78 T. MOUDIKI Une réduction de la période de convergence, comme dans le cas précédent, conduirait à une baisse de l'engagement. Le passage d'un LLP de 20 à 30 ans, conduirait à une augmentation de 10% de l'engagement. Ce point n'est en général pas discuté, mais au regard de la figure 2, on peut quand même se demander si le choix de ce LLP est suffisamment Market Consistent, toutes choses restant égales par ailleurs. Figure 6: Sensibilité au choix de et LLP du Best Estimate de la rente d'invalidité au 31/12/2011 5. CONCLUSION L'évaluation Market Consistent des engagements d'assurance peut nécessiter d'interpoler et d'extrapoler la courbe des taux à des maturités auxquelles elle n'est pas observée. Pour ce faire, l'EIOPA recommande dans le cadre de Solvabilité II l'utilisation de la méthode de Smith-Wilson, en raison de sa simplicité d'implémentation, et de sa précision dans l'ajustement. Sur l'interpolation de la courbe de taux choisie, la méthode reproduit parfaitement les observations de marché. Mais, du fait du très grand nombre de paramètres qu'elle utilise, elle oscille et produit des revalorisations négatives sur la rente considérée en exemple. Au SENSIBILITE D'UNE RENTE VIAGERE A L'EXTRAPOLATION DE LA COURBE DE TAUX DANS UN CONTEXTE LTGA 79 global, sur la provision de revalorisation, la méthode de Smith-Wilson permet néanmoins d'arriver au même résultat que l'on obtiendrait par une méthode paramétrique. Quant à l'extrapolation, si dans un contexte où les taux de marché sont bas, le taux forward ultime est élevé, ceci aura pour effet de faire baisser l'engagement. Inversement, dans un contexte où les taux de marché sont hauts, et les prévisions concernant le taux forward ultime sont baissières, l'engagement aura tendance à augmenter. Le sens de variation de l'engagement pour une augmentation ou une diminution de la vitesse de convergence vers le taux forward ultime est intimement lié à la valeur anticipée pour le taux forward ultime, et aux données fournies en entrée de la méthode, dont le dernier point liquide de la courbe de taux. Globalement, dans un contexte où les taux de marché sont bas, et le taux forward ultime est élevé, une période de convergence courte fera baisser l'engagement. Il serait souhaitable que l'impact du choix du dernier point liquide (LLP) de la courbe de taux soit testé, car la liquidité est subjective, et un LLP plus ou moins éloigné, est plus ou moins Market Consistent. Selon le choix de LLP, la courbe reconstituée peut dévier totalement d'observations existantes. De plus, l'impact du niveau de taux forward ultime devrait être soit évalué, car comme nous l'avons vu dans cet article, un engagement d'assurance peut en dépendre fortement. Il n'est pas possible que ce taux soit considéré comme étant fixe dans le temps, au vu des importantes variations qu'il a enregistrées par le passé, et sachant qu'il peut être manipulé par des communications politiques sur les prévisions de l'inflation. Enfin, on pourrait se demander si cette surparamétrisation opérée par la méthode de Smith-Wilson est souhaitable. L'ajustement parfait aux données de marché reconstituées est-il réellement désiré, vu que ces dernières contiennent déjà du bruit dont on peut connaître la source, mais qui n'est pas forcément explicable ? 6. REFERENCES ANNAERT, J., CLAES, A., DE CEUSTER, M., AND ZHANG, H. (2012). Estimating the yield curve using the Nelson-Siegel model : A ridge regression approach. International Review of Economics & Finance, Forthcoming. BARRIE AND HIBBERT (2008). A framework for estimating and extrapolating the termstructure of interestrates. Technical report, Barrie and Hibbert. 80 T. MOUDIKI BIANCHETTI, M. AND CARLICCHI, M. (2011). 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