Brigitte Kernel, la littérature au long cours
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Brigitte Kernel, la littérature au long cours
télévisions | 21 0123 DIMANCHE 15 - LUNDI 16 FÉVRIER 2015 SÉLECTION DE LA SEMAINE Brigitte Kernel, la littérature au long cours Depuis trente ans, la nuit, la journaliste de France Inter donne la parole aux écrivains Documentaires Bye-bye l’euro d’Ella Cerfontaine FRANCE – 2015 – 60 MIN RADIO Perte de pouvoir d’achat, hausse de la dette, explosion du chômage : voici ce qui pourrait nous advenir si la France sortait de l’euro. Du moins est-ce le scénario que propose ce « documentaire fictif » construit sur de vraisfaux reportages et interviews. Passionnant. L es « sans sommeil » de France Inter – comme les désignait Macha Béranger avec laquelle Brigitte Kernel a longtemps partagé les nuits de la station – connaissent depuis longtemps celle qui sait si bien faire partager son goût des mots et de la littérature. Trente ans précisément dont vingtquatre à les envelopper « nocturnement » de sa voix chaude et chaleureuse, pour mieux les entraîner dans l’intimité créatrice des écrivains. Depuis l’automne cependant, c’est au seuil de la nuit que la journaliste et productrice les convie le mardi dans « Lire avec ». Un changement d’horaire voulu par la nouvelle directrice de la station, Laurence Bloch, et dont se félicite Brigitte Kernel. Moins pour elle – qui avoue que ces années noctambules l’ont « complètement déréglée » – que pour ses invités. « Il est plus aisé de faire venir un écrivain à 23 heures qu’à 1 heure du matin, néanmoins, à une ou deux exceptions près, je les ai tous reçus. » De Christine Angot, repérée dès Vu du ciel, son premier roman (1990), à la discrète Fred Vargas, en passant par Philippe Djian, Amélie Nothomb, Charles Juliet, François Nourissier, Olivier Rolin ou Andrée Chedid – avec laquelle elle réalisa un beau livre d’entretiens –, cette Vosgienne, qui a conservé de sa région natale le goût des étendues enneigées, aura reçu plus de cinq mille écrivains. « Parcours semé de rencontres » Un qualificatif qu’elle se refuse à ellemême, préférant du bout des lèvres celui d’auteure, bien qu’elle ait signé une quinzaine de livres, dont six romans, et qu’elle pratique l’écriture depuis l’enfance. Ce dont elle rend grâce à sa mère. « A 7 ans, au lieu d’essuyer la vaisselle, elle m’imposait de raconter dans un cahier ma journée, en insistant pour que je décrive les objets, la couleur du ciel. C’est devenu un entraînement quotidien. » Au point qu’à 17 ans elle réunit quelques poèmes « très influencés par Kerouac » et les adresse à l’éditeur Pierre Seghers, qui l’encourage à poursuivre. Tout comme, plus tard, Françoise Sagan, dont la jeune journaliste sera proche, un temps. « Mon parcours est semé de rencontres qui m’ont incitée à écrire », confie-t-elle avant d’évoquer ceux qu’elle nomme son « papa » et sa « maman » de radio : José Artur et Eve Ruggiéri. Pigiste au Matin de Paris, elle rencontre l’animateur du « Pop Club » qui cherche une assistante. Avec une vive émotion, elle évoque ces années « joyeuses », « magiques » au Fouquet’s, et éminemment formatrices pour celle qui ne jure aujourd’hui que par le direct. « José Artur savait installer un climat de décontraction et de proximité. » Avec Eve Ruggiéri, elle fera sienne sa manière de travailler sans notes pour mieux embarquer l’auditeur MARDI 17 – FRANCE 5 – 20 H 40 Dietrich/Garbo, l’Ange et la Divine de Marie-Christine Gambart FRANCE – 2014 – 55 MIN Ce numéro de la collection « Duels » met en lumière la rivalité entre ces deux icônes du cinéma qu’organisèrent leurs studios – La MGM pour Dietrich et la Paramount pour Garbo –, ainsi que la façon dont elles construisirent chacune leur mythe. JEUDI 19 – FRANCE 5 – 21 H 40 Divertissement La Cérémonie des Césars 2015 Présenté par Edouard Baer. Avec la participation de Dany Boon Est nommé dans la catégorie… meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice… c’est reparti pour une soirée de remerciements, de larmes et de rires (faisons confiance à Edouard Baer !). La cuvée 2015 est plutôt bonne et variée. Diffusée en clair sur Canal+, en direct du Théâtre du Châtelet, à Paris, cette cérémonie-là est un rituel que l’on aime regarder même si c’est toujours un peu long. Brigitte Kernel anime tous les mardis « Lire avec » sur France Inter. XAVIER LAMBOURS/SIGNATURES VENDREDI 20 – CANAL+ – 21 H 00 Films « Les “Cadavres exquis” étaient une manière de dire aux auditeurs : “Vous aussi, vous pouvez écrire” » dans une histoire, un univers. De remplacements divers en émissions de services, cette gourmande des mots va peu à peu trouver sa place au cœur de la nuit avec notamment « Noir sur blanc » (1989-1996), où se mêlent de longs entretiens à des portraits d’écrivain, le tout pimenté de ses fameux « Cadavres exquis » – des petites histoires que les auditeurs doivent compléter – qui feront aussi le sel de « Noctiluque », une émission hebdomadaire, diffusée de 1 heure à 5 heures du matin et réalisée par sa complice, Eliane Girard, pendant seize ans, de 1996 à 2012. Une longévité propre à la nuit, qui laisse quelques traces et interrogations. « Il y a eu des moments de fatigue et de déprime où je me demandais pourquoi on me laissait la nuit. Est-ce que le problème ne tenait pas aux livres. Je n’ai pas de réponse… » « Dédé de Marseille » Dans ces nocturnes, propices aux confidences, Brigitte Kernel insiste sur son rôle d’accompagnement des auditeurs et sur la relation particulière tissée à travers les « Cadavres exquis ». « C’était une manière de leur dire : “Vous aussi, vous pouvez écrire.” » L’un d’entre eux ne se fera pas prier. Ainsi, pendant trois ans, il deviendra le plus brillant des auditeurs. « Comme il gagnait presque à chaque fois, nous avons décidé de ne plus le prendre. Il est revenu alors sous le nom de “Dédé de Marseille” ». Ce facétieux jeune homme n’était autre que Philippe Jaenada, que Brigitte Kernel recevra plus tard, en 2002, pour son premier roman, Le Cosmonaute. Soutenir les jeunes écrivains et les ac- compagner dans leur parcours fait partie des « missions » que s’assigne la journaliste, qui recevra bientôt, entre autres, Delphine Bertholon, Julie Bonnie, Abdellah Taïa. Pour le reste, les choix s’établissent entre ses goûts éclectiques et ceux du public. Même si elle ne les partage pas toujours. Aussi ne s’interdit-elle pas de laisser transparaître des réserves, « toujours gentiment », précise-elle. « Je ne suis pas dans la critique mais dans l’accueil. » Et la bienveillance, au regard des années de travail et de doutes. Ceux-là mêmes qui ont traversé la romancière qui vient de publier Dis-moi oui (Flammarion), où s’y déploie, de Paris à Las Vegas, en passant par Montréal, sa ville de cœur, la quête d’une femme pour reconquérir celle qu’elle aime. Et s’y dévoile une auteure romantique en diable, pour la bonne cause : celle de la liberté d’aimer. p christine rousseau « Lire avec », tous les mardis à 23 h 15 sur France Inter. Concerto à deux voix pour Modiano RADIO C La voix de Sami Frey, d’abord. Douce et traînante comme celle d’un vieux rêveur. Légèrement usée, mais si prenante. Assis à sa table, le comédien lit de longs extraits du roman Dans le café de la jeunesse perdue, puis du dernier Modiano, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier. Il étire les phrases, marque des pauses, fait ressortir un mot, un nom. Un de ces noms qui semblent avoir été placés au milieu d’anciens Bottins à seule fin que Modiano puisse les y piocher pour ses fictions : Louki, Tarzan, Zacharias, Daragane, Gilles Ottolini… Sami Frey respire, et reprend : « Des deux entrées du café, elle empruntait toujours la plus étroite, celle qu’on appelait la porte de l’ombre. » Quand l’acteur vous guide, impossible de ne pas le suivre. « Une partition un peu floue » Comment connaître un écrivain ? Modiano y a répondu en décembre 2014 à Stockholm, dans son discours du Nobel : « Seule la lecture de ses livres nous fait entrer dans l’intimité d’un écrivain, et c’est là qu’il est au meilleur de lui-même et qu’il nous parle à voix basse sans que sa voix soit brouillée par le moindre parasite. » Sami Frey est précisément cette voix-là, celle qui surgit du livre et s’insinue au plus profond de chaque auditeur. Un autre timbre se fait alors entendre. Une parole hésitante, heurtée. C’est Modiano lui-même, invité par la journaliste San- « Seule la lecture de ses livres nous fait entrer dans l’intimité d’un écrivain, il nous parle à voix basse sans que sa voix soit brouillée par le moindre parasite » PATRICK MODIANO FRANCE – 2012 – 90 MIN Célèbre animatrice de radio, Mélina recueille en nocturne les confessions de ses auditeurs. Mais cette femme, hautaine et solitaire, souffre secrètement d’une blessure intime : venue d’un milieu modeste, elle a été abandonnée par sa mère. Elle se met alors en quête de ses origines. Entre mélo et humour discret, le film s’attache à ce parcours de manière bien appliquée. MERCREDI 18 – ARTE – 20 H 50 The Best Offer de Giuseppe Tornatore. Avec Geoffrey Rush, Jim Sturgess, Sylvia Hoeks ITALIE – 2013 – 130 MIN Célèbre expert d’art et commissaire-priseur, Virgil Oldman se voit proposer d’évaluer une collection particulière par une mystérieuse cliente qui ne consent à communiquer que par téléphone. D’abord exaspéré, Virgil finit par se prendre de fascination pour la femme sans visage. Renouant avec l’un de ses thèmes favoris, l’amour de l’art, Giuseppe Tornatore hésite entre les genres et les styles, mais offre à Geoffrey Rush l’occasion d’une performance habitée et élégante. JEUDI 19 – CANAL+ CINÉMA – 20 H 50 Série Diffusé sur France Culture, un bel hommage au Prix nobel de littérature, dont Sami Frey a lu des textes ela débute par un gag. Patrick Modiano arrive sur scène, tout de noir vêtu, et paraît bien embarrassé par la foule qui se lève et l’acclame. Lui, une star ? Il écarte les bras, l’air de dire « Je n’y suis pour rien », et finit par bredouiller : « Je vous remercie de votre gentillesse, je suis très ému… ». « Merci Patrick, ce sera tout pour ce soir ! », répond en riant Emmanuel Demarcy-Mota, le directeur du Théâtre de la Ville, comme pour abréger le supplice de l’écrivain qui aime si peu se donner en spectacle. Mais non, ce n’est pas tout. Ce lundi 19 janvier, l’hommage de Paris à son tout nouveau Nobel commence à peine, et Modiano doit encore rester deux heures sous les projecteurs, devant un millier de spectateurs. Passé les discours à sa gloire, la soirée se transforme alors en un superbe concert pour deux voix d’hommes. C’est le cœur de la retransmission diffusée par France Culture dimanche 22 février. Parlez-moi de vous de Pierre Pinaud. Avec Karin Viard, Nicolas Duvauchelle, Nadia Barentin drine Treiner à commenter ce qu’il vient d’entendre. « Sami Frey m’a fait redécouvrir le texte, dit-il. J’ai l’impression d’avoir écrit une partition un peu floue. Il a mis les temps, il l’a interprétée comme un musicien. Grâce à sa voix, tout devient… » Il parle aussi de Paris, des lieux qu’il fréquentait enfant et qui se retrouvent dans ses romans. Chez Moineau, par exemple, ce café pour jeunes fauchés devenu Le Condé dans la fiction. « Une fille des Beaux-Arts m’entraînait avec elle dans des cafés où elle retrouvait ses amis. Des situations un peu bizarres dans ces cafés un peu bizarres… » Du pur Modiano. La soirée s’achève avec une voix féminine. Catherine Deneuve lit quelques pages de Dora Bruder. Trop vite, et en butant sur les mots, hélas. L’émotion sans doute. Une incitation à plonger dans ce livre, le plus fort de toute l’œuvre de Modiano. p denis cosnard The Code Créée par Shelley Birse. Avec Dan Spielman, Ashley Zukerman, Chelsie Preston AUSTRALIE – 2014 – 6 × 55 MIN Deux frères, l’un journaliste Web, l’autre hackeur, tentent de déjouer un vaste complot lié aux biotechnologies. Une série fascinante sur les vertiges de notre monde hyperconnecté qui a reçu neuf nominations aux Australian Academy of Cinema and Television Arts Awards 2015, dont ceux des meilleurs scénario, réalisation, acteur et montage de fiction télévisée. JEUDI 19 – ARTE – 20 H 50 « Paris-Modiano, aller simple », le 22 février sur France Culture à 21 heures.