Pierre premier pécheur
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Pierre premier pécheur
La Lettre de Saint-Jacques numéro 139, été 2011 Bénir la vie que Dieu nous donne à vivre Le fr. Albert-Marie Besnard op (1926-1978) fut très tôt connu comme prédicateur ardent et comme un maître spirituel. Il fut père-maître des novices de la Province dominicaine de France, puis des frères étudiants au couvent du Saulchoir. Directeur de La Vie spirituelle, il était encore prieur de son couvent, Saint-Dominique, à Paris lorsqu'un cancer l'a emporté. Le texte suivant provient de sa dernière prédication à la Radio, le 1 er janvier 1978, cinq semaines avant sa mort. « La Bénédiction est un je ne sais quoi, un chant, une lumière, un rayonnement. C'est le trésor de tout être vivant, même le plus démuni, même le plus pauvre. Toute bénédiction a sa racine dans la joie créatrice du Dieu vivant. Quand Dieu crée l'univers, il imprime en chaque être la vibration joyeuse qui en fait une note unique, un timbre indispensable dans la polyphonie de l'univers. Quiconque entend palpiter dans ses veines le Oui à la vie, c'est qu'il se souvient du Oui primordial que le Créateur a prononcé sur le mystère de sa personne et de son existence. Être béni par Dieu, c'est être pétri de ce Oui, de cet Amen, qui se veut sans repentance, sans regret, et c'est donc, à son tour, être capable de prononcer le Oui qui fait que l'on s'ouvre à l'aventure, à tous les risques mais aussi à toutes le joies de la vie. C'est être capable de prononcer le Oui à l'égard de ceux qui boivent avec nous à la même coupe de l'existence et de la passion de vivre. Le Christ Jésus venant au milieu de nous est la Bénédiction incarnée. Il est la reprise, la confirmation et l'éclatement en fontaine jaillissante – bien au delà de nos espérances - de la Bénédiction originelle. Il y a dans l'acte positif et délibéré de la Bénédiction une imitation de l'acte créateur. Il y a comme une irradiation de tendresse pour les êtres auxquels nous l'adressons. Comme une confrontation pour eux, de notre part, de ce qu'ils sont ou ont à être. Bénir quelqu'un du fond du cœur, c'est avoir le pouvoir de focaliser sur lui un faisceau de forces bienveillantes de la création. C'est mettre un ange sur sa route, comme pensaient les Anciens. C'est mettre un peu de notre énergie vitale au service de la sienne. Notre plus haute victoire, c'est qu'au moment où la fatigue, les épreuves et les nuits nous accablent, nous puissions encore tirer de nous la force de bénir la vie que Dieu nous donne à vivre, les êtres qu'il nous donne à aimer, le monde qu'il nous donne à transformer. Que Dieu vous bénisse, Celui qui nous a bénis en son Fils ! » fr. Albert-Marie Besnard op Chronique du couvent Le Cerf, rue des Tanneries ! Les Éditions du Cerf l'avaient annoncé : elles vont quitter leur immeuble du boulevard de La Tour-Maubourg. Après l'avis favorable du Comité d'entreprise, la Direction vient de décider que les Éditions deviendront locataires du couvent Saint-Jacques, occupant son bâtiment dit "Bâtiment H" (ou "de l'Hôtellerie"). Le chapitre conventuel de Saint-Jacques avait donné son plein assentiment à ce projet. Le couvent et les Éditions seront séparés, une nouvelle entrée sur la rue devant être construite à gauche de l'entrée du couvent, vers ce qui ne sera plus la Salle Lacordaire. Les travaux commenceront à la rentrée, l'installation est prévue au printemps 2012. Ainsi, chaque entité demeurant bien distincte, se trouveront regroupés entre la rue de la Glacière et la rue des Tanneries : le couvent, le Cerf, la bibliothèque du Saulchoir, les Archives provinciales, le Centre du Saulchoir, Istina, la Léonine et Le Jour du Seigneur. Ils s'en vont. Les dominicains ne sont pas des moines, qui font vœu de stabilité. Après le fr. Camille de Belloy qui a déjà gagné Lille, trois frères assignés ailleurs vont quitter le couvent au cours de cet été : le fr. Benoît Ente, pour Strasbourg ; le fr. Antoine Lion, pour Bruxelles ; le fr. Olivier Zalmanski, pour Jérusalem. Deux frères, après une année d'études à Saint-Jacques, repartent aussi : Olivier-Thomas Venard et Peter Henrich. D'autres arriveront, que vous découvrirez à la rentrée. Une question : < Le fr. Benoît, ci-contre, est "Promoteur provincial de Justice et Paix". La Province de France compte-t-elle d'autres "Promoteurs" de ce type ? - Oui, et voici leurs fonctions avec le nom des frères en charge : pour la formation permanente (Rémi Cheno), pour les questions de santé et de vieillissement (Xavier Pollart), pour le Rosaire (Hervé Jégou), pour le 8 e centenaire de l'Ordre (Laurent Lemoine), pour les vocations (Éric de Clermont-Tonnerre), pour l'apostolat auprès des jeunes (Benoît Delhaye) et pour l'action numérique (Thibaut du Pontavice). Chacun de ces promoteurs est invité à se choisir un "socius", qui devra être approuvé par le prieur provincial. Horaires d'été. A compter du lundi 11 juillet, la messe du milieu du jour en semaine est à midi. Les autres horaires sont inchangés : chaque jour, messe du matin à 7 h.30, Laudes à 8 h.05, Vêpres à 19 h.30. Le dimanche, messe conventuelle à 11 h. Les veilles de fêtes, office des lectures à 19 h. Portrait d'un frère : Benoît Ente Frère Benoît, qui es-tu ? – Né en 1977 à Roubaix, j'y ai grandi. Je suis passé par une École d'ingénieurs à Lille, l'ICAM. Mes intérêts étaient pourtant ailleurs : je voulais comprendre ce qui ne tournait pas rond dans la société, et puis le cinéma, qui m'était une vraie nourriture spirituelle. La foi, je l'avais reçue de mes parents, mais ce n'était pas central pour moi, même si une retraite au Mont des Cats me fit découvrir la prière monastique. Désirant prendre de la distance, je passai deux ans en coopération dans le service audiovisuel d'un diocèse du Tchad. Pour en revenir j'ai traversé l'Afrique de l'Ouest durant 40 jours tout en lisant le Nouveau Testament. Je me remis à des études de cinéma. Puis je compris qu'il me fallait mener une vie religieuse, dans le désir d'être totalement disponible à Dieu et aux plus pauvres. Ayant lu Timothy Radcliffe et entendu une conférence sur S. Dominique, en 2003 j'ai frappé à la porte du couvent de Lille sans connaître aucun dominicain ! Je me suis retrouvé dans l'Ordre... Et alors ? – Ce furent de joyeuses années. Entrer dans l'intelligence de la foi. Être webmaster de "Retraites dans la ville". Passer huit mois rue de Wattignies. Fonder à Lille un ciné-club. Vivre un an, diacre, à Brazzaville : prédication, enseignement, radio, ciné-club encore ! Au retour en 2009, Saint-Jacques. Je fus ordonné prêtre en 2010. Qu'as-tu fait depuis deux ans ? - Des études à l'Institut de Sciences et de Théologie des Arts, de la Catho, dans une excellente ambiance ; je termine un mémoire sur la réception de la Passion selon Matthieu dans le cinéma. Surtout, à Fleury-Mérogis, un apostolat en maison d'arrêt, suite à la rencontre de la sœur Anne Lécu. J'y comblais mon désir d'être avec les populations les plus pauvres et je fis plein de découvertes. D'abord, dans la mission, une belle collaboration avec des laïcs, image d'une Église d'avenir. Puis le monde difficile de la prison, où se révèlent les failles de la société. C'est aussi un lieu paradoxal de dialogue entre des religions, des cultures : des chrétiens et des musulmans y vivent étroitement ensemble. Quant à un beau projet de mission à Évry, je pense qu'il lui faut encore mûrir. Autre chose, dont tu n'as pas parlé ? – Oui, l'esperanto ! Je ne suis pas doué pour les langues, mais cette langue-là est dix fois plus simple que l'anglais. Je l'ai vite apprise. Elle met tout le monde sur un pied d'égalité, alors que l'anglais avantagera toujours les anglophones de naissance. Elle m'a permis d'extraordinaires rencontres, ainsi à Yalta et à Minsk. Je célèbre à Paris des messes en esperanto et j'aime lire la Bible dans cette langue. Bientôt tu vas quitter Saint-Jacques...–...où j'ai pourtant été fort heureux. A Strasbourg, je serai aumônier d'étudiants et j'apprendrai le métier de réalisateur de films. J'ai aussi été nommé "Promoteur provincial de Justice et Paix". Mes désirs profonds continuent de se réaliser. Coup de cœur "Rembrandt et le visage du Christ", exposition au Musée du Louvre jusqu'au 18 juillet. En 1656, Rembrandt est au bord de la faillite. Faisant l'inventaire de ses œuvres, un greffier mentionne sous le numéro 326 "une tête du Christ d'après nature". Se doutait-il qu'il écrivait là des mots inouïs ? Quelle serait la "nature" permettant de représenter le visage de Celui par lequel Dieu s'est rendu visible à nos yeux ? Cette figuration pouvait-elle ne pas répondre, soit à de stricts canons théologiques, soit aux représentations idéales du corps masculin le plus beau qui soit ? Rembrandt fait vaciller d'un coup la tradition entière. Son idée, aussi simple que géniale, est de s'en tenir au réalisme de l'Incarnation. Jésus fut un homme comme un autre, un juif de son temps. Il paraissait alors évident qu'il y avait un certain "type" physique du juif. Le visage de Jésus était donc de ce "type", toujours présent dans le monde du peintre et facile à connaître vu l'importance de la communauté juive d'Amsterdam. Jésus ressemblait ainsi aux jeunes hommes que le peintre y croisait chaque jour. Il n'était que de s'en inspirer. Quoi de plus simple ? Mais il fallait l'oser. L'exposition Rembrandt du Louvre rassemble ainsi pour la première fois côte à côte plusieurs de ses portraits de jeunes juifs et ses portraits du Christ, en fulgurante continuité. Jamais on n'aura peint Christ qui soit plus humain. Voici quelques années se tenait à Paris une exposition sur l'Amsterdam de Rembrandt. L'un de ces portraits de juifs en était la pièce maîtresse. Face à lui, je remarquai un jeune homme, figé, le fixant avec intensité ; il était juif. Quel dialogue silencieux nouait-il avec son homologue, de 350 ans son aîné? Passant une nouvelle fois, je le revis, toujours immobile, peut-être depuis des heures. Arrive-t-il à un chrétien de se plonger ainsi dans le regard du Christ ? Je n'ai pas su le faire dans le musée du Louvre. L'exposition est bouleversante. Parmi quelques autres chefs-d'œuvre, on y voit le Jésus jardinier de Pâques, si rarement présenté (il est dans un salon de Buckingham Palace). Le visage du Ressuscité et celui de Marie sont encore à demi dans l'ombre de la mort, à demi déjà dans le soleil nouveau qui se lève sur Jérusalem et sur le monde. Prenez garde : si vous passez du temps auprès de telles œuvres, vous n'en sortirez pas indemne. fr. Antoine Lion op, Saint-Jacques Couvent Saint-Jacques, 20 rue des Tanneries, 75013 Paris 01 4408 0700 <[email protected]> <dominicains.fr>