Espagne - Credit Agricole, Etudes Economiques
Transcription
Espagne - Credit Agricole, Etudes Economiques
Apériodique – n°15/62 – 4 mars 2015 Espagne : l’ascension fulgurante de Podemos menace la stabilité politique Le paysage politique espagnol évolue rapidement. La montée en puissance de Podemos, le parti anti-système créé il y a un an par Pablo Iglesias, remet en cause le bipartisme. Résultats des élections législatives de 2011 1,3% Derrière le soutien à Podemos se cache un ras-le-bol vis-à-vis de l’austérité, mais aussi une forte colère contre la corruption qui ronge les deux partis traditionnels, le PSOE (socialistes) et surtout le Partido Popular (PP), formation de droite actuellement au pouvoir. Alors que des élections municipales et législatives se tiendront dans les prochains mois, nous tablons sur une instabilité politique en Espagne. Ni le PP, ni le PSOE ne devraient obtenir la majorité absolue au Congrès des députés, soulevant la question de quelle coalition pourra se former. Podemos ébranle le bipartisme En Espagne, les élections municipales sont prévues en mai et les élections législatives en décembre, à la fin du mandat du Partido Popular, le parti de droite au pouvoir depuis 2011. 4,2% 4,7% 28,7% 6,9% 44,6% 1,1% 1,4% Sièges (total=350): 186; 110; 16; 11; 7; 5; 5; 3 AMAIUR ERC IU PSOE UPyD PNV CiU PP Source: El Pais Comme en témoignent les sondages réalisés ces derniers mois, Podemos a réussi à se hisser au rang de troisième force politique en tout juste un an. Les deux partis historiques, le PP et le PSOE, ne recueilleraient aujourd’hui que 55% des suffrages, contre plus de 75% il y a trois ans. La fin du bipartisme 80% 70% 60% 50% 40% 30% PP+PSOE Autres partis Source: Sondages réalisés par Celeste-Tel Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com 1/15 10/14 7/14 4/14 1/14 10/13 7/13 4/13 1/13 10/12 7/12 4/12 20% 1/12 Depuis l’arrivée d’une nouvelle formation politique baptisée « Podemos » (« Nous pouvons », en espagnol), l’instabilité politique menace. Créé en janvier 2014 par Pablo Iglesias, le parti trouve ses origines dans le mouvement des Indignés. Son positionnement politique est proche du parti grec Syriza : contre l’austérité et contre la corruption de la classe politique. Espagne : L’ascension fulgurante de Podemos menace la stabilité politique Nina DELHOMME [email protected] En février 2015, un sondage réalisé par Metroscopia a révélé que si les élections avaient lieu aujourd’hui, Podemos l’emporterait sur le PP et le PSOE avec 27,7% des voix, contre 20,9% pour le PP (voir graphique ci-dessous). Une autre enquête, menée par le Centre d’études sociologiques (CIS) pour le quotidien El País, a montré que Podemos passerait devant les socialistes, avec 23,9% des suffrages (contre 22,2% pour le PSOE et 27,3% pour le PP). D’autres résultats publiés en juillet et en octobre par le CIS accordaient respectivement 15,3% et 22,5% des votes à Podemos. Sondages de Metroscopia pour El Pais (estimation des résultats) % 50 44,6 40 32,3 27,7 30 30,2 28,2 20 13,8 10,7 27,7 20,9 20,7 20 10 25 19,2 12,2 8,1 0 Elections août-14 2011 oct-14 nov-14 Podemos PSOE UPyD Autres (+votes blancs) Source: Metroscopia Podemos a réussi à se différencier de la gauche traditionnelle grâce à une approche ascendante, rendue possible en s’assurant le soutien de nombreux mouvements de protestation populaire qui ont éclos à travers le pays. Point stratégique capital : le parti a évité de présenter des mesures concrètes, préférant s’appuyer sur les principales revendications du mouvement des Indignés. Il a cependant publié des propositions en mai dernier, adoucies par la suite en novembre, afin de tempérer les critiques à l’égard de l’absence d’un programme économique. Entre autres, Podemos appelle à un audit de la dette publique (avec à l’esprit une restructuration), une augmentation des dépenses publiques, un ajournement des réformes des retraites et du marché du travail, la semaine de 35 heures ou encore une augmentation des taxes sur les plus riches, tout en restant vague sur la question du financement de telles propositions. déc-14 janv-15 févr-15 PP IU/ICV Ciudadanos Le sondage réalisé en février par Metroscopia met également en avant l’émergence d’une quatrième force politique : le parti d’Albert Rivera, « Ciudadanos » (« Citoyens »). Catalan à l’origine, le parti rejette le régionalisme et affiche aujourd’hui des ambitions nationales. Selon le sondage, il obtiendrait 12,2% des voix, contre 8,1% en janvier. Un parti qui prospère sur le rejet de l’austérité et d’un monde politique corrompu Si Podemos a réussi à réunir aussi rapidement un soutien aussi fort, c’est en s’appuyant sur la colère suscitée chez les électeurs par l’austérité et la corruption. Le parti a principalement attiré les électeurs déçus du PSOE, pourtant moins touché par les scandales de corruption que le PP (celui-ci a notamment pâti de « l’affaire Gürtel » – des potsde-vin versés à des responsables locaux du PP à Valence et à Madrid – ou encore de l’affaire du transfert illégal de fonds aux responsables du parti, dont le Premier ministre Mariano Rajoy en personne). Mais la majeure partie des militants de Podemos vient de la gauche ; ce sont pour la plupart d’entre eux d’anciens électeurs du PSOE ou de l’IU (« Izquierda Unida », « Gauche unie »). Les déçus du PP semblent pour leur part plus attirés par le vote Ciudadanos ou bien par l’abstention. Le bouleversement du paysage politique soulève la question des coalitions Un parti qui n’a que douze mois d’existence peut-il conserver ce soutien et le concrétiser par une victoire électorale ? La réponse dépendra de la capacité de Podemos à rester évasif sur son programme et son financement. Le parti devra également gérer ses propres scandales, à commencer par celui qui entoure son n°3, Juan Carlos Monedero, qui fait l’objet d’une enquête pour des impôts non payés sur une somme de 425 000 € versée par les gouvernements du Venezuela, de Bolivie, d’Équateur et du Nicaragua pour des missions de conseil. Par ailleurs, Podemos pourrait perdre des voix au profit de Ciudadanos, un parti encore plus jeune que lui. Quoi qu’il arrive, compte tenu du système politique espagnol de représentation proportionnelle, il est peu probable qu’un parti réussisse à gouverner seul, ce qui soulèvera la question d’une coalition. Il est difficile de dire si Podemos acceptera de s’allier à l’un des partis traditionnels, alors qu’il s’est construit par opposition à eux. Il pourrait décider de n’accepter aucune alliance (comme c’est le cas du Mouvement 5 Étoiles en Italie). Gare aux comparaisons avec Syriza Même s’il existe des ressemblances, Podemos ne saurait être considéré comme un Syriza espagnol. À l’instar du parti hellénique, Podemos a capitalisé sur le mécontentement populaire à l’égard du gouvernement et des mesures lancées au lendemain de la crise. Mais, contrairement à la Grèce, l’Espagne ne fait pas l’objet d’un programme économique sous la houlette de la Troïka (seul le secteur bancaire a reçu une aide financière). Par ailleurs, les vastes N°15/62 – 4 mars 2015 -2 - Espagne : L’ascension fulgurante de Podemos menace la stabilité politique Nina DELHOMME [email protected] réformes structurelles (marché du travail et retraites) et les mesures d’austérité décidées par Madrid ont ouvert la voie à la reprise économique, quand bien même le coût social est élevé (chômage, notamment chez les jeunes). La situation économique des deux pays est également très différente : en 2014, le ratio dette/PIB de l’Espagne ressortait à 98%, contre 175% en Grèce. Et la trajectoire de la dette publique espagnole sur la période 2014-2017 est jugée soutenable selon les critères européens. Enfin, autre différence importante (et potentiellement inquiétante) par rapport à Syriza : Podemos n’a absolument aucune expérience du pouvoir, alors que Syriza siège au Parlement grec depuis 2004. Élections régionales en Catalogne : une autre source potentielle d’instabilité politique ? À l’approche des élections législatives, une attention particulière sera portée aux élections régionales qui se tiendront en Catalogne le 27 septembre. Depuis la crise, le nationalisme catalan monte en puissance, la région étant l’une des plus prospères d’Espagne, tout en étant très endettée. Le président de la région, Artur Mas, a multiplié les provocations, portant les tensions à leur paroxysme en appelant à un référendum consultatif sur l’indépendance de la Catalogne le 9 novembre 2014, sans l’aval du Premier ministre Mariano Rajoy, ni de la Cour constitutionnelle. Compte tenu de l’importance économique et financière de la région pour l’Espagne, nous pensons que le gouvernement central va légèrement modifier le statut constitutionnel de la Catalogne pour apaiser les velléités d’indépendance. Crédit Agricole S.A. — Direction des Études Économiques 12 place des États-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille Rédacteur en chef : Jean-Louis Martin Documentation : Dominique Petit - Statistiques : Robin Mourier Secrétariat de rédaction : Fabienne Pesty Contact: [email protected] Consultez les Études Économiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : application Etudes ECO disponible sur App store Android : application Etudes ECO disponible sur Google store Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. Ni l’information contenue, ni les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient engager la responsabilité du Crédit Agricole S.A. ou de l’une de ses filiales ou d’une Caisse Régionale. Crédit Agricole S.A. ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité de ces opinions comme des sources d’informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces sources d’informations soient réputées fiables. Ni Crédit Agricole S.A., ni une de ses filiales ou une Caisse Régionale, ne s auraient donc engager sa responsabilité au titre de la divulgation ou de l’utilisation des informations contenues dans cette publication. N°15/62 – 4 mars 2015 -3 -