Réalité virtuelle (six-finger illusion) (pdf, 53 Ko)
Transcription
Réalité virtuelle (six-finger illusion) (pdf, 53 Ko)
La recherche en réalité virtuelle, bilan et perspectives La réalité virtuelle c’est quoi ? La « réalité virtuelle » peut prêter à confusion, extrapolation, voire aux fantasmes. C’est d’ailleurs un oxymore, c’est à dire, une expression ambivalente qui contient deux termes opposés sémantiquement, une formule contradictoire et une figure de style, avec des précédents célèbres comme le « silence assourdissant » de Camus ou la « sublime horreur » de Balzac. De fait, la définition de la réalité virtuelle est encore sujette à de nombreux débats et la question est loin d’être tranchée. En particulier, il faut distinguer : les dispositifs de réalité virtuelle (logiciels ou matériels, comme les visiocasques par exemple), l’expérience perceptive ou psychologique vécue par l’utilisateur (et le fameux sentiment de « présence », l’impression d’être « là-bas », dans cet autre univers virtuel) ou encore le domaine scientifique de la réalité virtuelle qui concerne les modèles, les méthodes et les outils relatifs aux deux premiers points et qui est fortement pluridisciplinaire (invoquant notamment l’informatique, la mécatronique, la psychologie, etc). Nous pouvons commencer par CE QUI N’EST PAS de la réalité virtuelle. En particulier : la visualisation d’un film ou d’une vidéo à 360 degrés avec un visiocasque peut-elle être considérée comme une expérience de réalité virtuelle ? NON, regarder ces films n’est pas considéré comme de la réalité virtuelle par les chercheurs, mais plutôt comme un usage possible des visiocasques actuellement commercialisés sous l’appellation « réalité virtuelle ». Il manque en effet à cette configuration plusieurs composants comme principalement, la possibilité d’interagir directement avec le contenu. A part tourner la tête pour modifier son point de vue, l’utilisateur ne peut en effet pas se déplacer, sélectionner ou manipuler des objets, ou déclencher des évènements dans l’environnement et contrôler son évolution. De plus, la réalité virtuelle renvoie d’avantage à un contenu 3D, c’est-à dire à un environnement graphique 3D simulé et synthétisé par un ordinateur en temps réel, et donc pas des images ou une vidéo réelle. Enfin, en réalité virtuelle, le contenu 3D et le plus souvent visualisé en stéréoscopie (ou vision en relief : une image différente est calculée pour chaque œil, tenant compte d’une certaine distance inter-pupillaire), ce qui est rarement le cas avec les films 360. Ainsi, un dispositif de réalité virtuelle implique le plus souvent : un environnement 3D synthétisé en temps-réel par un ordinateur, avec lequel l’utilisateur peut interagir, et dans lequel il peut s’immerger par le biais de retours sensoriels (le plus souvent visuel et stéréoscopique, mais également auditif et/ou haptique c’est-à-dire sur le canal du toucher). A titre informatif, la Réalité Augmentée (RA) diffère de la Réalité Virtuelle par le fait qu’elle implique la visualisation d’une image réelle (le plus souvent l’environnement physique immédiat de l’utilisateur) sur laquelle sont superposés des objets virtuels. La réalité virtuelle est donc uniquement composée d’éléments virtuels, là où la réalité augmentée combine des images réelles avec des éléments synthétiques virtuels. Une difficulté singulière de la réalité augmentée est alors liée à la contrainte de devoir parfaitement positionner ces objets virtuels à l’intérieur les images réelles (on parle de technologies de « tracking » en anglais ou suivi de position). Il existe par ailleurs la notion d’un continuum (voir Figure ci-dessus) entre le virtuel et le réel et donc entre les représentations dans la réalité (environnement réel) et en réalité virtuelle (environnement virtuel) (Continuum de Milgram et Kishino). L’appellation « Réalité Mixte » englobe alors l’ensemble des représentations possibles mêlant éléments réels et virtuels de différentes manières. Historique des dispositifs de Réalité Virtuelle Le tout premier système de réalité virtuelle immersive remonte aux années 50 avec le célèbre et avant-gardiste « SENSORAMA » de Morton Heilig, qui permettait déjà d’afficher des images stéréoscopiques, du son, des odeurs et des effets de mouvement, pour une expérience utilisateur multi-sensorielle. Le premier visiocasque a lui été mis au point et popularisé par Ivan Sutherland dans les années 60, avec un premier brevet datant de 1968. Les concepts, la terminologie, et les fondements scientifiques et technologiques ont ensuite été ensuite posés dans les années 70/80 avec des pionniers, en particulier aux Etats-Unis, comme Jaron Lanier ou Thomas Furness. Les premières commercialisations de visiocasques et de gants de données datent d’ailleurs des années 80 avec notamment les produits de la société américaine VPL. La réalité virtuelle tarde ensuite à s’imposer commercialement et commence par réussir à convaincre de grands groupes industriels comme, par exemple, dans le secteur automobile ou aéronautique, dans les années 90 et 2000. C’est seulement aujourd’hui que des applications de réalité virtuelle abordables et utilisables pour les PMEs ou le grand public sont envisageables. Quelles utilisations de la Réalité Virtuelle aujourd’hui et demain ? La réalité virtuelle présente naturellement un spectre d’applications possibles très étendu. Elle est actuellement utilisée quotidiennement dans plusieurs secteurs comme par exemple l’industrie automobile ou l’aéronautique pour le prototypage virtuel et la simulation d’opérations d’assemblage et de maintenance industrielle, par des grands groupes comme Airbus, Renault, PSA ou Dassault. Elle est utilisée dans le domaine de la construction et de l’aménagement pour la conception et la revue de projets, avec des systèmes accessibles aussi bien pour les grandes entreprises (Saint-Gobain, VINCI) ou pour les PMEs avec des dispositifs mis au point par exemple par la société Realyz pour des plombiers ou des promoteurs immobiliers. Elle est utilisée comme support à la visualisation de données de calcul, par exemple dans le domaine de l’énergie. Elle peut également servir à la formation ou l’enseignement dans de nombreux domaines (apprentissage professionnel, éducation, etc) car elle offre une mise en situation réaliste, parfaitement contrôlée et paramétrable, et dans de bonnes conditions de sécurité. Elle pourrait être très utile dans le domaine médical, pour la simulation chirurgicale ou dentaire, ou encore la rééducation et la réhabilitation. Elle est utilisée et le sera certainement plus encore dans le domaine du divertissement, pour les jeux vidéo ou les parcs à thèmes. Enfin, c’est une source d’inspiration et un moyen d’expression intéressant pour les artistes numériques et la création sous toutes ses formes. La recherche en Réalité Virtuelle à Rennes, chez Inria et ses partenaires La réalité virtuelle est un domaine de recherche très actif dans le monde et en France, et notamment chez Inria et ses partenaires académiques, depuis plusieurs dizaines d’années. Les défis scientifiques posés par la réalité virtuelle sont complexes et variés et ils sont surtout pluridisciplinaires. Ils concernent aussi bien : 1) le matériel, 2) le logiciel, 3) la simulation et la mise au point d’algorithmes temps-réel, 4) l’interaction homme-machine en 3D, ou encore 5) la perception et le facteur humain en environnements virtuels. La France et la Bretagne hébergent à Rennes l’une des activités scientifiques académiques les plus conséquentes et les plus abouties au monde sur le sujet, de par le nombre de chercheurs, d’enseignants-chercheurs et d’ingénieurs impliqués (plus de 50), l’excellence de ses infrastructures (plusieurs salles de réalité virtuelle uniques au monde) et l’excellence des sa production scientifique (nombre record de publications scientifiques sur le sujet dans les meilleures conférences internationales du domaine). La recherche en réalité virtuelle a démarré à Rennes au début des années 90 au Centre Inria et à l’UMR IRISA, avec une équipe pionnière, l’équipe SIAMES dirigée par Bruno Arnaldi (actuellement Professeur à l’INSA de Rennes et membre de l’équipe Hybrid). La recherche académique en RV à Rennes est aujourd’hui conduite au sein de deux équipes de recherche : 1) l’équipe Hybrid portant sur l’interaction 3D et dirigée par Anatole Lécuyer (Directeur de Recherche Inria) (équipe commune Inria, Université de Rennes 1, INSA de Rennes) 2) l’équipe MimeTIC portant sur l’humain virtuel et dirigée par Franck Multon (Professeur à l’Université Rennes 2) (équipe commune Inria, Université Rennes 2, Université Rennes 1, et ENS de Rennes) Des défis scientifiques complexes : Ces deux équipes travaillent sur plusieurs défis scientifiques, l’objectif étant d’améliorer la simulation et l’interaction en réalité virtuelle, avec une approche centrée sur l’utilisateur et les usages de cette technologie : 1. Inventer les concepts et paradigmes de l’interaction 3D : la souris et le clavier marchent très bien en 2D, mais ils ne sont plus adaptés pour interagir en 3D en réalité virtuelle. Il reste donc à inventer les périphériques et les techniques d’interaction dédiées à la 3D et la RV. 2. Simuler des mondes virtuels 3D complexes : il faut pouvoir mettre à jour en temps-réel le monde virtuel qui réagit aux actions de l’utilisateur. Plusieurs problématiques apparaissent à ce niveau-là telles que : o la simulation réaliste d’interactions avec les objets virtuels (simuler des phénomènes physiques complexes comme la fracture par exemple), o l’animation des personnages virtuels autonomes qui peuplent l’environnement (simuler des mouvements réalistes ou des comportements autonomes, simuler des foules virtuelles par exemple), o la scénarisation du monde virtuel (par exemple simuler des procédures complexes dans le cadre de sessions de formation en réalité virtuelle). 3. Concevoir des retours sensoriels immersifs : pour que l’illusion sensorielle de la réalité virtuelle fonctionne et procure la fameuse sensation de « présence », il faut concevoir des retours sensoriels efficaces et temps réel : visuels, mais aussi auditifs, et haptiques (sens du toucher) 4. Modéliser la perception en réalité virtuelle : la perception en réalité virtuelle est souvent biaisée par rapport à la réalité (les distances par exemple sont souvent sousestimées). Il faut comprendre et modéliser ces biais perceptifs pour ensuite mieux dimensionner voire simplifier les systèmes de réalité virtuelle, 5. Imaginer de nouveaux usages impliquant l’immersion des utilisateurs. Il faut faire évoluer les technologies pour prendre en compte les besoins des métiers concernés, et faire évoluer également les pratiques pour intégrer ces nouvelles technologies immersives. On parle par exemple de cyber-archéologie, ou de cyberthérapies.