Le rôle du juriste : gardien du temple ou facilitateur
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Le rôle du juriste : gardien du temple ou facilitateur
mv ae n i lalge e tmeecnhtn & i q us ey s t è m e s d ’ i n f o r m a t i o n droit des marchés financiers Le rôle du juriste : gardien du temple ou facilitateur de business ? Le rôle du juriste est double : il doit, à la fois, participer à la facilitation du business et au contrôle des opérations. De plus, son analyse ne se limite pas au risque de documentation juridique, mais s’étend au risque de contrepartie, de suitability, de réputation et au risque pénal. Quel mode d’organisation adopter pour permettre aux juristes d’émettre des avis en toute indépendance ? Hubert de Vauplane Directeur juridique Calyon, Université Paris II Panthéon-Assas * * Les propos exprimés par l’auteur n’engagent que ce dernier et ne sauraient constituer une opinion de Calyon ou du groupe Crédit Agricole. 84 Revue Banque T els les marins de l’Antiquité qui, à l’approche du détroit de Messine, devaient affronter les monstres marins Charybde et Scylla, le juriste de banque de marchés doit choisir entre deux écueils : celui de la trop grande proximité avec les front offices, et celui d’un trop grand rapprochement avec les back offices. Dans le premier cas, le risque est de voir son rôle consister seulement à mettre en forme juridique les transactions structurées par le front office, sans se poser de questions, le plus important étant que la banque soit protégée en cas de défaut de la contrepartie. S’il approche trop du second écueil, le danger consiste alors à ne voir en lui qu’un “homme de loi”, dont le rôle se limite à dire le droit, sans considération des contraintes liées aux activités commerciales, et souvent sans réelle connaissance des opérations sur lesquelles on l’inn° 704 juillet-août 2008 terroge. Ce sont ces deux obstacles que tout juriste de banque de finance et d’investissement (BFI) doit éviter, même si par le passé, il s’est rapproché tantôt de l’un tantôt de l’autre. Trop proches des métiers Historiquement, les juristes de BFI, et en premier les spécialistes dans les activités de marchés de capitaux, étaient rattachés aux front offices : il y a plus de 20 ans, lorsque sont apparues les premières activités de marchés dans les banques, les juristes en charge de ces activités ont été recrutés directement par les lignes de métiers pour faire partie des équipes de marchés. Plusieurs raisons expliquaient ce choix : tout d’abord, la technicité des opérations de marchés financiers pour lesquelles les membres des directions juridiques de banques n’étaient pas formés, ceux-ci ayant une expertise plutôt dirigée vers les opérations de financement et la banque de détail, y compris sous l’angle contentieux. La deuxième explication tient dans le besoin de confier à des spécialistes le soin de rédiger des contrats pour lesquels, très vite, des standards de place sont intervenus (ISDA, FBF…) et dont la négociation revêtait de nombreux aspects liés au droit, alors que les directions juridiques n’avaient pas l’habitude – et ne souhaitaient pas pour nombre d’entre elles – de rédiger une documentation technique complexe, souvent assimilée par ailleurs à un rôle de “para-legal”, et donc non juridique ; troisième facteur d’explication, le besoin pour les front offices “d’avoir la main” sur le management de ces équipes juridiques, souvent appelées transactions management team ou “service de documentation juridique”, moins d’ailleurs pour contrôler le contenu des avis ou opinions que pour s’assurer d’un mode de fonctionnement en adéquation avec celui en place comprenant toutes les autres fonctions de support des acti-