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ÉCHOS | À LA UNE | GRAND ENTRETIEN | DÉCRYPTAGE | PORTRAIT | MUSIQUE STORY | COULISSES | AGENDA PORTRAIT 17 Bio 2000 Elle coécrit avec Benjamin Biolay La biographie de Luka Philipsen, en hommage à sa grand-mère. 2000 La dream team offre un joli lifting à Henri Salvador. 2005 Nolita, son 4e album, inspiré du célèbre quartier new-yorkais. 2012 Naissance de sa fille Nico. KEREN ANN ÉGÉRIE POP MODERNE Après une longue absence ponctuée par la maternité, Keren Ann prépare un nouvel album pour 2016 et revient en grâce aux Francofolies de La Rochelle. Rendez-vous le 13 juillet. O « CHACUN DE MES ALBUMS EST L’INVENTION D’UN PAYSAGE MUSICAL QUI ME MANQUE, CELUI QUE JE RÊVE D’ENTENDRE AU MOMENT OÙ JE LE COMPOSE. » MAGSACEM # 93 n avait quitté Keren Ann en 2011. Casque blond platine, robe d’ébène, guitare en bandoulière, elle éblouissait La Cigale aux commandes de 101. Ce disque astral, hanté par la disparition de son père, virevoltait entre pop, folk, rock et électro. Un pur ravissement. Et voilà qu’on la retrouve quatre ans plus tard, à l’affiche des Francofolies. En attendant son septième album, début 2016… « Il sera en anglais, ma langue maternelle avec laquelle je peux m’adresser aux membres de ma famille, à l’homme qui partage ma vie, à mon père qui me manque… », dit-elle, jetlaguée par une tournée asiatique. Comme les Smashing Pumpkins, l’artiste néerlandaise utilise la plateforme de crowdfunding Pledge Music pour financer sa nouvelle odyssée musicale. « J’ai développé une relation directe avec mes fans et commencé à enregistrer sans dépendre du label avec lequel je vais choisir de travailler. » Entre-temps, cet électron libre (comme l’air) a franchi le cap de la quarantaine, composé la bande originale du long-métrage Yossi, d’Eytan Fox, et mis au monde une petite Nico. Joli clin d’œil à l’icône en clair-obscur du Velvet Underground – « Sa poésie, son choix de sons, sa voix poignante et son regard ». Racines cosmopolites Voilà presque vingt ans que l’élégante et très discrète Keren Ann lévite en orbite de la planète chanson, et fait voltiger sa pop côté anglo-saxon. Chanteuse céleste, song writeuse polyglotte, compositrice sensible, productrice accomplie, arrangeuse hors pair… Elle a le don d’ubiquité. Une seconde nature, chez cette citoyenne du monde qui gravite entre Paris et Brooklyn. Née en Israël, dans le petit village de Césarée, d’un Israélien d’origine russo-polonaise et d’une Hollandaise d’ascendance indonésienne, elle grandit aux Pays-Bas, avant de débarquer en France pour ses 11 ans. À la maison, c’est « l’amour sans condition » et les vinyles tournent en boucle sur la platine parentale. Bob Dylan, Leonard Cohen, Françoise Hardy, The Carpenters, mais aussi Serge Gainsbourg : « Je connaissais les mots de ses chansons avant même de les comprendre ». La brunette fera ses premières « en écoutant des albums durant des heures, en dissociant les sons, les textures, les instruments et en jouant à la guitare les chansons des autres… » Benjamin Biolay À 18 ans, elle prend enfin son envol musical. « Mon premier groupe s’appelait The Kab. Je me souviens que j’enregistrais mes maquettes sur un quatre-pistes pour les faire écouter à des directeurs artistiques. » En vain. Mais en 1998, sa rencontre avec Benjamin Biolay au sein du trio Shelby va lui ouvrir des portes. « C’était très beau, très pur. Nous avons écrit beaucoup de chansons ensemble », se souvient Keren Ann. Deux ans plus tard, aux côtés du futur pygmalion de la pop française, la muse post-gainsbourienne signe son premier album, La biographie de Luka Philipsen. Il ne manquait plus qu’un coup de génie pour propulser le couple sous les projecteurs. En 2000, contre toute attente, il relancera la carrière d’Henri Salvador avec l’album Chambre avec vue : trois Victoires de la musique et un disque de diamant à la clé. Mais il est déjà temps, pour Keren Ann, de faire juillet-septembre 2015 cavalier seul. « À un moment, il était important, pour chacun de nous, d’écrire des choses plus personnelles », poursuit celle qui envisage ses disques comme « des autobiographies en musique » et pense que « la beauté se trouve dans tout, même dans la difficulté, le regret et le manque ». L’art du songwriting De La Disparition à 101, de Not Going Anywhere à Nolita, sa pop moderne fourmille d’harmonies crève-cœur et d’arrangements solaires hérités de l’Amérique des sixties. Keren Ann écrit à merveille, mais n’a rien d’une chanteuse à textes. Profondément anglophile, elle est de ces rares chanteuses francophones à mettre ses paroles au service de la mélodie, plutôt que l’inverse. Et d’imposer sa voix féline comme instrument à part entière… « C’est probablement lié à cette forte culture de songwriters qui m’a été ancrée depuis l’enfance. Chacun de mes albums est l’invention d’un paysage musical qui me manque, celui que je rêve d’entendre au moment où je le compose. » En marge de ses récits intimes, elle s’est offert une escapade pop avec l’Islandais Barði Jóhannsson (Bang Bang) sous le doux nom de Lady and Bird. Une version contemporaine de Lee Hazlewood et Nancy Sinatra… « Nous avons aussi composé la musique de Red waters, un opéra mis en scène par Arthur Nauzyciel avec une chorégraphie de Damien Jalet, qui va devenir un film d’animation. » Insatiable touche-à-tout, aventurière dans l’âme, artiste sans frontières… Keren Ann ne s’impose aucune limite. C’est sa force, l’essence même de sa créativité. • © DR 16