une première génération de plans de déplacements d`entreprises
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une première génération de plans de déplacements d`entreprises
MOBILITÉ - TRAVAIL Sylvie Mathon 1 UNE PREMIÈRE GÉNÉRATION DE PLANS DE DÉPLACEMENTS D'ENTREPRISES : ENSEIGNEMENTS ET BILAN RÉSUMÉ Le Grenelle de l'environnement de cet automne 2007 a procuré une occasion supplémentaire pour sensibiliser et faire émerger des pistes de progrès pour l'avenir. Dans le cadre des réflexions sur le thème des transports, les plans de déplacements d'entreprises (PDE) ont été à nouveau proposés parmi les actions à mettre en œuvre. L'éventualité d'une obligation a été évoquée ainsi qu'un élargissement des périmètres de pertinence dans le cadre d'une zone plutôt que d'un établissement donné (PDZ). Qu'est-ce qu'un PDE, ses objectifs et ses modalités de mise en oeuvre ? Estce une notion nouvelle ? Quels enseignements tirer des premières expériences en France ? 1 Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement (C.E.T.E) Nord-Picardie. 2 rue de Bruxelles, BP275, 59019 Lille cedex. Sylvie.Mathon@ equipement.gouv.fr La qualité de l'air représente une des préoccupations des politiques de déplacements menées en France depuis une trentaine d'années sous l'impulsion de la loi d'Orientation des Transports Intérieurs (du 30 décembre 1982) dite LOTI. La question est posée depuis longtemps par les experts et dispose d'un cadre législatif de référence. Pourtant, sa prise en compte effective dans les politiques publiques a été plus longue. Il a fallu attendre 1996 pour que la question soit à nouveau reposée par la Loi sur l’Air et 42 - Air Pur N° 73 - Deuxième semestre 2007 l’Utilisation Rationnelle de l’Énergie dite LAURE de 1996 dont l'objectif est « la mise en oeuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ». Elle vient compléter le dispositif législatif initié par la LOTI en rendant obligatoire les Plans de Déplacements Urbains (PDU) aux agglomérations de plus de 100 000 habitants et en précisant leurs objectifs parmi lesquels figure « l'encouragement pour les entreprises et les collectivités publiques à favoriser le transport de leur personnel, notamment par l'utilisation des transports en commun et du covoiturage » (Article 14 de la LAURE). Le terme de Plan de Mobilité n'est pas encore cité en tant que tel, mais l'identification de l'entreprise ou l'administration comme pôle générateur de flux de déplacements est formalisée. En 2000, la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain (SRU) complète les objectifs fixés aux PDU et prévoit en particulier la mise en place de plans de mobilité par les entreprises ou les administrations. La terminologie a évolué vers les Plans de Déplacements d'Entreprises, le terme « mobilité » ayant entraîné une confusion pour les entités économiques : elle renvoyait à la notion de délocalisation des activités. Aujourd'hui, on retrouve sous la même acception, les Plans de Mobilité ou les PDE voire les PDA pour les administrations. Certaines entreprises évoquent quant à elles le terme « Etablissement » qui a l'avantage d'introduire la notion de localisation ou d'implantation. C'est également la terminologie reprise pour qualifier les plans de déplacements menés dans des établissements scolaires (PDES). Une entreprise ou une administration dispose rarement d'une seule implantation. La plupart comporte des localisations différentes entre la fonction de siège, les unités de production, des services déconcentrés, etc. Or, la pertinence d'une approche sur les déplacements générés par l'activité est liée au territoire d'implantation qui conditionne la desserte en transports du site. La possibilité de venir à pied, en vélo ou en transports en commun varie en fonction du tissu urbain ou de la situation géographique de la zone par rapport au centre de l'agglomération. Une seule entreprise peut décliner un PDE dans plusieurs de ses établissements. Chaque PDE sera différent même si des principes communs peuvent être définis comme cadre de référence pour l'Entreprise. Le management de la mobilité est promu depuis une quinzaine d'années par une plate-forme européenne (EPOMM) qui en donne la définition suivante : le management de la mobilité est une « approche qui consiste à agir sur la demande pour influer sur les déplacements quotidiens de personnes et de marchandises ». Au cœur de la logique de management se place l'enjeu d'accompagner le changement par l'implication de partenariats actifs. La dimension comportementale est privilégiée par cette approche en visant à faire évoluer des attitudes et des pratiques de déplacements compatibles avec le développement durable. Dans cet esprit, les PDE sont d'abord et avant tout, des outils promouvant l'information, la sensibilisation, l'encouragement, l'organisation, la coordination, etc. 1 Décret n° 2006-1663 du 22 décembre 2006 A partir des années 2000, les orientations nationales sur les questions environnementales ont repris les démarches de PDE parmi les pistes d'actions à mener pour réduire les effets externes des transports, notamment de la circulation en voiture particulière. Elles s'inscrivent plus largement dans le dispositif de management de la mobilité qui complète les actions menées sur la technologie des véhicules et la réglementation. Les administrations de l'Etat sont particulièrement incitées dans une logique d'exemplarité et de pragmatisme. Il s'agit de montrer l'exemple en s'appliquant à soi-même mais également de procurer des exemples concrets pour construire un état de l'art des pratiques. L'évaluation menée pour le compte de l'ADEME en 2005 montre l'effet d'entraînement d'un PDE sur le déclenchement d'autres PDE dans une même zone géographique (ATEMA et MHC, 2005). Le management de la mobilité où les PDE représentent des approches nouvelles est peu familière pour le monde de l'entreprise (Aguiléra et al., 1995). La mise en place des premiers PDE a représenté des démarches exploratoires et volontaires pour les premières entreprises qui se sont lancées dans l'aventure. Beaucoup hésitent, faute de comprendre ce que recoupe un PDE, ses intérêts et les modalités de sa mise en œuvre. Pour les unes, il s'agit d'un gadget qui passera rapidement de mode et pour d'autres, cela représente un investissement en temps et en argent qu'elles ne sont pas prêtes à consacrer faute de percevoir les gains en retour. Mettre en place un PDE a été (et est encore) perçu comme une démarche coûteuse dont l'entreprise perçoit difficilement les contreparties positives. Mais le contexte sociétal est favorable, les exemples se multiplient et des références méthodologiques sont publiées (ADEME, 2003). Les citoyens et les entreprises sont, par ailleurs, de plus en plus sensibilisés au développement durable. En 2003, la Stratégie Nationale du Développement Durable prévoyait la mise en place d'au moins un PDE pour au moins un établissement administratif par an et par département soit une centaine de PDE par an. En 2004, le Plan Climat augmente l'objectif quantitatif à 500 PDE en 2005. Aucune obligation n'est prévue mais des objectifs généraux sont fixés ce qui permet un suivi. En 2005, la loi d'orientation sur l'énergie4 fixe l'objectif du « Facteur 4 » c'est-à-dire de diviser par 4 des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés d'ici 2050 par rapport aux émissions de 1990 et procure une nouvelle occasion de promouvoir les PDE. Les collectivités locales et les administrations de l'Etat (Préfectures, DDE…) sont de plus en plus nombreuses à initier localement des démarches (Heulot, 2006). En décembre 2006, un décret1 prévoit l'obligation d'un PDE pour les services de l'Etat situés dans les agglomérations de 100 000 habitants d'ici décembre 2008. Il s'agit cette fois d'une obligation réglementaire qui s'impose à un segment de l'administration. La fin de l'année 2007 a été marquée par le Grenelle de l'environnement. Dans le cadre du thème sur la lutte contre les changements climatiques et la maîtrise de l'énergie, il est en particulier prévu d'inciter voire de rendre obligatoires les PDE ou Plan de Déplacements de Zone (zone d'entreprises, site administratif...). Si l'actualité de ces dernières années a été riche pour renouveler les temps de sensibilisation et Air Pur N° 73 - Deuxième semestre 2007 - 43 de réflexion autour des enjeux environnementaux, il n'en demeure pas moins qu'en France, l'émergence des PDE est encore récente, moins d'une décennie. L'état des lieux réalisé en 2005 pour l'ADEME recensait quelques 158 PDE composés pour moitié d'entreprises privées et pour l'autre moitié, d'administrations issues des trois fonctions publiques (Etat, Territoriale et Hospitalière). On peut penser cependant que la période expérimentale était nécessaire à l'amorce d'une phase de maturité et de démultiplication de démarches novatrices. Elle a permis de procurer des exemples concrets et des premiers retours de bilan, de poser un état de l'art et des méthodes. La compétence est en train de se construire au travers de l'offre de prestation des bureaux d'études et de formation au PDE qui se développe2. Cette période pionnière a enfin, permis d'expliciter plus finement l'intérêt que pouvait y trouver les salariés mais également les entreprises. Les PDE sont en passe de devenir un des outils privilégiés du management éco-responsable des entreprises et des administrations. Les prochaines années vont probablement inscrire les PDE dans la durée mais l'édifice reste fragile et les bases demandent à être consolidées. La dimension culturelle est une étape essentielle pour la pérennisation des PDE comme nouveaux leviers de management. Seront abordés dans un premier temps, les éléments dynamiques mais également, les résistances qui demeurent fortes. La mise en place d'un PDE n'est pas une démarche anodine, elle invite à réfléchir à nouveau le rapport qu'entretiennent les salariés et les entreprises à la voiture. 2 Le ministère de l'Écologie a mis en place en 2005, des modules de formation dans le domaine de l'éco-responsabilité à l'attention des administrations. Un des module porte sur la mise en place de PDE. Une première évaluation a été menée en 2007 qui montre la croissance de la demande de formation des administrations dans ce domaine spécifique de l'éco-responsabilité. 3 Circulaire du 25 janvier 2007 relative à l'application du décret n° 2006-1663 du 22 décembre 2006 Parmi les conditions de réussite d'un PDE, on notera en particulier : - la formalisation d'un problème, d'un élément déclencheur. Au-delà des préoccupations environnementales, en quoi l'organisation actuelle des déplacements pose problème aux salariés ? à l'entreprise ? - le choix d'une méthode de projet adaptée à la conduite du changement. I - LES PDE, VERS UNE NOUVELLE CULTURE DU MANAGEMENT D'ENTREPRISE Selon les termes de la circulaire du 25 janvier 20073, « le plan de déplacement est un ensemble de mesures visant à optimiser les déplacements liés aux activités professionnelles en favorisant l'usage des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle. Les déplacements liés aux activités professionnelles concernent les tra- 44 - Air Pur N° 73 - Deuxième semestre 2007 jets domicile-travail mais aussi les déplacements professionnels des collaborateurs et des partenaires de l'Etat ». Initier un PDE revient donc à s'intéresser aux conditions d'accessibilité à l'activité économique pour les salariés (domicile/travail) mais également pour les besoins de l'activité professionnelle (clients, visiteurs, stagiaires, prestataires, livreurs…). Une activité pourrait être plus ou moins accessible au plus grand nombre en fonction qu'on puisse y accéder uniquement en voiture ou en utilisant d'autres modes de transport (à pied, en vélo, en transports en commun….). Jusqu'alors, l'accessibilité en voiture a été privilégiée par les choix d'implantation et d'organisations internes des entreprises. La mise à disposition d'une voiture de service et/ou d'une place de parking aux salariés représente des atouts recherchés. L'empreinte actuelle du développement durable interroge la ville et les pratiques automobiles. Il est probable que dans les années à venir, le critère de multi-modalité représentera un atout qui primera sur la seule accessibilité automobile. Le PDE pourrait permettre d'accompagner cette phase de transition et de prise de conscience par le monde de l'entreprise. II - LE POTENTIEL DES GAINS ATTENDUS Le PDE fait partie de la boîte à outils des démarches de management éco-responsables. Les premières expériences en démontrent les avantages économiques, sociaux et environnementaux (Darbéra, 2003). Du point de vue économique, l'objectif est d'estimer les coûts des transports générés par l'activité pour rechercher les moyens de les diminuer : réduire les coûts directs liés à l'investissement (parc automobile) ou au fonctionnement (locations de places de parking, entretien et consommation énergétique des véhicules…) mais également les coûts indirects en termes de temps passé, de stress et de risque d'accident. La démarche de rationalisation économique permet également de procurer des avantages sociaux. Une entreprise qui augmenterait l'accessibilité de son site aux modes alternatifs à la voiture permettrait à ses salariés d'avoir un choix modal plus large et de permettre à des personnes à la recherche d'un emploi de postuler sans être contraintes par une condition préalable, celle de pouvoir venir en voiture. L'accroissement du choix modal représente un atout pour les individus en leur permettant de réduire leur budget de transport par l'usage d'un mode moins coûteux que l'automobile. Il peut permettre à l'entreprise d'élargir son potentiel de recrutement en s'affranchissant du filtre à l'emploi que pouvait constituer le fait de pouvoir venir ou non en voiture. Il présente également des atouts économiques et sociaux qui participent à l'atteinte des préoccupations environnementales visant à réduire la dépendance automobile pour mettre en œuvre des alternatives (Dupuy, 1999). L'intérêt intrinsèque d'un PDE consisterait surtout dans l'élargissement de l'offre comme condition nécessaire à la rationalisation des déplacements générés par l'activité économique. L'absence d'offre alternative constituerait un surcoût pour l'entreprise. Il n'est pas perçu en tant que tel parce que l'entreprise s'est organisée en conséquence et a accepté d'en payer le prix. Le coût ressenti par la mise en place d'un PDE correspondrait au coût de transition d'une organisation des individus et des entreprises basée sur l'accessibilité automobile à une autre organisation multi-modale mais plus contraignante pour l’usage individuel de la voiture. III - LES FACTEURS DE RÉSISTANCE : LA VALEUR SYMBOLIQUE DE LA VOITURE ET L'EMPREINTE DES ORGANISATIONS Les salariés et les entreprises se sont équipés en voitures pour les déplacements domicile-travail comme pour les déplacements professionnels. Le premier facteur de résistance au changement de paradigme est culturel. « La position hiérarchique est très largement positivement associée à la propension à se déplacer » (Aguiléra et al., 2007), la voiture de fonction et la place de parking réservée sur le lieu du travail demeurent des avantages souvent négociés dans les contrats d'embauche des cadres d'entreprises. Or, une réflexion sur les déplacements pourrait avoir pour effet d'une part, de réduire le nombre de déplacements professionnels et d'autre part, de remettre en cause l'affectation d'une voiture de service. La mise en place d'un PDE peut se heurter à des résistances de la part des cadres dirigeants qui verraient là un risque de perdre des avantages statutaires non négligeables. L'impact d'une nouvelle organisation des déplacements peut également se répercuter sur les organisations familiales des salariés. Certains salariés organisent leur journée de façon à pouvoir conduire leurs enfants à l'école ou aller faire des courses le soir, avant de retourner chez eux par exemple. Pour eux, envisager de changer de transport revient à changer leur organisation familiale. Enfin, une réflexion sur les déplacements professionnels peut déboucher sur une évolution des modalités de travail (télé-travail, etc.) ou des réunions (horaires compatibles avec les arrivées de train, visio-conférence, etc.) qui n'est pas sans conséquence sur le fonctionnement de la structure. IV - UNE DÉMARCHE DE PROJET POUR ACCOMPAGNER LE CHANGEMENT Le PDE est une démarche de projet. Il est essentiel d'en formaliser les objectifs de changement : « Qu'est-ce qu'on cherche à faire changer ? Qu'est-ce qu'on souhaite faire évoluer ? En quoi la situation actuelle ne satisfait-elle plus ? ». La formalisation des objectifs est fondamentale pour donner du sens à l'action et mettre en place les conditions d'une adhésion au projet et d'une dynamique d'entreprise. Le PDE doit servir des objectifs clairs et partagés de tous. A défaut, le PDE risque de passer pour une démarche alibi dont l'objectif d'affichage prime sur les objectifs de fond. V - IDENTIFIER LES ÉLÉMENTS DÉCLENCHEURS Une façon de formaliser des objectifs de changement est d'interroger l'entreprise ou les salariés sur les problèmes qu'ils rencontrent en matière d'accès à l'entreprise ou de déplacements professionnels. Parmi les éléments déclencheurs de PDE, les difficultés de stationnement sont souvent évoquées. C'est le cas du PDE mis en place en 2003 au CETE Nord Picardie : la suppression d'un millier de places de stationnement dans le quartier d'implantation de l'établissement a procuré un élément déterminant pour lancer le PDE (Bodard et al., 2003). Une réorganisation impliquant un changement de lieu de travail pour les salariés, l'extension d'activité qui nécessite de construire des nouveaux locaux en prenant sur des espaces de parkings ou la difficulté de recruter du personnel sont d'autres éléments déclencheurs d'un PDE. Les accidents du travail sont également des sujets auxquels l'entreprise et ses salariés sont sensibles. La Caisse Nationale d'Assurance Maladie estime que 57 % des accidents mortels du travail sont des accidents de trajets, domicile-travail ou professionnels. VI - LE PDE, OUTIL DE MANAGEMENT Les objectifs de changement doivent être portés par la Direction de l'entreprise et être relayés par les services de ressources humaines pour être effectifs : de nombreuses actions proposées dans le cadre d'un PDE nécessitent en effet, l'investissement des responsables des moyens généraux, des chargés de communication et de formation. Il est important que le PDE fasse l'objet Air Pur N° 73 - Deuxième semestre 2007 - 45 d'un suivi et d'une validation des étapes au niveau des instances de direction de l'entreprise. En tant que démarche de projet, la phase de diagnostic du PDE est confiée à un chef de projet garant de la méthode de recueil de données et des modalités d'association des salariés tout au long de la démarche. Dans un premier temps, il est nécessaire d'informer les représentants du personnel pour leur expliquer les objectifs et les étapes de la démarche. Puis, une équipe-projet est constituée, elle peut associer des partenaires extérieurs lors de la présentation aux salariés des enjeux du PDE pour situer l'entreprise dans un cadre plus général. L'ouverture de la démarche aux partenaires extérieurs permet également de mettre en place les conditions d'un partenariat éventuel avec la Ville, l'Autorité Organisatrice des Transports chargée du PDU, l'exploitant de transports en commun, l'ADEME ou d'autres établissements du quartier (autres administrations...). En tant que projet, le PDE prend du temps. Il doit disposer d'une échéance précise, de jalons intermédiaires pour rythmer les étapes. Le chef de projet doit respecter le temps nécessaire à la concertation et la transmission d'information. Le facteur temps est une condition indispensable du changement, il est inhérent à la réflexion. L'état d'esprit dans lequel est lancé le PDE constitue également une condition de réussite importante. Il est question d'aider les individus et la structure à interroger leurs pratiques habituelles de déplacements. Les argumentaires doivent veiller à l'objectivité et se garder de culpabiliser les agents : il s'agit d'amener un raisonnement objectif et non un jugement qui pourrait être perçu comme moralisateur autant que subjectif. L'intelligence de la réflexion collective représente un atout fédérateur pour les individus, elle conditionne leur adhésion au sens du projet même s'il implique pour eux, des changements substantiels de conception des déplacements et de perception automobile. En revanche, une attitude emprunte de partialité voire de militantisme pourrait avoir pour effets de braquer les individus et les structures sur leurs acquis. Pour l'ensemble des raisons évoquées, il est recommandé de privilégier un dispositif participatif de recueil de données ponctué d'actionstest (ex : journée « testons un autre mode de transport pour venir travailler »). Outre l'enquête par questionnaire qui permet de connaître les pratiques, le diagnostic constitue le moment fort de la réflexion du PDE en complétant par des actions qualitatives, le recueil de témoignages et de partage d'expériences, en explicitant les motivations et les contraintes individuelles et collectives. Le recueil de données peut être enrichi par l'organisation d'ateliers de réflexion thématiques, de forum d'expression ou d'idées, de micros-trottoirs, etc. 46 - Air Pur N° 73 - Deuxième semestre 2007 VII - L'ARRIVÉE À MATURITÉ DES PDE : DES PISTES POUR LA RÉFLEXION Les premiers PDE datent aujourd'hui d'une poignée d'années, ils permettent d'avoir un retour sur les actions mises en place et des éléments de bilan. Le bilan des PDE effectué pour le compte de l'ADEME établit une liste d'actions généralement mises en place dans le cadre de PDE (ATEMAMHC, 2005). Il s'agit la plupart du temps, d'actions relevant de la sphère de décision de l'entreprise. La participation de l'employeur aux abonnements de transports en commun des salariés, l'équipement de parkings à vélos ou la mise à disposition de vélos de service deviennent des actions classiques des PDE. L'acquisition de véhicules propres ou la mise en place de navettes entre une gare et l'établissement font également partie des solutions expérimentées. En revanche, certaines actions sont envisagées mais souvent abandonnées : un service de covoiturage, la création de crèches d'entreprise ou encore le télé-travail nécessitent des investissements voire des changements dans les modes de travail (adaptations horaires, modalités de contrôle…) qui dépassent le seul périmètre de l'entreprise pour des questions de rentabilité, de réglementation ou d'organisations compatibles avec d'autres entreprises (clients, autres établissements…). Il est probable que ces actions relèveront d'une deuxième génération de PDE. Les PDE retrouveront également un second souffle grâce aux démarches de management éco-responsables qui se développent dans les entreprises et les administrations. Les bilans Carbone, les formations à l'éco-conduite procureront une nouvelle occasion de faire évoluer les PDE. Mais également les nouveaux services à la mobilité qui se multiplient dans les grandes villes donneront une impulsion nouvelle aux actions menées à l'échelle d'un quartier ou d'une zone d'activités (centrale commune de co-voiturage, station d'auto-partage dans le quartier, services de vélos en libre-service, etc.). VIII - DU BILAN DES ACTIONS À L'ÉVALUATION DES EFFETS : UN BESOIN DE MÉTHODES Les premiers retours d'expériences montrent déjà leurs effets : de nombreux PDE témoignent d'un report modal de la voiture vers d'autres modes qui peuvent être significatifs en fonction de la localisation de l'entreprise et des contraintes de stationnement. Mais l'évaluation reste un champ méthodologique à investiguer. Les retours recueillis sont généralement des bilans d'actions qui témoignent mal des effets sur les comportements et l'évolution des mentalités. En particulier, l'estimation des PDE en termes de gains économiques, sociaux, environnementaux souffre de l'absence de méthodes. La démonstration que les coûts imputés au PDE sont équilibrés voire rentabilisés par les gains obtenus en retour demeure à être effectuée sur des bases objectives. L'arrivée à maturité des méthodes d'évaluation correspondra probablement à la pérennisation des questions de déplacements et de transports dans le management des entreprises et des administrations. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ADEME (2003). Réaliser un Plan de Déplacements Entreprise. ADEME éditions. Octobre 2003, ISBN Réf.4781. Aguiléra A., De Coninck F., Hauchard P. (2007). Le rôle des déplacements professionnels dans les entreprises industrielles multi-établissements. Le cas d'un fournisseur de l'automobile. Revue RTS, 96, pp. 195-205. ATEMA et MHC Conseils (2005). Évaluation nationale des Plans de Déplacements Entreprise. Rapport final ADEME. Juillet 2005. 84 p. Bodard G., Mathon S. (2003). Plan de Déplacements d'Entreprise, le cas du CETE Nord Picardie. Rapport CERTU. Darbéra R. (2003). La gestion des choix de déplacements domicile-travail du personnel au niveau des entreprises : un point de vue économique. In gérer les déplacements du personnel : un nouveau rôle pour l'entreprise. Rapport de la table ronde 121. Paris, OCDE-CEMT., pp. 237-251. Dupuy G. (1999). La dépendance automobile: symptômes, analyses, diagnostic, traitements. Anthropos, Collection Villes, Paris, 160 p. Heulot H. (2006). L'Etat incite ses agents à laisser leur auto au garage. Revue Ville et Transports, 7/06/2006, pp.88-89. L'IMPACT DU PDE : L'EXEMPLE DU CETE NORD PICARDIE Le CETE (Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement) est un bureau d'étude public du ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement Durables. Situé à Lille à proximité du Parc J.B. Lebas, il a initié une démarche de PDE en 2003. Cette expérience a fait l'objet d'un rapport d'étude du CERTU référencée dans la bibliographie. L'exigence d'exemplarité des établissements publics en matière de mobilité douce procurait un contexte favorable à la mise en place de cette démarche : il s'agissait de contribuer à l'état de l'art dans un domaine de compétences du CETE, celui des déplacements urbains. Mais elle n'était pas suffisante pour convaincre la Direction de la pertinence d'une action La Place Jean-Baptiste Lebas à Lille (en 2003). encore méconnue et novatrice. L'élément déclencheur a été l'annonce par la ville de Lille, d'un projet de requalification du Boulevard J.B. Lebas en Parc Urbain et à sa contrepartie : la suppression d'un millier de places de stationnement et l'extension du périmètre payant pour le reste des places. Un bouleversement pour les agents du CETE qui venaient en voiture pour travailler : la plupart stationnaient à cet endroit. En 2003, le projet a été fortement suivi par les 200 agents puisque 98 % ont répondu à l'enquête par questionnaire. Le diagnostic mené de mars à septembre 2003 a constitué un temps fort de la démarche tant en échanges de points de vue qu'en réflexions individuelles et collectives sur les pratiques et les enjeux des déplacements. Des actions ont été mises en place en 2004, 2005 puis 2006. Air Pur N° 73 - Deuxième semestre 2007 - 47