Eléments de corrigé du sujet : quel est l`intérêt de la controverse en

Transcription

Eléments de corrigé du sujet : quel est l`intérêt de la controverse en
El€ments de corrig€ du sujet : quel est l’int€r‚t de la controverse en histoire ?
Pour l’introduction :
Amorce : Le premier document y invite, on peut partir sur l’exemple de l’une des
controverses sur l’histoire de la R€volution franƒaise. Franƒois Furet affirmait que „ la
R€volution franƒaise n’est pas achev€e …. Il entendait par l† non seulement que la R€volution
avait des effets toujours en cours, mais aussi que sa „ m€moire … son exemple €tait bien
vivants et enfin que les questions vives qu’elle avait suscit€ d‡s son €closion se prolongeaient
† travers les vifs d€bats historiographiques sur l’interpr€tation de l’€v‡nement dont lui-m‚me,
Franƒois Furet fut un protagoniste ardents.
Explication du sujet : il faut donner une d€finition du terme „ controverse … et la relier † la
probl€matique du sujet. Une controverse c’est un peu plus qu’un d€bat, les positions y sont
tranch€es et tous les coups y sont permis. On peut aussi rattacher la notion † celle de
„ dispute … au sens oˆ on l’employait dans l’Universit€ m€di€vale et † partir de cette
acception du terme en d€duire une question simple : la controverse est-elle un bon moyen de
faire avancer la recherche et la connaissance ou n’est-elle qu’une faƒon d’affirmer les €go des
historiens et de les perdre dans des arguties scolastiques ? Aucun jury n’admettrait une
r€ponse qui renvoie dos † dos les deux termes de cette alternative il faut choisir le premier et
ne prendre le second que comme l’expression des limites du premier.
Le plan : tout autre plan qu’un plan de controverse serait une injure † l’intelligence du sujet !
On le tourne comme on veut (une grande th‡se une grande antith‡se) mais l’id€al est le
pr€senter en alternant les arguments.
1) La controverse engendre de la passion, „ r€chauffe … les sujets que le temps refroidi.
Le meilleur exemple de sujet „ r€chauff€ … est la Grande Guerre. On peut expliquer un peu la
controverse qui oppose deux „ €coles … :l’une autour du m€morial de P€ronne, l’autre autour
du mus€e du Chemin des Dames, notamment sur la question de l’engagement des poilus et de
la contrainte ainsi que sur le concept de brutalisation (introduit par Georges Mosse et repris
par St€phane Audoin Rouzeau et Anette Becker mais contest€ par Nicolas Offenstadt). [Lire †
ce propos l’excellent ouvrage de Christophe Prochasson, 14-18 Retours d’exp€riences]. Cette
controverse, surgit † la fin des ann€es 90 en France a refait de la premi‡re guerre mondiale un
sujet qui passionne les historiens, les €tudiants et qui d€borde largement des cercles €rudits
(Nicolas Offestadt est particuli‡rement actif dans les colonnes du Monde).
2) La controverse est souvent li€e † la conjoncture
A ce propos, force est de constater que cette controverse est survenue dans un contexte
particulier, celui la disparition des derniers poilus de la Grande Guerre (qui a entra‰n€ une
sorte de fi‡vre comm€morative) d’une part et celui des d€bats de soci€t€s sur la
„ victimisation … (notamment † propos des „ jeunes des banlieues …). Les historiens qui
prennent parti dans la controverse sur la Grande Guerre retrouvent ainsi dans leurs prises de
position sur cette question leurs opinions sur les questions de soci€t€ de leur temps au point
d’instrumentaliser l’Histoire, ou de pr‚ter aux hommes du pass€ des projets, des intentions,
des opinions qui sont celles du pr€sent. On trouve le m‚me type d’instrumentalisation dans la
controverse engag€e autour du r€tablissement de l’esclavage par Napol€on d€nonc€ entre
autre par Claude Ribbe (Napol€on criminel contre l’Humanit€) † l’occasion de la
comm€moration d’Austerlitz. L† encore les deux „ camps … jouaient davantage le d€bat sur la
place des Antillais dans la soci€t€ franƒaise d’aujourd’hui que la discussion scientifique sur
les soubresauts des politiques de traite et de colonisation au d€but du XIXŠ si‡cle [ lire † ce
propos la synth‡se plut‹t nuanc€e d’Anny Jourdan, l’Empire de Napol€on]. Si l’on regarde
les controverses sur l’histoire de la R€volution franƒaise, on y retrouve les conflits politiques
de l’€poque des historiens. Alphonse Aulard et Albert Mathiez au d€but du XXŠ si‡cle,
Franƒois Furet et Albert Soboul au temps de la guerre froide r€glaient leurs comptes
politiques, voire leurs concurrences de carri‡res universitaires, sous pr€texte de controverse
savante !
3) Sans doute, mais dans ces deux cas au-del† de conflits de personne, la controverse obligeait
justement les historiens † sortir de l’illusion de la neutralit€. L’affichage des aprioris des
auteurs est b€n€fique, m‚me s’il ne r€sout pas toutes les questions li€es † la subjectivit€ des
historiens. Il permet cependant mieux comprendre leurs choix, leurs intentions et donc de
prendre de la distance avec ceux-ci. Ainsi conna‰tre l’engagement chr€tien d’Andr€ Vauchez
permet de comprendre certaines des questions qu’il pose et des r€ponses qu’il apporte dans sa
biographie de Franƒois d’Assise, diff€rentes par exemple de celles de Jacques Le Goff. A
l’inverse lorsque l’historien pr€tend † la neutralit€, † l’objectivit€, ne risque-t-il pas de
„ tromper … son lecteur, voir de se tromper lui-m‚me sur sa capacit€ † „ s’en tenir aux faits ….
Je pense par exemple † la belle biographie de Calvin par Yves Krumencker sous-titr€e „ audel† des l€gendes … oˆ l’auteur affiche dans l’introduction son projet d’une biographie
d€livr€e des l€gendes dor€es et noires qui entourent le personnage. Une lecture attentive de
l’ouvrage montre qu’il n’€chappe pas toujours † l’irr€pressible envie de „ juger … les choix de
son personnage † l’aune de ses propres valeurs. Les passages les plus r€ussis de ce livre
passionnant sont justement ceux oˆ l’auteur s’engage dans la controverse avec ses devanciers
sur tel ou tel aspect de l’itin€raire de son personnage. Ceci m’am‡ne † d€velopper un autre
argument : la controverse permet d’affiner les arguments, oblige † pr€ciser la pens€e. C’est
pour „ contrer … les id€es avanc€es par Franƒois Furet qu’Eric Hobsbawm reprend et pr€cise
ses travaux sur la R€volution Franƒaise, qu’il s’int€resse, par exemple, en historien, † la
perception des €v‡nements par les contemporains (qui, selon lui, en ont perƒu le caract‡re
exceptionnel et la force de transformation des soci€t€s que Furet minore). Le document 3
montre aussi que la controverse (ici sur la mort de Napol€on) pousse les historiens † mobiliser
des outils vari€s (expertise m€dicale et chimique en l’occurrence) et finalement † s’interroger
comme le fait Josiane Demeurisse sur le statut de la preuve.
4) Ce doute sur le statut de la preuve en histoire est un des acquis de l’historiographie
contemporaine, la r€flexion sur les sources, sur les archives et sur le rapport des historiens †
l’archive (que m‡ne par exemple avec brio l’€quipe rassembl€e par Philippe Arti‡res autour
du „ dossier Bertrand …) est n€cessaire. Mais parfois elle contribue † faire courir le risque du
relativisme. La prise de distance avec le discours des historiens d’un Hayden White († la suite
de Rolland Barthes notamment) apporte, si l’on n’y prend garde, de l’eau au moulin du
n€gationnisme. Celui-ci se nourrit en effet de faƒon perverse des pr€cautions et des doutes de
l’histoire savante pour mettre en cause des sources et des v€rit€s historiques. Pierre Vidal
Naquet et Carlo Ginzburg ont montr€ comment faire la diff€rence entre une d€marche
d’historien qui interroge et interpr‡te des sources et des faits €tablis, €mettent des hypoth‡ses
et soumettent leurs indices et leurs conclusions † la communaut€ scientifique et la d€marche
d’un Faurisson qui ass‡ne des contre-v€rit€s sur la base de falsification des sources et se
nourri de la pol€mique que ses €crits engendrent. Pierre Vidal Naquet ne peut que constater le
pi‡ge dans lequel la discussion des pr€tendues th‡ses de Faurisson risque de faire tomber les
historiens s€rieux. Et sans aller jusque-l† il est des controverses entre historiens qui s’enlisent
dans la scolastique lorsque les enjeux de pouvoir entre „ €coles … prennent le pas sur la
recherche scientifique collective.
5) Cela arrive, mais dans ce cas la controverse reste confin€e au cercle restreint des
sp€cialistes qui en comprennent les enjeux. La controverse a un dernier int€r‚t c’est le fait
quelle facilite la diffusion du savoir historique. Quand la pol€mique entre Furet Soboul €tait †
son acm€ les ouvrages sur la R€volution se vendaient bien. L’entretien, m‚me artificiel de la
controverse sur la mort de Napol€on €galement. Mais cet argument est, comme les autres
r€versible : la controverse, lorsqu’elle atteint le „ grand publique, prend parfois des accents
qui n’ont plus grand-chose a voir avec la recherche historique d’oˆ elle est partie.