brèves de jurisprudence
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BRÈVES DE JURISPRUDENCE Christine MAUGÜÉ, Conseiller d’État – Chargée d’enseignement à l’Institut d’Études Politiques de Paris – Professeur associé à l’Université de Paris I Rémy SCHWARTZ, Conseiller d’État – Professeur associé à l’Université de Paris I Philippe TERNEYRE, Professeur à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour MARCHÉS PUBLICS JRTA Caen 5 janvier 2010, Société Les Champs Jouault...................................................................................................................295 JRTA Caen 14 janvier 2010, Société Servicarte ..................................................................................................................................295 JRTA Caen 21 janvier 2010, Société ECI .............................................................................................................................................295 CAA Versailles 9 mars 2010, SAS Mutations........................................................................................................................................296 TA Paris 5 mai 2010, Groupe Scutum SAS ..........................................................................................................................................296 JRTA Paris 14 mai 2010, Société SEGAT.............................................................................................................................................296 JRTA Paris 17 mai 2010, Société Eiffage TP........................................................................................................................................295 DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC CE 19 mars 2010, SNC Malortigue ......................................................................................................................................................297 CAA Paris (plénière) 25 mars 2010, Association Paris Jean Bouin....................................................................................................297 CONVENTIONS DOMANIALES ET IMMOBILIÈRES CAA Lyon 16 février 2010, Association cultuelle arabo-islamique de Tournon..................................................................................299 Cass. civ. (3e ch.) 10 mars 2010, Société Le New port c/ Époux Rolando........................................................................................298 TA Paris 12 mars 2010, Société Cybervitrine.......................................................................................................................................298 CONTENTIEUX DES CONTRATS PUBLICS JRTA Caen 5 janvier 2010, Société Les Champs Jouault...................................................................................................................300 JRTA Caen 14 janvier 2010, Société Servicarte ..................................................................................................................................300 JRTA Caen 21 janvier 2010, Société ECI .............................................................................................................................................299 TA Paris 12 mars 2010, Société Aveolis...............................................................................................................................................301 JRTA Lyon 26 mars 2010, Société Chenil Service ..............................................................................................................................300 CE 31 mars 2010, Société European Flight services ..........................................................................................................................300 CE 31 mars 2010, Syndicat mixte de la région d’Auray-Beltz-Quiberon ............................................................................................300 JRTA Lyon 2 avril 2010, Société de distribution d’eau intercommunale ............................................................................................300 JRTA Lyon 6 avril 2010, Société Euroline ............................................................................................................................................299 CAA Douai 27 avril 2010, Cabinet MPC Avocats.................................................................................................................................301 TA Paris 5 mai 2010, Groupe Scutum SAS ..........................................................................................................................................301 TA Paris 5 mai 2010, Société Rebillon Schmit Prevot .........................................................................................................................301 CJUE 6 mai 2010, Club hôtel Loutraki AE c/ Ethnico Symvoulio Radiotileorasis ..............................................................................299 JRTA Paris 14 mai 2010, Société SEGAT.............................................................................................................................................300 294 B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 7 1 BRÈVES DE JURISPRUDENCE MARCHÉS PUBLICS PASSATION société Léon Grosse était recevable et n’aurait pu être légalement écartée. JRTA 17 mai 2010, Société Eiffage TP, req. n° 1007722. Sélection des candidatures et des offres – Sélection des candidats – Avis prévoyant seulement un nombre minimum de candidats – Pouvoir adjudicateur retenant un nombre maximum de candidats – Manquement. Le juge du référé précontractuel a annulé la procédure de passation par la commune du Mesnil Auzouf d’un marché de maîtrise d’œuvre en retenant un manquement au stade de la sélection des candidatures. La commune avait indiqué dans l’avis d’appel public à concurrence qu’au stade de la sélection des candidatures un nombre minimum de trois candidats serait admis à présenter une offre. Or, le juge des référés a relevé que la commune avait interprété l’avis comme lui imposant de ne retenir que trois candidatures, contrairement à la lettre même de l’avis. Ce faisant, saisi par une entreprise dont la candidature avait été rejetée au motif qu’elle était arrivée quatrième sur sept, le juge des référés a relevé un manquement affectant la régularité de la procédure au détriment de cette entreprise privée de la possibilité de présenter son offre. Soit la commune s’était trompée dans la lecture de l’avis en transformant un « nombre minimum » de candidats admis à présenter une offre en un nombre maximum ; soit elle avait retenu une règle de sélection des candidatures que les candidats ignoraient. Sélection des candidatures et des offres – Sélection des offres – Offre retenue ne correspondant pas aux prescriptions du cahier des charges – Manquement affectant la régularité de la procédure. La Région Basse-Normandie a lancé une procédure de passation d’un marché portant sur le nettoyage de vêtements de travail et de linge et la fourniture de cartes de nettoyage. Il s’agissait d’un marché à bons de commande prévu pour trois ans. Saisi par un concurrent évincé suite au choix de la société 5 à sec, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a annulé la procédure au motif que l’offre retenue ne respectait pas une des spécifications du cahier des charges et que cette « non-conformité porte sur un élément suffisamment substantiel pour faire obstacle à ce que la société 5 à sec soit désignée comme attributaire du marché ». Le juge a relevé que les cartes de paiement prépayées, par trimestre, proposées par l’attributaire ne permettaient le report de points que sur l’année civile alors que le marché était prévu sur trois ans. Il en a déduit que cette offre n’était pas conforme aux prescriptions du cahier des charges et que le manquement, de nature à léser le concurrent évincé requérant, conduisait à l’annulation de la procédure. JRTA Caen 21 janvier 2010, Société ECI, req. n° 1000016. Sélection des candidatures et des offres – Sélection des candidats – Candidat ne disposant pas en propre d’un savoirfaire pour mettre en œuvre une technologie – Candidature recevable. Le marché de démolition et de reconstruction du stade Jean Bouin à Paris a attiré les principaux acteurs du bâtiment. Le lot n° 2 relatif à la couverture et à la charpente a été attribué à la société Léon Grosse. Un concurrent, le groupe Eiffage, a contesté la procédure de passation de ce lot devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Le cœur du litige venait de la technologie retenue par la ville pour la toiture : « le béton fibré à ultra-hautes performances ». Or, le groupe Eiffage a développé une spécialité dans ce domaine et soutenait que la société Léon Grosse n’avait aucun savoir-faire ni expérience en ce domaine et qu’elle ne présentait pas sa candidature en compagnie d’un des rares sous-traitants spécialisés. Le juge des référés a relevé qu’aucune exigence n’était, sur ce point, prévue par le règlement de la consultation et que d’ailleurs, il n’aurait pu poser une telle spécification technique sans restreindre anormalement l’accès au marché. Il résultait de l’instruction, notamment de l’audience de référé au cours de laquelle les experts des parties se sont exprimés, que la société Léon Grosse, « ensemblier », pouvait faire appel à un fournisseur disposant du savoir-faire nécessaire. Le juge des référés a donc jugé que la candidature de la JRTA Caen 14 janvier 2010, Société Servicarte, req. n° 0902789. Sélection des candidatures et des offres – Sélection des offres – Critères de sélection – Indications des modalités de mise en œuvre des critères de sélection – Absence s’agissant du critère de « qualité environnemental » pondéré à hauteur de 30 % – Irrégularité – Annulation de la procédure. Depuis l’arrêt de Section du Conseil d’État ANPE (CE 30 janvier 2009 : BJCP n° 64, juin 2009, p. 201, concl. B. Dacosta) longuement commenté dans cette revue, la jurisprudence est claire. Pour un marché à procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur doit informer les candidats des critères de sélection des offres. Et si le pouvoir adjudicateur décide de retenir plusieurs critères, il doit également porter à leur connaissance leurs modalités de mise en œuvre. Le juge des référés du tribunal administratif de Caen a annulé la procédure de passation du marché de traitement des ordures ménagères résiduelles lancée par la communauté de communes du canton de Saint-Pois en faisant application de cette jurisprudence. Le pouvoir adjudicateur avait retenu comme critère de sélection pondéré à hauteur de 30 % la « qualité environnementale ». Le cahier des charges donnait des indications sur les conditions d’exécution du marché mais aucune précision n’avait été apportée quant aux modalités de mise en œuvre de ce critère ainsi pondéré. Le juge a relevé un manquement ayant été de nature à léser le concurrent évincé requérant. JRTA Caen 5 janvier 2010, Société Les Champs Jouault, req. n° 0902741. B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 7 1 295 BRÈVES DE JURISPRUDENCE Sélection des candidatures et des offres – Sélection des offres – Irrégularités affectant la procédure de passation du marché – Irrégularités n’affectant pas de nullité le contrat signé – Rejet des conclusions à fin d’annulation du contrat présentées par un concurrent évincé. Le tribunal administratif de Paris a fait une application fort intéressante de la jurisprudence Tropic Travaux du Conseil d’État admettant qu’un concurrent évincé puisse saisir le juge du contrat d’une demande d’annulation d’un contrat. Une société, dont l’offre avait été rejetée, a ainsi fait un recours contre le marché conclu par l’État pour la télésurveillance de sites de la direction générale de la comptabilité publique et de la direction générale des impôts. Le tribunal a rejeté ce recours en annulation. L’intérêt du jugement réside dans ce que le juge a relevé l’existence de plusieurs irrégularités qui, néanmoins, ont été regardées comme n’étant pas de nature à justifier l’annulation du marché. Le tribunal a tout d’abord écarté des irrégularités vénielles concernant le contenu de l’avis d’appel public à concurrence et donc les informations données en amont aux candidats : l’avis de publicité ne mentionnait pas les informations exigées par la réglementation communautaire, d’une part, sur les « voies et procédures de recours » et, d’autre part, s’agissant d’un accord-cadre, sur l’intention du ministre de conclure le marché avec un opérateur unique ou des opérateurs multiples. Ces deux omissions dans l’avis d’appel public à concurrence n’avaient pas eu d’incidence sur le choix du cocontractant et n’affectaient pas la légalité de ce marché. Plus sérieusement, une erreur importante avait affecté la procédure : l’avis d’appel public à concurrence indiquait que l’offre économiquement la plus avantageuse serait appréciée au regard de huit critères techniques. Or, le règlement de consultation avait posé une règle de sélection différente : les offres étaient appréciées en fonction du prix pour 40 % et de la valeur technique pour 60 %, appréciée elle-même selon les huit critères énumérés dans l’avis. L’erreur était importante. Mais le juge du contrat a relevé « que toutefois, il est constant que tous les candidats ont été informés en temps utile des critères figurant dans le règlement de consultation, incluant le prix, et que l’erreur commise dans l’avis d’appel public à la concurrence n’a pu avoir d’incidence sur les conditions de présentation des offres ; que par suite, le manquement litigieux, pour regrettable qu’il soit, n’est pas de nature à ce stade à entraîner l’annulation du marché ». Enfin, le tribunal a relevé que le non-respect du délai de dix jours imposé au pouvoir adjudicateur par l’article 80 du code des marchés publics entre la notification aux candidats du rejet de leurs offres et la signature du marché, n’avait pas été « de nature à compromettre les chances du soumissionnaire d’obtenir le marché ». Le tribunal a donc rejeté les conclusions à fin d’annulation du contrat par un jugement plus intéressant par les moyens qu’il relève comme fondés que par ceux qu’il écarte comme infondés. nant pour le critère du prix des résultats aberrants – Pouvoir adjudicateur contraint de ne faire jouer que le critère de la valeur technique – Irrégularité. L’affaire dont était saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris, concernant une procédure de passation d’un marché de prestations de services lancée par le syndicat des eaux d’Ile-de-France, ne pouvait que conduire à une impasse : le syndicat était conduit à retenir une offre en s’écartant de ses critères de sélection et le juge ne pouvait, en conséquence, qu’annuler la procédure. La sélection des offres devait se faire au regard du prix et de la valeur technique des offres. Or, la méthode de notation retenue s’est révélée donner des résultats aberrants. Une entreprise avait déposé une offre dont le prix était certainement prédateur en termes de concurrence, mais dont l’offre ne pouvait être rejetée comme anormalement basse faute de remplir les conditions posées par l’article 55 du code des marchés publics. Ce prix anormal conduisait l’entreprise l’ayant proposé à obtenir la note de 20/20 pour le critère du prix alors que les trois autres offres avaient obtenu 0/20, compte tenu d’une méthode de notation retenue qui n’avait pas pris en considération une telle hypothèse d’un prix anormal. Cette méthode de notation avait en conséquence donné, selon des termes du juge des référés, « des résultats imprévisibles ». Compte tenu de ces résultats, le syndicat des eaux d’Ile-deFrance a de facto neutralisé le critère du prix et ne s’est fondé en réalité que sur le seul critère de la valeur technique pour attribuer le marché. Ce faisant, le juge des référés n’a pu que relever un manquement aux règles de mise en concurrence et annulé, compte tenu de la nature du manquement, la procédure de passation. JRTA Paris 14 mai 2010, Société SEGAT, req. n° 1007774. EXÉCUTION Résiliation du contrat – Légalité au fond – Fautes de la commune – Conséquences – Absence de droit à indemnités. La commune d’Épinay-sous-Senart avait confié à une société une mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour la constitution et la rédaction d’un dossier à remettre à l’Agence nationale de réhabilitation urbaine en vue d’obtenir des financements. La commune a résilié le marché ainsi conclu au motif tiré de ce que la société n’avait pas respecté ses obligations contractuelles. Saisi d’une demande d’indemnisation par la société, le juge l’a rejeté au fond, considérant la résiliation fondée. Il a relevé que le dossier remis à l’Agence n’était pas conforme aux spécifications du marché. CAA Versailles 9 mars 2010, SAS Mutations, req. n° 07VE00725. TA Paris 5 mai 2010, Groupe Scutum SAS, req. n° 0816556/3-2. Sélection des candidatures et des offres – Sélection des offres – Critères de sélection – Méthode de notation don- 296 B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 7 1 BRÈVES DE JURISPRUDENCE DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC NOTION Distinction entre convention domaniale et convention portant délégation de service public – Cas du stade Jean Bouin. La reconstruction du stade Jean Bouin débouche sur un différend entre le Conseil d’État et la cour administrative d’appel de Paris, même si le premier ne s’est prononcé qu’au stade du sursis à exécution et la seconde au fond. Mais il est clair que les analyses sont antagonistes et on peut se demander si le Conseil d’État, saisi d’un second pourvoi dirigé cette fois sur la décision rendue au fond par la cour, se déjugera… (voir CE 13 janvier 2010, Association Paris Jean Bouin, ville de Paris, req. nos 329576 et 329625 : BJCP n° 69, avril 2010, p. 115). Il convient de rappeler que le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 21 mars 2009, Société Paris Tennis, a annulé la décision du maire de Paris de signer le 11 août 2004 avec l’association Paris Jean Bouin une convention portant occupation pour vingt ans des dépendances du domaine public communal constituées principalement par le site du stade Jean Bouin et des terrains de tennis. Le tribunal a estimé que cette convention était en réalité une délégation de service public. La cour administrative d’appel de Paris avait rejeté la demande de sursis à exécution de ce jugement. Le Conseil d’État a cependant annulé cet arrêt et a qualifié de sérieux le moyen d’appel « tiré de ce que la convention en date du 11 août 2004 ne pouvait être qualifiée de délégation de service public » (CE 13 janvier 2010, Association Paris Jean Bouin, req. n° 329576). Les doutes exprimés par le Conseil d’État sur une telle qualification l’ont donc conduit à censurer la cour. Mais la cour, en formation plénière, s’est « rebellée » et a confirmé au fond la solution retenue par le tribunal administratif, relevant l’existence d’une délégation de service public. La jurisprudence en ce domaine a été récemment précisée par le Conseil d’État dans son arrêt de Section du 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés. Lorsque n’est pas en cause l’exercice de prérogatives de puissance publique, une personne privée doit être regardée « dans le silence de la loi, comme exerçant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées, ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission ». Il faut donc qu’il y ait mission d’intérêt général et que l’administration fixe des objectifs à son cocontractant et en contrôle effectivement la réalisation. Pour pouvoir affirmer que la convention portant reconstruction du stade Jean Bouin est une délégation de service public, la cour est allée plus loin que l’arrêt de Section du Conseil d’État du 22 février 2007 en voulant appréhender non seule ment la convention « mais également l’ensemble des relations organiques ou fonctionnelles nouées entre cette personne et la collectivité propriétaire des équipements concédés, avant, pendant et après sa conclusion ». La cour a considéré que le programme de reconstruction excédait la satisfaction des besoins propres du cocontractant, notamment en raison des contraintes imposées au profit du club de rugby du Stade français. La cour s’est aussi fondée sur les conventions annuelles d’objectifs prévues avec le cocontractant, témoignant selon elle de la volonté de la ville de Paris de garder un contrôle sur ses activités et de ce qu’il ressortait des pièces du dossier le maintien d’une obligation « de mise à disposition d’installations au profit de scolaires ». La position de la cour conduirait ainsi à requalifier nombre de conventions domaniales en délégations de service public dès lors que la personne publique fixe des obligations à son cocontractant, s’inscrivant dans le cadre de ses orientations. Et, en l’espèce, y a-t-il vraiment un service public qui serait essentiellement celui du rugby ? Car, la finalité du nouveau stade Jean Bouin est avant tout d’accueillir l’équipe de rugby du Stade français, comme nombre de stades construits sur le domaine communal ont vocation à accueillir en province des équipes de football ou de rugby. Cependant, la question de droit posée par cette affaire, si le Conseil venait à censurer une nouvelle fois la cour, est celle de l’absence de mise en concurrence des conventions domaniales. Aujourd’hui, la jurisprudence est solidement établie : les conventions domaniales n’ont pas à être soumises à publicité et mise en concurrence. Ne faudrait-il pas faire évoluer la jurisprudence pour les conventions domaniales ayant une véritable portée économique ? Ce sera sans doute la question principale posée par cette affaire au Conseil d’État dès lors que les requérants avaient soulevé le moyen devant les juges du fond. CAA Paris plénière 25 mars 2010, Association Paris Jean Bouin, req. n° 09PA01920. EXÉCUTION Résiliation – Résiliation comme conséquence de l’absence de renouvellement d’une autorisation administrative – Légalité – Cas d’un casino municipal. La commune d’Amélie-les-Bains avait conclu avec la SNC Malortigue deux conventions, l’une portant délégation du « service public d’animation développé autour du casino municipal », la seconde relative à « l’exploitation des jeux du casino municipal ». Or, le ministre de l’Intérieur avait refusé de renouveler l’autorisation requise par la loi du 15 juin 1997 dont était titulaire la SNC Malortigue pour exploiter les jeux. En conséquence, la commune a décidé de résilier la première de ces deux conventions relative au « service public d’animation développé autour du casino municipal ». La société a alors B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 7 1 297 BRÈVES DE JURISPRUDENCE demandé une indemnisation au titre du préjudice né de cette résiliation. Le Conseil d’État a estimé que la cour administrative d’appel de Marseille, qui avait confirmé le rejet de cette demande indemnitaire, n’avait pas dénaturé la commune intention des parties en jugeant que les deux conventions formaient un ensemble indivisible et que les parties avaient nécessairement institué une clause de résiliation de plein droit des deux conventions dans le cas où le délégataire cesserait d’être titulaire de l’autorisation ministérielle requise pour exploiter les jeux. La résiliation trouvait son origine dans cette perte de l’autorisation ministérielle. Il s’agissait donc d’une résiliation de plein droit consécutive à la perte de l’autorisation administrative. Il ne s’agissait pas d’une résiliation pour motif d’intérêt général ouvrant droit à une indemnisation. Le Conseil a en conséquence jugé que la cour n’avait pas commis d’erreur de droit en rejetant la demande indemnitaire de l’ancien délégataire. CE 19 mars 2010, SNC Malortigue, req. n° 306192. CONVENTIONS DOMANIALES ET IMMOBILIÈRES DOMAINE PUBLIC Principe généraux – Impossibilité de conclure des baux commerciaux sur le domaine public. La 3e chambre civile de la Cour de cassation vient de rappeler la jurisprudence fermement établie : il est impossible de conclure des baux commerciaux sur le domaine public. Les parties ne peuvent choisir de soumettre leurs relations locatives au statut des baux commerciaux lorsqu’elles portent sur des biens appartenant au domaine public (voir Cass. (3e civ.) 20 décembre 2000 : Bull. civ. III, n° 194). En l’espèce, il s’agissait d’un bail commercial ainsi illégalement conclu entre un occupant du domaine public maritime et un commerçant. Cass. civ. (3e ch.) 10 mars 2010, Société Le New port c/ Époux Rolando, n° 09-12.74. Passation – Publicité et mise en concurrence – Existence – Convention ayant pour objet la valorisation du domaine, de fournir une prestation répondant aux besoins définis par la personne publique et susceptible, compte tenu de ses caractéristiques, d’intéresser des opérateurs économiques implantés sur le territoire d’autres États membres de l’Union européenne, en raison notamment de la valeur estimée, en liaison avec sa technicité, ou de sa localisation. La question de la mise en concurrence des conventions d’occupation du domaine public est de nouveau posée et le Conseil d’État y sera très prochainement confronté (voir cidessus Délégations de service public – Notion – CAA Paris 25 mars 2010, Association Paris Jean Bouin). C’est le contrat par lequel la ville de Paris a autorisé une société à mettre à disposition des usagers des photocopieurs et cabines photographiques dans les mairies d’arrondissement et dans un centre administratif qui en est la cause. Ce contrat n’est pas un marché public dès lors qu’il n’est pas conclu à titre onéreux par la ville : ce sont les usagers qui paient les prestations. Et ce contrat ne porte pas délégation de service public. L’opérateur, moyennant redevance, met à disposition des usagers ses appareils comme le font les distributeurs de boissons. Un tel contrat d’occupation doma 298 niale n’a pas à être soumis, en l’état de la jurisprudence, à une mise en concurrence. Mais le tribunal administratif de Paris en a profité pour poser un principe : une convention ayant pour objet la valorisation du domaine, de fournir une prestation répondant aux besoins définis par la personne publique et susceptible, compte tenu de ses caractéristiques, d’intéresser des opérateurs économiques implantés sur le territoire d’autres États membres de l’Union européenne, en raison notamment de la valeur estimée, en liaison avec sa technicité, ou de sa localisation, doit être soumis à concurrence compte tenu de l’obligation communautaire de transparence. Le tribunal est allé loin dans l’application du droit communautaire. N’est pas en cause une commande publique mais un besoin défini par la personne publique. Et après avoir posé ce principe, le tribunal n’en a pas fait application, relevant qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que ce contrat était susceptible d’intéresser des opérateurs économiques implantés sur le territoire d’autres États membres de l’Union européenne. Le jugement du tribunal administratif est également intéressant en ce qui concerne la théorie des contrats administratifs. Il a estimé que la clause du contrat qui permettait à la ville d’approuver les tarifs du cocontractant était entachée d’illégalité et avait vicié dans sa totalité l’acte par lequel la ville a décidé de signer la convention. Il en a déduit la nullité du contrat et enjoint à la ville d’en obtenir la résolution ou de saisir le juge du contrat à cette fin. Cette solution prêtera clairement à discussion. La clause est bien évidemment exorbitante du droit commun, comme toutes les clauses qui font de tels contrats des contrats administratifs. Or, le tribunal a relevé son illégalité au motif qu’« elle limite nécessairement la capacité du concessionnaire de fixer librement ses prix et de participer pleinement au jeu de l’offre et de la demande sur le marché ». Mais n’est-ce pas plus ou moins le propre d’une clause exorbitante du droit commun et donc de bon nombre de contrats administratifs ? Par nature, la clause exorbitante du droit commun enfreint au droit commun parmi lequel est le droit de la concurrence. Sur ce point aussi le tribunal a innové, mettant en question la jurisprudence traditionnelle. TA Paris 12 mars 2010, Société Cybervitrine, req. n° 0714060/6-1. B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 7 1 BRÈVES DE JURISPRUDENCE DOMAINE PRIVÉ Bail emphytéotique – Bail conclu pour la construction d’un centre cultuel – Loyer annuel d’un euro – Illégalité – Violation du principe de l’interdiction de subventionner un culte (article 2 de la loi du 9 décembre 1905). La loi du 9 décembre 1905 interdit en son article 2 toute subvention au culte. Les seules exceptions à cet interdit sont posées par la loi, les plus importantes concernant bien évidemment le financement des écoles religieuses. Mais hors prévisions de la loi, l’interdit posé par l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 ne permet pas d’apporter des concours financiers directs ou indirects aux cultes. C’est pour ce motif que la cour administrative d’appel de Lyon a jugé illégal le bail emphytéotique conclu par la ville de Tournon avec une association en vue de la construction d’un centre cultuel dès lors que le loyer annuel prévu était d’un euro. Ce prix constituait manifestement une libéralité qui, en l’absence de contrepartie, était d’ailleurs en soi illégale, sans même qu’il soit nécessaire de se fonder sur l’interdit posé par la loi du 9 décembre 1905. L’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 21 avril 2006, postérieure à la décision attaquée, s’il autorise maintenant clairement la passation de baux emphytéotiques administratifs « en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public », ne permet pas plus de telles libéralités ou de méconnaissance de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905. Un bail emphytéotique pour la construction d’un édifice cultuel doit être conclu au prix du « marché » ou au prix réel. CAA Lyon 16 février 2010, Association cultuelle arabo-islamique de Tournon, req. n° 08LY01769. CONTENTIEUX DES CONTRATS PUBLICS DROIT COMMUNAUTAIRE Champ d’application de la directive Recours – Cas de contrats mixtes. Pour déterminer le droit applicable, la Cour de justice de l’Union européenne recherche l’objet principal du contrat. C’est ce dernier qui détermine les règles applicables. Au cas particulier, était en question l’applicabilité de la « directive Recours » pour un contrat mixte dont l’objet principal était l’acquisition par une entreprise de 49 % du capital d’une entreprise publique et l’objet accessoire portait sur la fourniture de services et l’exécution de travaux. L’applicabilité de la directive Recours dépendait de la qualification du contrat en contrat de prestations de services relevant de la directive service 92/50/CE ou contrat de travaux publics relevant de la directive Travaux 93/37/CE. Pris dans son ensemble, compte tenu de son objet principal tenant en la cession d’une part du capital d’une entreprise publique, le contrat n’était pas qualifiable de marché public. En conséquence, il n’était pas dans le champ de la directive Recours. CJUE 6 mai 2010, Club hôtel Loutraki AE c/ Ethnico Symvoulio Radiotileorasis, aff. C -145/08. et selon les mêmes modalités que le dépôt de ce recours (art. R. 551-1). Pour une des premières applications du nouvel article R. 551-1, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a fait preuve de sévérité. Aux termes de l’article R. 551-1 du code de justice administrative : « Le représentant de l’État ou l’auteur du recours est tenu de notifier son recours au pouvoir adjudicateur. Cette notification doit être faite en même temps que le dépôt du recours et selon les mêmes modalités. Elle est réputée accomplie à la date de réception par le pouvoir adjudicateur ». Il ressortait du dossier, notamment de la preuve du dépôt d’une lettre avec accusé de réception produite par la société requérante, que sa requête avait été enregistrée au greffe du tribunal le 30 mars mais n’avait été adressée au pouvoir adjudicateur que le 1er avril. Le juge a fait une application littérale de l’article R. 551-1 et en a tiré des conclusions drastiques : la notification du recours au pouvoir adjudicateur n’ayant pas été faite en même temps que le dépôt de ce recours au tribunal, c’est-à-dire ayant été faite en l’espèce deux jours après, il a rejeté comme manifestement irrecevable la demande de la société tendant à l’annulation de la procédure lancée par la communauté urbaine de Lyon en vue de la passation d’un marché de mobilier de bureau. JRTA Lyon 6 avril 2010, Société Euroline, req. n° 1001922. PROCÉDURE D’URGENCE RÉFÉRÉ PRÉCONTRACTUEL (ART. DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) L. 551-1 DU CODE Recevabilité – Absence – Méconnaissance de l’obligation de notifier au pouvoir adjudicateur le recours en même temps Manquement susceptible de léser le requérant – Existence – Avis prévoyant seulement un nombre minimum de candidats – Pouvoir adjudicateur retenant un nombre maximum de candidats. Voir ci-dessus, Marchés Publics – Passation, p. 295. JRTA Caen 21 janvier 2010, Société ECI, req. n° 1000016. B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 7 1 299 BRÈVES DE JURISPRUDENCE – Offre retenue ne correspondant pas aux prescriptions du cahier des charges. Voir ci-dessus, Marchés Publics – Passation, p. 295. JRTA Caen 14 janvier 2010, Société Servicarte, req. n° 0902789. – Indications des modalités de mise en œuvre des critères de sélection – Absence s’agissant du critère de « qualité environnemental » pondéré à hauteur de 30 %. Voir ci-dessus, Marchés Publics – Passation, p. 295. JRTA Caen 5 janvier 2010, Société Les Champs Jouault, req. n° 0902741. – Méthode de notation donnant pour le critère du prix des résultats aberrants – Pouvoir adjudicateur contraint de ne faire jouer que le critère de la valeur technique – Irrégularité. Voir ci-dessus, Marchés Publics – Passation, p. 296. JRTA Paris 14 mai 2010, Société SEGAT, req. n° 1007774. Manquement susceptible de léser le requérant – Absence – Exigences posées par le règlement de la consultation « objectivement rendues nécessaires par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser ». Le juge du référé précontractuel est conduit à vérifier que les exigences posées par le règlement de la consultation sont « objectivement rendues nécessaires par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser ». Statuant en référé après cassation de l’ordonnance du premier juge annulant la procédure de passation du marché, le Conseil d’État a estimé que tel était le cas des exigences posées par un syndicat mixte pour le marché de gestion et d’exploitation de déchetteries. Le syndicat avait exigé des candidats de fournir un nombre minimal de 55 bennes pour les 5 sites concernés, soit 38 bennes constamment mises à disposition pour la collecte des déchets et 17 bennes relais pour assurer le transport de ces déchets en vue de leur traitement. Il avait aussi exigé que ces bennes soient neuves, de couleur blanche ou gris clair à fin d’identification par les usagers et qu’elles soient totalement dédiées à ce marché. Il a ainsi jugé que « de telles conditions, eu égard au nombre de déchetteries à fournir en bennes, à la durée du contrat et à l’exigence de qualité du matériel tenant à la nécessaire continuité du service public de collecte et de traitement des déchets, sont objectivement rendues nécessaires par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser ». CE 31 mars 2010, Syndicat mixte de la région d’Auray-Beltz-Quiberon, req. n° 333970. Manquement susceptible de léser le requérant – Absence – Offre n’étant pas anormalement basse. Le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a estimé qu’il incombait au juge du référé précontratuel de vérifier que l’offre retenue n’est pas anormalement basse. Il a appliqué cette règle ainsi dégagée au cas d’une délégation de service public et vérifié que les tarifs prévus par l’entreprise choisie n’encouraient pas cette critique. JRTA Lyon 2 avril 2010, Société de distribution d’eau intercommunale, req. n° 1001591. 300 RÉFÉRÉ-SUSPENSION (ART. L. 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) Urgence – Absence. Le Conseil d’État était saisi d’un pourvoi en cassation contre l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant la demande de suspension de la décision du ministre de l’Équipement désignant les entreprises autorisées à fournir les services d’assistance en escale sur l’aéroport de Paris Charles de Gaulle. Il a rappelé que le juge des référés « a la faculté de rejeter, à titre exceptionnel, une demande de suspension alors même que les conditions tenant à l’urgence et à l’exigence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée seraient réunies » (CE 15 juin 2001, Société Robert Nioche, req. n° 230637). Il a, ensuite, annulé l’ordonnance pour erreur de droit, le juge ayant rejeté la demande au motif qu’une suspension risquait d’entraîner une paralysie totale de l’aéroport, « alors que les autorisations antérieures n’étaient pas expirées et que, dans l’hypothèse d’une suspension de la décision contestée, le ministre chargé de l’aviation civile disposait, afin d’assurer la continuité du service public aéroportuaire, de la faculté de proroger ces autorisations jusqu’au règlement de l’affaire au principal ». Statuant ensuite au titre de la procédure de référé engagée, il a écarté la condition d’urgence, montrant que celle-ci était rarement satisfaite lorsque, par exemple, un concurrent évincé demande la suspension de l’exécution d’un contrat, sur le fondement de la jurisprudence Tropic Travaux (Ass. 16 juillet 2007 : Rec., p. 360 ; BJCP n° 54, novembre 2007, p. 391, concl. D. Casas). Le non-renouvellement de l’autorisation dont la société requérante était titulaire lui causait certes un préjudice financier mais, d’une part, cette société intervenait par ailleurs comme sous-traitante pour la réalisation des mêmes prestations et, d’autre part, en cas de suspension, le ministre pouvait proroger son ancienne autorisation. CE 31 mars 2010, Société European Flight services, req. n° 333711 RÉFÉRÉ CONTRACTUEL (ART. L. 551-13 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) Recevabilité (article L. 551-15) – Existence – Cas du marché à procédure adaptée. L’article L. 551-13 du code de justice administrative ouvre un recours contre le contrat signé à la personne qui a un intérêt à conclure ce contrat et qui est susceptible d’être lésée par un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence. L’article L. 551-15 prévoit notamment que ce recours ne peut être exercé à l’égard des contrats soumis à une règle de publicité préalable mais pour lesquels ne s’applique pas la règle de l’obligation de communication de la décision d’attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur a rendu public son intention de conclure le contrat et observé un délai de onze jours après cette publication. Dans ce délai, la société doit pouvoir faire un référé précontractuel, exclusif du référé contractuel. B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 7 1 BRÈVES DE JURISPRUDENCE S’agissant d’un marché à procédure adaptée, n’était pas applicable l’article 80 du code imposant l’information des candidats du rejet de leur offre et le respect d’un délai de dix jours au moins à compter de cette notification avant la signature du contrat. En conséquence, pour que puisse être déclaré irrecevable le recours en référé contre le contrat signé, le pouvoir adjudicateur aurait dû rendre préalablement publique son intention de conclure le contrat et observer un délai de onze jours après cette publication. Faute de l’avoir fait, était recevable le référé contre le contrat signé de la société ayant reçu notification du rejet de son offre quelques jours après sa signature. Par ailleurs, le juge des référés contractuels de Lyon a regardé comme opérant devant lui le moyen tiré de ce que l’offre retenue était anormalement basse (le même juge avait estimé le moyen opérant dans le cadre du référé précontractuel, voir ci-dessus 2 avril 2010, Société de distribution d’eau intercommunale). Il a rejeté ce moyen au motif que, « alors qu’elle supporte la charge de la preuve, la société requérante n’assortit pas sa requête de justificatifs suffisants tirés de sa propre offre, de prix retenus dans des marchés comparables ou de tous autres éléments pertinents susceptibles de venir à l’appui de ses affirmations ». établir que l’égalité de traitement des candidats aurait été rompue. » Le tribunal a néanmoins relevé une irrégularité. En vertu des dispositions combinées des articles 80 et 66 du code des marchés publics, un délai d’au moins dix jours aurait dû être laissé entre la date de notification aux candidats malheureux du rejet de leur offre et la signature du marché. Ce délai n’avait pas été respecté, le marché ayant été signé avant même que la requérante soit informée du rejet de son offre. Ce manquement avait empêché la société d’engager un référé précontractuel pour obtenir l’annulation de la procédure de passation, avant la signature du marché. Le tribunal a cependant jugé que « dans les circonstances de l’espèce, la privation de la possibilité d’exercer un recours précontractuel n’a pas été de nature à compromettre les chances du soumissionnaire d’obtenir le marché ; qu’elle ne saurait dans ces conditions entraîner l’annulation de ce marché […] » TA Paris 5 mai 2010, Société Rebillon Schmit Prevot, req. n° 08142961/3-2. JRTA Lyon 26 mars 2010, Société Chenil Service, req. n° 1001296. Irrégularités affectant la procédure de passation du marché – Irrégularités n’affectant pas de nullité le contrat signé – Rejet des conclusions à fin d’annulation du contrat présentées par un concurrent évincé. Voir ci-dessus, Marchés Publics – Passation, p. 296. TA Paris 5 mai 2010, Groupe Scutum SAS, req. n° 0816556/3-2. RECOURS CONTRACTUEL (JURISPRUDENCE CE ASS. 16 JUILLET 2007, SOCIÉTÉ TROPIC TRAVAUX SIGNALISATION) Recevabilité – Existence – Computation des délais de recours à compter de la plus tardive des publications de l’avis d’attribution. Irrégularité – Méconnaissance du délai de 10 jours entre la notification du rejet des offres et la signature du marché – Illégalité du marché – Absence. Dans sa décision du 16 juillet 2007 admettant le recours contre le contrat d’un concurrent évincé, l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État a fixé les délais dans lesquels un tel recours peut être exercé. À l’identique du recours pour excès de pouvoir, elle a prévu que ce recours contre le contrat ne peut être exercé que dans les deux mois à compter de la publication de la décision d’attribution du marché, laquelle doit indiquer les modalités et lieux de consultation de ce contrat. Pour la computation de ce délai de recours, le tribunal administratif de Paris a fait application de la jurisprudence concernant les hypothèses où plusieurs publications doivent légalement intervenir. En l’espèce, l’article 40 du code des marchés publics imposait une double publication de l’avis d’attribution, au Journal officiel de l’Union européenne et au Bulletin officiel des annonces des marchés publics. Le délai de recours ne commençait à courir qu’à compter de la seconde de ces publications. Sur le fond du litige, le tribunal a écarté la plupart des irrégularités ou vices allégués, en relevant entre autres que « la circonstance que l’administration n’ait pas posé aux trois candidats des questions identiques, à l’occasion de sa demande tendant à obtenir des précisions complémentaires sur les offres proposées, n’est nullement de nature à RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR Recevabilité – Absence – Recours contre des actes détachables d’un contrat – Contrat signé – Conséquence – Irrecevabilité du tiers évincé. La jurisprudence de l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État en date du 16 juillet 2007, Société Tropic travaux signalisation, a ouvert aux concurrents évincés un recours en annulation contre le contrat. Mais dès la signature du contrat, ce concurrent évincé, disposant d’un recours direct contre le contrat, n’est plus recevable à demander l’annulation en excès de pouvoir des actes détachables de ce contrat. Sur les conclusions de M. Lepers, la cour administrative d’appel de Douai a fait application de cette règle jurisprudentielle en confirmant l’irrecevabilité du recours en annulation d’un cabinet d’avocats contre des actes détachables d’un marché de services juridiques passé par la commune de Bondues dès lors que le contrat avait été signé avant la saisine du juge. CAA Douai 27 avril 2010, Cabinet MPC Avocats, req. n° 08DA01632. Nullité du contrat – Existence – Vice affectant le choix même du cocontractant par la personne publique. Par l’arrêt Commune de Béziers du 28 décembre 2009 (req. n° 304802 : BJCP n° 69, avril 2010, p. 138, concl. E. Glaser), l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État a mis fin aux nullités quasi automatiques dont pouvait se prévaloir un cocontractant en invoquant un vice dans la passation du contrat auquel il avait pourtant souscrit. Le principe B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 7 1 301 BRÈVES DE JURISPRUDENCE de loyauté des relations contractuelles fait normalement obstacle à ce qu’une partie puisse chercher à se délier de ses engagements en invoquant un vice dans la passation du contrat. Seul un vice d’une particulière gravité, affectant notamment le consentement, pourra permettre à une partie de se dégager d’un contrat en invoquant sa nullité. Celle-ci est désormais l’exception dans des relations contractuelles. Le tribunal administratif de Paris a fait jouer cette exception dans des relations entre des parties à un contrat. Il a tout d’abord résumé la portée de l’arrêt Ville de Béziers : « Lorsque des parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ». En l’espèce, l’Assistance publique des hôpitaux de Paris avait résilié un marché au motif qu’elle s’était trompée dans l’appréciation des offres. La société retenue avait en réalité été moins bien notée. Saisi par cette société d’une demande indemnitaire sur le terrain contractuel, le juge a estimé que l’erreur commise, « dès lors qu’elle affecte le choix même de son cocontrac- 302 tant par la personne publique », doit être regardée « comme un vice d’une particulière gravité relatif aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ». Un tel vice affectait de nullité le contrat qui n’avait pu faire naître d’obligations entre les parties. Les conclusions indemnitaires présentées sur le fondement contractuel par la société concernée par la résiliation de son contrat ont été rejetées. Cette société a juste pu obtenir une indemnité de 5 000 € sur le terrain quasi délictuel au titre de ses frais de présentation de son offre, faute de pouvoir justifier d’un autre préjudice, le contrat ayant été immédiatement résilié avant toute mise à exécution. TA Paris 12 mars 2010, Société Aveolis, req. n° 0606925/6-1. B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 7 1