Bidonville : paradigme et réalité refoulée de la ville

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Bidonville : paradigme et réalité refoulée de la ville
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Bidonville : paradigme et réalité refoulée
de la ville du XXe siècle
Parallèlement à un urbanisme contemporain naissant, «art» de construire
des « villes nouvelles » et thérapeutique d’une ville malade, l’habitat précaire, provisoire, et par là même, misérable et insalubre, se développe en
représentant quant à lui une de ses « plaies » majeures qu’il se doit de
soigner 1 – ne serait-ce que pour valider sa crédibilité. Bidonville constituera de la sorte la catégorisation dénominative de l’espace géographique
et social correspondant à cette pathologie urbaine.
Les bidonvilles existaient avant le mot, pourrait-on dire. Ce nom
commun fut (serait ?) à l’origine un nom propre, celui d’un quartier de
Casablanca. Un nom qui se généralisera par la puissance évocatrice de sa
clarté sémantique (la ville des bidons) et qui va s’affirmer – par antonomase – en tant que catégorie stigmatisée de la ville contemporaine.
Notamment dans la langue française, mais occasionnellement et accessoirement dans d’autres langues. Suivant une variabilité dans le temps et
dans les registres langagiers, progressivement, ce mot sera employé tout
au long du XXe siècle pour désigner un « phénomène (devenu) universel ». Bidonville voyagera ainsi entre Casablanca, Tunis, Alger et des villes
du Maghreb vers celles du « tiers-monde », en passant par les périphéries urbaines de France et d’Europe.
Équivalent d’« habitat spontané » (ce qui n’a pas été toujours le cas,
d’ailleurs), d’« habitat insalubre et misérable », d’« habitat non réglementaire », « clandestin », « illicite », « marginal » ou « informel », d’« habitat bidon » – pour reprendre les principales formules de stigmatisation en usage – le terme bidonville a l’avantage de comprendre, par
un seul vocable, des exemples multiples de situations locales. Il permet de rapprocher des conditions différentes d’habitat présentes dans
le monde entier ; et cela tant du point de vue des divers statuts juridiques et du foncier que des situations sociales et économiques des
habitants, des différents types de localisation et des modalités de la
construction.
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Le passage du toponyme au générique se réalise en quelques années,
après 1930. Le mot trouvera place initialement entre un répertoire descriptif et narratif et un registre appartenant au monde technique, administratif et à la décision politique. Il est également présent dans le vocabulaire de la presse, il entrera dans le langage scientifique, figurera, dès
1960, dans les pages des dictionnaires, deviendra l’objet de définitions
dans des articles encyclopédiques en langue française et en d’autres
langues (italien, anglais). Tout en gardant la marque de la stigmatisation
urbaine, le mot-objet bidonville paraît plus récemment attester une certaine euphémisation, d’après des contextes d’usage repérables le plus
généralement dans le système de communication appartenant aux milieux
de la culture écologiste, artistique et alternative.
Bidonville est donc un paradigme. Paradigme d’un espace stigmatisé
et stigmatisant : un lieu-dit, fait de tôle et de bidons. Un type d’habitat,
ainsi dénommé par les objets-matériaux qui en assurent l’édification.
Un espace social, précaire, temporaire ou pas, nécessaire ou non. Un
espace caché et marginal, la « zone », au sens littéral et/ou figuré, aux
lisières de la ville et en marge de la norme sociale urbaine. Une catégorie de la ville, participe fonctionnel – bien souvent prépondérant – de
l’espace urbain et de sa logique économique capitaliste. Un paradigme,
enfin, consubstantiel de la sémantique des « territoires de l’urbain et
[des] pratiques de l’espace » (Depaule 1984), ainsi que de leur mémoire :
palimpsesterefoulé de l’établissement humain contemporain.
L’aventure d’un toponyme érigé en catégorie urbaine
L’origine. Bidonville et le succès sémantique
d’un lieu-dit casablancais
Vraisemblablement, Bidonville fut à l’origine le nom d’une espèce de
quartier surgi à Casablanca, pendant le Protectorat français au cours des
années 1920. D’autres indices suggèrent toutefois des pistes alternatives,
ou complémentaires, comme celle de Tunis, et contribuent à brouiller
l’investigation. Nous opterons pour la première, car l’identification du
toponyme nous permettra plus aisément d’en suivre l’aventure.
Cependant, il se peut que le mot « bidonville » ou « bidon-ville » ait surgi
antérieurement à Tunis. Mais c’est à partir de Casablanca que le succès
de la formule se répandra.
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À la différence de Tunis, ville historique, avec sa médina prestigieuse,
et capitale du Protectorat depuis plusieurs décennies, Casablanca était alors
synonyme de réussite économique et sociale urbaine, à la manière américaine : une bourgade qui s’apprêtait à devenir la plus grande ville du
Maghreb. Tout autant, elle devenait une ville de misère, de grandes pauvretés urbaines, caractéristiques d’un monde qui deviendrait bientôt « le
tiers-monde ». Selon Jean-Louis Cohen et Monique Eleb (1998 : 221),
Bidonville était localisé sur le site «d’un gigantesque campement dénommé
Gadoueville». Cette première dénomination, d’après André Adam, «n’eut
pas de succès » (1968 : 85-86). Dans sa thèse sur Casablanca, Adam
s’était déjà orienté dans cette direction, à partir d’une enquête effectuée
par Yvonne Mahé en 1936 2, sans toutefois se référer explicitement à la
présence du toponyme Bidonville 3. La sémantique de la tôle et du bidon
va donc se révéler plus évocatrice, efficace et moderne que celle de la
boue. Dans le français d’Afrique du Nord, les formules comme « gadoueville », « cloaque-ville » « beni ramassés », etc., furent « évincées parce
qu’[elles] traduisaient mal les caractéristiques de ces agglomérations dans
les années 1930» (Liauzu 1976). Voici une description, probablement tardive, de ce qu’était le quartier dénommé Bidonville à Casablanca, d’après
le témoignage du journaliste allemand Friedrich Sieburg :
Bidonville désigne une cité de fer-blanc. Les immigrés à la recherche de travail habitaient auparavant dans des camps sous la tente […]. Là s’amoncelaient
les ordures de la ville. Les autorités parèrent au danger en faisant évacuer de force
ces locaux et en y portant le feu. Aux habitants fut affecté un champ dans la
banlieue, où se trouvait de l’eau. De vieilles plaques de tôle ondulée, surtout de
caisses et de bidons hors d’usage, furent édifiés de nouveaux abris, qui bientôt firent
une vraie ville. Aujourd’hui, Bidonville s’étend comme un bourg monstrueux, où
lentement commencent à se tracer des places et des rues. (Sieburg 1938)
Pendant blâmé de la modernité casablancaise et de ses architectures
d’avant-garde, et de façon plus générale de la rationalité fonctionnelle de
l’urbanisme colonial au Maghreb des années 1920-1930, Bidonville
assume déjà, comme on le voit ci-dessus, le statut de «cité», de «vraie ville»
et de « bourg monstrueux », voire de « village indigène ». Il est frappé par
les stigmates de la dégradation humaine causée par la prolétarisation de
la nouvelle vie urbaine, qui explose pendant le Protectorat sous l’effet
de l’exode des populations rurales précarisées. Les descriptions qui en
parlent sont à plusieurs égards analogues à celles qui découvrent la création
des premiers « gourbis » aux portes de Tunis, ou dans son agglomération.
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Les différences ne concernent pas tant les causes de la formation, voire
le type de peuplement, que le caractère rural de l’un face au caractère
distinctement urbain (ou suburbain) de l’autre. Pour autant, Bidonville
deviendra également, à l’image de la ville qui l’accueille, Casablanca
– déjà dénommée « Capitale économique » du Maroc –, une bizarre
« capitale de la “mouise”, construite en bidons de pétrole et en tôle ondulée » (Mac Orlan 1989 [1934] : 47).
Réputation du lieu et réprobation morale
Dans l’odyssée d’un imbroglio spatial, la marque de la réprobation morale
scelle la réputation du lieu et ses stigmates. Inévitablement, Bidonville
n’échappe pas non plus aux stéréotypes quelque peu voyeuristes de la
représentation coloniale, comme ceux d’un Mac Orlan qui, en décrivant ce fameux Bousbir, le quartier réservé de Casablanca, « Magic-City
ou […] Luna-Park spécialisé dans les jeux de la Vénus populaire», dédiera,
non sans ambiguïtés, quelques mots aux «tôles surchauffées de Bidonville»
(ibid. : 48, 65), qui s’étendent à perte de vue en contrebas de la cité
réservée.
Un étrange parallèle, une identification inquiétante et sordide entre
le quartier réservé Bousbir – du nom d’un lotisseur français prénommé
Prosper – et Bidonville va d’ailleurs s’établir, ainsi que nous le découvrons dans les pages d’un dossier traitant de Casablanca (Taraud 1998 :
4-5 ; 2003 : 106 4). Il s’agit d’une correspondance topologique, fausse
mais efficace. Celle-ci ne fait qu’assimiler deux lieux urbains bien distincts :
« le bourg monstrueux » et la ville réservée à la prostitution officielle. Le
« foyer pestilentiel » et le lieu du commerce des corps se transmutent de
la sorte en un seul lieu. Il s’agit d’une reconstruction a posteriori, mais qui
ne fait que renforcer moralement le stigmate qui marque dès sa naissance le mot bidonville et le type d’habitat qu’il désigne. À cette époque
d’ailleurs, le « triptyque » associant hygiène, urbanisme et prostitution
s’inscrit à plein titre dans le paradigme réglementaire et moderniste sousjacent à l’action coloniale française (Taraud 2003 : 112). Les trajectoires
convergentes des deux toponymes prêtent donc facilement à confusion.
Du reste, au-delà du transfert spatial et sémantique, le lien entre les
bidonvilles et la prostitution – et donc la mauvaise réputation morale –
sera une constante relevée par les enquêtes sociales effectuées au cours de
plusieurs décennies, dès les années 1930, sur l’habitat précaire et insalubre
appelé bidonville, tant au Maghreb qu’ailleurs. Christelle Taraud consacre
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un paragraphe de son ouvrage à la prostitution « hors la ville : bidonvilles et banlieues ». On y trouve la description d’un de ces lieux, à Alger,
faite par l’écrivain René Janon en 1936, condensé effrayant et atroce de
la plupart des stigmates abominables qui vont marquer les bidonvilles,
et que nous retrouverons sur son chemin. Ces stigmates réfèrent déjà au
type de localisation (le ravin, près d’une zone désaffectée, juste à la lisière
de la ville, derrière ses remparts) et à la disparition du lieu, au type de
construction (tôles), à l’environnement pestilentiel et fétide, à son peuplement misérable, déshérité en proie à la dépravation et à l’abjection
humaine (Janon 1936 : 30-31).
Du nom du lieu au nom des lieux
La première attestation de Bidonville en tant que toponyme remonte
d’après Cohen & Eleb (1998 : 221) à un article de Jean Marc paru dans
la revue L’Exportateur français (1930 : 54). La vue d’ensemble de Bidonville
est exposée sur une carte postale de Casablanca datant de 1932, qui est
reproduite dans Cohen & Eleb (1998 : 22). Pour illustrer l’ambiguïté qui
demeure de nos jours encore entre le toponyme d’origine et le générique, il suffit de signaler que la même carte postale est reproduite dans
un ouvrage de Mohammed Nachoui à la même date (1998 : 56), mais
la légende en fait tout simplement : « Un bidonville ».
FIG. 1. Bidonville. Carte postale de 1932. Source Cohen & Eleb 1998 : 221.
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L’année de parution de la carte postale, en 1932, Jean Ladreit de
Lacharrière, épigone de l’aventure coloniale au Maroc, évoquera « la lèpre
de Bidonville » à Casablanca dans les pages du Bulletin du Comité de
l’Afrique française à propos de « L’urbanisme colonial français » (Ladreit
de Lacharrière 1932) 5. La même expression sera d’ailleurs utilisée par
André Adam, presque trente ans plus tard, mais cette fois-ci au pluriel –
« la lèpre des bidonvilles » –, pour rendre compte de l’appréhension de
l’opinion publique et des autorités coloniales devant la diffusion du phénomène (1950 : 61).
Une « paternité » successive et une origine tunisoise sont envisagées
par d’autres auteurs. Ainsi que l’écrit Claude Liauzu, « on attribue couramment au Maroc la paternité de ce terme; pourtant, dès le 6 novembre
1931, dans La Voix du Tunisien, le Dr Materi décrit “Bidonville” au bord
du lac, et le 8, dans Tunis socialiste, Ève Nohelle relate sa visite dans le
même “gourbi-ville” ou “bidon-ville”. Les hésitations de l’orthographe
et l’émotion du nationaliste comme celle de la socialiste prouveraient
que la chose est à peine naissante » (Liauzu 1976 : 608). Jean-Marie
Miossec envisage dans cette même perspective que «la paternité du terme
revient au Dr Materi qui décrit “Bidonville” », dans le même journal
tunisois évoqué par Liauzu (Miossec 1985 : 269). Le sociologue tunisien
Fredj Stambouli écrit – sans toutefois citer Jacques Berque (1958) qui l’a
remarqué en premier – que « le terme de bidonville se répand à partir
de 1936. On le trouve dans le livre de Félicien Challaye (1934) à propos de la Tunisie » (Stambouli 1977 : 252). À Alger, « le bidonville apparaît dès 1934 » d’après Claude Chaline (1990 : 108).
Au cours des années 1930, finalement, le terme est utilisé pour désigner par analogie les mêmes baraquements sordides surgis tant à
Casablanca, qu’à Tunis ou Alger, ainsi que dans nombre de villes du
Maghreb. Jacques Berque note alors que le mot est devenu courant « en
1936 dans les pages du Bulletin économique du Maroc » (Berque 1978 :
201). C’est ainsi que, progressivement, Bidonville perdit sa majuscule à
l’écrit et fut utilisé au pluriel, initialement entre guillemets, voire en italique. André Adam, qui repère le terme en 1934, remarque qu’il est
employé entre guillemets par Léandre Vaillat (1934 : 91) à propos de
Casablanca, et ajoute « qu’il est aujourd’hui assez couramment employé
en France même pour qu’on me dispense de l’encadrer de guillemets »
(Adam 1968 : 65 et 85-86).
À partir des années 1950, le terme est adopté en France métropolitaine,
devenant progressivement d’un usage universel dans la langue française.
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Paul Bairoch (1985 : 605) note alors « [qu’il] a pénétré d’autres langues,
notamment l’allemand, l’italien et le russe». Finalement, il sera attesté dans
les dictionnaires généraux en 1960, à partir de la définition du Grand
Larousse encyclopédique :
Bidonville […] en Afrique du Nord, et par extens. dans d’autres contrées, quartiers urbains ou suburbains, parfois importants, constitués de cabanes faites de
matériaux de récupération, en particulier de métaux provenant de vieux bidons
(Dans ces agglomérations s’entassent les populations rurales qui, chassées des campagnes par le chômage et la faim, ne trouvent pas de travail régulier dans les
villes). (Grand Larousse encyclopédique 1960)
Noblesse oblige, bidonville sera encore absent du dictionnaire de
l’Académie française, dans son édition de 1978. Il donnera lieu à plusieurs
mots dérivés : bidonvilliens, bidonvillois ou bidonvilliers désigneront les
habitants des bidonvilles (Rachdi 1967 : 32). D’autres auteurs analyseront le phénomène de bidonvillisation, les « banlieues bidonvillisées »,
« la société bidonvilloise » (Pétonnet 1985 : 51) ou l’action collective dite
de « se bidonvilliser » (Sayad 1995 : 32). Ils décriront les « bidonvilles en
paillote » des villes tropicales, les « bidonvilles sur pilotis » des villes lagunaires asiatiques ou d’Amérique du Sud, des « bidonvilles d’altitude » sur
les toits des villes surpeuplées, des « bidonvilles durcifiés », des « microbidonvilles », des « bidonvilles sauvages », des « bidonvilles urbains…
péri-urbains… suburbains », enkystés au cœur de la ville, ou cachés au
fond de ravins, voire derrière les remparts.
Les mots et les noms des bidonvilles
Un seul mot va donc permettre de contempler des contextes géographiques et modes de construction bien différents, mais qui gardent
leurs propres expressions locales : les favelas de Rio, les invasaos de
Salvador de Bahia, les gecekondu d’Ankara, les bastees de Calcutta, les
ranchitos de Caracas, les mussequés de Luanda, les townships de
Johannesburg, les kébé de Nouakchott, les barrios piratas de Bogota pour
n’en citer que quelques-uns parmi les plus connus (Cattedra & Memoli
1995 ; Agier 1999). Tandis que dans la littérature anglophone le concurrent de bidonville est shantytown, en italien le mot bidonville (au féminin) devient courant – même si d’autres sont employé, comme borgata, à Rome ; il est attesté dans les dictionnaires (Treccani 1974) et est
utilisé dans la presse (Sannino 1994).
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Si « l’Asie et l’Afrique n’ont rien à envier à l’Amérique latine quant
au nombre et à l’ampleur des bidonvilles » (Guglielmo 1996 : 127), ici,
comme le souligne Bairoch, « les termes ne manquent pas pour décrire
ce type d’habitat […], où l’imagination – jointe au fait que ce phénomène
y a commencé plus tôt et y a revêtu, en raison de l’intensité de l’inflation
urbaine (et démographique), une importance plus grande – a conduit à
une floraison d’appellations » (Bairoch 1985). Ainsi, « en opposition au
discours savant, à la langue administrative, les populations réagissent
par leurs propres mots » (Moussaoui 1999). Les bidonvilles demeurent
des espaces de l’invention langagière collective, soit du fait d’une dénomination – le plus souvent stigmatisante – qui procède de l’extérieur, soit
du fait d’une appellation qui – éventuellement par opposition de celleci – essaie de restituer une image de soi et une identité positives.
Catégories
Plutôt que des « miséreux, qui ont inventé son nom, ignoré des cartographes », comme l’écrit Jean Ravennes au début des années 1930 6,
Bidonville – né à l’origine comme un toponyme francophone – semblerait procéder d’une invention langagière des colons français ou
européens implantés à Casablanca, voire à Tunis. À cet égard est significative la légende d’une photographie de Casablanca dans le recueil de
Flandrin : « Les Bidonvilles – Les populations du bled, attirées par la vie
plus facile de notre grande cité, ont créé un problème difficile à résoudre.
Partout ces pauvres gens ont construit, par leurs moyens, des agglomérations que nous avons appelées Bidonvilles du fait que ces baraques
étaient recouvertes de vieux bidons à essence. » (Flandrin 1956 : 49)
En arabe dialectal marocain, les bidonvilles seront nommés karyan, derb
[quartier] ou douar [dwar = cercle, village], en référence à l’origine rurale
des habitants. Aussi, «la population emploie le terme de brarek, le quartier
de “baraques”» (Naciri 1980 : 15). Si les derb et dwar sont des mots arabes
– le premier désignant, ici, sous le registre administratif colonial, un type
d’«habitat indigène» insalubre plus structuré, «en dur», et le second étant
employé en référence à l’origine rurale des habitants –, Karyan et brarek ne
le sont pas. Karyan n’est autre qu’une déformation du mot «carrière», mais
son adoption langagière renvoie, à l’origine, à un lieu bien précis : une
carrière désaffectée proche d’un établissement industriel, la centrale thermique du quartier des Roches Noires à Casablanca. En ce lieu, au début
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des années 1920, se logèrent sous des tentes et dans des baraques les ouvriers
embauchés pour la construction de la centrale. Il fut donc appelé Karyan
centrà, c’est-à-dire, la Carrière de la Centrale. Si d’une part il maintint son
patronyme dans les nombreux déplacements auxquels il fut soumis par
l’administration – et devint, d’après la dénomination officielle et courante,
le fameux «Bidonville des Carrières centrales» dans son établissement définitif sur un terrain municipal –, d’autre part, ce premier noyau bidonvillois céda par filiation son nom à d’autres baraquements, qu’ils soient
ou non localisés dans des carrières désaffectées (Adam 1968; Rachik 1995).
La généralisation du mot karyan, qui demeura plutôt d’emploi local à
Casablanca, diffère peu de l’aventure de Bidonville du fait que ce dernier,
tout en cédant et propageant son propre nom, disparaîtra pour donner
vraisemblablement naissance au grand Bidonville de Ben M’sik. La sémantique de Bidonville, transmuté en mot générique et en catégorie urbaine,
fut plus efficace que son propre destin topologique.
Dans le cas de Bidonville, cependant rien ne prouve qu’il ne s’agit
pas, dès l’origine, d’une dénomination explicite attribuée par l’administration municipale du Protectorat français. Néanmoins – que
l’Administration en soit ou non le premier désignateur, voire l’inventeur –, c’est avec l’adoption par le registre administratif que Bidonville
s’institutionnalise et acquiert une certaine légitimité. En 1931, la souscommission d’hygiène de la ville de Casablanca, en s’appuyant sur un des
premiers dahirs (décrets) édictés sous le Protectorat en 1915, décide par
arrêté municipal d’interdire l’établissement de noualla-s (tentes) à l’intérieur
du périmètre urbain. Elle estime en fait que « son application aura pour
premier effet la disparition de Bidonville » 7. Paradoxe flagrant : pour
éliminer le lieu néfaste il faudra bien l’identifier, ce qui ne fait qu’attribuer à Bidonville une objectivation et une existence, et par là une légitimité administrative et toponomastique.
Quelques années plus tard, en conséquence de la diffusion incontrôlée de ce type d’habitat, la menace sanitaire de ce nouvel « habitat indigène » plane sur la ville, bien qu’il soit tenu pour un phénomène temporaire. En 1934, Leandre Vaillat (1934 : 90-91) estime, d’après
l’administration, à « 85 000 [les musulmans] qui, pour le moment,
habitent dans des huttes faites de couvertures, de branchages, de bidons».
L’exode rural aura comme conséquence la prolifération et l’extension
des noyaux insalubres et infects confectionnés avec les matériaux de
récupération de la ville industrielle. D’ailleurs, comme le retient
l’administration vers la fin des années 1930 :
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Les bidonvilles […] plaisent aux indigènes, qui les peuplent. Ces indigènes, qui
sont rarement des citadins, mais des ruraux, trouvent dans les bidonvilles des
conditions d’existence qui ne sont pas inférieures à celles de leurs tribus, et qui leur
sont même supérieures parce que ces bidonvilles ont reçu quelques aménagements. Et surtout, le bidonville couvre chacun d’un commode anonymat […]. On
peut s’y livrer à ses petits trafics, à ses habitudes, à ses goûts à ses vices même ; en
un mot, on est chez soi et l’on ne demande qu’à y rester. (Girardière 1939 : 1-2)
La théorie de la séparation entre « habitat indigène » et « habitat européen », élaborée dès 1912 par le résident général Lyautey, ne semble plus
tenir. Cette idéologie territoriale est en train de faire le deuil de l’esthétique et de l’approche culturaliste lyauteyennes, pour se décliner de
manière explicite à l’aune des soucis hygiénistes et sécuritaires. Quand on
observe les cartes ou plans de cette époque, les deux dispositifs urbains
de la ville coloniale – « médina » et « villeneuve » – apparaissent irréductibles, séparés qu’ils sont, physiquement et symboliquement, par une
zone non aedificandi. Bien souvent ce hiatus est occupé dans les villes
intérieures du Maroc (celles qui sont relativement les plus dangereuses
pour la sécurité des Européens : Fès, Marrakech, Meknès…) par des
bâtiments de casernes et des camps militaires. C’est la logique topographique du cantonnement, du regroupement de la population musulmane soumise à la ségrégation, et de l’étanchéisation de l’espace urbain
qui prime (voir Cattedra 1990 ; 1998) : « Un véritable danger pour la
cité européenne gît dans ces “Bidonvilles”. L’ennemi est aux portes de la
ville, non un ennemi de la dissidence, avec des carabines à tir rapide,
mais un terrible seigneur, subtil, insaisissable, qui a nom typhus, choléra
ou peste. » (Vaillat 1934 : 91)
Vu la difficulté d’éliminer d’emblée de tels habitats, une autre approche
sera tentée, dans la deuxième moitié des années 1930, visant à « tolérer
pendant un certain temps “ce mal nécessaire” » (Cohen & Eleb 1998 :
222), en travaillant à les rassembler et à les améliorer. C’est l’intitulé
même d’un rapport municipal qui fait manifestement apparaître la généralisation du toponyme : il s’agit du Rapport général sur l’assainissement
de la ville de Casablanca, Bidonvilles et derbs, exercice 1938-39, établi par
M. Bon (le 27 février 1939). Dans ce même texte officiel apparaît l’usage
de bidonville en minuscules, au singulier et privé de guillemets 8.
On dit alors « vivre en bidonville », et non plus « vivre à Bidonville » :
l’expression ratifierait dès lors une modalité « indigène » de vivre en ville
et de vivre la ville en contexte colonial. « Un modèle d’habiter », pourraiton dire aujourd’hui 9. Le mouvement des hygiénistes commence à se
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poser le problème d’une amélioration des conditions de vie de la « population de ces baraques et nouallas […]». Ainsi des médecins suggèrent que,
au lieu « de supprimer les bidonvilles en tant que solution provisoire du
logement pour une partie de la population indigène », il vaudrait mieux
« les aménager de telle sorte qu’ils constituent l’équivalent d’un habitat
amélioré » 10. Ce débat aura une suite.
L’ubiquité. De la périphérie au centre,
à la conquête de la ville et de la Nation
Le fléau des bidonvilles gagnera ensuite de nombreuses agglomérations
du Maghreb : les capitales et les principales villes industrielles et commerciales en sont atteintes de plein fouet. En Tunisie, dans les
années 1940, c’est le mot gourbiville, comme on l’a vu, qui s’impose par
référence à l’origine rurale du peuplement de ces installations suburbaines et aux modalités traditionnelles de construction. Quelques années
plus tard Pierre George analysera le cas des bidonvilles de Tunis, dans
son Précis de géographie urbaine (George 1964 [1961] : 159).
Par ailleurs, Marrakech sera considérée pendant une longue période
comme dépourvue de bidonvilles (Leenheer 1981) : d’une part, l’exode rural
se déversait essentiellement vers les villes côtières (Escallier 1981) ; d’autre
part la médina, plus ample que dans d’autres villes, avait permis d’absorber l’excès de migrants ruraux. D’après les auteurs qui en parlent, cette ville
n’avait pas été en mesure de produire les «déchets de la civilisation urbaine»
(Lourde 1984), la matière première de la fabrication des bidonvilles.
Autrement, « autour des grandioses remparts de Fès, des bidonvilles
[avaient] commencé à pousser dans les carrières dont la ville s’est construite,
dans ces excavations, où jadis vivaient les lépreux » (Berque 1958 : 34).
L’accroissement dit anarchique des villes du Maghreb apparaît comme
le contexte privilégié de production de ce nouveau type d’habitat.
L’« agression démographie », dite également « sauvage », conduit d’après
Pierre Marthelot (1970 : 302) à « l’assaut vengeur du faubourg, organe
ou chancre du bidonville ». Le constat qu’en fait Jacques Berque en
1961 présentant l’ouvrage de Robert Descloitres, L’Algérie des bidonvilles, est symptomatique : « Juste derrière les collines, aux replis des
ravins, à toutes les failles de la bâtisse communale, s’est massée, depuis
plus d’une vingtaine d’années, une vie puissante et misérable : l’Alger des
bidonvilles, attentat topographique et menace sociale contre un certain
ordre urbain. » (Berque 1961 : 7-8)
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Les figures de style comme l’hypostase adoptée par Berque pour la
capitale du pays, ou celle utilisée dans l’intitulé même de l’ouvrage de
Descloitres – validant la transposition sémantique du sujet par le complément de spécification, à l’égard d’une formulation plus ordinaire telle
que « Les bidonvilles d’Alger » ou « Les bidonvilles d’Algérie » – ne font,
au demeurant, qu’ériger le bidonville en Ville, en Capitale et en Nation 11.
Davantage, le bidonville – à travers la synecdoque (la partie pour le tout)
– en devient le symbole dissimulé et légitime : cela traduit concrètement
le fait que le bidonville avait déjà colonisé un pays tout entier, qui était
au seuil de son indépendance.
De fait, déjà dans les années 1950, le bidonville s’était affirmé à
plein titre comme la troisième composante de la ville en Afrique du
Nord : le corollaire stigmatisé qui « s’oppose » à la fois à la Médina et
à la Villeneuve, comme en rendra compte Jacques Berque dans un
article célèbre publié en 1958. Les grands bidonvilles d’Alger, de
Casablanca et de Tunis accueillent dans la période 1950-1970 jusqu’au
tiers de la population de ces villes. Dans les années 1970, les quartiers
périphériques (les bidonvilles) n’ont plus le « privilège » de ce qu’on
appelle la marginalité. Les ruraux ont occupé une grande partie des
médinas et les ont transformées en « bidonvilles » (Zghal & Rassam
1976 : 19).
Le bidonville est de la sorte devenu au Maghreb le paradigme manifeste et refoulé d’« une forme majeure d’habitat » (Bairoch 1985 : 604),
ainsi qu’il est en train de le devenir dans le monde entier.
La spatialité éphémère : l’habitat provisoire
Si pour les administrateurs coloniaux, dès les années 1930, « la question
des bidonvilles appartient à un domaine strictement administratif [… car]
le plan des réformes est un acte politique et que la lutte contre les taudis est un acte de technique administrative… » (Giradière 1939 :1), en
France, leur présence ne sera admise qu’après les années 1950, même si,
comme dans le cas de Nanterre, « le bidonville a commencé dans les
années 1945-50 […], les premiers [étant] arrivés ici en 1946… », d’après
un témoignage du docteur François Lefort 12. À la différence des nombreuses enquêtes sociales et sanitaires lancées au Maghreb, en France il
faudra attendre, après la fin de la guerre d’Algérie, la loi Debré (1964)
dite « de suppression des bidonvilles » pour que le phénomène soit enregistré officiellement (Lallaoui 1993 : 44-71).
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Au demeurant, au cours des années 1960-1970, les savants français tentent de manipuler avec précaution l’emploi du mot bidonville, plus particulièrement quand il s’agit de l’appliquer à des espaces précaires des
villes françaises. Il ne s’agit pas d’occulter le phénomène qui est manifeste,
mais de lui attribuer une dénomination visant à dépasser la stigmatisation dont le mot est porteur. Ce sera initialement la formule « habitat
provisoire » qui sera employée, renvoyant donc à l’idée du transitoire et
du « logement de passage ». L’intitulé du mémoire de maîtrise de géographie rédigé par Bernard Bret en 1968 sous la direction de Pierre
George : Contribution à l’étude de l’habitat provisoire dans la banlieue
parisienne : les bidonvilles de Nanterre 13 illustre clairement l’état d’esprit
du milieu académique de la Sorbonne. L’auteur avertit que « le mot
“bidonville”, qui sera souvent employé par commodité et parce que
l’usage l’a consacré, ne correspond pas au paysage qu’il désigne, le bidon
étant absent des matériaux de construction. Il serait préférable d’user
d’une périphrase comme habitat spontané » ; et d’ajouter que « le terme
“bidonville”, à rigoureusement parler, ne coïncide avec la réalité que
dans peu de pays au monde » (Bret 1968 : 2-3).
L’impuissante maîtrise de la croissance urbaine :
l’habitat spontané
Dans l’article qu’il consacre à Bidonville dans l’Encyclopedia Universalis,
le géographe Yves Lacoste écrit que « le terme […] s’est progressivement
imposé dans la langue française » et qu’il « a désigné des formes diverses
d’habitat urbain qui présentent, sans être toutefois constituées par des
matériaux de récupération, les mêmes problèmes économiques et sociaux,
à savoir la pauvreté des habitants et la grande précarité de leurs conditions
d’habitat ». Dans son « essai typologique », il insiste sur le fait que si « les
différentes formes de croissance urbaine spontanée présentent un certain nombre de caractères communs », il est important de distinguer
celles qui sont propres aux « pays développés » (où elles ne représentent
qu’un phénomène marginal) de celles qui existent dans « les pays sousdéveloppés » (où elles constituent « un phénomène de masse »). Le vocabulaire des journalistes, des voyageurs et des géographes français avait
de fait contribué à désigner sous le terme de bidonville les formes les plus
diverses de baraquements insalubres surgis dans de nombreuses villes
européennes comme Barcelone, Naples, Rome, Lisbonne, Porto, Paris,
Marseille, Madrid et surtout dans tant d’autres agglomérations des pays
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appelés alors du «tiers-monde». C’est à ce titre que Lacoste recommande,
car « scientifiquement plus juste, de les désigner par l’expression générale
formes de croissance urbaine spontanée et de réserver bidonville à l’une des
formes particulières que présente ce phénomène dans certains pays et
dans certains cas » (Lacoste 1980 [1968], citations : 258, 260).
Pour autant, le phénomène des bidonvilles n’appartient pas strictement à l’ordre du spontané, bien au contraire. Il est aussi le résultat
de l’action volontariste des autorités. Comme l’écrit Saad Benzakour,
« l’action de l’administration coloniale sera déterminante dans la formation de ce nouveau type d’habitat » (1978 : 94). C’est ainsi que voient
le jour, à côté des « bidonvilles sauvages » et « privés », des « bidonvilles
municipaux » (où une taxe est perçue par l’administration) (Adam 19491950 ; 1968). Robert Montaigne, professeur au Collège de France, directeur d’une vaste enquête sur La naissance du prolétariat marocain (1951 :
138), observe avec acuité : « Ces bidonvilles ont été à plusieurs reprises
refoulés, déplacés, alignés, découpés en blocs pour des raisons d’hygiène
et de bon ordre, transportant avec eux, sur leurs nouveaux emplacements, leur noms primitifs. » L’ubiquité du bidonville tient également
à la transhumance de son nom.
L’autoconstruction : savoir-faire ordinaire
et universalisme prolétaire dans la ville capitaliste
Comme nous l’avons déjà évoqué, « l’existence des bidonvilles est reconnue officiellement en France dès le début des années 1950» (Lallaoui 1993 :
44). Leur origine est liée à la présence « de travailleurs étrangers immigrés temporairement» (Lacoste 1980 [1968] : 260), provenant de l’Afrique
du Nord – d’où probablement l’importation du mot – mais également
d’Europe : Espagne, Portugal, Italie… On oublie souvent de considérer
qu’à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale plusieurs centaines de
milliers de logements avaient été détruits en France, comme dans plusieurs pays européens, et qu’une grande partie des habitants était considérée comme mal-logée. En Europe, le phénomène des bidonvilles est
«surtout la marque de l’après-guerre», rappelle Paul Bairoch (1985 : 604).
En tout état de cause, le phénomène d’autoconstruction de baraques
édifiées à l’aide de matériaux de récupération de la « civilisation industrielle », à l’extérieur des villes, paraît bien précéder l’invention du mot
bidonville et la désignation sous ce terme de ce type d’agglomération
suburbaine. Dans la région parisienne, depuis 1919, écrit René Clozier
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dans son « Essai sur la banlieue » (paru en 1945), « surgirent du sol ces
assemblages géométriques de bicoques disparates, baraquements informes
et de pistes boueuses ; la détresse de la “zone” semblait s’étendre à toute
la banlieue » (Clozier 1945, in Roncayolo & Paquot 1992 : 450).
On peut facilement comparer le zonard, habitant « La Zone » qui correspond aux terrains des anciennes fortifications, au bidonvillois. D’ailleurs
le vocable de bidonville pourra souvent être employé en tant qu’équivalent stigmatisé de catégories de la ville ayant une origine bien antérieure et n’exprimant pas nécessairement – à l’origine, toujours – un sens
péjoratif : faubourg, banlieue, cité… Mais les relations, les interférences
et les transferts entre l’un et l’autre sont également courants et symptomatiques : « Ces cités satellites ne sont en fait que des bidonvilles faisant
le siège de la grande ville » (Le Monde, 5 juillet 1978 14).
D’autre part, se pose la question de l’appartenance « ethnique » ou de
la nationalité de ceux qui ont fabriqué et habité les bidonvilles à l’origine.
André Adam signale cet aspect : « Comme il y eut autour de Paris, entre
les deux guerres, la “Zone”, il exista à Casablanca, à certaines époques,
des bidonvilles des Européens» (Adam 1968 : 87). Il n’avait été pas le seul
d’ailleurs à suggérer la comparaison avec Paris. Déjà à Tunis, le 19 novembre
1930, la Tunisie française signale que le cimetière de la rue du Réservoir
s’est rempli de « gourbis analogues à ceux de la zone de Paris ».
Or, la filiation pour une part européenne et « prolétaire » du bidonville
est attestée par Paul Rabinow, qui rappelle explicitement que le sousprolétariat originaire de la Méditerranée du Nord habitait les espaces des
bidonvilles 15. Un chercheur marocain est allé encore plus loin, affirmant
sans ambages la paternité européenne de ce type d’habitat : « Les premiers
bidonvilles utilisant les déchets de l’industrie étaient construits et habités
par des Européens, qu’on trouvait au milieu même de la ville européenne.
Goulven rapportait qu’en 1922 16 […], il y avait des petits bidonvilles à la
rue de Marseille (quartier Liberté) et à TSF. (du côté du quartier Bourgogne).
Ils étaient habités par des Espagnols et des Portugais.» (Nachoui 1998 : 45)
En France, en tout cas, les bidonvilles n’abritèrent pas que des populations immigrées d’Afrique du Nord, dites le plus généralement « arabes »,
« musulmanes » et composées par des « célibataires » ou des « isolés » (ces
derniers ayant laissé leur famille au pays d’origine). Des familles entières,
portugaises, espagnoles, yougoslaves, italiennes et même françaises ont
habité les bidonvilles métropolitains au cours des années 1950-1970. Ainsi,
les Français constituaient 20 % du total des 75 000 bidonvillois officiellement recensés en 1966 par le ministère de l’Intérieur ; 20 % étaient des
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Portugais, 42 % des Maghrébins (Lallaoui 1993 : 44). L’émigration de
l’Afrique du Nord, démarrée plusieurs années auparavant, prend au cours
des années 1950 des proportions importantes : 300 000 Maghrébins y
sont installés en 1953 (Rouissi 1983 : 101). Aux abords des villes se retrouveront également des «gitans rapatriés» du Maghreb, comme au bidonville
dit « La Campagne Fenouil » à Marseille (Brun 1964). Les bidonvilles de
Nanterre abritent jusqu’à 300 familles de différentes nationalités en 1968,
ainsi que le relève Bernard Bret (1968). La complexité sociale de ces microcosmes bidonvillois est à la fois le produit d’une «homogénéité» sociale et
géographique par le phénomène des recompositions villageoises ou tribales, de provenance plus ou moins lointaine, mais également le produit
de la diversité des origines, qu’elle soit d’ordre géographique, national,
« ethnique », rural ou urbain. Ainsi la composition sociale et les provenances disparates du peuplement de trois petits bidonvilles de la banlieue
parisienne étudiés par Colette Pétonnet au cours des années 1970 renvoie, plus qu’à l’idée même du microsome, à l’idée d’un nouveau cosmopolitisme métropolitain, dont les grandes agglomérations multiethniques
d’aujourd’hui sont probablement héritières.
Quel qu’en soit le bien-fondé, le propos de Nachaoui, quant à l’usage
du mot bidonville dès 1922, permet de mettre en exergue un aspect particulier de la question. C’est-à-dire de considérer l’impact d’un savoir-faire
introduit au Maroc (et au Maghreb) à la suite de l’immigration coloniale,
ainsi que l’impact de l’importation de nouveaux modes de production et
d’organisation du travail, voire de valeurs, de technologies et de matériaux
nouveaux. Ce seraient, si on suit Nachoui, les migrants européens arrivés
à Casablanca dès sa conquête militaire en 1907 qui auraient donc édifié
les premières baraques qui vont engendrer Bidonville et les bidonvilles,
utilisant des modes de construction déjà employés dans les périphéries
prolétaires des villes de l’Europe industrielle du début du XXe siècle. Le
bidonville est donc dans sa genèse le produit de la civilisation industrielle,
du capitalisme et du colonialisme, dans un contexte marqué par l’exode rural
et par ce qui sera appelé par la suite le « processus d’urbanisation ».
Le concept d’habitat sous-intégré
face à l’inertie de la sémantique
Afin de «réagir contre l’emploi de plus en plus fréquent du terme “bidonville” pris dans un sens de plus en plus extensif et confusionniste» (Lacoste
1980 : 6-7), fut organisé à Vincennes un colloque sur «les formes d’habitat
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urbain sous-intégré », dont une partie des actes sera publiée dans un
numéro de la revue Hérodote, où le géographe marocain Mohamed Naciri
(1980) présentera la notion d’« habitat sous-intégré ».
Paul Bairoch (1985 : 605) constate qu’au cours des années 1980
« même les Nations unies reviennent aux “bidonvilles” », alors que les
enquêtes menées précédemment sur l’habitat urbain étaient tenues de
recenser – d’après les recommandations de la commission statistique de
l’ONU – des « unités d’habitations improvisées ». Un rapport des Nations
unies (1977) avertit explicitement : «On a employé les expressions “zones
de peuplement non réglementées”, “de transition”, et “marginales” pour
tenter d’échapper à la connotation péjorative de termes tels que “taudis” ou “bidonville” » (cité dans Bairoch 1985).
Ce retour des bidonvilles constaté par Bairoch dans le lexique onusien
de version française, semble bien correspondre en France à un dépassement de la phase de réticence et de résistance idéologique quant à l’emploi inconditionné du mot dans le registre scientifique. Ce mouvement
des mots, qui n’est pas linéaire, nous semble traduire une nouvelle posture, s’inscrivant à la fois dans le constat (pas totalement avéré dans les
faits) de la disparition des bidonvilles en métropole et du déferlement de
l’habitat précaire et insalubre dans les villes du monde entier, l’explosion urbaine continuant à se propager.
Tout en se démarquant des courants proprement tiers-mondistes et
développementalistes des sciences sociales – qui avaient quant à eux bien
identifié depuis des années l’universalité des mécanismes et la portée
mondiale du processus, mais qui s’efforçaient d’en différencier les formes
proprement locales –, le discours qui se développe dans la décennie 1980
ne fait que postuler la démarche des savants français qui vont finalement
ériger le bidonville en catégorie universelle.
Un important vecteur de diffusion du mot est représenté par la parution d’ouvrages sur le phénomène de l’urbanisation dans le Sud du monde,
à quoi s’ajoute la publication de revues et périodiques scientifiques et de
divulgation consacrés au tiers-monde et au sous-développement. L’ouvrage
de Bernard Granotier La planète des bidonvilles. Perspectives de l’explosion
urbaine dans le Tiers Monde (1980), et celui de Noël Cannat, Sous les
bidons la ville…, de Manille à Mexico à travers le bidonvilles de l’espoir
(1985), constituent à cet égard deux exemples significatifs. Paul Bairoch
estime que le bidonville est désormais « une forme majeure de l’habitat »
dans les agglomérations du Sud ; on ne manquera pas toutefois de remarquer que « le bidonville est absent de la Chine » (Bairoch 1985 : 606).
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Néanmoins, il est assez probable que le passage du mot bidonville du
Maghreb au tiers-monde s’est opéré par un détour préalable et une «naturalisation » du terme à travers la France métropolitaine. Ce mot n’est
généralement pas employé pour les villes africaines au sud du Sahara au
cours des années 1950. Certes, le temps de l’urbanisation africaine diffère de celui de l’Afrique du Nord, et l’industrie n’assume pas le même
poids que dans des villes telles que Casablanca, Alger ou Tunis (Cattedra
& Memoli 1995). Jean Dresch, dans son essai pionnier, Les villes d’Afrique
occidentale, publié en 1950, utilise les termes de « villes noires » ou de
«villages» pour évoquer les établissements suburbains. Georges Balandier,
quant à lui, dans sa Sociologie des Brazzavilles noires, décrit des « centres »
ou des « villages noirs », dont Poto-Poto : un toponyme qui sera adopté
par la suite comme emblème des bidonvilles d’Afrique occidentale
(Balandier [1955] 1985). Le constat que nous pouvons établir est le suivant : « pas de bidonvilles » en Afrique avant 1960.
Les africanistes soulignent que l’usage colonial du mot «village» ne fait
que dénier, sur le fond, la dimension urbaine des civilisations africaines,
tout en maintenant aux marges des villes les nouveaux arrivants (CoquéryVidrovitch 1988). De fait, l’idiome disciplinaire aurait tendance à faire
une distinction entre le bidonville maghrébin, construit par les matériaux de récupération et les déchets industriels, et l’habitat spontané ou
informel des villes d’Afrique au sud du Sahara, qui est l’expression de
savoir-faire et de traditions d’autoconstruction d’origine rurale, impliquant
l’usage de matériaux locaux : les deux types étant le résultat d’une occupation illégale. Pourtant, là aussi, provoquant la perplexité des africanistes les plus orthodoxes, le mot bidonville fera son apparition, surtout
après les indépendances. Il se diffuse à travers une certaine littérature
savante, les guides de voyage, et la presse. Il doit toutefois se confronter
rudement soit avec la concurrence de la toponymie locale – qui aurait tendance à échapper à toute catégorisation –, soit avec les dénominations et
classements anglophones. Le cas de Johannesburg est exemplaire : dans
les banlieues de cette ville se produit une espèce de phénomène inverse
de Bidonville car c’est à partir d’une catégorie administrative déjà ratifiée – les townships – et d’une localisation géographique – South West –
que prend origine depuis 1976 le toponyme Soweto (acronyme de « southwestern townships ») (Bonnet 1994 : 179).
Dans l’ouvrage classique de Pierre Vennetier sur Les villes d’Afrique
tropicale, la seule occurrence de bidonville que nous avons repérée est
contenue dans la légende d’une photographie montrant le quartier de
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Pikine à Dakar, loti au cours des années 1950 «pour accueillir les “déguerpis” des “bidonvilles” intra-urbains» (Vennetier [1976] 1991 : 87). Xavier
Crépin remarque pour autant qu’en Afrique « le bidonville, occupation
précaire avec des matériaux de récupération, phénomène marginal au
départ, a eu tendance dans les trente dernières années à devenir le modèle
dominant du développement des villes » (Crépin 1993 : 77). Signalons
enfin, à titre d’exemple, que dans Le Guide du Routard, Afrique noire
(1994/95 : 41), bien que l’expression bidonville n’apparaisse pas ailleurs,
dans la rubrique de conseils et renseignements de voyage le lecteur est
averti « qu’il n’y a guère de problèmes pour dormir dehors, à part évidemment à proximité des bidonvilles ».
Un récent rapport rédigé en anglais par UN-Habitat (2003 : 30) permet de faire un distinguo de principe. Un encadré spécialement consacré
à « The words that describe the slums » indique que « The delimitation of
what the word “slum” covers is even more complex when one considers the
variety of word it has generated in other languages». Avant de proposer une
liste des mots utilisés en français, espagnol, arabe, russe, portugais, anglais
américain et « autres langues », une spécification rappelle que « the words
which describe the slums also incorporate other specific realities, such as
in French the bidonvilles, describing precarious settlements made out of iron
sheets and tins (bidons) ». Si l’on renverse le propos de cette formulation,
d’après ces experts des Nations unies, le terme bidonville ne recouvre qu’une
partie de l’habitat précaire urbain dans le monde, celui qui renvoie à ses origines sémantiques : le fer, la tôle ondulée, le bidon… Cela ferait déroger
de la sorte à l’usage uniformisant et universel, voire normalisateur, du mot.
Le débat sur la fonction sociale du bidonville et sur l’opportunité
scientifique d’adopter une telle dénomination n’est pas, on l’a vu, tout
à fait récent. Bidonville – le mot et ce qu’il désigne – est chargé depuis
l’origine d’une signification sociologique et politique très dense, lourde
de conséquences. Son sens évolue en fonction des faits – l’urbanisation
agressive et la prolétarisation –, mais aussi des enquêtes, des recensements, des diagnostics –, des représentations et les idéologiques sousjacentes à la prise de décision.
L’espace destiné à la disparition
et les permanences aléatoires de la stigmatisation
Les méthodes de «lutte dite “antibidonville”», pour reprendre une expression employée par Monique Hervo et Marie-Ange Charras, à propos du
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contexte français du début des années 1970 (1971 : 403), sont différentes et même opposées, ainsi que l’est la signification sociologique
qu’on prête aux bidonvilles. Diverses stratégies évoluent au gré des politiques urbaines et des contextes locaux, ou selon les préconisations de la
Banque mondiale, ou les orientations des agences onusiennes, voire
d’ONG internationales – ce qui a été plutôt le cas ces dernières décennies
(Osmont 1995). Ces actions se mettent en œuvre, s’estompent et se.
Des politiques sournoises de «laisser-faire» peuvent vite basculer dans l’action radicale des bulldozers, la stratégie primaire de « contrôle » peut
s’engager dans une véritable politique de regroupement des sites.
Séparation, cantonnement, ségrégation, ghettoïsation, apartheid, exclusion rempliront alors, avec toutes leurs sonorités, « l’espace de débat »
sur le sort du bidonville. Le regroupement des bidonvilles peut mener également à leur déplacement à l’aune, par exemple, de l’extension progressive des périmètres municipaux (voir à ce propos Topalov 2002).
Le choix politique de l’« amélioration » signifie, quant à lui, une espèce
de reconnaissance de légitimité – quoique transitoire – des bidonvilles :
l’amélioration comporte leur viabilisation, l’installation de quelques fontaines ou points d’eau, des latrines, voire l’électrification, le ramassage des
ordures, la présence d’un poste sanitaire et de police, l’installation d’infrastructures et d’équipements comme les égouts et des lieux de culte. Cette
méthode est connue sous l’appellation de up-grading dans le jargon de la
Banque mondiale (Balbo 1992).
D’un autre côté, l’action radicale n’aura pas à craindre l’invention de
mots appropriés, incorporés ou élaborés dans le langage administratif et
urbanistique pour se mettre à l’œuvre : arasement, démolition, éradication, « déguerpissement » (Sénégal), « dégourbification », « résorption »,
débidonvillisation. Ce lexique aura le privilège d’entrer dans les dictionnaires, quand il n’y apparaissait pas auparavant. Mais la voie qui conduit
de la résorption au recasement peut se révéler tortueuse. Dans les villes
en développement, le recasement via l’autoconstruction (assistée par
l’administration locale ou par des experts des organismes internationaux
et des ONG) peut s’inscrire dans des projets dits de sites & services – dont
l’origine remonte à la « trame sanitaire » d’Écochard (1951). En France,
le passage « du bidonville aux HLM » (Lallaoui 1993) a signifié pour les
populations concernées plusieurs années d’attente dans les « cités de transit » (1960), ou les « cités d’urgence » (1973), voire des foyers. Un tract de
la Ligue du coin de terre et du foyer diffusé en 1958 mettait en garde
contre l’assimilation des jardins ouvriers à un bidonville, défini comme
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une «sorte de degré zéro, misérable et non équipé, du lotissement pavillonnaire» (cité par Weber 1998). D’autres expressions comme Maroc, «appellation générique des lotissements pauvres » (Fourcaut 2000 : 150), sont
signalées en région parisienne (Champigny) vers le milieu des années 1950
(Wender 2001 : 47). Ainsi, dans ces cas, la stigmatisation dont est chargé
le bidonville se transpose, par métonymie (c’est-à-dire le contenant pour
le contenu), et donc par le transfert de ses anciens habitats, même aux logements transitoires, ou « logements tiroirs » dans lesquels ces populations
seront hébergées, de manière dite non permanente, sur leur voie « d’accès
à la ville et à la citoyenneté ». Néanmoins, les formes qu’empruntent ces
lieux de transit, qui accueillent également «les sinistrés» de l’après-guerre,
sont susceptibles elles-mêmes de renvoyer au paysage du bidonville : «On
appelait ces habitations des “igloos”. Le temps s’est installé. Des jardinets, des barrières, des baraquements et même des rues ont eu raison de
l’urgence. Un embryon de ville a jailli. Ces “igloos” rassemblaient à de gros
bidons ensevelis à moitié et couchés sur le côté. Peut-être trouvons-nous
ici l’origine du mot “bidonville”. » (Lallaoui 1993 : 18)
Géographie émotionnelle
et rationalité des récits du paradigme bidonville
Nous l’avons déjà évoqué, il y eut dès les années 1930 un débat sociologique et politique et de nombreuses polémiques sur le bidonville. Pour
les uns, il peut être appréhendé comme le lieu de la marginalité, du danger social et politique de la ville : les « révoltes des bidonvilles » ont hanté
les autorités coloniales et préoccupé les États indépendants. Au moment
où s’effectue le passage du bidonville maghrébin au bidonville métropolitain, la métaphore des « ceintures rouges », spectre des banlieues françaises, fut simultanément utilisée pour désigner les marges tentaculaires
des grandes villes d’Afrique du Nord. Le « danger » des bidonvilles, « foyer
de terrorisme» (De La Varde 1955 : 46), devient de la sorte un thème habituel du discours ordinaire dans la société coloniale, à la veille de la guerre
d’Algérie et des indépendances du Maroc et de la Tunisie. Dans les analyses marxistes ou marxiennes sur la colonisation française en Afrique
du Nord dans les années 1970, le discours sera souvent focalisé sur la
gestion capitaliste du bidonville, en tant qu’il serait le lieu de « reproduction d’une force de travail » indigène stable au service de l’entreprise
industrielle, souvent désignée comme impérialiste (Benzakour 1978 :
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95). Le bidonville maghrébin est assez souvent le bassin de recrutement
de la main-d’œuvre prolétaire à des salaires risibles.
Il convient de rappeler que dans l’entre-deux-guerres et après 1945
de nombreuses enquêtes sur les bidonvilles furent menées en Afrique du
Nord par des administrateurs français, souvent en collaboration avec des
médecins hygiénistes et des universitaires, en vue de l’obtention de leurs
diplômes de l’ÉNA, du CHEAM ou de l’Institut d’urbanisme (Ratier 1949 ;
Manneville 1950 ; Mas 1950). Elles fournissent des statistiques sur les
médinas « ruralisées » et les bidonvilles « sous-prolétaires ». Les tableaux
sont utilisés pour illustrer les conditions sanitaires et sociales de l’ensemble des « populations des taudis et bidonvilles », ou bien pour les
comparer l’une à l’autre. On pourra de la sorte affirmer que la tuberculose sévit moins en bidonville que dans les centres anciens (Stambouli
1977 ; Adam 1968) ; que les conditions d’ensoleillement, de l’air et la
présence d’espaces libres constituent un cadre de vie moins nuisible que
celui des taudis sordides des médinas surpeuplées; on évaluera que les taux
de chômage dans les bidonvilles sont moins sensibles que dans les espaces
dégradés de la ville ancienne.
Des sociologues signalent que « certains travaux sur les bidonvilles
qualifient trop hâtivement ces populations de marginales » (Stambouli
1977 : 249). Ces derniers insisteront sur le fait que la vie en bidonville
– pour mieux dire la transition par le bidonville – est à considérer comme
une espèce de passage obligé, une adaptation des modèles d’habitat rural
à la métropole. Il s’agit d’une «étape de l’acculturation au monde urbain»
(Pétonnet 1982 ; voir 1972) 17, un stade sur la voie d’accès à l’urbanité et
à la citadinité, un instrument d’acculturation douce (Pétonnet 1985 :
52). Une telle orientation peut d’ailleurs être soutenue par les tenants
d’une vision progressiste et de type culturaliste, voire, à l’opposé pour justifier la permanence des bidonvilles dans leur fonction d’espaces de cantonnement de groupes sociaux reconnus comme mal adaptés et nuisibles
à la « norme sociale » de vie urbaine.
Les raisons qui mènent par exemple les populations algériennes arrivées en France après 1962 « à trouver refuge à l’intérieur de bidonvilles »
comme ceux de Nanterre (qui s’étaient constitués dans les années 1950)
« se conjuguent souvent avec le souci de trouver dans ce type de regroupement “spontané et inhérent à l’action humaine” [Pétonnet 1982 : 64]
une solidarité et un univers familier composé d’interconnaissances permettant de maintenir un équilibre interne et d’éviter une rupture trop
brutale avec la société d’origine » (Belhadj 1993 : 26). Encore une fois
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nous nous retrouvons face au leitmotiv du « spontané » : « c’est ainsi –
comme le remarque Marnia Belhadj – que Colette Pétonnet qualifiait
ce type d’habitat dans la mesure où leur conception est perçue comme
étant exclusivement le fait des individus et non de la rationalité administrative » (ibid.).
Par ailleurs, l’analyse de la stratification sociale montre qu’« il y a aussi
des riches en bidonville » (Écochard 1955 : 27). À Alger, Jaques Berque
(1958 : 35) repère un « bidonville chic ». Les spécialistes français souligneront encore que « les pires bidonvilles » d’Amérique latine sont pourvus de branchements électriques, d’antennes de télévision (Guglielmo
1996 : 121), voire d’antennes paraboliques !
Le débat social et politique sur l’objet bidonville est loin, encore
aujourd’hui, de s’estomper.
Bidonville à la Une
La presse a constitué un vecteur privilégié de la diffusion du mot 18. Les
références à la presse de la période 1920-1930 reviennent d’ailleurs continuellement, comme on l’a vu chez les divers auteurs cités plus haut, à attester et isoler le « degré zéro » de bidonville : le temps et le lieu de sa première occurrence écrite. Ces références sont activées afin d’en justifier la
paternité géographique entre les villes du Maghreb. Plus tard, d’autres
auteurs vont souligner que si en région parisienne (à Saint-Denis) « les
îlots des baraquements auto-construits [seront] appelé[s] “bidonvilles” à
partir de la fin des années 1950 » (David 2002), c’est que la presse a vraisemblablement contribué à la diffusion du mot, car leur présence sous
cette appellation y avait été niée jusqu’à l’entrée de la deuxième moitié
du siècle (Gastaut 2000).
Le recours à la presse est d’autre part assez commun dans les dictionnaires généraux. D’après le Trésor de la langue française (1975), c’est à
travers les pages du Monde du 9 septembre 1953 que mot bidonville
aurait fait son apparition dans la presse française, mais avec une attestation concernant le Maroc. Avec cette dernière, les références géographiques
les plus usitées par les dictionnaires concernent plusieurs villes de la
région parisienne et Marseille, ainsi que des villes européennes comme
Barcelone, Naples, Lisbonne ou Athènes. Toujours dans le Trésor (1975),
la citation qui illustre le contexte et le sens d’usage est : « Dans les bidonvilles de Barcelone des familles s’entassent à dix par pièce », tirée du
Monde du 17 juillet 1958. Plus récemment, en signifiant la prise en
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compte de l’usage encore plus extensif et englobant du mot, les dictionnaires vont évoquer « Les bidonvilles de Rio » avec le renvoi explicite
(⇒) à l’entrée favela (Petit Robert 1996).
Dans le Dictionnaire des mots contemporains (Robert 1980), parmi
d’autres, c’est une longue citation de La Croix du 1er octobre 1970 qui
est sélectionnée pour indiquer l’apparition du dérivé « bidonvillien ».
De nos jours, le mot bidonville continue d’être assez courant dans
l’usage journalistique français. Les références les plus communes relèvent géographiquement d’un grand nombre de villes du Sud de la planète : Bombay, Calcutta, Jakarta, Mexico, Le Caire, Rangoon, Lagos,
Kampala, Port-au-Prince, Bogotá… Il ne manque pas d’ailleurs de chroniques consacrées aux bidonvilles qui résistent dans certaines villes européennes : « Le Portugal éradique ses bidonvilles » est le titre du reportage d’Emmanuel Vaillant, envoyé spécial du Monde diplomatique (janvier
2000). « Battaglia per la bidonville » (Bataille pour le bidonville), tel est
le titre d’un article de Concita Sannino paru dans La Repubblica (20 janvier 1994), rapportant des troubles éclatés à Herculanum suite « au
déguerpissement des baraquements ».
Les géographes font d’ailleurs un large emprunt à ces références dans
leurs ouvrages pédagogiques ou de vulgarisation 19. Ainsi, langage journalistique et langage savant interfèrent, et ne font que décliner – en l’amplifiant – le paradigme sémantique du mot et de la chose. Les registres
adoptés par la presse dans les références au bidonville relèvent de plusieurs
ordres : la spectacularisation, la catastrophe, le drame, l’objectivation,
la dénonciation de la stigmatisation… Le plus souvent, c’est toutefois par
la spectacularisation et par le drame que le phénomène des bidonvilles
est objet de chroniques et d’analyses. C’est le drame des réfugiés de guerre
ou de famine au sein des campements de Gaza, Khartoum et d’autres villes
africaines ou asiatiques, assimilés aux bidonvilles, ou désignés sous ce
nom. La catastrophe constitue fréquemment l’occasion de parler des
bidonvilles dans les journaux.
Le lexique journalistique et le support médiatique de la presse peuvent
également, mais bien plus rarement, représenter des vecteurs d’euphémisation du paradigme stigmatisant des bidonvilles. C’est le cas, à
Bombay, de « Dharavi, le plus grand bidonville d’Asie », lequel est à plusieurs reprises objet d’intérêt dans la presse française, en automne 2004,
du fait qu’il serait susceptible de procurer «des leçons de survie» : «Ils sont
un million à s’entasser dans cette zone déshéritée de Bombay. Les gens
de Dharavi sont pauvres, dignes et industrieux. » Référence?
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Mais, fatalement (?), le retour aux origines s’impose. Ce sont encore
les bidonvilles casablancais qui auront le privilège de la une dans la presse
mondiale au lendemain des « attentats suicides » de mai 2003. Un article
de Fahd Iraqui, paru dans Le Journal hebdomadaire et reporté par Courrier
international, (n° 658, juin 2003), n’est pas sans rappeler les descriptions rebutantes de ce fameux Bidonville des années 1930, à proximité
du Bousbir, ou celles du bidonville d’Alger (Iraqui 2003).
« Misère et djihad au Maroc » seront encore à la Une, cette fois-ci, du
Monde diplomatique, en novembre 2004 : « C’est dans les espaces délaissés par l’État, dans la misère des bidonvilles que, chaque jour, se fabriquent les conditions d’une révolte désespérée » (tel est l’en-tête de l’article
de Selma Belaala). On dirait que rien n’a changé. La sémantique de
la «révolte désespérée des bidonvilles» révèle et atteste un registre que nous
avons déjà rencontré, exactement cinquante ans auparavant, au moment
de l’indépendance, quand, à « mourir pour mourir », les habitants des
Carrières centrales «préféreront mourir sous le plomb de la force publique
que mourir de misère et de mépris » (Clément 1982-83 : 27). Si l’espace
du bidonville, renversant alors le stigmate du lieu de la révolte, pouvait
être identifié, tant au Maghreb qu’en France, au « berceau du nationalisme » – « le 5 juillet 1962, à l’indépendance enfin obtenue, une explosion de joie secoue le bidonville [de Nanterre] » 20 –, que lui reste-t-il
aujourd’hui ?
Les dénominations courantes d’un célèbre bidonville comme Chichane,
c’est-à-dire «Tchétchénie», ou celle d’un quartier appelé Zbalat Miricane,
« la décharge ou l’ordure américaine », témoignent du renversement de
la stigmatisation de la part des habitants – comme on l’a vu pour
Constantine, dans les cas de New York et Chicago, signalé par Moussaoui
(1999). Ces noms deviennent de la sorte l’emblème de la naissance d’une
« nouvelle banlieue chaude » (Iraqui 2003), aux marges de Casablanca,
dont la sémantique marque à la fois la dangerosité autoproclamée de ses
espaces, tout en attestant le soutien à la résistance islamique en Asie centrale et le mépris de l’Amérique.
« Les damnés de la ville. En 2020, deux milliards d’humains vivront
dans des bidonvilles : c’est le constat alarmant dressé au Forum mondial urbain de Barcelone » lisait-on à la Une de Libération le 16 septembre 2004.
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FIG. 2. 1re page de Libération, 16 septembre 2004.
Bidonville@net : espace virtuel,
espace d’euphémisation
Bidonville désigne toujours dans l’usage courant et scientifique français
un type d’habitat urbain, spontané, précaire. Il renvoie à la représentation d’un espace marginal et réprouvé, misérable et dangereux, métaphore de l’insécurité du monde urbain d’aujourd’hui. Il reste marqué le
plus souvent par l’empreinte de ses stigmates, même après sa disparition,
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que ce soit dans la mémoire du lieu, ou dans les traces et les blessures que
les habitants gardent avec eux (mémoire de l’espace vécu), sans pouvoir
s’en réhabiliter, et qui éventuellement seront transmises à leurs nouveaux
espaces d’habitat. Paradigme refoulé de la ville du XXe siècle, il s’apprête
– semble-t-il – à devenir le paradigme dominant de la ville du XXIe.
Néanmoins, le mot a commencé à être employé dans d’autres contextes
et avec d’autres significations. Les résultats de l’investigation « indiciaire »
que nous avons menée sur le Web, à différents moments, entre juin 1999
et décembre 2004 21, permettent de montrer qu’il est actuellement l’objet
d’une action réformatrice – accidentelle ou volontaire – qui prend corps
dans un contexte d’usage qui est devenu universel : Internet. Elle représente
et rend virtuellement opératoire à l’entrée du XXIe siècle une déclinaison ultérieure – cette fois-ci positive et euphémique – du paradigme bidonville.
La première recherche, effectuée en langue italienne à travers le moteur
de recherche Altavista le 1er juin 1999, a permis d’identifier 759 sites ou
entrées se rapportant à (ou aux) bidonville(s). La dernière recherche,
toutes langues confondues, du 10 décembre 2004, conduite à travers le
moteur Google, présente le résultat surprenant de 52 300 références !
L’amplification du nombre d’entrées sur le Web ne change pourtant pas
les principes et les déterminations du répertoire sémantique déjà identifié en 1999. L’amplification ne fait qu’étayer et consolider une sorte de réhabilitation virtuelle du mot. Différents domaines, les plus variés, sont associés au mot bidonville de deux manières. Ou bien on évoque un bidonville,
ou les bidonvilles dans leur réalité, objectivée ou en projet au sein de sites
officiels de l’institution, comme au Maroc, dans les travaux des chercheurs en sciences sociales (des géographes aux anthropologues et aux
urbanistes), dans les sites ou projets de cabinets d’études, d’association
non gouvernementales, ou dans les CV d’experts, voire encore des articles
de presse évoquant tout autant la présence actuelle de bidonvilles en
France (Lyon, Marseille, Val-de-Marne 22, Nîmes ou Antibes 23), que celle
de bidonvilles algériens, expression de contrepouvoir. Ou bien on réfère
plutôt à la sphère sémantique et idéelle du bidonville ou de son monde
et qui apparaît notamment dans le contexte ou l’expression de type artistique. Ce monde, associé à celui des milieux associatifs écologistes, alternatifs voire altermondialistes, constitue les principaux vecteurs d’euphémisation de la sémantique bidonvilloise. Et même certains sites liés à la
thématique résorption ou réhabilitation des bidonvilles, liée à l’action de
solidarité des ONG et à l’idée du développement participatif et/ou durable,
peut en représenter un deuxième vecteur, lui-même relié au premier.
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Dans le monde de l’expression artistique, c’est la musique, le cinéma,
la photographie, la danse, le théâtre, la peinture et la sculpture qui font
la part belle à l’entrée bidonville – que celle-ci réfère expressément ou
non à la réalité du topos. Elle peut également émerger au sein de références
à la photographie, à la littérature de voyage, aux revues alternatives, à
des périodiques et des quotidiens, aux jeux et quiz. En 1999, notamment, dans le domaine musical figuraient de nombreuses récurrences
de la page Web « MP3.com », qui était à l’époque un site très réputé et
utilisé pour le téléchargement de fichiers musicaux... Si la musique est toujours présente, dans les recherches effectuées en 2003 et 2004, ce sont les
sites consacrés à Claude Nougaro qui en sont la vedette, référant directement à une de ses vieilles chansons : Bidonville.
Regarde-la ma ville
Elle s’appelle Bidon
Bidon, Bidon, Bidonville
Vivre là-dedans, c’est coton
Les filles qui ont la peau douce
La vendent pour manger
Dans les chambres l’herbe pousse
Pour y dormir faut se pousser
Les gosses jouent, mais le ballon
C’est une boîte de sardines, Bidon
(Claude Nougaro 1966)
D’autres euphémisations sont
plus particulièrement liées à
l’univers de la peinture et à la
sculpture. Ainsi, le Web est en
mesure de proposer des œuvres
d’art désignées comme « expression-bidonville», telle une sculpture, le Grand Bwa-Vlopé (1998)
de l’artiste martiniquais Serge
Hélénon, présentée lors d’une
exposition sur l’art métis afroaméricain au musée Dapper à
Cagnes-sur-Mer, intitulée « Les
Bois sacrés d’Hélénon ».
FIG. 3. Le Grand Bwa-Vlopé (1998), de Serge Hélénon. Image dans son
contexte original, sur la page www.dapper.com.fr/.../ expositions/2002_03.htm.
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Même l’objectivation du bidonville et la mise en perspective d’une
action pour en améliorer les conditions de vie participent du changement de sens. Dans cette perspective apparaissent des univers comme
la coopération et l’« aide au développement », la santé, la recherche scientifique et l’expertise dans le PVD, les milieux associatifs de matrice écologiste, les associations engagées dans les actions de respect des droits de
l’homme, ou sur les terrains des droits des migrants, des « sans-papiers »,
des femmes et des enfants en milieu bidonvillois. Plusieurs associations
présentent des sites invitant à parrainer des enfants, une école ou un
micro-projet dans les bidonvilles, comme à Haïti « Cité-Soleil », au nom
si lumineux, ou plus généralement en Inde, en Afrique, au Brésil…
FIG. 4. La Cité-Soleil et le parrainage d’enfants haïtiens.
L’espace virtuel du mot bidonville semble référer dans ces contextes à
l’idée de la diversité culturelle de la planète et de la richesse d’invention
des populations. La tendance à l’euphémisation du mot bidonville est
assez présente dans l’usage italien, mais elle est susceptible de se diffuser.
Le site de Bidonville (www.bidonville.com) – une association écologiste
de Naples qui anime depuis le milieu des années 1990 plusieurs initiatives (récupération et recyclage d’objets, marchés aux puces, expositions :
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« Fiera del baratto », « Operazione Ri-Ciclo » (pédaler dans la ville),
« Recycle-Art ») – apparaît, le 25 novembre 2004, en première position
(sur plus de 18 000 résultats) sur le moteur de recherche Google, si l’on
recherche bidonville sur tout le Web, dans toutes les langues européennes
disponibles, y compris le français. À remarquer que la seule langue de
recherche dans laquelle l’association italienne Bidonville n’apparaissait
pas en en tête de liste était le français, seulement une année auparavant.
FIG. 5. L’association napolitaine Bidonville et les affiches de « La fiera
del baratto ».www.bidonville.org/ bidonville/bidonville.htm
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Parmi des références particulières de la « nouvelle vague », on remarque
de nombreux sites concernant Kayan Ben M’sik à Casablanca, d’autres
qui référent à Mère Teresa, prix Nobel de la paix, une photo montrant
le Pape Jean-Paul II dans un bidonville, une nouvelle formule d’action
collective protestataire que nous avons retrouvée mise en scène à Londres
et à Montréal, consistant à « créer un bidonville » devant le siège d’une
institution officielle, pour revendiquer le droit d’asile, ou « le respect du
droit au logement », et enfin, le site www.unesco.org/most !
« Bidonville » au HCNUR
La Grève mondiale des femmes se joint aux manifestations de la Journée
européenne d’action pour les droits des immigrant/es et des demandeuses et
demandeurs d’asile.
Le 30 janvier dernier, des femmes demandeuses d’asile en provenance
d’Érythrée, d’Éthiopie, du Congo, du Kenya et du Zimbabwe, ainsi que leurs soutiens, ont créé un «bidonville» devant le siège du Haut Commissariat des Nations
unies pour les réfugiés (HCNUR) à Londres. Les manifestantes et manifestants
ont demandé à l’HCNUR d’intervenir dans la crise humanitaire dont les demandeuses et demandeurs d’asile sont actuellement victimes, tel qu’il est mandaté
de le faire dans tous les pays où des réfugiés ont fui en quête de protection.
http://www.globalwomenstrike.net/French2004/BidonvilleauHCNUR.htm
(10 décémbre 2004)
Une centaine de personnes de
Gatineau participent à la construction d'un bidonville avec des panneaux électoraux, meublé et non
chauffé !
Ça trime dur pour construire un
bidonville à Montréal, à côté du Palais
de Justice, pour revendiquer le respect
du droit au logement.
FIG. 6a et 6b : Manifestation à Montréal.
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Notes
1. Voir à ce propos Lussault 1998 : le paragraphe « L’urbanisme guérisseur ».
2. Yvone Mahé, 1936, L’extension des villes indigènes au Maroc. Thèse de droit, Université
de Bordeaux, citée dans Adam 1968.
3. « Mais je crois bien qu’il [bidonville] est né en Afrique du Nord et probablement au Maroc.
Je ne serais même pas étonné que ce soit à Casablanca, où il supplanta le mot “gadoueville”,
attesté vers 1930 (Mahé 1936, voir note 2), mais qui n’eut pas de succès » (Adam 1968 :
85-86).
4. Fonds de la Résistance tunisienne. Archives diplomatiques de Nantes, 2MI 394, dossier 2,
p. 117.
5. Il s’agit d’une référence repérée par nous-même et qui était passée inaperçue dans la littérature
sur la question, l’auteur n’y dédiant que quelques mots en décrivant le peuplement « indigène » de la ville de Rabat.
6. Ravennes s. d. [1932], cité dans Lavaud 2002 : 77.
7. Sous-commission d’hygiène, 22 janvier 1931, BMO janvier-février 1931, cité dans Cohen
& Eleb 1998 : 222, note 82.
8. Bon 1939 : 23-24, cité in Cohen & Eleb 1998 : 222, note 87.
9. Voir à ce propos Navez-Bouchanine 1997 : chap. 5.
10.Gaud & Sicaud 1937 : 96, cité dans Cohen & Eleb 1998 : 222, note 85.
11.On remarquera d’ailleurs que ce genre d’analogies entre Bidonville, cité et capitale avaient
été suggérées déjà à propos du premier bidonville de l’histoire (Sieburg 1938, voir plus
haut).
12.Ce témoignage est publié dans Lallaoui 1993 : 54-56, sous le titre « Retour à Nanterre ».
13.Je tiens à remercier M. Bernard Bret qui a bien voulu me communiquer aimablement ce
document.
14.Cité dans Robert, Dictionnaire des mots contemporains, par P. Gilbert, 1980.
15.« It is worth mentionning that working-class, Méditerranean proletariat and subproletariat Europeans lived in bidonvilles as well as in substandard housing in the old medina »
(Rabinow 1989 : 308).
16.« L’assainissement de Casablanca », Le Petit Marocain, quotidien.
17.Cité dans Belhadj 1993 : 24
18.Le Dictionnaire des mots nouveaux de P. Gilbert (1971) souligne explicitement que « la
presse a répandu [« bidonville »] dans la métropole ».
19.Par exemple : Pérouse 1993 : 5 ; Guglielmo 1996 : 118-152.
20.Aechimmann & Natan, Libération, 29 octobre 2004.
21.Et qui mériterait une exploration plus approfondie que nous n’avons pu conduire ici.
22.« Sarkozy expulse les Roms de leur bidonville. Le camp de fortune de Choisy-le-Roi (Valde-Marne) a été vidé de ses habitants mardi, comme deux autres lieux où ces familles,
roumaines pour la plupart, avaient trouvé refuge. Reportage. Par Ludovic Blecher. »
(3 décembre 2002, Liberation.fr – 17:46)
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23.« Antibes : le bidonville Muratori détruit » (article du 21 avril 2004) sur
http://www.pcfvsa.org/breve.php3?id_breve=54 (le 10 décembre 2004).
Que soient ici remerciés pour leurs divers apports à l’élaboration de ce texte, les
conseils, les discussions fécondes et les documents qu’ils ont bien voulu me transmettre, Maxime Del Fiol, Arnaud Deloffre, Jean-Marie Miossec, Pierre Signoles,
Christian Topalov et Carlo Cattedra.
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