Synthese intervention King Kong V2

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Synthese intervention King Kong V2
ECOLE ET CINEMA 2009/2010
Synthèse formation du mercredi 10 mars 2010
Intervention : Alexis Fradet
King Kong
de Cooper et Schoedsack
Etre capable de repérer et d’analyser:
•
les éléments de mise en scène de la violence et du désir de puissance.
•
les représentations des formes de ségrégation des peuples et des personnages à travers
la figure de l’intrusion.
•
la place et le rôle du spectacle à travers la figure de la mise en abîme.
1) Puissance et violence
« King Kong » est la figure de la violence refoulée et le retour du primitif au cœur de la
civilisation. Sa mort est à la fois exutoire et le signe d’une époque marquée par plusieurs
formes de violence. 1933 c’est la crise économique et le retour des violences sociales. C’est la
montée en puissance des régimes totalitaires et brutaux. Le film figure ainsi une époque dont
il est le produit. A titre d’exemple, les personnages sont traversés par le désir de puissance
comme le réalisateur Denham. Les armes, les combats, les chaînes sont légions dans le film.
Ils mettent en relief la brutalité de l’homme moderne. Sa violence est encore plus aveugle que
celle de Kong ou des primitifs de l’île car elle ne répond pas à une pratique religieuse ou la
nécessité de la survie mais à un désir de créer un événement et un spectacle. Les relations
entre les personnages sont marquées par la dureté comme la première rencontre entre Driscoll
et Ann où celui-ci est à deux doigts de l’assommer. Il s’ensuit une séduction fondée sur le
rejet : je t’aime moi non plus.
2) la transgression et l’intrusion
Le film repose sur la cohabitation d’espaces hétérogènes (New York, la plage et l’île en
elle-même). Chaque lieu ne peut être transgressé ou traversé sans risquer de mettre à mal un
fragile équilibre. Sur l’île, l’équilibre repose sur la présence de cette muraille inversée (elle
protége la périphérie du centre et non le contraire habituellement admis) et sur des rites
sacrificiels. A New York, la fragile frontière entre la salle et le spectacle de Kong enchaîné ne
résistera pas à la colère du singe. Ces transgressions sont le fruit d’intrusion de corps
étrangers dans des lieux ritualisés. La femme sur le bateau qui risque de perturber le balai des
marins sur le pont, la présence des blancs et d’Ann qui interrompent le sacrifice en cours. Les
indigènes qui capturent Ann sur le bateau après la scène du baiser. Cette dernière intrusion
répond en écho à celle des blancs avec leur caméra. Le spectacle de l’amour est interrompu
par leur présence à bord. Finalement, le film n’est que l’évocation d’une mixité impossible ou
problématique. On ne peut mélanger les blancs et les noirs, les femmes et les hommes, la
modernité et la sauvagerie. Le seul mélange, acceptable et montrable, est ce trio sur le pont du
bateau : la jeune femme, le cuisinier asiatique et le macaque.
Ils sont tous les trois la seule marque de mixité où la femme est réduite au niveau de
l’étranger et ce dernier au rang de l’animal.
Possible travail en classe : repérer combien il existe d’intrusions d’espace qui vont semer le
désordre (au nombre de 8 : Ann, le chinois, le macaque sur le bateau, les blancs sur l’ile, les
ECOLE ET CINEMA 2009/2010
Synthèse formation du mercredi 10 mars 2010
Intervention : Alexis Fradet
indigènes sur le bateau, Ann dans l’univers de Kong, les blancs dans l’univers de Kong, Kong
sur la plage, Kong à New York, Kong dans l’intimité des gens à New York).
3) Spectacle : mise en abîme du pouvoir
Les personnages ont un point commun : le désir de voir. Cette pulsion scopique, ce
surinvestissement du voir illustre le sentiment de possession qui traverse le film- par exemple,
l’agressivité des spectateurs qui viennent voir le spectacle à la fin du film. Voir c’est
conquérir le monde, l’île du Crâne est elle-même masquée par la brume qu’il faut vaincre
pour admirer son étrange beauté. Il faut traverser la muraille, même du regard, à l’instar de
Driscoll regardant à travers la porte la fuite du singe avec sa bien aimée. Les situations ou les
procédés de mise en regard sont nombreux. Le spectaculaire est ce qui motive Denham dans
son délire mégalomaniaque. Il s’agit autant de maîtriser la bête et sa force que de mettre en
scène cette puissance lors de l’exhibition de Kong à New York. Le dispositif est tel qu’il
déclenche même la suite des événements. Kong se déchaîne à cause de la puissance des
appareils photos des reporters qu’il confond avec des armes.
Le film lui-même dans sa forme est pris dans ce jeu de démonstration. Le générique est
tonitruant et ronflant. Il annonce la « couleur » : « King Kong : la 8ème merveille du monde ».
Il va de soi que ce qualificatif s’applique aussi bien au singe qu’au film lui-même. Cette
démonstration de force, dans une époque où celle-ci va dominer (nous sommes en 1933)
s’exprime également dans cette concentration de formes et de genres au cœur du récit. C’est
un film total dans un monde qui voit les totalitarismes conduire les destinées. « King Kong »
est dans le même mouvement, un documentaire, une romance, un film d’horreur et un film
d’animation. Cet enchâssement d’images et de dispositifs est là pour produire une œuvre, un
succès qui conduira les foules vers les salles de cinéma. La puissance du spectacle est
invoquée au nom d’un divertissement comme les dispositifs et les procédés de mise en scène
seront utilisés au nom du pouvoir et de la domination dans une Europe aux prises avec les
forces totalitaires.
« King Kong » est un film de divertissement à prendre au premier degré. Mais son
originalité et son intérêt résident dans cette mise en abîme d’un univers, de sa culture et de
son rapport au monde des images et du spectacle. Loin d’être un innocent moment d’évasion,
« King Kong » illustre les affres d’une époque et la fascination, de celle-ci, pour les
démonstrations de forces.

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