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TONEELHUIS | Guy Cassiers
Mefisto for ever
Guy Cassiers – mise en scène
Tom Lanoye – texte d'après le roman de Klaus Mann
Texte d'après le roman de Klaus Mann / Mise en scène Guy Cassiers / Texte Tom Lanoye / Dramaturgie
Corien Baart, Erwin Jans / Scénographie Marc Warning / Lumière Enrico Bagnoli / Décor sonore
Diederik De Cock / Vidéo Arjen Klerkx / Costumes Tim Van Steenbergen
Avec: Dirk Roofthooft Kurt Köpler / Katelijne Damen Rebecca Füchs/Linda Lindenhoff / Vic De Wachter
Victor Müller/« Le Nouveau Leader », commandant de l'armée de libération / Gilda De Bal Mutti Hilda / Marc
Van Eeghem Niklas Weber / « Le Boiteux », ministre de la Propagande / Veerle Eyckermans/Suzanne
Grotenhuis Nicole Naumann / Abke Haring Angela / Josse De Pauw « Le Gros », ministre de la Culture
Assistante du metteur en scène Lutje Lievens / Responsable de la production Michaël Greweldinger /
Assistant à la dramaturgie Peter Seynaeve / Assistante au costumes Mieke van Buggenhout / Habilleuse
Kathleen van Mechelen / Stagiaire dramaturgie Kristin van der Voort / Stage d’observation Gawan Fagard
/ Réalisation du décor Atelier de la Toneelhuis (Karl Schneider, Bruno Bressanutti & Patrick Jacobs) /
Réalisation des costumes Atelier de la Toneelhuis (Erna Van Goethem & Christiane De Feyter) /
Direction technique Freek Boey, Leo Verlinden / Responsable technique de la production Chris Vanneste /
Technique Luk Focke, Joris Durnez, Ilse Van den Dorpel / Surtitrages Erik Borgman / Production
Toneelhuis
MEFISTO FOR EVER / RÉSUMÉ
PERSONNAGES:
Kurt Köpler: comédien ambitieux et sympathisant gauchiste / Rebecca Füchs: comédienne vedette
d'origine étrangère / Victor Müller: directeur de théâtre, comédien, concierge et militant communiste / Mutti
Hilda: mère de Kurt Köpler, souffleuse, régisseuse, tenancière du bar / Niklas Weber: comédien & fasciste
prolétaire / Nicole Naumann: comédienne ambitieuse et sympathisante gauchiste / Angela: jeune
comédienne / « Le Gros »: général aviateur ; bras droit du dictateur fasciste, notamment comme ministre de
la Culture / Lina Lindenhoff: comédienne et maîtresse du « Gros » (à interpréter par la même actrice que
Rebecca Füchs) / « Le Boiteux »: ministre de la Propagande (à interpréter par le même acteur que Niklas
Weber) / « Le Nouveau Leader »: commandant de l'armée de libération (à interpréter par le même acteur
que Victor Müller)
1
LE LIEU DE L'ACTION EST UN THÉÂTRE DANS LA CAPITALE
Ie PARTIE
I.1.
Un licenciement le jour des élections
Le comédien vedette Kurt Köpler crée
sa première mise en scène au plus grand
théâtre de la capitale. Il monte Hamlet.
Comme trois comédiennes sont en retard,
Kurt décide de répéter, en compagnie de
Victor Müller et Niklas Weber, une scène qui
n'a pas encore été préparée. Kurt s'énerve: il
trouve que Niklas joue mal. Ce dernier,
excédé par les remarques, laisse tomber. Il
se plaint du retard des autres et enchaîne
sur les défauts du bâtiment qui, selon lui, n'a
pas d'âme. Mutti, la souffleuse, qui est
également la mère de Kurt, intervient dans
les chamailleries et affirme que les hommes
devraient être fiers de se produire au plus
grand théâtre de la ville. Ils en reviennent
aux retardataires. Kurt juge qu'un retard
d'une heure est inacceptable. Estimant que
le théâtre va succomber au régime du
vedettariat, il demande à Victor comment il
compte y remédier en tant que directeur.
Victor tente de le rassurer en affirmant que
les femmes finiront bien par arriver ; toutes
sortes de choses ont pu arriver en route.
Organiser une répétition le jour des élections
était une mauvaise idée, voilà tout.
Nicole et Angela arrivent. Elles
s'excusent d'être en retard: elles ont dû faire
la queue pendant trois heures avant de
pouvoir voter. Angela raconte qu'elle a vu de
jeunes gaillards tabasser un vieillard. Victor
se demande d'où sort toute cette haine.
Niklas ne s'en étonne pas, vu les scandales
qui éclatent partout. À son avis, l'élite est
corrompue jusqu'à la moelle. Une discussion
s'ensuit ; il apparaît que Niklas a des
convictions d'extrême droite.
I.2.
La comédienne vedette Rebecca fait
son apparition. Elle ne veut pas dire à Victor
pourquoi elle est en retard, mais elle se
glisse immédiatement dans son rôle en se
lançant dans la confrontation entre la mère et
le fils dans Hamlet. Niklas joue le fantôme du
père assassiné de Hamlet, et Victor le défunt
Polonius. Tout le monde est satisfait de la
répétition, à l'exception de Niklas. Celui-ci
refuse que Rebecca le touche, car elle n'est
qu'une « sale étrangère ». Kurt n'admet pas
cette attitude et défend Rebecca, qui ne se
mêle pas du différend. Kurt exige que Victor
renvoie Niklas ; sinon, il partira lui-même.
Mutti soutient que Niklas n'a pas voulu dire
tout cela et que le jeune homme a eu une
jeunesse difficile. Victor tente, lui aussi, de
minimiser l'incident. Niklas insulte Kurt: il se
mettrait au lit avec tout le monde, même
avec une « connasse de juive », simplement
pour faire carrière. Cette fois-ci, Victor
considère, lui aussi, que Niklas a dépassé
les bornes, et il congédie le comédien.
Mutti vient annoncer de mauvaises
nouvelles: contre toute attente, les fascistes
ont remporté les élections. Tout le monde en
est abasourdi. Rebecca affirme qu'elle ne
pourra pas travailler sous un tel régime.
Nicole propose de paralyser la vie théâtrale,
mais Victor rétorque qu'au contraire, il faut se
lancer dans la résistance dès le premier jour.
Kurt maintient qu'il vaut mieux miner le
système depuis l'intérieur. Rebecca s'en va,
Nicole la suit, mais Angela reste. Mutti se
demande comment Rebecca pourra vivre à
l'étranger, dans un pays « entièrement
peuplé d'étrangers ».
Jouer la comédie, on l'a dans le sang
Un tête-à-tête entre Kurt et Angela.
Pour commencer, le comédien remercie la
jeune fille d'être restée, puis il lui explique
pourquoi il ne peut pas partir, contrairement
à Rebecca et Nicole. Cette dernière dispose
des moyens financiers nécessaires pour être
solidaire. De plus, elle parle couramment le
français et l'anglais. Mais Kurt ne connaît
que sa langue maternelle, ce qui l'empêche
de jouer à l'étranger. Rebecca est obligée de
partir à cause de son attitude personnelle.
Kurt explique que le plus important pour un
acteur ou une actrice, c'est son
« authenticité ». Le jeu lui-même, c'est de la
poudre au yeux. Voilà pourquoi Rebecca est
incapable de rester: si elle restait, son
engagement ne serait plus authentique. Kurt
poursuit sa « leçon », qu'Angela écoute
attentivement. Un acteur doit rechercher au
fond de lui-même les quatre « p »: poésie,
perversion, passion et plaisir. En y ajoutant
la douleur, on obtient l'authenticité. Mais rien
de tout cela n'a de valeur si l'on ne possède
pas une qualité irremplaçable, le talent. On
2
l'a ou on ne l'a pas, car l'art est quelque
chose qu'on a dans le sang. Ceux qui ne
l'ont pas, n'ont qu'à partir, comme Niklas. Le
théâtre authentique n'a que faire de
comédiens inférieurs.
Au cours de cette conversation, un
homme inconnu mais aimable est entré.
S'asseyant à côté de Mutti, il suit tout ce qui
se dit, appuyant de temps en temps les
paroles de Kurt. Il raconte à Angela que Kurt
a joué de grands rôles, dont Mefisto dans
Faust de Goethe. Portant Kurt aux nues, il le
qualifie de génie. Le comédien le laisse faire.
Mutti, gonflée de fierté, demande à l'homme
qui il est. Il se présente comme le général
aviateur (« Le Gros » pour les intimes), le
bras droit du nouveau Führer. Contrairement
à Mutti, Kurt est mal à l'aise. Angela
demande si elle doit appeler Victor. Le
général aviateur s'excuse du
« malentendu »: il pensait qu'ils le
connaissaient. Il leur dit qu'ils se font une
fausse idée de lui et de son parti. Ils n'ont
pas l'intention de mettre des bâtons dans les
roues de Kurt ; malgré ses sympathies de
gauche, il pourra rester le comédien vedette
du théâtre. Angela ne doit pas se faire de
soucis, non plus. Le général aviateur tend la
main à Kurt et lui demande de leur accorder
l'avantage du doute. Kurt accepte à
contrecœur. Puis le général aviateur lui fait
comprendre que le régime exigera quelques
concessions en contrepartie. D'une part, il
faut réengager Niklas. Ce dernier entre
I.3.
immédiatement en scène, prêt à jouer.
D'autre part, il faudra inclure dans la
distribution Lina Lindenhoff, la petite amie du
général aviateur. D'ailleurs, n'y a-t-il pas une
pénurie d'actrices, maintenant que Rebecca
et Nicole sont parties ? Lina arrive, costumée
pour le rôle.
La répétition commence par la scène
de Hamlet opposant la mère et le fils, jouée
peu de temps auparavant. Lina ne sait pas
jouer ; cela saute immédiatement aux yeux.
Kurt se sert des vers de Shakespeare pour
se moquer de sa partenaire. Victor fait
irruption, enragé. Il dit à Lina d'apprendre un
autre métier, car elle est incapable de jouer
la comédie. Quant à Niklas, il a été renvoyé,
donc il ne doit pas être là. Victor veut savoir
qui a organisé une répétition sans son
autorisation. Le général aviateur explique
qu'il a décidé que Niklas serait réengagé.
Niklas affirme que Victor a lui-même été
renvoyé et que Kurt est le nouveau directeur
du théâtre. Victor, se tournant vers Kurt,
demande si c'est vrai. Kurt acquiesce,
ajoutant qu'il n'a pas pu faire autrement. Il a
même accepté cette situation pour le bien de
Victor, car c'était le seul moyen de faire de la
résistance: il a réussi à faire engager Victor
comme acteur. Ils s'arrangeront pour que
Victor continue à tout décider en cachette:
« Faisons la nique au système ! » Victor,
d'abord furieux, se laisse amadouer par Kurt.
Les deux hommes se réconcilient en récitant
quelques vers de Jules César et décident de
mener la lutte à l'intérieur du système.
Je ne t'ai jamais promis de cerisaie
Un échange de lettres entre Kurt et
Rebecca. Rebecca présente son séjour à
l'étranger sous un jour très favorable. Tout
se passe merveilleusement bien, elle a une
série d'entrevues intéressantes. Tout ce qui
lui manque, c'est Kurt. Elle lui demande de
s'enfuir, car elle a lu qu'à la maison, la
situation n'est pas rose du tout. Elle cite le
début d'une scène de Roméo et Juliette et
termine en priant Kurt de ne pas se faire de
soucis pour elle. Au même moment, Kurt
écrit une lettre à Rebecca. Il ment également
en affirmant que tout se passe bien et qu'ils
sont entrés en résistance. Il la supplie de
revenir, citant la même scène de Roméo et
Juliette, et termine, lui aussi, avec la prière
de ne pas se faire trop de soucis.
Pendant l'écriture des lettres, Nicole arrive.
Tout juste rentrée de l'étranger, elle apprend
à Kurt que Rebecca ment. Échouée dans un
pays étranger où l'on parle une autre langue
que la sienne, elle doit accepter toutes
sortes de petits boulots minables pour
survivre. L'étranger, c'est l'enfer ; Nicole n'a
pas pu le supporter un instant de plus. Kurt la
remercie d'être rentrée: elle a une grande
force de caractère.
Les répétitions se poursuivent ; on joue
la dernière scène de La Cerisaie de
Tchekhov. La distribution comprend Lina,
Victor, Niklas, Angela et Kurt. Nicole tient
également un rôle dans le spectacle. Après
la répétition, le général aviateur reproche à
Kurt ses défauts en tant que comédien. De
plus, il n'est pas content du décor trop
abstrait, trop peu réaliste. Mais ce qui le
gêne par-dessus tout, c'est le choix de
Tchekhov. Que peut encore signifier pour
eux la léthargie de l'aristocratie russe ? Kurt
et Lina lui opposent leurs objections: selon
Kurt, Tchekhov exprime un humanisme
universel, tandis que Lina est enchantée des
beaux rôles féminins écrits par l'auteur. Mutti,
quant à elle, pense que Tchekhov est
terriblement ennuyeux ; Victor doit admettre
que le potentiel révolutionnaire de l'auteur
3
est inexistant. Une discussion s'ensuit, mais
le général aviateur calme le jeu. Il ne veut
pas de dispute. Pour lui, il ne s'agit plus,
depuis longtemps, de Tchekhov, mais du jeu
de tous les acteurs. Ils jouent tous
horriblement mal, à l'exception de Nicole,
tout juste rentrée, que le général aviateur
remercie. Cela suscite des récriminations
amères de la part de Niklas: il reproche au
I.4.
général aviateur (et à sa maîtresse Lina) de
former une nouvelle élite, d'avoir oublié les
promesses faites à l'homme de la rue, de le
prendre de haut, d'ignorer ceux qui les ont
aidés à s'emparer du pouvoir. En fait, ils ne
valent pas mieux que la bourgeoisie d'antan
– Tchekhov n'a jamais été autant à sa place.
Le général aviateur, menaçant, s'enquiert du
numéro de la carte de parti de Niklas.
Mais qu'est-ce qu'ils me veulent tous ?
Rebecca répète à l'étranger une scène
de Faust, où elle joue Gretchen. Angela
répète son rôle d'Ophélie dans Hamlet. Elle
se sert des répliques de Hamlet enregistrées
par Kurt. Ces deux répétitions s'entremêlent.
Simultanément, Kurt et Nicole ont une
conversation. Nicole demande à Kurt s'il n'a
jamais peur que les autorités décident de
tout fermer. Mais Kurt refuse de parler de
politique. Il dit à Nicole qu'en rentrant, elle a
encouragé tout le monde à continuer. Selon
Nicole, le courage est aussi une espèce de
consolation, et Kurt lui répond que la
consolation est le plus grand bien que
quiconque puisse offrir aux autres. C'est
l'essence même de l'art. Au cours de la
conversation, une entente naît entre les
deux acteurs. Ils se moquent de Lina, une
comédienne exécrable. Nicole l'imite en
riant. Kurt et Nicole jouent ensemble un
extrait de La Cerisaie. Leur jeu d'acteurs se
transforme en jeu amoureux. Mais lorsque
celui-ci prend une tournure plus sérieuse,
Kurt est incapable de continuer.
Victor entre, découragé. Il ne sait plus
où donner de la tête: la résistance n'obtient
aucun résultat, ils ne font que se leurrer, ils
sont au bord de l'abîme. « Ils » ont gagné,
affirme-t-il. Kurt essaie de réconforter Victor,
tout en lui demandant de mettre fin à ses
activités politiques clandestines. On entame
une scène de Faust – mais Victor n'en peut
plus, il laisse tomber. Kurt remet la brochure
à Niklas pour qu'il reprenne le rôle de Faust.
Le général aviateur pousse Niklas au bout,
exactement comme l'avait fait Kurt dans la
première scène. Niklas abandonne. Le
général aviateur licencie sur-le-champ Niklas
et Victor et leur ordonne de se présenter à la
Kommandantur. Kurt demande de pouvoir
refaire une tentative en compagnie de Victor
et de Niklas, mais le général aviateur lui
impose un choix: soit il accepte sa décision,
soit il part avec les autres. Angela décide de
s'en aller, car elle sait que Victor et Niklas
seront exécutés. Elle condamne tout ceux
qui restent et acceptent la situation. Kurt la
supplie de rester et se demande ce que tout
le monde lui veut. Mutti se pose la même
question.
IIe PARTIE (après l'entracte)
II.1
Les barbares arrivent
Six années ont passé.
Kurt répète le premier monologue de
Richard III. Mutti tousse, elle ne se sent pas
très bien. Victor arrive ; il vient d'être libéré
après plusieurs années en prison. Il fulmine
contre Nicole et Kurt: ils se valent, car ils se
sont totalement compromis avec le régime
au pouvoir. Kurt dit qu'il a réussi à grandpeine à faire libérer Victor en plaidant sa
cause auprès du général aviateur. Il a
cependant dû promettre que Victor ne
reprendrait pas ses activités politiques. Kurt
affirme qu'il arrivera aussi à faire libérer
Niklas. Victor refuse de mettre un terme à
ses activités clandestines et rétorque que
Kurt l'a uniquement aidé pour endormir sa
conscience. Victor révèle que Niklas a été
exécuté le jour même de son arrestation.
Victor s'en va, laissant Kurt désemparé.
Le ministre de la Propagande et le
général aviateur font irruption dans le théâtre
pour discuter du programme proposé par
Kurt pour la saison suivante. Lina les
accompagne. Kurt demande d'emblée
pourquoi Niklas a été exécuté, mais le
ministre refuse d'en parler. Une discussion
s'ensuit à propos des pièces mises à
l'affiche. Le ministre affirme qu'il n'est plus
possible de jouer du Shakespeare, trop
vieillot. Kurt proteste: Shakespeare est de
toutes les époques. Le ministre critique aussi
d'autres pièces et remet à Kurt la liste des
auteurs dont il devra dorénavant monter les
4
œuvres. La liste comporte uniquement des
pièces divertissantes à forte teneur
patriotique, car il est essentiel de remonter le
moral au peuple qui souffre. Le ministre de
la Propagande repart.
Le général aviateur se moque du
ministre et raconte une anecdote devant
expliquer pourquoi ce dernier n'aime pas le
théâtre. Le ministre avait comme maîtresse
une actrice tchèque, jusqu'à ce que le Führer
II.2
« Two minutes to curtain, Sir »
Sans dire un mot, Kurt se grime pour
jouer Mefisto.
La veille de la Libération, le ministre de
la Propagande s'adresse au peuple depuis
les studios de la radio nationale. Il lui enjoint
de rester calme, affirmant qu'ils maîtrisent la
situation et que la victoire est toujours à leur
portée. Il pose dix questions au peuple.
Ce discours s'inspire de la fameuse
allocution prononcée par Goebbels au Palais
des Sports de Berlin.
Angela et Rebecca, qui est très
malade, répètent La Mouette de Tchekhov à
l'étranger.
II.3
La maladie de
rapidement.
Ces
actions
simultanément.
Mutti
s'aggrave
se
déroulent
Le général aviateur arrive avec Victor,
qu'il abat d'une balle dans la nuque. Nicole
affirme qu'il le méritait. Kurt se lance dans
son interprétation de Mefisto. À son
monologue, il mêle des extraits de Hamlet,
Richard III et Oncle Vania. À la fin du
monologue, Mutti meurt.
Pandémonium
Kurt est assis auprès de sa mère
décédée. Le général aviateur demande où
sont ses troupes ; Nicole répond: « Me voici.
Ici ! » Lorsque le général aviateur ordonne à
Kurt d'aller chercher un fusil pour se
défendre. Kurt n'en voit pas l'utilité, car la
Libération est proche. Le général aviateur
affirme qu'ils n'ont aucune chance de
survivre dehors, ni Kurt, ni Nicole.
II.4
en personne lui ordonne de mettre fin à la
liaison. L'oreille basse, le ministre est alors
reparti vers son épouse et leurs six enfants
(cette femme est « la pondeuse de la
nation »).
Le général aviateur demande à Kurt de
jouer encore une fois son Mefisto dans
Faust. Mutti, effrayée par l'avenir et
gravement malade, supplie son fils de ne pas
indisposer le général aviateur. Nicole et Lina
appuient ses paroles.
Nicole
se
lave
les
mains
ensanglantées en récitant un monologue de
Lady Macbeth, dont il ressort qu'elle se
battra aux côtés du général aviateur. Ce
dernier sort son Browning et parle de son
parti: le véritable révolutionnaire, c'est lui.
Quiconque l'abat aura tué un personnage
historique. Il jure fidélité à son Führer, met le
pistolet dans sa bouche et se tire une balle
dans la tête.
Nouveau régime, ancien théâtre
Le Nouveau Leader, commandant des
vainqueurs, arrive et salue Kurt. Il attire son
attention sur les conséquences fâcheuses
des mauvais choix qu'il a faits dans le passé.
Kurt affirme qu'il acceptera n'importe quelle
punition, peu importe sa sévérité. Le
Nouveau Leader propose à Kurt de remonter
sur scène. Il pourra agir comme il le voudra,
en faisant quelques concessions, bien
entendu. Kurt le remercie. Le Nouveau
Leader rétorque que c'est le public qui
remerciera Kurt. Ce dernier est un
« ingénieur de l'âme » ; le peuple est stupide
et doit être guidé par des gens comme lui.
Rebecca et Angela arrivent. Elles sont
heureuses d'être rentrées, mais Rebecca est
venue dire adieu. Après tout ce qui s'est
passé – les camps de concentration, les
nombreux soldats tués – elle n'est plus
capable de jouer la comédie. Kurt tente de la
faire changer d'avis, mais en vain. Après le
départ de Rebecca, Kurt essaie de
persuader Angela de travailler avec lui. Mais
elle dit qu'elle ne pourra pas partager le
plateau avec lui après tout ce qu'il a fait. Kurt
demande pendant combien de temps il devra
expier sa faute. Angela répond qu'elle en
décidera. Elle demande à Kurt de dire ce
qu'il ressent vraiment, sans avoir recours à
des monologues de théâtre. Une vraie
douleur, un vrai remords ? Un sentiment
authentique ?
Kurt: « Je sens… »
5
Angela: « Qu'est-ce que tu veux dire,
Kurt ? Qu'est-ce que tu sens ? »
Kurt: « Je… je… je… »
6
KLAUS HEINRICH THOMAS MANN / L’AUTEUR DE L’OUVRAGE ORIGINAL
Klaus Heinrich Mann (né le 18 novembre 1906 à Munich, décédé le 21 mai 1949 à Cannes d’un
suicide) était le fils de l’écrivain Thomas Mann, le neveu de Heinrich Mann et le frère, entre autres,
d’Erika et Golo Mann.
Klaus était l’auteur de textes politiques (Escape to Life, en collaboration avec Erika Mann, sa
soeur), mais aussi d’articles de presse, de pièces de théâtre (Anja et Esther en 1925) et de
romans, tels La Danse pieuse, premier roman allemand ouvertement homosexuel, ou Fuite au
Nord (1934), histoire d’une militante communiste qui fait valoir la nécessité des intellectuels de
renoncer à leur tour d’ivoire pour s’engager dans le combat politique — en quoi Klaus Mann
s’oppose à Stefan George, tenant de l’art pour l’art et l’un de ses maîtres en littérature avec Frank
Wedekind. Symphonie pathétique (1935) est une biographie de Tchaïkovski. Mephisto. Roman
einer Karriere (1936), le plus célèbre de ses livres, le premier publié à Amsterdam, est considéré
comme l’un des meilleurs romans du vingtième siècle. Le Volcan (1939) chronique des exilés
allemands entre 1933 et 1939.
Après une première autobiographie, Je suis de mon temps (parue en 1932), Le Tournant (édité
d’abord en anglais, avant d’être réécrit en allemand après la guerre et publié en 1952) est un
témoignage d’un intérêt exceptionnel, tant sur la vie intellectuelle et littéraire allemande dans les
années 1920, que sur la condition des Allemands exilés sous le régime nazi. De même, il laisse
un volumineux Journal, important témoignage sur un homme, ses rencontres, ses convictions, ses
doutes, sa fascination de la mort, dont la rédaction couvre la période qui va de 1931 à 1949.
En 1968, le Tribunal constitutionnel fédéral allemand interdit la publication de Mephisto au motif
qu’il faut attendre que se dissipe le souvenir du défunt. En 1981, après le succés international de
l’adaptation d’Ariane Mnouchkine (Théâtre du Soleil), et bravant une interdiction formelle, les
éditions Rowohlt décident d’éditer le roman, qui devient immédiatement un best-seller. L’
adaptation cinématographique d’ István Szabó lance la carrière de Klaus Maria Brandauer et
reçoit un Oscar à Hollywood. Klaus Mann, qui n’était guère considéré jusque-là que comme le fils
de Thomas Mann, connaît enfin la reconnaissance pour son oeuvre, regardée à présent, avec la
réédition de ses livres, comme l’une des plus originales de sa génération.
(Source: Wikipédia, L’Encyclopédie libre)
7
BIOGRAPHIES
TONEELHUIS / LA COMPAGNIE
La Toneelhuis d’Anvers est le plus grand théâtre municipal flamand. Depuis 2006, après le
départ de Luc Perceval, la direction artistique de la Toneelhuis est entre les mains de Guy
Cassiers. De 1998 à 2006, il a été directeur artistique du ro theater à Rotterdam (Pays-Bas).
Lors de sa désignation à Anvers, il décide de remplacer le modèle classique du théâtre
municipal — un vaste ensemble d’acteurs autour d’un ou de plusieurs metteurs en scène — par
une nouvelle approche. Cassiers a invité six ‘créateurs’ à emménager avec lui à la Toneelhuis:
Benjamin Verdonck, Wayn Traub, Lotte van den Berg, De Filmfabriek de Peter Missotten,
la troupe Olympique Dramatique et le choréographe Sidi Larbi Cherkaoui. Ils appartiennent
tous les six à une toute nouvelle génération de créateurs, prête à faire souffler de nouveau un
vent frais sur le théâtre en Flandre et aux Pays-Bas. Ensemble, ils forment le profil artistique aux
multiples facettes de la Toneelhuis.
GUY CASSIERS / LE METTEUR EN SCENE
Guy Cassiers (Anvers, 1960) entreprend d’abord des études d’arts graphiques à l’Académie des
Beaux-Arts d’Anvers. En cours de route, ses intérêts se déplacent vers les arts dramatiques,
mais sa formation artistique demeurera cruciale dans sa carrière d’homme de théâtre. Cassiers
observe toujours le théâtre en s’en distanciant, ce qui lui permet de créer un langage plastique
très personnel. Dans la teneur de ses œuvres, cette position d’outsider se traduit par une
préférence pour des personnages solitaires, isolés et même souvent asociaux ; au niveau de la
forme, elle définit son choix pour les textes plus littéraires que dramatiques, et son usage de la
technologie visuelle. À partir de la littérature (le mot) et des nouveaux médias (l’image) il tente de
redéfinir le théâtre. Dans les années 80, Guy Cassiers monte ses premiers spectacles à Anvers,
dont Kaspar de Peter Handke et Daedalus, un projet avec des handicapés. En 1987 il est nommé
à la direction artistique de la maison de théâtre jeune public Oud Huis Stekelbees à Gand
(l’actuelle Victoria). Dans la déclaration d’intention de l’OHS, on pouvait lire: « … OHS, c’est faire
primer la résonance du mot sur sa signification, l’association d’idées sur l’histoire, le son sur la
musique, la lumière sur l’éclairage, l’émotion sur l’idée, la dualité sur la description, le théâtre sur
la réalité. » Les spectacles de Guy Cassiers sont un appel constant à la créativité des sens.
Quand, cinq ans plus tard, Dirk Pauwels reprend le flambeau de l’OHS, Cassiers continue sa
carrière en metteur en scène indépendant et travaille entre autres pour le Kaaitheater à
Bruxelles, Tg STAN à Anvers et la Toneelschuur à Haarlem. Sa première production pour le ro
theater de Rotterdam, Angels in America, est couronnée en 1996 par le prix du public « Gouden
Gids Publieksprijs » et le prix Proscenium de l’association hollandaise de théâtres et salles de
concerts.
Un an plus tard, il reçoit aussi le prix Thersite décerné par les critiques flamands pour l’ensemble
de son œuvre. En 1997, Guy Cassiers Onder het Melkwoud (Au Bois Lacté) de Dylan Thomas
avec l’ensemble du ro theater au grand complet. C’est pendant la reprise de la pièce, au mois
d’août de la même année, que l’on apprend qu’il sera le nouveau directeur artistique du ro
theater. Cassiers découvre les potentialités que la grande scène offre à ses narrations
dramatiques et entre 1998 et 2006, édifie un langage théâtral multimédia dans ce sens. Ses
spectacles De Sleutel et Rotjoch (1998), De Wespenfabriek (2000), La Grande Suite (2001),
Lava Lounge (2002) et l’opéra The Woman Who Walked into Doors (2001) sont autant de
preuves de sa volonté d’intégrer le multimédia dans le théâtre. Sa fascination pour les possibilités
de la projection vidéo et de la musique ne cesse d’augmenter: il est l’un des seuls à peaufiner un
langage théâtral pertinent et cohérent qui recherche la discussion avec la technologie. L’un des
8
points culminants de cette quête est sans doute aucun, le cycle Proust en quatre volets qu’il a
réalisé entre 2002 et 2004, et pour lequel il s’est vu décerner le Prix amstellodamois des arts et le
Werkpreis Spielzeiteuropa des Berliner Festspiele.
Cassiers privilégie la mise en scène de romans célèbres comme Hiroshima Mon Amour de
Marguerite Duras en 1996, Anna Karenina de Tolstoï en 1999 et Bezonken rood (Rouge
décanté) de Jeroen Brouwers en 2004. Le spectacle par lequel il a clos ses années de ro
theater au printemps 2006 était une adaptation de Hersenschimmen (Chimères) de J. Bernlef.
Pour ses débuts à la Toneelhuis, il choisit Onegin d’après le roman en vers de Pouchkine: une
histoire romantique qui dépasse son côté anecdotique grâce à l’emploi de la technologie visuelle
et se transforme en jeu théâtral avec la perception du spectateur. Quant à sa première mise en
scène en tant que directeur artistique de la Toneelhuis, il la base sur un classique de l’histoire
de la littérature européenne: Mephisto de Klaus Mann dans une adaptation de Tom Lanoye. Il y
traite de la relation entre l’art et la politique. Ce thème, nouveau dans la démarche de Cassiers,
est à mettre en regard de son retour à sa ville natale, Anvers, marquée par une situation
politique complexe. Il considère Mefisto for ever comme le premier volet d’une trilogie: Triptiek
van de Macht (le triptyque du pouvoir). Il montera les volets deux et trois pendant la saison
2007-2008: Wolfskers et Atropa.
TOM LANOYE / L’AUTEUR
Né en 1958 dans la petite ville flamande de Sint-Niklaas, Tom Lanoye se fait connaître au
début des années 80 par ses performances poétiques dans le milieu estudiantin de Gand. Il
débute officiellement avec un recueil de critiques satiriques, Rozegeur en maneschijn (La Vie en
rose, 1983). Le succès viendra avec le récit Een slagerszoon met een brilletje (Un fils de
boucher binoclard, 1985), dans lequel il met en scène avec humour son enfance provinciale.
Ses thèmes de prédilection sont l'amour, la décrépitude, la mort et la gastronomie, le tout situé
dans le cadre stéréotypé de la Flandre petite-bourgeoise. Le roman qui a connu le plus de
succès est le semi-autobiographique Kartonnen dozen (Cartons, 1991). Au milieu des
années90, Lanoye adapte les drames historiques de William Shakespeare pour les transformer
en une pièce de douze heures, Ten Oorlog (À la guerre). Plus tard, avec Mamma Medea, il
adapte également Euripide. Figure médiatique et intellectuel engagé (en 2000, il s'est présenté
aux élections municipales à Anvers sur la liste des Verts), Lanoye propose avec sa trilogie
romanesque Het goddelijke monster (Le Divin Monstre, 1997), Zwarte tranen (Larmes noires,
1999) et Boze tongen (Mauvaises Langues, 2002) une satire de la Flandre contemporaine. Il
doit aussi son renom à ses performances en solo, qui marient humour, théâtre et poésie.
Traductions disponibles:
« Le beau laid, c'est pas si moche », traduit par Daniel Cunin, in Littérature en Flandre,
anthologie, éd. Le Castor Astral, 2003
« Extrait », in 17 écrivains belges, anthologie Belles Étrangères, traduit par G. W. Rooryck, éd.
Le Castor Astral, 1999
Célibat, traduit par Danielle Losman, éd. Lansman, 1996
9
GUY CASSIERS ET TOM LANOYE / ENTRETIEN
La pièce Mefisto for ever que vous mettez en
scène n’est pas une adaptation du roman de
Klaus Mann mais un texte original à partir de
l’œuvre romanesque?
Guy Cassiers: C’est une pièce nouvelle
qui respecte l’idée originale et la philosophie du
texte de Klaus Mann, mais qui s’appuie aussi sur
d’autres matériaux, en particulier des documents
historiques concernant l’histoire vraie des
personnages du roman. Toutes ces informations
ont servi à construire des personnages de théâtre
différents de ceux du roman, plus complexes
peut-être, plus proches de la réalité en tout cas.
Tom Lanoye: Avant l’écriture de la pièce,
j’ai dialogué avec Guy Cassiers mais aussi avec
le dramaturge et certains des acteurs. Ensuite j’ai
écrit ma pièce en tenant compte de tout ce qui a
été dit dans la phase de préparation. C’est ma
façon de travailler.
Vous avez donc travaillé aussi sur la vie réelle
des actrices et des acteurs qui peuplent le roman
de Klaus Mann?
TL: Oui, mais nous avons d’abord travaillé
sur les deux adaptations déjà existantes du
roman: l’adaptation pour le théâtre faite par
Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil et
l’adaptation pour le cinéma d’Istvàn Szabo. Le
livre de Mann est un pamphlet écrit au moment
où se déroulaient les évènements en Allemagne,
en 1936, et la question dramaturgique était de
savoir: que faire d’un pamphlet au théâtre? Nous
avons aussi constaté en travaillant sur les
documents historiques que Gustav Gründgens,
l’acteur qui est au centre du récit, avait réussi à
sauver des intellectuels et des acteurs juifs ou
communistes pendant la guerre, qu’il avait aussi
critiqué le système, qu’il avait mis en scène
Richard III de Shakespeare en se moquant de
Goebbels, ce qui était bien sûr interdit dans
l’Allemagne nazie. Nous avons pensé que si nous
évitions la caricature du méchant entièrement
méchant, si nous étions nuancés, nous pourrions
aller plus loin dans l’analyse du comportement de
celui qui pense qu’il peut lutter “contre” le
système en étant “dans” le système. Il faut sans
cesse se demander ce que l’on aurait fait dans la
même situation et toujours penser que le théâtre
est le lieu du doute. Si on condamne a priori sur
la scène du théâtre, s’il n’y a pas d’antagonisme
possible, on en revient au pamphlet qui, pour moi,
n’y a pas sa place.
GC: Se poser la question du doute était
très important, c’était la toute première question à
se poser dans une ville comme Anvers où un
pourcentage très élevé de la population vote à
l’extrême droite. Comment se situe l’artiste dans
cette situation ? Quelle est sa place ? Quel
dialogue peut-on avoir aujourd’hui avec la
population dans cette ville ?
Les pratiques artistiques doivent-elles se
poursuivre, quel que soit le contexte politique qui
les entoure?
TL: Nous ne sommes pas à Anvers dans
une situation aussi tragique que dans l’Allemagne
des années trente, la question ne se pose pas
encore dans ces termes. Mais nous pouvons nous
servir du contexte historique de l’Allemagne nazie
pour nous poser ces questions. Nous les posons
d’ailleurs avec une distance que n’avait pas Klaus
Mann et surtout, nous savons ce qui s’est passé
après la chute du nazisme. C’est pour cela que
nous avons rajouté une scène à la fin de notre
pièce. Elle se passe au moment où les
communistes allemands prennent le pouvoir à
l’Est de l’Allemagne, lorsque Staline dit des
artistes qu’ils doivent être “les ingénieurs de
l’âme”. Alors la question de l’artiste dans la
société dépasse le cadre du nazisme, elle est
devenue quotidienne et universelle, et aujourd’hui
nous savons que si les réponses à cette
interrogation ne sont pas si simples à donner, il
faut de toute façon éviter le manichéisme. Est-il
possible d’avoir de la compréhension, de la
compassion pour les artistes qui pensent pouvoir
continuer à faire de la résistance avec de l’Art ?
Pour poser cette question, utilisez-vous des
textes de nature différente?
TL: À côté des extraits du roman de Klaus
Mann, nous utilisons des extraits de pièces de
Shakespeare, Tchekhov, Goethe et des textes
politiques, dont des extraits d’un célèbre discours
de Goebbels.
GC: Nous utilisons les textes classiques du
répertoire pour mieux comprendre comment
l’acteur, le personnage central de la pièce,
progresse à l’intérieur de sa propre réflexion
grâce à ces personnages théâtraux dont il
emprunte les pensées. Il cherche à établir un
dialogue avec sa propre réalité à travers les
fictions qu’il joue et en même temps, il se cache
derrière elles. Le théâtre devient un bunker dans
lequel il s’enferme et à la fin il n’y a plus que le
silence, l’acteur étant incapable de parler à la
première personne tellement il a pris l’habitude de
parler à travers les personnages qu’il incarne. Si
on lui pose une question directe et personnelle, il
ne peut que balbutier sans vraiment répondre.
Les pièces classiques que vous utilisez ont-elles
toutes été jouées par Gustav Gründgen?
TL: Oui, nous avons découvert lors d’une
remise de diplôme à l’Université libre de Berlin un
discours fait par un très grand critique dramatique
allemand d’origine juive polonaise, dans lequel
sont cités tous les rôles joués par Gustav
Gründgens pendant la période de Weimar puis
après l’arrivée des nazis au pouvoir. Ces rôles
furent pour lui des émerveillements successifs.
10
Avez-vous situé le déroulement du spectacle
dans la période historique du nazisme ?
GC: Il y a des références à l’époque du
nazisme, mais si on regarde les costumes, il est
très difficile de savoir où nous nous situons car la
mode actuelle emprunte beaucoup à cette
période. Le spectateur doit pouvoir être à la fois
dans le passé et dans le présent, sans que cela
lui pose de problème. Ainsi il peut suivre les
transformations successives des personnages et
comprendre que le seul qui ne change pas de
costume est Gründgens. Pour lui, le changement
est uniquement cérébral.
Toute la pièce se déroule dans le théâtre, sur la
scène du théâtre?
TL: Il fallait une unité de lieu, et ce lieu ne
pouvait être que le théâtre qui est le centre de la
vie de Gründgens. Pour nous, il est aussi évident
que les politiciens qui viennent rencontrer l’acteur
dans le théâtre sont eux-mêmes des acteurs… Il
y a une compétition sur la scène entre ces deux
types d’acteurs. Ce sont presque des concurrents
et c’est là une des clefs de notre adaptation.
Les politiques ont-ils besoin du théâtre?
GC: Les politiques peuvent se prendre
pour des artistes, Hitler lui-même se prenait pour
un artiste. Il pensait avoir une vision artistique de
l’avenir de l’Allemagne, une vision grandiose hors
du réel même.
Qu’est ce qui d’après vous motivait Gustav
Gründgens ? L’amour du théâtre, le désir de
lutter contre le système de l’intérieur, son amour
pour lui-même et pour le succès ?
GC: Au fur et à mesure que le spectacle
avance, il y a des déplacements dans ses
convictions. Au début, il pense que le théâtre peut
donner des armes pour lutter contre le nouveau
système mais ensuite il ne peut plus justifier ce
choix que par le désir de sauver quelques
individus. Plus il se rend compte que tout
disparaît autour de lui, dans ce théâtre qui est sa
vie, plus il s’enferme dans des justifications
auxquelles il a du mal à croire.
Que lui reste-t-il comme idéal alors?
GC: Il ne reste que l’Art pour l’Art, il ne
reste que la forme du théâtre puisque le contenu
et la fonction
disparaissent. Il refuse cependant d’admettre que
le régime absorbe son théâtre.
TL: Il ne lui reste que la vanité, cette vanité
qu’il utilise pour jouer ses personnages. Dans ses
rapports avec les politiques il ne sait plus qui est
le diable, qui est Méphisto, qui cherche à séduire,
qui est séduit. Il est fasciné par les politiciens
comme les politiciens sont fascinés par les
acteurs qui savent faire des choses qu’eux ne
savent pas faire, et particulièrement de recevoir
des applaudissements simplement en jouant,
sans rien faire de concret, sans avoir le moindre
pouvoir. Bien sûr, l’acteur, lui, peut avoir un
sentiment du pouvoir grâce à cela. Mais si l’on
regarde attentivement son fonctionnement, ou
même celui de la religion, on s’aperçoit très vite
que le pouvoir n’est qu’une mise en scène du
pouvoir. Les fascistes avaient besoin des
parades, des déguisements, des costumes, de
musique… Et bien sûr ils faisaient du mauvais
théâtre. Cette fascination se retrouvait même
dans leur vie privée puisque Goebbels, comme
Göring, avait une maîtresse actrice. Il y a une
projection évidente.
GC: Nous avons monté le spectacle de
sorte qu’au début, le politicien est d’abord
spectateur du groupe d’acteurs qui est au centre
de la scène alors qu’à la fin les politiciens et leurs
discours se retrouvent au centre de la scène et
les acteurs deviennent spectateurs.
TL: Au centre de notre pièce, il y a l’idée
que le théâtre, le lieu théâtre, devient l’arène dans
laquelle la politique et l’art se combattent. Chez
Klaus Mann, le nazi est le diable. Qui est le diable
de notre époque?
GC: Nous-mêmes peut-être, enfin une part
de nous-mêmes. Il est dangereux de chercher des
diables que l’on identifie comme le mal absolu.
Diaboliser des diables est contreproductif.
TL: Si le diable c’est l’autre, cela veut dire
que nous nous considérons comme un dieu sans
reproche. Ce manichéisme est dangereux et
gomme le rôle que nous avons dans l’avancée
des idées diaboliques. Nous sommes tous
confrontés à un vrai dilemme, mais ce dilemme ne
disparaîtra pas simplement parce que l’on ne veut
pas en parler. Les Italiens ont choisi pendant les
dernières années de faire majoritairement
confiance à un “paillasse”, Berlusconi, alors qu’ils
ont refusé “le professeur” Prodi, c’est-à-dire qu’ils
ont choisi le comédien charmeur plutôt que le
penseur un peu rébarbatif, sans doute parce qu’ils
s’y retrouvaient mieux. Un démagogue sans
charme ne fera jamais carrière.
Pourquoi dans votre pièce, l’acteur est-il
flamboyant quand il joue un rôle mais assez terne
quand il redevient lui-même?
GC: On a cherché à ce que le public puisse
s’identifier à l’acteur, aussi bien à sa grandeur
qu’à sa petitesse. Il doit être aussi un homme
banal pour qu’on puisse croire à son idéal au
début de la pièce. Si l’on n’y croit pas, la
progression dramatique ne peut fonctionner et n’a
pas d’intérêt.
Dans votre précédent spectacle venu au Festival
en 2006, Rouge décanté, vous faisiez un travail
précis et fascinant avec les techniques vidéo. Estce encore le cas avec Mefisto for ever ?
GC: Dans la première partie de la pièce, il
y a deux manières de jouer avec le public: une
adresse directe et une adresse par caméras
interposées. Lorsque les acteurs jouent des rôles
du répertoire théâtral, il faut créer une illusion
autre que celle du plateau. On joue de la dualité
des illusions.
11
La dernière scène du spectacle n’a aucun rapport
avec le roman puisqu’elle se situe après la chute
du nazisme. Quelle nécessité aviez-vous de
poursuivre ainsi l’histoire de Gründgens ?
TL: Parce que Gründgens ne comprend pas
pourquoi il en est arrivé là au moment où le
régime nazi s’effondre. Il sait qu’il a perdu, mais
ne sait pas pourquoi et comment cet échec est
arrivé. Il souhaiterait pouvoir recommencer
comme si de rien n’était, mais cela n’est plus
possible. Quand une jeune actrice lui demande
une “vraie douleur”, “une vraie passion”, quand
elle lui demande: “qu’est ce que tu sens ?” il ne
peut répondre que: “Je sens… Je… Je… Je…”. Il
n’y a plus que du vide, même si les nouvelles
autorités lui demandent de poursuivre son travail,
mais dans une direction différente. Il y a du
tragique dans cette vie d’acteur entièrement
consacré à son art. Dans la dernière interview
qu’il a donnée avant sa mort, Gründgrens dit qu’il
est pour la première fois de sa vie en vacances
car avant il a passé son temps “à jouer”. Il ne dit
pas “à travailler” mais “à jouer”…
Certains acteurs en France ont refusé de jouer
pendant l’occupation nazie. Est-ce aussi une
possibilité ?
GC: Bien sûr ; quand on a le sentiment que
l’on est plus capable de dire ce que l’on veut ou
ce que l’on doit dire, il faut trouver un autre
moyen pour faire connaître son opinion. Le
silence en est un. Mais c’est au spectateur à la fin
du spectacle de se poser la question de la
position juste.
TL: Le drame de Gründgens c’est
justement de ne pas avoir voulu faire de choix, il a
fait celui de ne pas en faire. Certains acteurs dans
l’ultime scène de la pièce se posent, eux, la
question du choix après l’apocalypse. Ils pensent
qu’il n’est même plus possible de jouer comme
d’autres pensaient qu’il n’y avait plus de poésie
possible après Auschwitz. C’est une vraie
question que le silence. Mais aussi de savoir si
l’être humain peut vivre sans côtoyer des
pratiques artistiques.
Vous avez pris la direction de la toneelhuis avec
un projet autour d’un noyau artistique mêlant la
danse, le cinéma, la vidéo, la musique et le
théâtre. Où en êtes-vous après une année de
pratique?
GC: Nous voulons décloisonner les
pratiques artistiques, les faire travailler ensemble
ou côte à côte en fonction des projets. En ce qui
concerne le théâtre, nous travaillons avec un
noyau d’acteurs qui ne forment pas une troupe
permanente mais sont des compagnons réguliers.
Il y a quinze ans, les autorités politiques
anversoises voulaient anéantir les trois grands
théâtres de la cité.
Aujourd’hui, grâce à notre collectif artistique il y a
un dialogue à l’intérieur du théâtre et avec le
public, ce qui pour l’instant connaît un réel
succès. Je voudrais un théâtre qui, comme une
pierre qui fait des ronds dans l’eau, émeut la ville,
le pays et le monde, et qui s’en laissent émouvoir.
Propos recueillis par Jean-François Perrier en février 2007
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MEFISTO FOR EVER / DATES DE TOURNEE
06/09/2008
13/09/2008
19/09/2008
20/09/2008
22/09/2008
23/09/2008
24/09/2008
25/09/2008
26/09/2008
27/09/2008
16/10/2008
17/10/2008
18/10/2008
21/10/2008
07/11/2008
08/11/2008
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14/11/2008
15/11/2008
25/11/2008
26/11/2008
29/11/2008
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
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Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
04/12/2008
05/12/2008
11/12/2008
12/12/2008
17/12/2008
18/12/2008
19/12/2008
06/01/2009
14/01/2009
15/01/2009
27/01/2009
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Mefisto for ever
Bourla
Bourla
Théâtre de la Ville
Théâtre de la Ville
Théâtre de la Ville
Théâtre de la Ville
Théâtre de la Ville
Théâtre de la Ville
Théâtre de la Ville
Théâtre de la Ville
TNBA
TNBA
TNBA
Kaaitheater
Comédie de Reims
Comédie de Reims
MC2
MC2
MC2
Scène Nationale
Scène Nationale
Théâtre de Saint-Quentin enYvelines
Teatro Lliure
Teatro Lliure
Palais des Beaux Arts
Palais des Beaux Arts
CDN Orléans
CDN Orléans
CDN Orléans
MC Amiens
Linz09
Linz09
Grand Théâtre de Luxembourg
Antwerpen
Antwerpen
Paris
Paris
Paris
Paris
Paris
Paris
Paris
Paris
Bordeaux
Bordeaux
Bordeaux
Brussel
Reims
Reims
Grenoble
Grenoble
Grenoble
Martigues
Martigues
Saint Quetin
Yvelines
Barcelona
Barcelona
Charleroi
Charleroi
Orléans
Orléans
Orléans
Amiens
Linz
Linz
Luxembourg
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AT
AT
LU
EXTRAITS DE PRESSE
« Tom Lanoye procède prudemment, sans ton moral i s a t e u r ni pamphléta i r e .
S’ i l évoque le s heur s et malheur s d’une compagn ie de théât r e al l emande
en ple i n e pér i ode naz i e , nous ne reconna i s s o n s que trop bien dans Kurt
Köple r , son personnage pr in c i p a l , le par fa i t exemple de l ’ a c t eu r et du
metteur en scène ta len tueux qui , par amour de son métie r , passe d’une
compromis s i o n à une aut re .
C’e s t un art i s t e pass i o n né de toute s le s époques et tous le s rég imes . »
« Le metteur en scène Guy Cass i e r s réus s i t à mettre cet te œuvre complexe
et pui s s a n t e en image. Grâce à des caméras di s c r è t e s , i l place des
accen t s , agrand i t des v i s a ge s , montre l ’ an go i s s e , la détre s s e ou
s imp lement la van i t é .
[…] Sa luon s éga lement la perfo rmance des acteu r s
qui sont tous de for c e éga le .
Ensemble , i l s nous proposen t une repré sen t a t i o n pol i t i q u e , non pas de
ce l l e s qui pont i f i e n t mais de ce l l e s qui font ré f l é c h i r , une ré f l e x i o n
qu’ i l s créen t à par t i r de leu r uni ve r s , ce lu i du théât r e . »
Pol Arias
Radio 1 – 23 octo b r e 2006
« L’éc r i v a i n Tom Lanoye atte i n t i c i ,
avec le metteur en scène Guy
Cass i e r s et l ’ a c t eu r Roofthoo f t , un théât r e pol i t i q u e de grande fac tu r e .
Toujour s à di s t an c e . Toujour s aidé par le f i l t r e du temps. Le tout joué
sta c c a t o , avec toujou r s cet t e seu le phrase d’Hamlet : ' I l
y a quelque
chose de vermoulu . '
Un théât r e d’une te l l e r i c he s s e et d’une te l l e
néces s i t é nous la i s s e tous panto i s . Après une nui t d’ i n s omnie , je me
su i s mis à penser fréné t i q uement , à penser et à penser encore . Je cro i s
que c’e s t
pour ça qu’on a un jour
inven té
le théât r e
en tant
qu’exp re s s i o n art i s t i q u e . »
Loek Zonnevel d
De Groene Amste r d a m m e r – 4 nove m b r e 2006
LE MONDE
Article par u dans l'édit i o n du 19.07.07
AVIGNON ENVOYÉE SPÉCIALE
Comment on passe un pacte avec le diab le
Les mo m e n t s excep t i o n n e l s ar r ive n t sur le ta r d,d a n s ce Festiva l d'Avign o n, mais ils ar r ive n t : après
Krzysz t o f Warlik o ws k i et ses Angels in Ame r i ca, voici le Fla ma n d Guy Cassie rs et son Mefisto for Ever,
qui, conju g u a n t l'au d a ce for m e l l e avec l'a m p l e u r de son prop o s, a été long ue m e n t appla u d i le soir de
la pre m i è r e, ma r d i 17 juille t, au Théât r e mu n i c i p a l.
Dans la gra n d e tr a d i t i o n théâ t r a l e sha kespe a r i e n n e, Mefisto est une puissa n t e réfle xi o n sur le théâ t r e
et le pouvoi r, sur la force de l'illusio n et celle du réel. Mais, en livra n t une adap ta t i o n très lib r e du
ro m a n publié par Klaus Mann, en 1936, Tom Lanoye, l'au te u r , et Guy Cassie rs, le me t t e u r en scène,
s'anc r e n t aussi dans la réali t é : celle de la Fland r e et de la ville d'Anve r s, où Guy Cassie rs dirige un
théâ t r e, le Toneelh u is, et où l'ex t r ê m e droi t e a gagné une par t imp o r t a n t e de la popu la t i o n. Ancr age
14
dans une esthé t i q u e con te m p o r a i n e, aussi : c'est du théâ t r e mu l t i m é d i a d'un e maî t r i se ra re, mis au
service d'u ne sensib il i t é litté r a i r e.
Voici donc, co m m e en mi r o i r, dans le cad re à l'ita l ie n n e, tou t en dor u r e s et en velou r s rouges, du joli
Théâ t r e mu n i c i p a l d'Avign o n, une tr o u p e de co mé d ie n s en tra i n de répé te r Ha mle t, cette pièce où le
jeu ne prin ce de Dane m a r k dit clair e m e n t : "Le théâ t r e est le piège où j'at t r a p e r a i la conscie n ce du
roi." L'actio n est située au mo m e n t des électio n s qui amè ne n t Hitle r au pouvo i r, ent r e la fin de 1932
et le débu t de 1933.
Au cen t r e de celle - ci, une figu r e de l'Acte u r, avec un gra n d "A" : Kur t Köple r, égale m e n t dire c t e u r du
Théâ t r e natio n a l et sym p a t h i s a n t gauch is t e. L'ar r i vée des nazis au pouvoi r voit l'ir r u p t i o n dans son
phala n s t è r e d'u n perso n n a g e sur n o m m é "le gros", ma r é c h a l d'avia t i o n et min is t r e de la cul t u r e
supposé, qui doit beauco u p à Görin g.
JEUX DE MIROIRS
Pou r pouvo i r con t i n u e r à joue r, à mo n t e r Shakespea r e, Tche k h o v ou Goeth e, cet ho m m e qui semb le
n'exis t e r vrai m e n t que dans le jeu, cons t r u i r e sa perso n n a l i t é et son rap p o r t avec le mo n d e à tra ve r s
les perso n n a g e s qu'il in te r p r è t e (Hamle t, Richa r d III, le Lopa k h i n e de La Cerisaie et... Méphis to), va
être ame n é à une série de co m p r o m i s avec ce régi m e qu'il abho r r e : à signe r un pacte avec le diable.
Face à lui, tou t un éven ta il d'a t t i t u d e s, nota m m e n t à tra ve r s quelq u es me r ve il le u ses figu r es de
fe m m e s.
Le perso n n a g e de Kur t cons ti t u e un des plus gros cha nge m e n t s par rap p o r t au livre de Klaus Mann :
Lanoye et Cassie rs l'on t ret r a v a i l l é à par t i r de docu m e n t s sur l'acte u r alle m a n d Gustav Grü n d g e n s, qui
avait servi de mo dè le à l'écr iv a i n, et en ont fait un perso n n a g e plus co m p le xe.
La gran d e for ce du specta c le, qui envoie de no m b r e u x échos à not r e te m p s de dé mo c r a t i e s fragiles,
est en effe t de n'êt r e ja ma is dans l'ana t h è m e ou la diabolisa t i o n, mais plu t ô t dans une obser va t i o n
des méca n is m e s hu m a i n s, socia u x, écono m i q u e s, psych iq u e s qui amè n e n t un individ u - un peuple - à
colla b o r e r avec un régi m e qui fait de la ma n i p u l a t i o n l'essen ce de son pouvo i r.
Même les nazis, ici, ne son t pas mo n t r é s co m m e des sala u ds : ils son t pris, dans cet ar t dista n c i é et
for te m e n t réfle xi f, dans ce jeu de mi r o i r s écla tés où ils son t eux- mê m e s des acte u r s tr agiq u es.
Le pseu do - Göring de l'ext r a o r d i n a i r e Josse De Pauw se rapp r o c h e ainsi du Kur t - Marlo n Bra n d o
d'Apocal y p se Now, le fil m de Coppola. Au coeu r de ces ténè b r e s, le jeu des co mé d ie n s est un élé me n t
essen tie l : or ces co mé d ie n s, Dir k Rooft h o o f t (Kurt) en tête, passan t avec une fluid i t é confo n d a n t e de
la grisaille à la folie sha kespe a r i e n n e, son t re m a r q u a b l e s, aidés par un systè m e de mic r o s individ u e ls
qui leu r per m e t une inti m i t é men t a le avec les specta t e u r s.
Le tr ava il de Guy Cassie rs, que l'on avait déco u ve r t l'an passé dans ce festiva l avec Rouge décan t é,
saisissa n t réci t de l'écr iva i n Jeroen Bro uwe r s, est enco r e for t peu con n u en Fra n ce. Souha i t o n s que
l'on n'en reste pas là avec ce Mefisto où se lien t au plus hau t nivea u la finesse du tr ava il vidéo, qui
per m e t de joue r sur les diffé r e n t s plans de réali t é et d'i m a g i n a i r e, la beau té plastiq u e épous to u f l a n t e
de l'ense m b l e et l'in te ll ig e n c e de la prog r essio n dra m a t u r g i q u e : Mefisto, for ever. Tout gra n d théâ t r e,
Shakespe a r e, Corneille, Tche k h o v, est théâ t r e dans le théâ t r e.
Mefisto for Ever, de Tom Lanoye, d'ap r è s Klaus Mann. Mise en scène : Guy Cassie rs. Avec Gilda De Bal,
Josse De Pauw, Vic De Wach te r, Pete r Gorisse n, Abke Hari n g, Dir k Rooft h o o f t, Stefa n Perceva l, Arian e
van Vliet et Katelij n e Verbe ke. Théâ t r e mu n i c i p a l, à 21 h 30 jusq u'a u 24 juille t. Tél. : 04- 90- 14- 14- 14.
Durée : 3 heu r e s. En néer la n d a i s sur t i t r é .
Fabien n e Darge
Pra t iq u e
Mefisto for Ever, de Tom Lanoye, d'ap r è s Klaus Mann.
15
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La Libre Belg i que
Guy Cassie rs et Galin Stoev : la scène belge frap p e for t
Marie Liégeois
Mis en ligne le 20/07/2007
- - - - - - - - - - Gal i n Stoev , Guy Cass i e r s
réf l ex i o n .
: des temps for t s
prop i ces aux pi s t e s de
Envoyée spéciale à Avigno n
Bon nes sur p r i ses pou r "Genèse n°2" et "Mefisto for ever", prod u c t i o n s fra n co p h o n e et fla m a n d e dans le
"in" d'Avig n o n qui ont, avec brio, tir é leu r épingle de ce jeu délica t. Reto u r sur ces deu x te m p s for ts.
Dieu existe - t- il ou non ? L'au t r e, qu'est - il par rap p o r t à soi ? Y a- t- il, en tou te chose, ce "quelq u e
chose en plus" ? Ivan Viripa ev, l'au te u r russe de "Genèse n°2", créé l'an der n ie r au théâ t r e de la Place
à Liège, a- t- il réelle m e n t fon dé son specta c le sur base d'un tex te écri t par une patie n t e
psych i a t r i q u e, Anto n i n a Velika n o v a ? Reste que la pièce, de bou t en bou t, inte r r o g e l'ide n t i t é, la foi, la
folie, le rap p o r t à soi, à l'au t r e, au mo n d e. Un tex te a prio r i fragile, co m p o sé de sau tes d'hu m e u r ,
d'idées hyb r i d es, de ryt h m e s cha nge a n t s. Une par t i t i o n à ma n ie r avec délica te sse. Si la créa t i o n, à
Liège, avait posé des bases très pro m e t t e u s e s, la tr o u p e se révèle, ici, à la hau te u r du festiva l, offr a n t
une inte r p r é t a t i o n lim p i d e d'u n thè m e par essence dén ué de sens - la schizo p h r é n i e. Les acte u r s
Vince n t Lécuye r et Antoi n e Oppen h e i m con fi r m e n t leu r jeu tou r à tou r drôle, grave et puissa n t, tan d is
que Céline Bolo me y a tro u vé son juste ton. Un bond en avan t, donc, pou r l'équ ip e de "Genèse n°2",
em m e n é e par le me t t e u r en scène d'or ig i n e bulga r e Galin Stoev et pro m i se à une tou r n é e plus large.
Influ e n c e s de l'Est égale m e n t pou r un "Mefisto for ever" ru de m e n t bien men é par une broc h e t t e de
co mé d ie n s fla m a n d s, sous la houle t t e du me t t e u r en scène Guy Cassie rs qui distille finesse, sob r ié té et
for ce dans ce tex te engagé. A la dist r i b u t i o n , deu x gran d es figu r es : Josse De Pauw, qui inte r p r è t e le
min is t r e de la Cultu r e, bras droi t du dicta t e u r fasciste, et Dir k Rooft h o o f t, qui joue "Kur t", co mé d ie n
plu tô t gauch is t e don t l'a m b i t i o n lui fera tra h i r ses idéa u x. Ce texte de Tom Lanoye, lib re m e n t adap té
du pa m p h l e t "Mephis t o" de Klaus Mann écri t en 1936, nous plonge dans un gran d théâ t r e. Kur t, Victo r,
Mut ti, Rebecca, Niklas, Nicole, Angela : auta n t d'acte u r s que d'in fl u e n c e s et de valeu r s. Mais l'a r r i vé e
du "Gros", bras droi t du Füh r e r, engen d r e une redis t r i b u t i o n des car t es. Camps de conce n t r a t i o n,
exécu t i o n s, lice n cie m e n t s, co m p r o m i s s i o n s : la mo n t é e du fascis m e engen d r e son lot d'ho r r e u r s chez
chacu n à des degrés dive r s. Mise en aby m e où s'en t r e m ê l e n t des répliq u e s de Shakespe a r e et
Tchek h o v, rega r d aigu sur les rapp o r t s ent r e ar t et polit i q u e, "Mefisto for ever" brosse tou t en
pro fo n d e u r les re mo u s d'un e tr o u p e, poignée d'êt r e s aux mu l t i p l e s nua n ce s. Nul ma n i c h é is m e mais
l'envie, dans cette pièce créée à Anve rs en septe m b r e der n ie r, au mo m e n t où l'ex t r ê m e droi te
me n a ç a i t de sor t i r des ur nes, de décele r la par t d'o m b r e et de lu m iè r e en chacu n. Et si la secon de
par t ie peu t semb le r plus faible, Guy Cassie rs, par un disposi t i f vidéo maî t r i s é et inven t i f, me t l'acce n t
sur un visage, un tra i t de cara c t è r e, un élé me n t déte r m i n a n t.
Nos scènes ont fait pre u ve d'u ne inven t i v i t é saluée par le publi c et par le "Monde" dith y r a m b i q u e pou r
Guy Cassie rs.
*****
LE FIGARO
« Mephis to » ou les pouvo i r s du théâ t r e
ARMELLE HÉLIOT.
Publié le 24 juille t 2007
Actua l isé le 24 juille t 2007 : 10h24
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Une l i b r e adaptat i on du « Mephis to » de Klaus Mann, un « Richard I I I »
de Shakespeare pas au point et l ' é c l a t an t e « Genèse n° 2 » par Gal i n
Stoev .
AVEC, same d i soir, Le Roi Lear, de Shakespe a r e, dans la cou r d'ho n n e u r , le festiva l ent r e dans sa
tr oisiè m e et der n iè r e sema i n e. Au coeu r de la ma n i fe s t a t i o n , des specta c les de pat r o n a g e très mode,
tel Big 3rd episode par le collec t i f Supe r a m a s, des pro p osi t i o n s qui déçoive n t, tel le Richa r d III de
Pete r Verhels t, vaine rééc r i t u r e de Shakesp ea r e. Les ar tis te s ne son t pas prê ts. La mise en scène de
Ludovic Lagar de flot t e et le trava il sur le son est catas t r o p h i q u e. Laur e n t Poit r e n a u x, pou r t a n t si fin
et pro fo n d, ne peu t rie n, le ra ta ge tech n i q u e l'écr asa i t le soir de la pre m i è r e. Mais c'est une
pro d u c t i o n qui tr o u ve r a son juste sens plus ta r d.
Magnifiq u e m e n t maî t r i s é, au con t r a i r e, est Genèse n° 2. Un texte d'Ivan Virip ae v, tra d u i t du russe par
Tania Moguilevs k a ia et Gilles Morel (édité aux Solita i r e s Inte m p e s t i f s) et mis en scène avec une
origi n a l i t é puissa n t e par Galin Stoev qui, lui, vien t de Bulga r ie. C'est passio n n a n t, l'écr i t u r e est for t e,
les inte r p r è t e s hype r d o u é s. C'est re ma r q u a b l e. Une équipe de jeunes que l'on con n a î t enco r e mal, mais
tous écla ta n t s de tale n t. L'au te u r tresse des fils très diffé r e n t s en un ru ba n co m p le xe qui nous
renvo ie de ma n iè r e très concise du théâ t r e aux étoiles, co m m e de vie à mo r t, raiso n et folie. C'est
supe r b e et très inte llige m m e n t tra d u i t scéniq u e m e n t par Stoev et ses amis co mé d ie n s et music ie n s
(composi t e u r , Sacha Carlso n). La scénog r a p h i e, les lu m iè r e s, les cost u m e s, la vidéo, tou t est ingén ie u x,
har m o n i e u x, et son t de la respo nsa b i l i t é de deu x filles épata n t e s, Saskia Louwaa r d et Katr i j n Baeta n.
Pui s s an te écr i t u r e
Grand ar t auss i avec Mefis to for ever . Mais on connaî t mieux l ' équ i pe
réunie autour de Guy Cass i e r s , metteur en scène, et Tom Lanoye, qui
écr i t à par t i r du roman de Klaus Mann dont Ar iane Mnouchkine au théât re ,
I van Szabo au cinéma ont donné des traduct i on s mémorables . Créat i on à
par t ent i è r e que ce texte de Lanoye, et non adaptat i on . Pui s s an te
écr i t u r e et transc r i p t i o n scénique for t e , tenue par des comédiens de
haute f l amme. Le génie f l amand comme on l ' a dmi re . I l y aura i t des pages
à écr i r e sur un te l accompl i s s ement . Sur ce grand théât re du monde, du
pouvo i r et des poètes qui est te l le « pharmacon », poi son et remède. . .
+++++++
Mefisto for ever de Tom Lanoye, d’ap r ès Klaus Mann
L’ar t et le pouvo i r
WEBTHEA.COM
Le me r c r e d i 18 juille t 2007
La prog r a m m a t i o n du festiva l est tr ave r sé e par la réfle xi o n poli t iq u e au sens plus ou moi n s large du
ter m e et avec plus ou moin s de bon h e u r. De l’évoca t i o n du poète et résist a n t René Char au Silen ce
des co m m u n i s t e s, en passa n t par les tr ava u x de Eléon o r e Weber et de Chris to p h e Fiat, Angels in
Ame r i ca ou Les Ephé m è r e s d’Aria n e Mnouc h k i n e. Le me t t e u r en scène fla m a n d Guy Cassie r, dire c t e u r
du théâ t r e Toneelh u is à Anvers, a tr ava il lé avec Tom Lanoye à l’écr i t u r e de Mefisto - en s’inspi r a n t du
ro m a n pa m p h l é t a i r e de Klaus Mann (le fils de Tho ma s Mann) - qui se situ e dans les années 1936 en
Alle ma g n e, et des adap t a t i o n s qu’en ont fait Aria ne Mnou c h k i n e pou r le théâ t r e et Istvà n Szabo pou r
le ciné m a. Cassie r conço i t ce specta c le co m m e le pre m i e r volet d’une tr ilog ie inti t u l é e Le Trip t y q u e du
pouvo i r.
La mise en scène conj u g u e avec vir t u o s i t é les con te x t e s de l’Alle m a g n e de 1936 et de la Belgiq u e
d’aujo u r d ’ h u i, les prop os de Klaus Mann revus par Tom Lanoye, des frag m e n t s de tex tes classiq u es
(Shakespea r e, Tché k h o v), le théâ t r e dans le théâ t r e et la vidéo. Les questio n s posées sont celles du
pouvo i r de résista n c e du théâ t r e face au fascis m e et de son imp ossib le indépe n d a n c e. Les disco u r s
nazis fon t un écho viole n t et tr o u b l a n t à la situ a t i o n actu e lle. Le dire c t e u r du théâ t r e, tota le m e n t
dévo ué à son ar t, croi t d’abo r d pouvoi r résiste r de l’in té r i e u r au to ta li t a r i s m e, pou r fina le m e n t,
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con t r a i n t à des co m p r o m i s s i o n s de plus en plus gran d es, se justif ie r en reve n d iq u a n t les quelq u es vies
sauvées du tr ava il obliga t o i r e. L’act r i ce juive s’est exilée et quan d elle revie n t, c’est pou r dire qu’ap r ès
cet te tragé d ie elle ne pou r r a plus ja ma is joue r. Après l’effo n d r e m e n t du nazis m e, le nouvea u pouvo i r
en place imp o se à son tou r ses règles du jeu. Quelle libe r t é pou r l’ar t dans ces con di t i o n s ?
Grâce à une gran d e maî t r i s e du platea u, des espaces et de la vidéo, Guy Cassie rs parvie n t à décli n e r
les mu l t i p l e s poin ts de vue presq ue sim u l t a n é m e n t , sans ja ma is crée r de conf u sio n. Sa mise en scène
relève de la per fo r m a n c e et en mê m e te m p s, de la pro f u si o n d’ima ges et de sens, se révèle la
di me n si o n pro fo n d é m e n t hu m a i n e de la réfle x io n. Les théâ t r e s belge et néer la n d a i s, libé r és de
l’hégé m o n i e du tex te, appu ie n t souven t la na r r a t i o n sur l’ima ge dans une gran d e libe r t é d’inve n t i o n.
Les outils tech n o l o g i q u e s ne fon t pas figu r e de gadge ts mais son t utilisés avec une gran d e per t i n e n c e.
Un des mo m e n t s for ts du specta c le est le disco u r s du min is t r e de la cul t u r e. L’écra n gigan t esq u e,
occu p a n t tou t le mu r du fon d de scène, proje t t e en gros plan son visage qui, au fil du disco u r s qui
gagne en violen ce, se dém u l t i p l i e co m m e à l’infi n i dans une sor te de prin c i p e wha r o lie n déto u r n é. En
suri m p r e ss io n, est proje té e par in te r m i t t e n c e la scène jouée par les deux co mé d ie n n e s exilées qui se
tien n e n t à l’ar r iè r e du platea u. La pièce s’achève sur l’inca p a c i t é de l’acte u r à pro n o n c e r le moi n d r e
mo t, dans le silen ce du théâ t r e, anéa n t i par les épre u ves qu’il a trave r sé es sans vrai m e n t co m p r e n d r e
ce qui lui est ar r ivé, possédé par des for ces diabo liq u e s insid ie u ses. Les diffé r e n t s perso n n a g e s à
tr ave r s lesque ls il s’est invest i, co m m e à la reche r c h e de lui- mê m e, ne lui son t plus d’auc u n secou r s,
il s’est défin i t i ve m e n t per d u de vue. Au- delà de la questio n des liens ent r e l’ar t et le pouvoi r, la pièce
pose la questio n du mal. Il fau t bien co m p r e n d r e la ph r a se de Brech t, « le ven t r e de la bête im m o n d e
est toujo u r s fécon d ». Le diable est la par t obscu r e de l’ho m m e, tapie en chacu n de nous et qu’il fau t
indéfi n i m e n t do m p t e r par un tra va i l de civilisa t i o n des ho m m e s qui passe par la con n a issa n ce et la
cult u r e.
ht t p://www.web t h e a.co m / a c t u a l i t e s/?Mefis t o - for - ever - de- de- Tom - Lanoye,12 1 3
*****
« Il
y a quelque chose de pourr i
Delph i n e Beauge n d r e
dans ce pays… »
Libre m e n t adap té du ro m a n « Mephis to » de Klaus Mann, la pièce de Tom Lanoye nous renvo ie à l’une
des pério d es les plus somb r e s de not r e Histoi r e, celle qui va des balb u t i e m e n t s de l’Alle m a g n e nazie à
la victo i r e alliée et à la scissio n alle m a n d e…
Dans une mise en scène crép u s c u l a i r e, où la beau té plastiq u e le disp u t e à la sobr ié t é de
l’in te r p r é t a t i o n , le me t t e u r en scène belge Guy Cassie rs nous off r e au Théât r e mu n i c i p a l d’Avign o n un
specta c le d’une acui té et d’une in te n si t é ra res. À une époque où les natio n a l i s m e s eur o p ée n s
s’exace r b e n t, où les replis iden t i t a i r e s se bana lise n t, soyons - lui reco n n a issa n t s, car « Le ven t r e est
enco r e fécon d, d’où est issue la bête im m o n d e » (Brech t, « Gran d - peu r et misè r e du IIIe Reich »)…
1933. Hitle r est élu cha n ce l ie r. La te r r e u r s’insta l le. C’est dans le cloiso n n e m e n t d’un théâ t r e que nous
assisto n s à la prise de conscie n c e et aux doulo u r e u x che m i n e m e n t s des êtres face aux soub r esa u t s de
l’Histo i r e. Le perso n n a g e pri n c i p a l s’insp i r e du co mé d ie n Gustav Grün d ge n s, alo rs idole des foules
ger m a n i q u e s et qui, en refu sa n t de choisi r, idéalis te for ce n é ou acte u r fana t i q u e, se per d r a dans le
tou r b i l l o n nazi. Car c’est bien de choix qu’il s’agit, et tou t l’in té r ê t de la pièce réside dans cette
questio n : l’ar t est- il poli t iq u e ? Quan d la (prise de) paro le est muse lée, l’exp r e ssio n anni h i lé e, le cri
inté r i e u r des êtres, en l’occu r r e n c e celu i des ar tis t e s, éto u f fé, l’ar t peu t - il faire acte de résista n c e ?
Sous nos yeux, la scène de théâ t r e devie n t alo rs une véri t a b l e arè ne polit iq u e, où cet te fois les
acte u r s jouen t leu r prop r e peau, où la co mé d ie du pouvo i r (Goebbels et Görin g, respec t i ve m e n t « le
Boite u x » et « le Gros », co m m e dans une – ma u va ise – dist r i b u t i o n de fil m noir) l’emp o r t e sur la
tr agé d ie hu m a i n e. Les loua b les amb i t i o n s ar tis t i q u e s (l’occasio n pou r nous ici d’en te n d r e ou de
réen te n d r e quelq u es unes des plus belles pages du théâ t r e classiq u e, ad m i r a b l e m e n t inte r p r é t é e s par
cet te tro u p e déjà déliq u esce n t e) son t con t r e d i t e s par le pouvoi r en place. Exit donc les Tche k h o v,
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Shakespe a r e, et aut r e s Moliè r e : le peuple veu t de l’opti m i s m e , de l’ent h o u s i a s m e, de l’espoi r ! Et des
aute u r s natio n a u x !
Mais c’est sur t o u t au par co u r s d’un ho m m e que l’on s’atta c h e, celui d’un ar tis te émé r i t e, d’un ho m m e
qui croi t pouvoi r « tue r la bête » de l’in té r i e u r , qui peu à peu s’enfe r m e dans le/so n théâ t r e, s’enlise
dans la ficti o n, se cache der r i è r e les pensées de ses perso n n a g es, modes t es bouées jetées dans une
me r dé mo n t é e…
Poin t de juge m e n t ici : l’analyse est d’au t a n t plus per t i n e n t e qu’elle évite tou t ma n i c h é is m e, car
co m m e le dit l’au te u r Tom Lanoye, « Il fau t sans cesse se de ma n d e r ce que l’on au ra i t fait dans la
mê m e situ a t i o n et toujo u r s pense r que le théâ t r e est le lieu du dou te ».
La scène finale, magis t r a l aveu d’imp u issa n c e, épouse ce poin t de vue, qui nous mo n t r e un ho m m e
seul, hébé té et, co m b le du trag iq u e pou r un acte u r, incap a b le de for m u l e r le moi n d r e son, d’ar t i c u l e r
la moin d r e par o le, de ressen t i r la moi n d r e émo t io n… le vide, le néan t, le silence après l’Apocaly p se.
Il fau t insiste r ici sur la beau t é plastiq u e du specta c le, véri t a b le écri n pou r le jeu nua n cé et sobre des
acte u r s. La for m a t i o n init ia le de plasti c ie n de Guy Cassie rs, son goû t pou r l’utilisa t i o n des nouvea u x
méd ias et nota m m e n t la vidéo, per m e t de « cer n e r » au plus près les cor ps et les visages. Les cad res
scéniq u es, par fa i t e m e n t déli m i t é s et mu l t i p l e s, off re n t ainsi tou te une pale t t e de tons, de dégr a d és, de
flous, sensa t io n s fugaces d’une conscie n ce qui se disso u t. La rig ue u r de l’in te r p r é t a t i o n (la
vocifé r a t i o n et l’hysté r i e étan t le do ma i n e rése r vé de Goebbels, scène apoca ly p t i q u e où des ext r a i t s de
ses disco u r s cons ti t u e n t une expé r ie n ce sono r e et visuelle glaça n t e et quasi hyp n o t i q u e) s’inc r u s t e à
me r ve il le dans cet te mosaïq u e d’images vacilla n t e s.
Beau specta c le, noble pro p os, ou quan d le théâ t r e a des ver t u s pédagogiq u e s et cito ye n n e s, car « Ceux
qui ne con n a isse n t pas leu r histo i r e s’expose n t à ce qu’elle reco m m e n c e… » (Élie Wiesel). Si oublie r
c’est se tair e, alors parlo n s - en, par t a g e o n s, déba t t o n s, et sur t o u t… resto n s vigila n t s !
Delph i n e Beauge n d r e - Les Trois Coups
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++ + +
Méphis to pour toujour s ,
WYNANTS,JEAN- MARIE
LE SOIR
vend r e d i 20 juille t 2007, 07:51
la Genèse à nouveau
Avec Mefisto for ever et Genèse nº2, le théâ t r e belge a fait for t en cette deuxiè m e par t i e du festiva l
d'Avign o n. A prio r i, rie n de co m m u n ent r e ces deu x specta c les. Le pre m ie r est le réci t du par co u r s
d'un co mé d ie n alle m a n d du r a n t la mo n t é e du nazis m e. Le secon d nous ent r a î n e dans la folie d'u ne
fe m m e russe réinve n t a n t la Genèse.
AVIGNON
De not r e envoyé spécial
Mefisto for ever, écri t par Tom Lanoye et mis en scène par Guy Cassie rs, est une prod u c t i o n de la
Toneelh u is d'Anve r s tan d is que Genèse nº 2, écri t par Ivan Virip ae v et mo n t é par Galin Stoev a été
créé au Théât r e de la Place à Liège.
L'un est une éno r m e mac h i n e faisa n t appel à des géan ts du théâ t r e fla m a n d tels que Dir k Rooft h o o f t
et Josse De Pauw. L'au t r e est un specta c le de taille mo ye n n e por t é par tro is jeu nes co mé d ie n s
fra n c o p h o n e s ir résis t i b l e s, Céline Bolo m e y, Vince n t Lécuye r et Antoi n e Oppen h e i m.
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Mais par - delà ces diffé r e n c e s, on tro u ve aussi des poin t s co m m u n s. Ces deu x specta c les par le n t,
nota m m e n t , du théâ t r e. D'un côté, la vie d'u n acte u r qui n'exis te qu'à tr ave r s ses rôles. De l'au t r e, les
confid e n c e s d'un aute u r qui vien t nous par le r de la pièce qu'il a écri te à par t i r d'un tex te que lui a
fait parve n i r une fe m m e enfe r m é e dans un hopi t a l psych ia t r i q u e. On est aussi fra p p é par l'u t il isa t i o n
re ma r q u a b l e, dans les deux cas, d'u ne scénog r a p h i e signifi a n t e où l'i ma g e vidéo, par fa i t e m e n t
intég r é e, est bien plus qu'u n e illus t r a t i o n du tex te.
Autr e poin t co m m u n : une direc t i o n d'acte u r s qui ne doit rie n à la décla m a t i o n tra d i t i o n n e l l e, enco r e
ter r i b l e m e n t prése n t e sur les scènes fra n ç a ises. Du côté de Mefisto, tou t se joue en douce u r. On
ente n d r a i t une mo u c h e vole r telle m e n t le public est cap t ivé. Et lorsq u e souda i n, un perso n n a g e laisse
écla te r sa colè r e, elle est d'au t a n t plus imp r e ssio n n a n t e. L'u til isa t i o n de mic r o s ainsi que les gros
plans vidéo son t essen tie ls dans ce disposi t i f, offr a n t aux specta t e u r s une pro x i m i t é inédi t e avec les
perso n n a g e s.
Dans Genèse nº 2, on ose tous les styles, depuis l'ad r esse direc t e
via des mo m e n t s quasi m e n t désin ca r n é s et d'au t r e s d'u n nat u r e l
mic r o s son t utilisés. Invisib les chez Cassie rs, ils sont plan té s sur
chan t e r , raco n t e r une anecd o t e ou s'en servi r co m m e inst r u m e n t
au public jusqu 'a u caba r e t déja n t é
qui laisse pan t o is. Ici aussi, les
pied chez Stoev. On s'en empa r e pou r
de perc u ssio n s.
Des tra ces dans la mé m o i r e
Mais sur t o u t, ces deux specta c le s laisse n t des tr a ces dans la mé m o i r e de ceu x qui y ont assisté. À des
degrés dive r s bien ente n d u. On n'est pas près d'ou b lie r les mines éne rvées de Vince n t Lécuye r et les
raiso n n e m e n t s logiq ues de son perso n n a g e à prop os de la con ne r i e hu m a i n e. On est car r é m e n t han té
par les mu l t i p l e s questio n s évoquées par Mefisto for ever sur le sens du théâ t r e, le dange r des
co m p r o m i s, les peti t e s ran cœurs bana les qui fon de n t tous les ext r é m i s m e s. Ovni théâ t r a l d'u n côté,
for m i d a b l e obje t d'ar t et de réfle x io n de l'au t r e (Mefisto est d'un e beau té de tous les insta n t s), ces
deux specta c le s sero n t rep r is chez nous à la ren t r é e. Coure z - y.
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Vend r e d i 27 juille t 2007
Mefisto for ever
GRAVÉ POUR TOUJOURS
Isabelle PLUMHANS
www.rue d u t h e a t r e.i n f o
Inspi r é du per c u t a n t unive r s de « Mephis to », de Klaus Mann, Guy Cassie rs et Tom Lanoye livre n t ici
une œuvre magis t r a l e, por t é e par des co mé d ie n s inspi r é s. L’utilisa t i o n in tell ig e n t e de la vidéo amp li f ie
enco r e l’ense m b l e, lui confé r a n t gran d e u r et subli m e.
Pou r ce tra va i l, le vidéas te et me t t e u r en scène anve rso is Guy Cassie rs s’est ento u r é d’une solide
équipe. Son dra m a t u r g e et écriva i n, Tom Lanoye est bien con n u des milie u x artis t i q u e s et per fo r m a t i f s
née r la n d o p h o n e s. Il s’est inspi r é de l’œuvre ro m a n e s q u e de Klaus Mann, tr ai t a n t de la délica t e questio n
de la ten u e des engage m e n t s, tan t poli ti q u e s qu’a r t i s t i q u e s sous l’Occu p a t i o n. L’œuvre dépasse la simp le
époq ue de l’Alle m a g n e en gue r r e, puisq ue ce suje t peu t fair e écho en chacu n de nous, à l’heu r e de
poser des choix. Qu’en est- il de nos idéa u x, de nos uto p ies. Si nous les cla m o n s hau t et for t, les
teno n s - nous tou jo u r s ?
L’écri t u r e oscille ent r e con te m p o r a n é i t é et classicis m e, ce qui confè r e à l’ense m b l e une inte m p o r a l i t é
questio n n a n t e. Outr e l'écr iv a i n, il fau t cite r les acte u r s don t les perfo r m a n c e s scéniq u e s son t
excep t i o n n e l l e s. La rig ue u r du jeu fla m a n d n’est pas sans rapp e le r celle des acte u r s alle m a n d s ou
russes. Un jeu sub t il, d’une tech n i q u e par fa i t e, per m e t t a n t à tou t e la pale t t e des senti m e n t s et des
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sensa ti o n s de se déplo ye r, serva n t au mie u x un tex te for t. Rien n’est verbe u x ici, mê m e si l’écr i t u r e
est au cen t r e de l’œuvre.
Cela tien t sans dou te aussi à l’in te ll ige n t e co m p lé m e n t a r i t é des mo ye n s vidéo. Mome n t de gran d e
jouissa n ce de specta t r i c e lorsq u e, du polit i c i e n fasciste placé à l’avan t - scène pou r pro n o n c e r son
dico u r s, l’on peu t voir, co m m e une série de men a ce répé té es à l’envi, son por t r a i t fil m é se
dé m u l t i p l i e r der r i è r e lui… Si ces der n ie r s te m p s, il est de bon ton de cri t i q u e r l’utilisa t i o n
systé m a t i q u e de la tech n o l o g ie sur scène, sa présen ce ici confè r e tou te sa dime n s io n trag iq u e et
poétiq u e à l’œuvre.
Œuvre magis t r a l e et in te r r o g a t i v e, por t é par des co mé d ie n s engagés, le specta c le est tou t entie r à
l’image de son me t t e u r en scène. Guy Cassie rs veu t un théâ t r e qui in te r r o g e sa cité, son public. Dans
sa ville d’Anve r s, engluée par la mo n t é e effr a y a n t e de l’ext r ê m e - droi t e, il est enco r e dava n t a g e
essen tie l de me t t r e tou t en œuvre pou r déno n ce r, enco r e et toujo u r s, le fascis m e, l’in tég r i s m e, mais
aussi les causes de cet te ascensio n. Dénon ce r la non - actio n, le pote n t i e l dest r u c t e u r par omissio n que
nous avons tous en nous. Guy Cassie rs s’est don n é les moye n s de l’Ar t pou r cette déno n c i a t i o n. Alors,
sans dou te, il répo n d à son envie la plus profo n d e, lui, qui souh a i t e r a i t plus que tou t « un théâ t r e
qui, co m m e une pie r r e qui fait des ron d s dans l’eau, éme u t la vile, le pays et le mo n d e et s’en laisse
émo u vo i r ».
Isabelle PLUMHANS
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LA MARSEILLA I SE
ELSA MINGOT
Avigno n. Le Festiva l accueille la mise en aby me de Klaus Mann revisi té e par Lanoye et Cassie rs, dans
“Mefisto for ever” jusq u’a u 24 juille t.
Le Théâ t r e Munici p a l accue ille Mefisto for ever, la der n iè r e créa t i o n de Tom Lanoye, ro m a n c i e r , et Guy
Cassie rs, dire c t e u r du Théât r e d’Anve rs. Cette lib re “adap ta t i o n - rééc r i t u r e” du ro m a n de Klaus Mann,
abo r d e l’histo i r e d'un e tra h iso n : le pacte avec le diable que signe l’ar t is t e avec le pouvoi r. Ici on vise
précisé m e n t celle d’un co mé d ie n, Gusta f Grü n d g e n s (ex- beau frè r e de Klaus Mann), ayan t colla b o r é
avec le Troisiè m e Reich.
Michel Tou r n ie r disai t à pro p os du Mephis to qu’ “il est situé à la cha r n i è r e grin ç a n t e du réel
(politiq u e) et de l'i ma g i n a i r e (théât r a l)”. Com m e lui, Guy Cassie rs et Tom Lanoye en son t persu a d és.
Dans la pièce, l’au te u r s’est nou r r i de l’histo i r e vraie des perso n n a g e s du ro m a n, de leu r vie, en y
imb r i q u a n t de nouvea u x ma té r i a u x - Shakespea r e, Tche ko v, Goethe… - qui se répo n d e n t habile m e n t.
Le me t t e u r en scène lui, “pour crée r une illusio n aut r e que celle du platea u, joue de la duali té des
illusio n s” en proje t a n t cer t a i n e s scènes sur des écra n s géan ts. Sans aucu n ma n i c h é is m e, car
“diabolise r des diables est con t r e p r o d u c t i f”, Mefisto for ever abo r d e avec intell ig e n ce la co m p le x i t é des
rapp o r t s qui lien t l’ar t au poli t iq u e: “Est- il possib le d’avoi r de la co m p r é h e n s i o n, de la co m p a ssio n
pou r les ar tis te s qui pense n t pouvoi r con t i n u e r à fair e de la résist a n c e avec de l’Art ?”
Le diable au cor ps
Dans Mefisto for ever, Kur t Kople r cite Nietzc h e “le gran d tale n t appelle l'opp osi t i o n”, co m m e en
ho m m a g e à Klaus Mann. Cet aute u r mili t a n t co m m u n i s t e, opposa n t de la pre m i è r e heu r e au nazis m e,
a quit t é l’Alle m a g n e dès 1933. Ayan t colla b o r é ent r e aut r e s avec Ernst Bloch, Ber t o l t Brech t, Alber t
Einste i n, Trots k i ou Hemi n g w a y, il est deven u avec la par u t i o n de Méphis t o en 1936, l’un des pilie r s de
la lit té r a t u r e du XXème siècle. Ce ro m a n réada p t é aujo u r d ’ h u i par Tom Lanoye, fut in te r d i t d’édi ti o n
jusqu’à ce qu’Aria n e Mnou c h k i n e le me t t e en scène en 1979. C’est pou r q u o i du r a n t tou te la pério d e du
festiva l, l’Ecole d’Art d’Avigno n se pro p ose d’affic h e r son Destin d’Exil. Cette exposi t i o n réu n i t quelq u es
pho to s et des coup u r e s de presse des mo m e n t s ma r q u a n t s de la vie de Klaus Mann, des pre m i è r e s
affic h e s de Mephist o au “plus gra n d procès de l’Alle m a g n e lit té r a i r e d’ap r ès - guer r e”. On y tro u ve aussi
21
des clich és du Cong rès des Ecriva i n s de 1935 où il plaid a en faveu r d’un hu m a n i s m e socialis te
répo n d a n t aux aspi r a t i o n s de la jeunesse eur o pé e n n e, “tout en exti r p a n t le poiso n du natio n a l is m e et
des préj u gés racia u x don t le fascis m e nou r r i t ses adep tes”. Celui - là mê m e qu'il déno n ce dans sa
pièce.
Théâ t r e dans l’arè ne
Mefisto For Ever, ce soir et les 22, 23, 24 juille t à 21h30, au Théât r e Municip a l d’Avigno n (5)
Klaus Mann et la Fra n ce, Un Destin d'Exil. Jusqu’au 27/07 de 11 h à 18h, à l’Ecole d’Ar t d’Avign o n (21).
Infos : 04.90.14.14.14. ou www.festiva l - avigno n.co m
“Au cen t r e de not r e pièce il y a l’idée que le théâ t r e, le lieu théâ t r e, devien t l’arè ne dans laquelle le
polit i q u e et l'ar t se co m b a t t e n t”. Guy Cassie rs et Tom Lanoye abo r d e n t l’œuvre de Klaus Mann avec
“l’impé r i e u se nécessi té” don t parle Mnou c h k i n e. “Les poli t i c ie n s qui vien ne n t ren co n t r e r l’acte u r dans le
théâ t r e son t eux- mê m e s des acte u r s… il y a une co m p é t i t i o n sur la scène ent r e ces deux types
d’acte u r s. Ce son t presq ue des concu r r e n t s et c’est là une des clefs de not r e adap ta t i o n”.
Mefisto for ever tra va i lle l’effe t de mi r o i r, cet te pros t i t u t i o n const a n t e ent r e men t e u r s et men t o r s,
celle don t parla i t réce m m e n t sur les écra ns, le dra m a t u r g e Georg Drey m a n, dans “La Vie des Autr e s”.
Ving t ans après la prob lé m a t i q u e est simila i r e, tr a n sp o sée cette fois dans l’Alle m a g n e d'ap r è s - gue r r e,
non plus sous les Nazis, mais sous la Stasi.
ELSA MINGOT
ht t p://jo u r n a l - la ma r se il l a ise.co m / i n d e x.p h p?op t i o n = c o m _ c o n t e n t & t a s k = v i e w & i d = 3 6 93&I te m i d = 1 5 0
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LE MONDE
Beau te m p s, pas de cas de dopage avéré - sauf à l'au t o sa t i s f a c t i o n, substa n c e auto r i sée et large m e n t
conso m m é e - , de brilla n t s vainq u e u r s d'éta pe et mê m e un maillo t jau ne. Ce Festiva l d'Avign o n 2007,
qui a fêté gailla r d e m e n t ses 60 ans, devr a i t donc être une réussi t e inco n t e s t a b l e. Et pou r t a n t, cette
61e éditio n du ren de z - vous créé par Jean Vila r en 1947, à l'inci t a t i o n du poète René Char, laisse au
jou r de sa clô t u r e, vend r e d i 27 juille t, un sen ti m e n t mi t igé. Une imp r e ssio n géné r a le de décep t i o n,
d'insa t i s f a c t i o n d'au t a n t plus par a d o x a le que de gra n d s specta c le s se son t succéd é le long des tro is
semai n e s de festiva l.
Sur le plan de la fréq u e n t a t i o n, l'édit i o n 2007 a été un succès : Hor te n se Arch a m b a u l t, codi r e c t r i c e du
Festiva l avec Vince n t Baud r i l l e r, anno n ce un "tau x reco r d " de 93 %. Envir o n 100 000 bille ts ont été
vend us sur une jauge, assez basse, de 107 500 tic ke ts pro p osés à la ven te (elle était de 140 000 en
2006). Par aille u r s, tous les specta c le s et tous les lieu x ont bénéfi cié de cet engo ue m e n t.
Même la Cour d'ho n n e u r , qu'il est tra d i t i o n n e l l e m e n t diffic ile de re m p l i r dans la der n iè r e sema i n e du
Festiva l, a, avec Le Roi Lear, affic h é quasi m e n t co m p le t. Ces excelle n t s chiff r e s son t pou r par t i e dus à
l'im p o r t a n t succès public et cri t i q u e de la ma n i f es t a t i o n, qui a susci té un regain d'in t é r ê t déjà
for te m e n t sensible depu is 2004.
UNE TRENTAINE DE CRÉATIONS
Sur le plan esthé t i q u e, cette éditio n 2007 a offe r t au moi n s hui t specta c les de hau t nivea u sur une
tre n t a i n e de créa t i o n s, ce qui n'est pas rie n : L'Acte inco n n u, de et par Valère Novar i n a, Le Roi Lear,
de Shakespea r e, mis en scène par Jean- Fra n ço is Sivadie r, et la lect u r e du Quar te t t de Heine r Mülle r
par Jeanne Morea u et Sami Frey, tous tro is dans la Cour d'ho n n e u r . Puis Mefisto for Ever, par les
Fla m a n d s Tom Lanoye et Guy Cassie rs, au Théât r e mu n i c i p a l : c'est lui, not r e maillo t jaun e, écla t a n t e
réussi te qui don ne envie de voir enfin en Fra n ce les aut r e s specta c les de Guy Cassie rs, don t son
fa me u x Prous t, my t h i q u e en Belgiq u e.
Et enco r e, Les Ephé mè r e s, créé collec t i ve m e n t par les co mé d ie n s du Théâ t r e du Soleil d'Aria n e
Mnouc h k i n e, Le Silen ce des co m m u n i s t e s, mis en musiq u e par Jean - Pier r e Vince n t, les Angels in
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Ame r i ca, mag n i f iés par Krzysz t o f Warliko w s k i, et le Nine Finge r, de Fu mi y o Ikeda, Alain Platel et
Benja m i n Verdo n c k. A quoi il fau t ajou t e r les pièces de créa te u r s qui, sans attei n d r e ce nivea u de
réussi te, ont susci té un véri t a b le in té r ê t, à co m m e n c e r par les Congolais des deu x côtés du fleuve,
Fausti n Linye k u l a et sa fine sensib il i t é, et, dans une moi n d r e mesu r e, Dieudo n n é Niango u n a, ou la
Genèse, des Russes Anto n i n a Velika n o v a et Ivan Virip ae v, ou enco r e le reno u ve a u exp r i m é par Rodrigo
Garcia avec Cruda. Vuelta y Vuelta. Al Pun to. Cha m u s c a d a...
Enfin, ce Festiva l a égale me n t offe r t la ma t iè r e d'u ne belle réfle xi o n sur l'engage m e n t des poètes,
faisa n t cou r i r un séduisa n t fil rouge de Paul Claude l, écriva n t L'Echa n ge au mo m e n t de sa décou ve r t e
de l'Amé r i q u e, à l'orée du siècle, à Valère Nova r i n a en passa n t par René Char, qui fu t aussi, bien sûr,
le poin t de dépa r t d'un e réfle x io n sur l'engage m e n t dans l'his to i r e, et sur les for m e s de la résista n c e.
Alors d'où vien t cet te imp r e ssio n d'u n Festiva l en demi - tein te, coule u r bleu - gris, co m m e l'affi r m a i t
une specta t r i c e lors d'un e renco n t r e du Théâ t r e des idées ? Bleu - gris, c'est - à- dire une coule u r
éléga n t e, mais égale me n t assez froid e et neu t r e ? La ligne de par t a g e s'est faite sur l'ar t i s t e associé
de cette éditio n, Frédé r i c Fisbach, et sur sa "mou va n c e", pou r rep r e n d r e un ter m e qui a beauco u p
circ u lé dans ce Festiva l, c'est - à- dire les ar tis t e s qui son t ar r ivés dans ses bagages.
Les con t r a d i c t i o n s d'Avig n o n 2007 se son t d'abo r d nouées auto u r des Feuille t s d'Hyp n o s, de René Char,
mis en scène par Fisbac h dans la Cour d'ho n n e u r : créa t i o n très atte n d u e (on fête le cen te n a i r e de la
naissa n ce du poète), rata ge très large m e n t reco n n u (sans co m p t e r que le specta c le étai t tou t
simp le m e n t ina u d i b le aux specta t e u r s des der n ie r s rangs). Ce noeu d s'est resse r r é avec les
"prop osi t i o n s", co m m e il est d'usage de dire mai n t e n a n t, de Christ o p h e Fiat, Gildas Milin, Supe r a m a s...
et, dans une moi n d r e mesu r e, de Ludovic Lagar de (une relec t u r e de Richa r d III) et de Rober t
Canta r e l l a (avec sa versio n très ar t con te m p o r a i n de l'Hip p o l y t e de Robe r t Garnie r). Le noeu d a tou r n é
à la boule t t e avec l'ir r e s p o n s a b i l i t é poli ti q u e don t ont fait pre u ve le Nord de Fra n k Casto r f, d'ap r ès
Céline, et la mise en scène des Feuille ts d'Hyp n o s.
Il resso r t de tou t cela, assez simp le m e n t, que les oeuvr e s for t es sont en géné r a l por t é es par une
nécessi té, et que le théâ t r e se fragilise qua n d, lancé dans une dé ma r c h e pu re m e n t for m a l is t e,
auto j u s t i f i c a t r i c e, il se vide de sa substa n c e. De ce poin t de vue, la dé mo n s t r a t i o n de ce Festiva l 2007
est écla ta n t e. Pou r 2008, éditio n placée sous le signe du "mystè r e", les deux ar tis t e s associés sero n t
l'Ita lie n Romeo Castell u c c i et la co mé d ie n n e Valérie Dréville.
Fabien n e Darge (avec Rosita Boissea u, Brigi t t e Salino et Mar ti n e Silbe r)
Article par u dans l'édit i o n du 29.07.07.
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LIBERATION
Une déno n c i a t i o n du nazis m e plus réussie dans la for m e que sur le fond.
Le charme envoûtant de «Mef i s t o»
Par René SOLIS
QUOTIDIEN : jeudi 19 juille t 2007
envoyé spécial à Avigno n
Quel cal m e! Des enfa n t s chu c h o t e n t dans le noir avan t de s’endo r m i r . Inu t i le de tend r e l’oreille,
chaq u e sylla be se déta c h e. Ils parle n t néer la n d a i s et l’on co m p r e n d , on jure r a i t qu’on lit sur leu r s
lèvres et non sur l’écr a n de sur t i t r a g e.
Musicali t é. Ils son t des cor ps dans la péno m b r e, mais aussi des visages en gros plan, fil m és en dire c t
et proje t és sur qua t r e écra n s. Ils son t des acte u r s répé ta n t Ha mle t dans un théâ t r e d’or et de
velou r s, et il est diffici le de ne pas succo m b e r à la beau t é for m e l le de Mefisto for ever, telle qu’offe r t e
d’en t r é e et ten u e jusqu’a u te r m e du specta c le, tro is heu r es tre n t e et un ent r a c t e plus ta r d.
La sérén i t é que dégage n t les acte u r s du Toneelh u i s d’Anve r s, leu r sobr ié t é, leu r ar t de dire avec le
min i m u m , ont des ver t u s apaisa n t e s. Specta c le sur le théâ t r e, Mefisto for ever est aussi - d’abo r d ? 23
une leçon de jeu. Qui n’est pas sans réso n a n ce s avec celle qu’off r e n t les co mé d ie n s polo n a is de
Krzysz t o f Warlik o ws k i qui joue n t Angels in Ame r i c a au lycée Sain t - Josep h. Stacca t o, mode r a t o, ce
théâ t r e - là est han té par la music a l i t é.
Le specta c le de Guy Cassie rs, don né au théâ t r e mu n i c i p a l, n’a pou r t a n t pas la por té e de celu i de
Warlik o ws k i. Sans dou te par ce que le fon d n’at te i n t pas la soph is t i c a t i o n de la for m e. La pièce de Tom
Lanoye est inspi r é e du ro m a n de Klaus Mann, publié en 1936. Opposa n t exilé aux Pays- Bas et en
Fra n ce, le fils de Tho m a s Mann déno n ce, dans Mefisto, le nazis m e à tr ave r s un perso n n a g e inspi r é de
l’acte u r Gusta f Grün d ge n s, son beau - frè r e, qui avait choisi de reste r en Alle m a g n e et de tra va i lle r
pou r le régi m e. Le livre a déjà fait l’obje t d’une adap t a t i o n scéniq u e mé m o r a b l e - par le Théâ t r e du
Soleil en 1981 - , et d’un fil m d’Istva n Szabo avec Klaus Maria Bra n d a u e r.
L’histo i r e de Kur t Köple r, le co mé d ie n «colla b o r a t e u r », qu’in te r p r è t e magis t r a l e m e n t Dir k Roofho o f t,
n’est pas sans rapp o r t avec l’histo i r e du théâ t r e fla m a n d. En prolog u e de sa pièce, Tom Lanoye
rapp e lle le desti n de Joris Diels, de me u r é direc t e u r du Théâ t r e natio n a l née r la n d a is d’Anve rs (l’ancê t r e
du Tonnee l h u i s) du r a n t l’occu p a t i o n nazie. Conda m n é pou r collab o r a t i o n, il fu t acqui t t é au mo t i f qu’il
n’avai t «ja ma is fait preu ve de sym p a t h i e s pro - alle m a n d e s, au con t r a i r e ».
Concessio n s. Dans la pièce, le perso n n a g e de Köple r est plus près de ce Joris Diels que du Gusta f
Grün d ge n s qui avait inspi r é Klaus Mann. Les scènes de répé t i t i o n ( Hamle t, mais aussi la Cerisaie,
Richa r d III.) alte r n e n t avec les discussio n s ent r e les me m b r e s de la tro u p e, qui se par t a g e n t les
posit io n n e m e n t s : l’act r i c e (Katelijn e Verbe ke) qui couc h e avec le «Gros», géné r a l nazi «pro te c t e u r » du
théâ t r e (Josse de Pauw), le jeune nazi histo r i q u e deven u opposa n t (Stefan Perceva l), le co m m u n i s t e
(Vic De Wachte r). Figu r e cen t r a l e, l’acte u r Köple r ench a î n e les concessio n s, au no m de la théo r i e du
moin d r e mal. Et il de me u r e à son poste, quan d mê m e plusie u r s de ses ca ma r a d e s son t ar rê t é s et que
le min is t r e de la Prop aga n d e lui dicte sa prog r a m m a t i o n . A la fin de la pièce, lui qui a tr ave r sé
l’ho r r e u r en joua n t tous les gran ds rôles s’avan ce pou r un ulti m e mo n o l o g u e mais ne peu t alle r audelà de «Je.».
Si la ma t iè r e est co m p le xe, l’écri t u r e de Tom Lanoye n’éch a p p e pas toujo u r s au simp lis m e. L’au te u r
dit avoir voulu «évite r la car ica t u r e du méc h a n t ». On ne lui en voud r a i t pas de bouscu le r dava n t a g e
des perso n n a g es qu’il refu se de juge r, ce qui n’est pas la posit io n la plus inco n f o r t a b l e. Jusqu’à ce
mo n o l o g u e - tir é d’un disco u r s de Goebbels - dit de faço n saisissa n t e par Stefa n Perceva l, où
alte r n e n t mo r ce a u x de bravo u r e du répe r t o i r e et déba ts philoso p h i q u e s. Com m e si le théâ t r e pouvai t
tou t avale r.
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++ + + +
ht t p://www.fes ti va l ie r.n e t / a r t i c l e - 1155 1067.h t m l
Le fla m a n d Guy Cassie rs revie n t au Festiva l d’Avigno n avec « Mefisto for ever » au Théât r e Municip a l. «
Rouge déca n t é » présen t é l’an der n ie r avait éton n é par la per fo r m a n c e solo de Dir k Roofto o f t et une
scénog r a p h i e excep t i o n n e l l e. L’acte u r fétic h e endosse cet te année le rôle de Kur t Köple r, co mé d ie n
amb i t i e u x et sym p a t h i s a n t gauch is t e dans le ro m a n de Klaus Man adap té par Tom Lanoye. Nous
som m e s donc proje té s dans un théâ t r e, au cœur de l’Alle m a g n e Nazie. Refusa n t de choisi r son ca m p
pou r à tou t prix main t e n i r une prog r a m m a t i o n , Kur t s’entê te, s’enfe r m e et par t i c i p e à la tragé d ie qui
va empo r t e r son théâ t r e. La mise en scène provoq u e un écho inco n t e s t a b l e dans l’Eur o p e
d’aujo u r d ’ h u i et la Fran ce de Juille t 2007. Elle m’évoq u e la pério d e où, viva n t à Orange, j’ai co m b a t t u
con t r e le Fron t Natio n a l insta l lé à la Mairie en 1995. Il s’agissai t d’isole r la ville, de pro te s t e r con t r e
la venue d’ar t is t e s prê ts à se co m p r o m e t t r e avec un par t i à l’idéolog ie nauséa b o n d e. Douze années
plus ta r d, perso n n e n’est en mesu r e d’évalu e r la per t i n e n c e de telles actio n s. « Jouer ou ne pas joue r
», c’est l’éte r n e l déba t que la crise de l’in te r m i t t e n c e en juille t 2003 a une nouve lle fois posé.
Prog r a m m e r «Méfisto for ever » au Festiva l d’Avign o n est un aver t i sse m e n t, pris co m m e tel que je ne
peux m’e m p ê c h e r de relie r au cri d’ala r m e (saluta i r e) de Pascale Fer r a n d, à la der n iè r e céré m o n i e
des Cesars. A l’idéolog ie nazie, se substi t u e la mo n t é e de l’ext r ê m e droi t e couplée à la diff usi o n
ra m p a n t e du par a d ig m e néo - libé r a l pu r i t a i n.
file - 9886- W.jpg« Méfisto for ever » sidè r e car cette pièce prolo n g e à la fois le tex te initi a l mais aussi
guide not r e rega r d bien au- delà ce que nous voyo ns sur scène. Le trava il du son est excep t i o n n e l: les
co mé d ie n s (petits mic r o s collés sur la joue) nous mu r m u r e n t presq u e co m m e pou r réveille r nos
conscie n c es. Quand le min is t r e de la pro p ag a n d e hu r le son idéologie nauséa b o n d e, le son ne satu r e
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ja ma is, mais prod u i t un écho saisissa n t. Les lu m iè r e s illu m i n e n t avec beau té les par t s d’om b r e s des
acte u r s, mé ta p h o r e de nos amb ig u ï t é s. La vidéo, loin d’êt r e un effe t tech n i q u e à la mode, prolo n g e la
scène pou r évoque r l’ou t il de con t r ô l e omn i p r é se n t de nos socié tés mo de r n e s. Alors que la tro u p e
répè te Ha mle t, les co mé d ie n s allo ngés sur des tables son t fil m és en hau te u r . L’image resti t u é e est
imp r e ssio n n a n t e tel une con t r e plongée ciné m a t o g r a p h i q u e d’une ca mé r a de surve illa n c e : d’où
rega r d o n s - nous cette pièce ? Un jeu dans le jeu se me t alors en place : la questio n sur le rôle de
l'a r t au cœur du nazis m e n’est pas une répo n se linéai r e, mais un enchevê t r e m e n t de questio n n e m e n t s.
Nos sta t u t s bouge n t (de « conso m m a t e u r » de cul t u r e, de cito ye n, de specta t e u r dans l’ici et
main t e n a n t) et ne cessen t de se croise r au cou r s de ces tr ois heu r e s épous to u f l a n t e s de théâ t r e. La
mise en scène de « Mefisto for ever » fascin e, hyp n o t i se par sa justesse, sa beau t é et sa mo de r n i t é.
En effe t, le tex te initi a l de Klaus Man se prolo n g e alors que le ridea u est baissé suite au suicid e du
min is t r e nazi de la cult u r e. C’est alors que son re m p l a ç a n t « dé mo c r a t e » de ma n d e à Kur t Köple r de
rep r e n d r e la prog r a m m a t i o n en con t r e p a r t i e de « respec te r les objec t i f s » de l’act u e l régi m e. D’une
idéolog ie à une aut r e, le théâ t r e est de nouvea u conf r o n t é à de nouvea u x dile m m e s. Kur t Köple r est
alo rs incap a b le de co m m e n c e r sa ph r a se ("je..."; "je..."), faiscea u x lu m i n e u x poin t é s sur ses te m p e s
co m m e un révolve r prê t à se décha r g e r. Ce bégaie m e n t est main t e n a n t le nôt r e.
file - 4619- W.jpgCassie rs nous laisse seul avec nos questio n s. Com m e n t l'a r t peu t - il co m p o se r avec
l'époq u e néo - libé r a le qui s'ouv r e? Com m e n t les Direc te u r s des str u c t u r e s insti t u t i o n n e l l e s répo n d e n t ils et se posit io n n e n t - ils à l'éga r d des injo n c t i o n s des poli ti q u e s où les objec t i f s quan t i t a t i f s dicte n t le
proje t cul t u r e l ? Com m e n t le publi c, par ses atte n t e s (plus proc h e s par fo is du dive r t isse m e n t que de
la coco ns t r u c t i o n du sens), par t i c i p e - t- il à tr a n sf o r m e r l'ar t en pro d u i t sensib le aux effe ts de mo de ?
"Mefisto for ever" ne répo n d nulle m e n t à tou te s ces questio n s, mais les provo q u e. Quand Chrisi t i n e
Lagar de, l’act u e l le Minist r e de l’Écon o m i e, reco m m a n d e d’ar r ê t e r de pense r pou r privilégie r le trava il
pro d u c t i f ; quan d Christ i n e Auban e l évoque la prod u c t i v i t é tr a n sp o sée à la cult u r e, il est urge n t de
défin i r un proje t global euro p ée n qui dépasse celu i d’Avigno n. Le Festiva l pou r r a i t être une caisse de
réso n a n ce, une agora excep t i o n n e l le. La no mi n a t i o n de Roméo Castell u c c i co m m e ar tis t e associé en
2008 a de quoi laisse r circo n s p e c t eu égar d au défi inte lle c t u e l et polit i q u e lancé par Cassie rs et tan t
d’au t r e s…
Pascal Bély
www.festiva li e r. n e t
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"Mef i s t o for ever "
Frankfur t e r Rundschau
19/07/ ’07
Befrei t aus der Geschic h t e
VON STEFAN TIGGES
Was beweg t einen Regisseu r gegenwä r t i g dazu, Klaus Manns "Mephis t o" auf die Büh n e zu brin g e n? Wo
doch der Scha usp ie le r Gusta f Grü n d g e n s, u m den es in de m Roma n geht, in alle Rich t u n g e n hin - und
hergewe n d e t ist. Ist es die Faszin a t i o n, eine n Thea te r r o m a n thea t r a l i s c h aufzu b e r e i t e n? Inte r e ssie r t
ihn wir k l i c h die rüc k b l i c k e n d e ästh e t i s c h e Analyse der in der Erin n e r u n g mi t t l e r w e i l e doch verb lass te n
Roma n f i g u r e n , die du r c h das Verbo t des Buches und die da m i t verb u n d e n e n Prozesse in den sechzige r
Jahre n noch ein m a l leben d ig wur de n, 20 Jah re späte r im Theate r (Arian n e Mnouc h k i n e) und im Fil m
(Istvan Szabo) wiede r entde c k t wur d e n, bis der "Grü n d ge n s - Mythos" dan n endg ü l t i g an Bedeu t u n g
verlo r und abgea r b e i t e t in die Geschic h t s b ü c h e r wande r t e?
Vielleic h t habe n sich berei t s do mi n a n t e r e ökon o m i s c h e Para m e t e r zwische n die einst mac h t v o l l
mi te i n a n d e r ringe n d e n kü ns t le r i s c h e n und polit is c h e n Syste m e gescho b e n. Und die Kuns t wur de längst
auf Mar k t p l ä t z e ged rä n g t, die neue n Abhä ng ig ke i t s ve r h ä l t n i s se n folge n. Auße r d e m gibt es auch einen
thea t e r ä s t h e t i s c h e n Grun d: "Typisie r u n g e n " sind im Thea te r doch längst vo m Inte r esse an
zeitge n ö ssisc h e n Biog r a p h i e n abgelöst worde n.
Guy Cassie rs schein t sich nich t nu r mi t jenen Fragen genau e r ausein a n d e r g e se t z t zu habe n, sonde r n
hat mi t Hilfe des Auto r s Tom Lanoye ta tsä c h l i c h eine kluge und dich te Textfa ssu n g entw ic k e l t, die de m
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Origin a l frei folg t, flä m is c h e Befin d li c h k e i t e n scha r f analysie r t und das Thea te r zu eine m Scha u p la t z
mac h t, wo sich Kunst und Politi k mi t Hilfe verfei n e r t e r Stra te g ie n heftig bekä m p f e n.
Über r a s c h e n d e Spren g k r a f t
Inte r essa n t ist vor alle m, wie Cassie rs die Figu r e n aus ihre r Geschic h t e befr e i t, mi t den histo r i s c h e n
Split t e r n spiel t, den "Syste m s c h a d e n " neu ver m iss t und dabei eine audio - visuelle Ästhe t i k entwic k e l t,
der übe r r a s c h e n d e Spren g k r a f t innewo h n t, die sich nich t nu r in Anspiel u n g e n auf den
Natio n a lso z ia lis m u s ode r das un te r rech tse x t r e m e n Druc k w e l le n stehe n d e Antwe r p e n verfä n g t.
"Mefisto for ever" ist prog r a m m a t i s c h übe r ze i t l i c h und doch tief in der Gegenwa r t vera n k e r t . Das
zu me is t übe r Micro p o r t s inti m i s ie r t e Spiel in de m kalte n und du r c h eine Vielza h l von Kame r a s media l
hoch ge r ü s t e t e n Büh n e n r a u m zeigt, dass hie r mi t un te r s c h i e d l i c h e n Illusio n se b e n e n ope r ie r t und ein
brei t es Spekt r u m an thea t r a l e n For m e n erze ug t wir d. Sowohl Kur t Köple r alias Gusta f Grü n d g e n s wie
auch die eind r i n g e n d e n Mach t h a b e r stre be n nach Kon t r o l l e. Dabei mac h e n die Polit i k e r der Kuns t
zune h m e n d die Büh n e strei t i g, um sich dor t selbst zu inszen ie r e n.
Cassie rs zen t r i e r t die Auffü h r u n g auf den fü r die Kunst leben d e n Köple r (Dirk Rooft h o o f). Er gerä t
nach der Mach t ü b e r n a h m e du r c h den "Pak t mi t de m Teufel" und kü ns t le r i s c h e n Eingest ä n d n i s se n in
im m e r größe r e Gewissens ko n f l i k t e, ha r r t in seine m Theate r wie in eine m Bun ke r aus, flü c h t e t sich
dabei in seine Rollen und verlie r t sich schlie ßli c h in Bilde r n, die die kau m noch wah r ge n o m m e n e
Außenwe l t ausble n d e n. Der Kunstg r i f f der Regie beste h t dar i n, die Figu r nich t zu denu n z ie r e n, sonde r n
ersta u n l i c h e r w e ise gerade übe r ihre Rollensp ie le mensc h l i c h zu erg r ü n d e n. Inde m der Schausp ie le r
im m e r wiede r die von Grün d ge n s ver k ö r p e r t e n Rollen spiel t, ma ch t er Köple r s mo r a l isc h kü ns t l e r i s c h e n Notst a n d erfa h r b a r . Die Probe n - und Spielsi t u a t i o n e n auf der Büh ne, die von eine r
aufwe n d ig e n Video te c h n i k (Arjen Kler k x) als "Spiel im Spiel" ma r k i e r t und wiede r h o l t ästhe t i sc h
geb ro c h e n werde n, ko m m u n i z i e r e n auch un m i t t e l b a r mi t seine n Mitsp iele r n, die dad u r c h jedoc h nich t
zu Randfig u r e n werde n, sonde r n die trag isc h e Dime nsio n noch spiegelb il d l i c h verg r ö ß e r n .
Die indivi d u e l l e n und kolle k t i v e n Rolle ns t u d i e n, die u.a. Szene n aus "Ha mle t", "Julius Cäsar", "Romeo
und Julia" sowie Cechovs "Möwe" und "Kirsc h g a r t e n " bein h a l t e n, ko m m e n t i e r e n nich t nu r das
Inne n le b e n der Künst le r, sonde r n leiste n zusä tzl i c h Ko m m e n t a r e auf die sich zuspi t ze n d e n
mö r d e r i s c h e n Ereign isse in der Außenwe l t. Das Publi k u m ni m m t diese dra m a t i s c h e n Verweise als Folie n
wah r, die übe r das Mephist o - Mate r i a l gelegt werde n und dieses wiede r u m fü r das (über - )zeitlic h e
Gesche h e n öffne n.
Der Wahn drä n g t
Kurz vor Auffü h r u n g s e n d e dri n g t der äuße r e Wahn bra c h i a l in den Theate r r a u m ein, um die Kunst zu
"schlu c k e n ". Währe n d ein Scha usp ie le r in die Rolle Goebbels' schlü p f t und Auszüge aus der Rede vom
"tota le n Krieg" skan d ie r t, werde n im Hin te r g r u n d Frag m e n t e der "Möwe" gep ro b t, in denen sich die
Figu r e n eingeste h e n, mensc h l i c h und kü ns t le r i s c h geschei te r t zu sein.
Geschei t e r t ist im Schlussb i l d auch Kur t Köple r, der in der Grü n d u n g s p h a se der DDR als
"Seeleni n ge n i e u r " angef r a g t wir d. Er soll im neue n Syste m wiede r eine Fun k t i o n als Theate r le i t e r
übe r n e h m e n . Köple r wir d sich zwar bewuss t, dass er sch u ld b e l a d e n, inne r l i c h leer und küns t l e r i s c h
orie n t i e r u n g s l o s ist, steh t jedoch für eine n sch me r z h a f t e n Neubegi n n berei t.
*** *
++ + + + +
Jürge n Berge r sch r e i b t in der Süddeutschen Zei tung (20.7.), dass Frédé r i c Fisbac h, in diese m
Jahr "ar tis te associé", meh r Wert auf text b a sie r t e s Theate r legt und sich bei der Präse n t a t i o n eigene r
Arbei te n zu r ü c k h ä l t. Mit der Inszen ie r u n g von René Chars "Feuille t s d'Hyp n o s" bespiele er zwar den
"große n Rau m, verweige r t aber de m fra n zö sisc h e n Publi k u m , was es so seh r lieb t: Rampe n p a t h o s."
Fi sbach konnte damit nicht so überzeugen, wie Guy Cass i e r s mit einer
f re i en Adapt i on von Klaus Manns "Mephi s t o " : "Guy Cass i e r s hat aus
Lanoyes Übermalung der Mann- Polemik ein bezwingend düstere s Traumbi ld
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über den macht lo sen Künst l e r gemacht und wurde von einem f ranzös i s chen
Publ i kum gefe i e r t , das s i ch im Fal l von Peter Verhel s t s 'R i cha rd I I I ' Adapt i on eher zurückhie l t . " Ludovic Lagar de mac h e aus Verhe ls ts Stüc k me h r "ein Märch e n
fü r Abitu r i e n t e n " und "beleg t, dass das Avigno n - Festiva l im Rah me n seine r Neu- Orien t ie r u n g und
Öffn u n g hin zu Thea te r f o r m e n jensei ts des klassisc h e n Sprech t h e a t e r s scho n noch das ein oder ande r e
Prob le m hat."
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Thea te r f e s t i v a l Avigno n
Das Schwatzen der Männer
Beim 61. Theate r f e s t i v a l in Avigno n ent t ä u s c h e n die fra n zö sisc h e n Auto r e n und Regisseu r e. Nur die
Gastsp ie le aus Warsch a u und Antwe r p e n übe r ze u g e n.
Anzeige
Von Eber h a r d Spren g
Vielleic h t müss te ma n erst ein m a l grü n d l i c h schweige n, wenn ma n will, dass Worte wiede r
Mitte il u n g s k r a f t beko m m e n . Vielleic h t müss t e ma n die Orte aufsu c h e n, übe r die sich die Stille gelegt
hat, um de m Theate r die Kraf t eine r poli tis c h e n Notwe n d ig k e i t wiede r z u g e b e n. Und vielleic h t müss te
ma n alle Orte meid e n, in dene n nach h a l t i g ko m m u n i z i e r t wird. Diese r Gedan ke drä ng t e sich bei zwei
klein e r e n Arbei te n des Theate r f e s t i v a ls in Avigno n auf – auch weil das Festiva l dieses Jahr versu c h t e,
die Lite r a t u r wiede r in den Mitte lp u n k t der Thea te r a r b e i t zu stelle n und dabei eine fast una ng e n e h m e
Geschwä t z i g k e i t entwic k e l t e.
Jean- Pier r e Vince n t s Inszen ie r u n g e n eines Briefwe c h se ls von drei Aktivis te n der ehe ma l ig e n
ko m m u n i s t i s c h e n Par te i Italie ns heiß t „Das Schweige n der Kom m u n i s t e n“ und erzä h l t e gera de von de m
Mome n t, in de m das Schweige n been de t wir d: als Versu c h, die indivi d u e l l e Scha m übe r ein histo r i s c h e s
Scheite r n zu brech e n. Als Versu c h, zu verste h e n und wenigste n s den verlo r e n e n poli t isc h e n Platz in
der Geschic h t e zu bene n n e n.
Derweil gab Dieud o n n é Niango u n a aus Brazzaville in seine m Solo „Atti t u d e Cland o“ eine r Figu r Text und
Sti m m e , die im der gegenwä r t i g e n Weltlage nu r als Bild ohne Name n vor k o m m t , als Flüc h t l i n g, illegale r
Einwa n d e r e r, Mensch ohne Iden t i t ä t. Diese r „Klandes t i n e“ steh t eine Stun d e fast reglos in der Mitte
eines von glühe n d e r Holzko h l e gebilde te n Kreises und lässt eine verb o r g e n e Welt ents te h e n, jensei ts
der Perso n a l a u s we ise, E- mail - Adresse n und Sozialve r s i c h e r u n g s n u m m e r n . Mit jede m Wort und jede m
Satz wir d aus diese m Nie ma n d im m e r me h r ein Jema n d, de m ma n zuhö r t. Und der, gera de weil er von
eine m indivi d u e l l e n Schic ksa l spric h t, zur Figu r mi t unive r se lle r Bedeu t u n g wird. Das war
übe r ze u g e n d e s Theate r als Stif t u n g des Menschsei n s aus der Kraf t des Wortes.
Ansons te n aber ent t ä u s c h t e n in Avigno n gera de die fra n z ösisc h e n Auto r e n - Regisseu r e reih e n w e ise,
un te r ande r e m auch der kü ns t le r i s c h e Leite r des Festiva ls, Frédé r i c Fisbac h, mi t seine r
Thea t r a l i sie r u n g der Poesie von René Char aus dessen Résista n c e - Zeit. Chars „Blätte r des Hypn os“
hät t e n eigen t l i c h im Papst p a la s t den Festiva l m i t t e l p u n k t bilde n sollen, offe n b a r t e n abe r dan n doch
nu r entwa f f n e n d e Naivi tä t. Wenn bei René Char von der Bevölke r u n g des prove n ç a l isc h e n Serestes die
Rede ist, die still, aber geschlosse n auf die Solda te n zugeh t, die sich gera de ansch i c k e n, einen der
Ihre n zu missh a n d e l n, dan n sta n de n in Avigno n gut ein h u n d e r t Fra ue n und Männe r alle r Alte r sg r u p p e n
auf den Ränge n auf und erobe r t e n langsa m die Büh n e, u m sie für den zweite n Teil der Auffü h r u n g in
Besitz zu halte n.
Fisbac h hat mi t diesen Ama te u r e n drei Tage lang im Papstp a l a s t gewoh n t und die Festiva lgäs te auch
tagsü b e r zu dive rse n Verans t a l t u n g e n eingela de n. Eine aus histo r i s c h e r Ausna h m e e r f a h r u n g gespeis te
Lite r a t u r und das beispie lge be n d e Engage m e n t des Künst le r s wollte dieses Festiva l in den Vorde r g r u n d
gerü c k t wissen. Aber geh t das mi t Kurzsc h l u ss r e g ie, mi t mu t w i l l ig naive r, versp ie l t ha r m l o se r
Umse tz u n g und der Entsc h lo sse n h e i t eines Regisseu r s, den Kunst r a u m ku r ze r h a n d zu m Politi k r a u m
u mz u e r k l ä r e n?
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Die Klassike r i n s z e n ie r u n g e n aus der zweite n Festiva l h ä l f t e kon n t e n da nich t me h r viel re t t e n. Eine der
große n Shakespea r e f i g u r e n hat te sich der flä m is c h e Dra m a t i k e r Pete r Verhe ls ts fü r eine Nach d ic h t u n g
vorge n o m m e n . Aber sein Richa r d der Drit t e wur d e in Ludovic Laga r d es Insze n ie r u n g zu eine m sma r t e n
Ente r t a i n e r in bun te m Seiden a n z u g. Und zu eine r Figu r der neue n Rech te n: ein rüc k l i c h t s l o se r TopPolit i k e r, der viel von Nicolas Sar ko zy hat te, aber nich t s me h r von der Faszin a t i o n der Shakespea r e Figu r. Mit eine m veri t a b l e n Shakespe a r e ging das Festiva l im Papstp a l a s t in die Schluss r u n d e. Unte r
der Regie von Jean- Fra n ço is Sivadie r bra c h t e der mi t Nicolas Bouch a u d jung besetz t e König Lear und
sein von Nora h Krief vir t u o s gespiel t e r Nar r Shakespe a r e s existe n z ie l le Ko mi k zu m Leuch t e n. Als sich
abe r auf der von eine m sch r ä g anste ige n d e n Holzpo d es t gebilde t e n Büh n e auch Lears Welt auflös t, als
Shakespe a r e s existe n t i e l le r Sch m e r z zu ver k ö r p e r n ist, fehl te der Auffü h r u n g noch das dars te lle r i s c h e
Registe r und de m junge n Haup t d a r s t e l l e r die Erfa h r u n g des biolog isc h e n Zerfalls. Trotzd e m: Hier wur de
im m e r h i n Thea te r gespiel t in der Papstp a l a s t l i g a.
Gewoh n t wir k u n g ssic h e r ware n nebe n diese r Pre m ie r e die Gastsp ie le. Neben Ar iane
Mnouchkines „Les Éphémères“ beeindruck te vor al l em Guy Cass i e r s
Antwerpener In szen i e rung von Tom Lanoyes Klaus - Mann- Adapt i on „Mephi s t o
for ever“ . Dass aber diese Aufführung in einer Stadt wie Antwerpen, wo
der nat i ona l i s t i s c he „Vlaams Belang“ eine wicht i ge pol i t i s c he Rol l e
sp ie l t , einen besonderen pol i t i s c hen Unter ton hat , vermochte das
Gast sp i e l in Avignon nicht vermit t e l n .
Ähnlic h ergin g es dem Polen Kryst o f Warlik o ws k i. Sein in den ach t zig e r Jahre n in den USA spiele n d e s
und von Homose x u a l i t ä t und Aids han de l n d e s Stüc k „Angels in Ame r ic a“ hat im rech t e n, kat h o l is c h e n
Polen eine ande r e Brisa n z als in der laizist is c h e n „Grande Natio n“. Aber: Die beide n Gastspiele aus
Warsch a u und Antwe r p e n füh r t e n den Fran zose n ein Thea te r vor Augen, das mi t exzelle n t e n
Scha usp ie le r n, große r Regie und den Mitte l n des Thea te r s die Büh n e zu eine m wir k l i c h polit is c h e n Ort
mac h t.
ht t p://www.tagessp iege l.de/ k u l t u r / T h e a t e r - Thea te r f e s t i v a l - Avigno n;a r t 7 72,2344435
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LE SOIR
C’est la mê m e co mé d ie
posté le 6 mars 2008
Avec Tom Lanoye, on mo r d dans un éton n a n t mille fe u i l l e scéniq u e sur les rapp o r t s ent r e ar t et
polit i q u e.
Après le buzz créé l’été der n ie r auto u r de Mephis t o for ever mis en scène par Guy Cassie rs à Avigno n,
on tré p ig n a i t de décou v r i r ce texte du Fla ma n d Tom Lanoye, aujo u r d ’ h u i mis en scène par Elvir e
Briso n. On co m p r e n d main t e n a n t pou r q u o i un tel engoue m e n t ! Cette pièce semb le l’œuvre d’un
arch i t e c t e plu t ô t que d’un écriva i n tan t elle érige de ma té r i a u x et d’in te r r o g a t i o n s.
Inspi r é e du Mephis to de Klaus Mann, pa m p h l e t de 1938 sur Gustav Grü n d g e n s, co mé d ie n génial abso r b é
par le régi m e nazi, la pièce de Lanoye pren d plus de recu l sur ce perso n n a g e tr o u b l e. Le Fla m a n d a
d’aille u r s fait des reche r c h e s et déco uve r t que, si Grü n d g e n s a bien joué sous le règne nazi, il a sauvé
des ar tis t e s juifs ou co m m u n i s t e s et crit i q u é le systè m e, allan t jusqu’à me t t r e en scène Richa r d III en
se moq u a n t de Goebbels. Avec une saine amb ig u ï t é, Lanoye co m p o se un ho m m e co m p le x e qui croi t
lut te r con t r e le systè m e de l’in té r i e u r et résiste r par l’ar t.
Cet ho m m e, c’est Kur t Köple r (splend id e Angelo Bison) auto u r duqu e l gravi te n t des perso n n a g es pris
ent r e sou m i ssio n et révol t e : Rebecca, act r i ce juive de reno m (Stépha n e Excoffie r, très digne), qui va
fui r ; Angela (la fraîc h e Erika Sain te), jeu ne pre m i è r e qui choisi r a aussi l’exil ; Victo r (excelle n t John
Dobr y n i n e), l’a mi co m m u n i s t e. Face à eux, la men a ce fascis te pren d les tr ai t s du « Gros » (Berna r d
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Sens, fabu le u se m e n t mo n s t r u e u x), min is t r e de la Cult u r e du Reich qui tien t à faire engage r sa
maî t r e sse, méd io c r e tragé d ie n n e. Aut r e perfo r m a n c e re ma r q u a b l e, celle d’Itsi k Elba tz qui encha î n e le
rôle de Niklas, acte u r modes t e et nazi déçu, avec celu i d’un min is t r e de la Propag a n d e ter r i f i a n t,
réfé r e n c e à peine déguisée à Goebbels.
Mais c’est sur t o u t la for m e de l’écr i t u r e qui inte r p e l l e, imb r i q u a n t, par le biais de scènes de répé t i o n s,
des ext r a i t s de Shakespea r e, Tche k h o v ou Goeth e, faisa n t écho aux dile m m e s de nos héros. Köple r ne
semb le mê m e plus dissocie r sa pensée des perso n n a g es qu’il inca r n e, les répliq u e s de Faust exp r i m a n t
sub t ile m e n t l’éb ra n l e m e n t de ses convic t i o n s. Cette mise en aby m e litté r a i r e n’est pas de tou t repos
pou r le specta t e u r mais provoq u e un beau foiso n n e m e n t auque l répo n d la mise en scène avec un
copie u x trava il vidéo.
De ce texte,
l’occu r r e n c e
qui fini t par
foug ue d’un
Pouvoi r s du
on retie n d r a sur t o u t un éclai r a g e fasci n a n t sur la théâ t r a l i t é de la polit i q u e, en
du fascis m e avec son goû t des par a d es et des costu m e s. Ent r e le min is t r e de la Cult u r e
se pren d r e pou r un acte u r et le disco u r s du min is t r e de la Prop aga n d e, procla m é avec la
héros shakespe a r i e n, la pièce soulig n e l’att r a i t des polit i c i e n s pou r la mise en scène.
théâ t r e ou théâ t r e du pouvoi r ? Telle est la questio n.
Jusqu’a u 29 ma r s au Théâ t r e de la Place des Mar t y r s, Bru xe lle s. Tél. 02- 223.32.08.
MAKEREEL,CATHERINE
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Scènes - crit i q u e
Au Mephis t o qui som m e i l l e en nous
Lau re n c e Ber te ls
Mis en ligne le 07/03/2008
"Mephis t o for ever" de Tom Lanoye pose d'i m p o r t a n t e s questio n s sur les rap p o r t s ent r e l'ar t et la
polit i q u e. Texte for t, versio n fra n ç a ise et vraies long ue u r s.
Mefisto for ever" fu t un des événe m e n t s d'Avign o n, l'été der n ie r. Pou r la pre m i è r e fois, les Fla m a n d s
étaie n t invité s dans leu r lang ue, à la gra n d e joie de Tom Lanoye, un des meille u r s aute u r s en Flan d r e
act u e lle m e n t. Il nous confia i t en effe t, à la veille du festiva l, avoir choisi, pou r son tex te, une lang ue
très lit té r a i r e.
Libre m e n t adap té du livre de Klaus Mann publié en 1936, et inspi r é, qua n t à lui, de la vie de l'ar t is t e
Gusta f Grün d ge n s qui fit car r iè r e dans l'Alle m a g n e nazie grâce à l'épo u se de Göring, "Mefisto for ever"
va plus loin que le ro m a n et prolo n g e l'acti o n du r a n t tou t e la gue r r e. Une idée in té r e ssa n t e mise en
scène par Guy Cassie rs.
Art et polit i q u e
Bon ne nouvelle, tr a d u i t et adap té par Alain van Crug te n, "Mephis t o for ever" se joue aux Mar t y r s, en
fra n ç a is cet te fois, dans une mise en scène plu t ô t ciné m a t o g r a p h i q u e d'Elvi r e Briso n. La prop o si t i o n
nous vien t du Théâ t r e du Sygne.
Para b o le unive r se lle sur les rap p o r t s qui existe n t ent r e l'ar t et la poli ti q u e, "Mephis t o for ever" pose
d'éte r n e l l e s questio n s : quels rap p o r t s l'a r t doit - il ent r e t e n i r avec la polit i q u e ? Quelle respo n sa b i l i t é
ont les ar tis t e s vis- à- vis de la socié té ? Une chanso n, une pièce, un tablea u peuve n t - ils cha nge r le
mo n d e ? Les ar tis te s doive n t - ils fuir le pouvo i r ou se joue r de lui, avec les faib les moye n s hu m a i n s et
fina n c ie r s don t ils dispose n t ? A par t i r de qua n d et jusqu 'o ù faire de la résist a n c e ? Ou enco r e :
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som m e s - nous tous suscep t i b l e s d'êt r e habi t és par le mal ? Auta n t d'in t e r r o g a t i o n s co m p le xe s et
tou jo u r s act u e lles.
L'actio n se déro u le dans un théâ t r e à une époque indé te r m i n é e. La tr o u p e est en répé t i t i o n. Les rôles
tit r e s son t en reta r d. L'un des co mé d ie n s, Niklas Weber, inte r p r é t é avec une amb ig u ï t é bienve n u e par
Itsik Elbaz, au jeu inté r e ssa n t mais tro p mu r m u r é , refu se de se don n e r dans "Ha mle t". Pou r lui, les
gens ne par le n t plus de la sor te. Le dire c t e u r du théâ t r e, un Angelo Bison convai n c a n t et joua n t,
co m m e souve n t, tou t en colè r e con te n u e, ten te de lui insu ff le r la for ce et la poésie de Shakesp ea r e.
Ou de Tché k h o v. Le ton déra pe, sur t o u t lorsq u 'a r r i v e Rebecca Füchs, digne, émo u va n t e et excelle n t e
Stéph a n e Excoff ie r, qui se fait tr ai t e r de juive par Niklas.
Le déco r est plan t é et ce théâ t r e dans le théâ t r e va don ne r cor ps au texte. On pense inévi t a b l e m e n t à
l'a r r i vé e des nazis au pouvo i r. On re t r o u v e aussi dans le scéna r i o, un par f u m du "Dern ie r mé t r o " de
Tru ffa u t, de "La vie des aut r e s" de Flor ia n Henc ke l ou de "L'Ami re t r o u v é" de Fred Uhl m a n.
Intég r i t é
Le min is t r e de la cult u r e investi t les lieu x et inte r v ie n t de plus en plus dans les choix ar tis t i q u e s,
tou t en imp osa n t sa favo r i t e, Stéph a n e Excoffie r égale m e n t, alias Linda Linde n h o f f.
Les ar tis te s quit t e n t le navi r e. Jusqu'o ù le dire c t e u r va- t- il laisse r le pouvo i r l'enva h i r ? Com m e n t
va- t- il prése r ve r son in tég r i t é ?
Pou r le savoir, il suffi t d'alle r voir Méphist o aux Mar ty r s et de s'ar m e r de patie n c e. Bien
qu'in t é r e ssa n t e, la pièce du r e en effe t deu x heu r e s et de mie sans ent r a c t e avec d'in d é n i a b le s
long u e u r s, sur t o u t dans la der n iè r e par t i e où la vidéo devie n t presq u e omn i p r é se n t e tan d is qu'à
d'au t r e s insta n t s, le texte doit s'éco u t e r l'o reil le tend u e mê m e si, co m m e rapp e lé sur scène, "mie u x
vau t bégaye r que crie r". Un jeu plus puissa n t eût prob a b le m e n t mie u x por té "Mephis to for ever".
Bru xe l les, Théâ t r e de la place des Mar ty r s (grande salel), jusqu 'a u 29 ma r s, à 20h15 (de 6,5 à 14,5 €,
du r ée : 2h30 env.). Tél. 02.223.32.08, Web www.the a t r e d e s m a r t y r s. b e
Liens public i t a i r e s
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