Le Pasaje latino d`Arcat : évaluation, enjeux et

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Le Pasaje latino d`Arcat : évaluation, enjeux et
Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez Le Pasaje latino d’Arcat : évaluation, enjeux et perspectives Olga L Gonzalez Version courte Décembre 2015 1 Olga L Gonzalez Contexte général de l’étude et considérations méthodologiques .................................. 3 La demande d’Arcat ...................................................................................................................... 3 Responsable de l’enquête .......................................................................................................... 3 Méthode de l’enquête................................................................................................................... 4 Origine du local Pasaje latino ......................................................................................................... 6 Naissance du programme hispanophone ............................................................................ 6 Ouverture du local du Pasaje latino et formalisation de la coopération avec La Union ........................................................................................................................................ 6 Le Pasaje latino aujourd’hui ................................................................................................. 7 La prise en charge de la population trans MF latino-­‐américaine ........................... 14 L’identité trans dans les milieux populaires d’Amérique latine: une réponse au modèle rigide de virilité ................................................................................................ 14 Stigmatisation et violences ................................................................................................. 14 VIH dans les pays d’origine (et sur représentation des trans) ........................... 15 La migration des trans MF et le paysage institutionnel de la lutte contre le VIH ..................................................................................................................................................... 18 L’expérience migratoire des personnes trans : la prostitution comme débouché .................................................................................................................................... 19 Les associations de santé pour les migrants latino-­‐américains touchés par le VIH ................................................................................................................................................. 20 4. Qui répond aux demandes des migrants latino-­‐américains ? .................................. 22 Initiatives militantes et individuelles ................................................................................. 22 La Union ...................................................................................................................................... 22 Un assistant social au Consulat de Colombie .............................................................. 23 Les églises : des filières « naturelles » ................................................................................ 23 5. Le Pasaje latino : point saillants et perspectives ............................................................ 25 Les points positifs constatés au local .................................................................................. 25 Une visibilité auprès des migrants et un solide ancrage institutionnel .......... 25 Satisfaction des usagers « ayant des comportements à risque » vis-­‐à-­‐vis du local ............................................................................................................................................... 25 Le public prioritaire est ciblé et pris en charge ......................................................... 26 Les aspects à améliorer ............................................................................................................. 26 Le Pasaje latino n’est pas connu par les initiatives d’ouverture de droits pour les migrants .................................................................................................................... 26 Une segmentation des usagers ......................................................................................... 27 Une partie du public prioritaire vient très peu au local ......................................... 27 Un difficile écueil: déviance et VIH ....................................................................................... 28 Recommandations (pour le futur) : ..................................................................................... 29 Recommandations à mettre en place par le Pasaje latino..................................... 29 A mettre en place par le Pasaje latino et par d’autres institutions ................... 31 Ouvrages cités .................................................................................................................................... 34 Le Pasaje latino… 2 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez Contexte général de l’étude et considérations méthodologiques Celle-­‐ci est la version courte du rapport « Le Pasaje latino d’Arcat : évaluation, enjeux et perspectives ». L’étude répond à l’appel à candidatures lancé par l’association Arcat avec des Fonds de dotation de Gilead Sciences, en vue de mieux cerner les points faibles et les points forts du Pasaje latino, local dédié à l’accueil des personnes latino-­‐
américaines les plus exposées au VIH1. La demande d’Arcat La demande émanant d’Arcat était la suivante : L’association souhaite disposer d’une évaluation qualitative objective et critique du travail qu’elle mène au Pasaje latino, afin d’identifier ses points forts et axes d’amélioration, de mesurer l’impact de son action au regard des besoins du public, d’évaluer la cohérence de son action par rapport à ses objectifs initiaux, de repérer les éventuels besoins non couverts et de renforcer ses outils d’évaluation au long cours. Les objectifs spécifiques étaient les suivants : • Apprécier la perception du Pasaje latino par les différents partenaires et les usagers du local latino. • Apprécier la contribution du Pasaje latino dans la prise en compte des populations les plus exposées au VIH /IST et éloignées des dispositifs de droit commun. • Analyser les activités menées en termes de bénéfices pour les usagers. • Apprécier l’adéquation des activités proposées au local avec les services préconisés pour les populations migrantes vulnérables au VIH/IST en IDF. • Formuler des recommandations en matière d’outils d’évaluation du dispositif permettant une meilleure performance du projet. Responsable de l’enquête Après un appel public à candidatures, la personne retenue pour réaliser ce travail fut Olga L. González. Olga est docteure en sociologie de l’EHESS de Paris, 1 Selon les connaissances dont on dispose, la population migrante trans latino-­‐américaine en France a des niveaux très élevés de VIH (Voir l’étude sur une cohorte de personnes transgenres MtF, et la prévalence des infections à VHB, VHC, syphillis, VIH, menée par A. Freire Maresca, D. Costagliola, J. Leporier, C. Dupont, E. Gault, N. Bonin, C. Cabral, I. Bourgault-­‐Villada, E. Rouveix, AFRAVIH 2012). 3 Olga L Gonzalez chercheure associée à l’Urmis, Université Paris Diderot et auteure de plusieurs publications scientifiques (voir son site : http://olgagonzalez.wordpress.com). Elle est Colombienne d’origine, bilingue culturellement et linguistiquement et possède une bonne connaissance du milieu latino-­‐américain en France. Dans le cadre de son doctorat elle a travaillé avec la population transgenre exerçant la prostitution en région parisienne (stages effectués dans les associations PASTT et Centre Minkowska). Le Pasaje latino… Méthode de l’enquête L’enquête s’est déroulée entre le 3 novembre 2014 et le 15 mai 2105 et a compris les modalités suivantes : 1. Travail sur les documents : Compilation et lecture critique de la littérature disponible sur le sujet (rapports, enquêtes, articles scientifiques, données statistiques…), en particulier sur les thèmes suivants : • Le VIH et les migrants en France • L’évolution récente de la migration en provenance de l’Amérique latine vers la France • La trajectoire des personnes trans issues des milieux populaires d’Amérique latine • Sociologie des migrants trans d’origine latino-­‐américaine en Europe • La situation du VIH chez les personnes trans en Amérique latine 2. Observation sur le terrain : • Travail d’observation prolongée au local de Pasaje latino (à raison de 2 à 3 jours par semaine, soit environ 300 heures d’observation in situ). • Travail d’observation à Acceptess T (5 demi-­‐journées, soit environ 25 heures d’observation in situ). Travail de contact avec le milieu associatif: • Travail de contact avec le monde associatif dédié à la lutte contre le VIH en milieu migrant (ces contacts ont été établis lors d’évènements comme la journée mondiale de la lutte contre le Sida, le 1er décembre -­‐Arcat a tenu un stand à l’Hôpital Bichat-­‐, lors de rencontres académiques sur migrants et prostitution –comme le séminaire « Femmes de l'immigration, Femmes en mouvement », organisé par le laboratoire Cresppa à l’Iresco le 31 mars -­‐ ou lors de la Soirée Débat Amérique latine Caraïbe organisée par Médecins du Monde le 28 mai autour de la lutte contre le VIH en Amérique latine et la santé des personnes LGBT). • Entretiens ponctuels et sur rendez-­‐vous : 4 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez Plusieurs entretiens semi-­‐directifs ont été réalisés avec des personnes ayant réalisé des activités qui intéressent au premier plan le Pasaje latino : -­‐Six entretiens avec le personnel travaillant au Pasaje latino (équipe actuelle et équipe ancienne). -­‐Trois entretiens avec les anciens partenaires associatifs du Pasaje latino. -­‐Deux entretiens avec les responsables d’autres associations (à Acceptess-­‐T, au Pastt). -­‐Trois entretiens avec des responsables de programmes pour migrants hispanophones au sein d’organisations religieuses. -­‐Un entretien avec la responsable de Sidaction. -­‐Un entretien avec le responsable d’un programme d’accueil des migrants au Consulat de Colombie. -­‐Malheureusement, il n’a pas été possible d’établir un contact avec des responsables du milieu médical. (Nous avons demandé à plusieurs reprises des rendez-­‐vous mais nous n’avons pas obtenu de réponse). Analyse des données (tableaux Excel du Pasaje latino) La chercheure a eu accès au fichier Excel, lequel est saisi électroniquement depuis l’année 20132. Ce fichier comporte des informations relatives au nombre de personnes qui viennent au local, au nombre de passages par personne, à leur nationalité, à leur sexe, à leur situation de risque par rapport au VIH, à leur situation par rapport à la sécurité sociale. 2 Malheureusement pour les années précédentes il n’y a pas eu de sauvegarde électronique. Il existe des cahiers manuscrits auxquelles la chercheure n’a pas eu accès. 5 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez Origine du local Pasaje latino Selon les données de l’OCDE, au début des années 2000 il y avait plus d’un million d’étrangers provenant des pays andins Colombie, Équateur, Pérou et Bolivie dans les douze pays d’Europe occidentale3. Si on y ajoute la population d’origine andine possédant une des nationalités européennes, on arrive au chiffre de un million et demi de migrants de ces pays en Europe. En France, il s’est produit une grande vague migratoire en provenance de ces pays à la fin des années 1990. Le Pasaje latino est né à la fin des années 2000 pour répondre à la forte demande de certains de ces migrants, les personnes en risque avec le VIH. Naissance du programme hispanophone Le programme hispanophone débute en 2001. Sa création est étroitement liée à Miguel Ange Garzo, psychologue de formation d’origine espagnole, bénévole à Arcat entre 1996 et 2001, puis salarié jusqu’en 2012. Dans une première étape, une collaboration s’est nouée avec les responsables des consulats de Colombie et d’Equateur. En compagnie de salariés de ces services, l’équipe d’Arcat distribuait des préservatifs et de la documentation lors des soirées festives organisées par les ressortissants de ces pays. Par la suite, un partenariat a été établi avec Altaïr, association qui travaille en prévention du VIH, pour réaliser une permanence dans ses locaux du 17ème arrondissement, un jour par semaine. Ultérieurement, La Union4, association latino-­‐américaine formée en 2006, s’est associée au travail. A la fin des années 2000, le programme hispanophone avait un nombre important d’usagers, il était connu par les associations latino-­‐américaines, il avait établi des liens avec des associations travaillant autour de la prostitution et du VIH, et il employait deux salariés à temps plein. O UVERTURE DU LOCAL DU P ASAJE LATINO ET FORMALISATION DE LA COOPERATION AVEC
L A U NION
L’obtention d’un local propre à Arcat a été possible grâce au soutien de Sidaction. Cette institution a pris en charge le financement du loyer d’un local situé à la rue Saint Michel, dans le 17ème arrondissement. Le Pasaje latino y ouvrit ses portes le 12 février 2009. 3 A savoir : Belgique, Danemark, Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-­‐Bas, Autriche, Portugal, Suède, Royaume-­‐Uni et Suisse. Voir les données sur le site d’Eurostat : http://epp.eurostat.ec.europa.eu. 4 La Union, association de soutien aux migrants, a été formée par un groupe d’associations et d’individus, dont Miguel Ange Garzo pour Arcat, William Herrera, étudiant en sciences politiques, un ancien syndicaliste équatorien, Luis Alcoriza, Nanette Liberona, étudiante en anthropologie. 6 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez Entre 2009 et 2013 a eu lieu la convention entre le Pasaje latino et La Union. En plus des activités réalisées par les salariés d’Arcat autour de la prévention du VIH et des IST (distribution de préservatifs, ateliers de santé), d’autres activités étaient proposées par La Union, laquelle travaillait sur la base du bénévolat (six à huit personnes réalisaient des permanences, quatre à cinq jours par semaine). Ainsi, il y avait au local : une permanence juridique ; des réunions d’information sur les droits sociaux ; une orientation pour le droit au séjour ; des cours de français ; un espace de parole libre ; une consultation psychologique. Toutes les activités proposées aux usagers étaient gratuites, à l’exception des cours de français5. Postérieurement, les changements survenus à La Union (arrivée d’un nouveau président) et au Pasaje latino (départ de Miguel Ange Garzo et arrivée de T., éducatrice spécialisée, au local en 2012) ont changé la dynamique. La coopération entre le Pasaje latino et La Union a pris fin en 2013. L E P ASAJE LATINO AUJOURD ’ HUI
La fin de l’année 2014, moment où a débuté cette étude, a été aussi un moment de changements importants au local. M., animatrice spécialisée dans la prévention, issue de la communauté trans latino-­‐américaine, et qui a travaillé dans le programme hispanophone depuis 2004, a quitté son poste début décembre. En janvier 2015 sont arrivés E., animatrice de prévention issue de la communauté trans, ainsi que W., architecte de formation, responsable à l’accueil au Kiosque et qui fut embauché au local pour soutenir le travail de E. pendant 6 mois. Cette équipe se joint à T., éducatrice spécialisée, qui y travaille depuis septembre 2012. Depuis janvier 2015, le créneau horaire est le suivant : le local ouvre trois jours et demi par semaine (le mercredi après-­‐midi, il est affecté à l’étude Cube ; le vendredi, il est affecté au programme sinophone). Le local : l’espace physique Le Pasaje latino est situé au passage Saint Michel, une petite rue à quelques mètres de la Fourche. La circulation automobile y est presque inexistante. Contrairement aux autres associations dédiées à la même population, ce local donne sur la rue. Il n’est pas nécessaire d’avoir des codes (comme c’est le cas à Acceptes – T et à Pari T), ou d’emprunter un ascenseur (comme c’est le cas à Pastt) pour s’y rendre. Cet accès facile explique le fait que la majorité des personnes viennent sans rendez-­‐vous. 5 Cette convention établissait le paiement d’une somme d’environ 300 € par trimestre de La Union à Arcat. 7 Olga L Gonzalez L’espace à l’intérieur est restreint (environ 35m2) et se compose d’un bureau (fermé) et d’une salle d’attente. Le bureau est le lieu de travail de l’éducatrice spécialisée. Dans la salle d’attente se trouve le poste du responsable de l’accueil, et 6 chaises disposées deux par deux le long des murs. Les toilettes, situées dans le couloir, sont réservées uniquement au personnel. Le Pasaje latino… Les usagers du Pasaje latino Nous disposons de deux sources différentes de données pour mieux connaître le public du local : • La première source est constituée par les rapports d’activité des années antérieures. Ces rapports présentent les données relatives au nombre d’usagers, les usagers en fonction du sexe, de la nationalité, de l’accès à la Sécurité Sociale. •
La deuxième source est le fichier Excel. Les données de ce fichier ont été saisies par la personne responsable de l’accueil entre janvier et novembre 2013 et entre janvier et décembre 20146. Nombre et genre des usagers Entre 2008 et 2014, une moyenne de 506 personnes différentes a visité le local chaque année. En termes d’identité de genre des personnes qui le sollicitent, un tiers sont personnes trans MF, deux tiers des personnes non trans. Cette diversité des sollicitations en termes d’identité de genre est une caractéristique du Pasaje latino qui le différencie de l’ensemble des associations et des lieux d’accueil pour les populations latino-­‐américaines ayant des comportements à risque par rapport au VIH et aux IST. Usagers selon le nombre de passages et leur nationalités Au regard du nombre de passages, les personnes trans MF sont majoritaires. (Ceci veut dire que si un visiteur quelconque arrive au local, il trouvera une majorité de personnes trans MF). Quant à la proportion des passages des hommes et des femmes, elle tend à l’égalité (25%, alors que jusqu’en 2012, les femmes représentaient 20% des passages). En termes d’origine nationale, en 2010, soit une année après l’ouverture du local, 70% du public provenait des trois pays andins Equateur, Pérou et Colombie ; les usagers en 2013 et 2014 étaient majoritairement ressortissants des mêmes pays. 6 Dans l’Annexe (disponible dans la version longue de ce rapport) nous faisons des remarques pour améliorer le mode de collecte et de saisie des données au local. 8 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez Cette présence dominante des trois pays andins a une tendance à la baisse (72% en 2010 ; 66% en 2013 ; 63% en 2014). Mais la représentation des Andins augmenterait si l’on tenait compte du fait que nombre de personnes répertoriées comme Espagnoles sont majoritairement originaires d’un de ces trois pays. Sur le terrain, nous avons pu observer que les personnes ont tendance à se regrouper par origine nationale. Les données montrent que les comportements par nationalités sont différenciés. On constate une diminution remarquable du pourcentage de Colombiens (de 23% à 16% entre 2013 et 2014), et ce malgré une forte hausse du nombre total du nombre d’usagers. A côté, entre 2013 et 2014 on observe une hausse du nombre de Péruviens et du nombre des autres Latino-­‐américains et personnes provenant d’Espagne. Fréquentation du local Si l’on s’arrête sur le plus grand nombre de visites au local, on observe que deux groupes se démarquent fortement : les Equatoriens et les Péruviens d’un côté, avec un nombre élevé de personnes « ayant des comportements à risque » au sein de leur groupe national (81% en moyenne), et les Colombiens, avec une part moindre (avec une moyenne de 17% au sein de leur collectif national). Les personnes trans et celles qui exercent ou ont exercé la prostitution sont celles qui viennent le plus souvent au local. Si l’on prend en compte le nombre de passages, 74% des usagers sont des personnes « ayant des comportements à risque » pour les deux années 2013 et 2014. En somme, le local est fortement sollicité par deux types de populations : les personnes d’origine équatorienne et péruvienne (avec une forte proportion de personnes ayant des comportement à risque), et la population colombienne ou d’origine latino-­‐américaine avec des papiers espagnols, où le pourcentage de personnes ayant des comportement à risque est faible). Tentons maintenant de savoir si les personnes se renouvellent ou s’il s’agit d’une filière « fidélisée ». Un renouvellement en baisse Si l’on se penche sur le nombre de personnes « nouvelles », on obtient des données contrastées : en 2013, deux tiers des usagers étaient de « nouvelles » personnes. En 2014 il y a eu une baisse de cette catégorie : on est passé de 64% à 47%. Fréquentation très variable du local Nous savons qu’il y a des personnes qui se rendent peu et d’autres qui se rendent très souvent au local : en 2013, pour une moyenne globale de 4,9 passages par 9 Olga L Gonzalez personne, il y a presque une moitié qui ne s’est rendue au local qu’une seule fois. En 2014, plus de la moitié des personnes (55%) qui y sont passées ne sont pas revenues (et ce chiffre est en augmentation sensible par rapport à 2013). En 2014, plus de 70% des personnes ne sont venues qu’une ou deux fois. Moins de 10% des usagers sont venus souvent (plus de 10 fois par an). Il y a 7 personnes qui sont venues plus de 50 fois en 2014, et une personne, plus de 100 fois. En termes de nombre de passages, on constate que les personnes qui viennent souvent (environ 70 usagers viennent plus de 10 fois par an), réalisent à eux seuls plus de la moitié des passages au local (53%). Parallèlement, en 2014, il y a une baisse générale du nombre moyen de passages par personne pour toutes les nationalités (sauf une légère hausse pour la Colombie). De fait, il y a une occupation importante du local par des usagers fréquents. Mais pour mieux comprendre cette baisse de l’assiduité au local, il faudrait réaliser une enquête. Prééminence de la population équatorienne En 2013, presque un passage sur deux était celui d’une personne équatorienne ; l’année suivante, 39% des passages correspondaient à des personnes équatoriennes. Si cette population se rend beaucoup plus fréquemment que les autres nationalités au local, elle est moins touchée par le VIH que la nationalité péruvienne. Les données montrent que les Péruviens, la nationalité la plus fortement représentée en terme de « risque » (la moyenne de 83% des Péruviens qui viennent au local entrent dans cette catégorie), viennent au local beaucoup moins souvent que les Equatoriens et les Colombiens. Les observations sur le terrain n’ont pas permis d’établir avec précision pourquoi les Equatoriens ont une plus grande représentation. Mais nous avons constaté une prééminence d’une même ville d’origine, Guayaquil. Presque toutes les personnes équatoriennes, trans mais aussi quelques femmes, proviennent de cette ville, la deuxième la plus grande du pays. Existe-­‐t-­‐il un réseau qui « alimente » la filière de Guayaquil ? Les restaurants équatoriens situés dans les environs servent-­‐ils, comme nous avons entendu dire, à des trafics de ce type7 ? Personnes ayant des comportements à risques Le Pasaje latino… 7 Les personnes évoquent le sujet relativement librement. On nous a par exemple parlé de la condamnation pour proxénétisme, il y a quelques années, du propriétaire d’un restaurant situé à la rue Sauffroy. 10 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez Les données sur le nombre de personnes ayant des comportements à risques au local indiquent qu’en 2014 il y a une légère augmentation par rapport à 2013 (on passe de 51% à 56% personnes dans cette catégorie). Cependant, en termes de passages, en 2013 et 2014 on observe une stabilité de la proportion des passages des personnes ayant des comportements à risques (74% des passages). Plus finement, il y a une baisse du nombre moyen de passages pour les personnes ayant des comportements à risque (de 7,1 à 5,3) : En fait, une partie de cette catégorie de personnes vient peu ou pas au local : un bon tiers n’est venue au local qu’une seule fois en 2013 ; en 2014, ils sont 54%. De fait, le comportement des personnes « ayant des comportements à risque » est le même que celui des « non risque » (54% ou 55% ne sont venus qu’une seule fois) ; et les hommes « ayant des comportements à risque » ont plus tendance à faire un seul passage que les hommes « non risque », qui viennent donc plus souvent. Cette basse fréquentation d’une partie des personnes ayant des comportements à risque est délicate. Comment s’explique-­‐t-­‐elle ? Une enquête plus approfondie pourrait valider (ou non) nos hypothèses (citons-­‐en deux : les personnes se rendent dans d’autres structures ; les personnes trans non VIH ne se rendent pas au local). Ajoutons que lorsqu’on croise cette donnée avec la nationalité, on confirme les observations précédentes : les Péruviens se rendent au local beaucoup moins souvent que les autres catégories de régions ou pays. Parallèlement, si l’on s’arrête sur la fréquentation des personnes « non risque », on voit à nouveau une forte prédominance des Equatoriens : ceux-­‐ci viennent au local plus souvent que les Péruviens « ayant des comportements à risque ». Situation par rapport à la Sécurité Sociale Presque deux tiers des personnes qui arrivent au local n’ont pas de Sécurité Sociale ou l’AME (or cet indicateur permet d’estimer le nombre de personnes en situation irrégulière). Si l’on s’arrête sur leurs nationalités, on voit qu’une majorité d’entre elles viennent « d’autres pays d’Amérique latine ». Comme on l’a dit plus haut, cette catégorie se réfère essentiellement aux Latino-­‐américains provenant d’Espagne. Beaucoup d’entre eux ont les papiers leur donnant droit au séjour en Espagne (et en Europe), mais, arrivés récemment, ils n’ont pas encore ouvert leurs droits en France. Enfin, la population péruvienne a une proportion supérieure de personnes en situation irrégulière par rapport à la population équatorienne. Par ailleurs, on constate une grande différence d’assiduité entre les personnes possédant une sécurité ou aide sociale (AME ou CMU) et celles qui n’en ont pas. 11 Olga L Gonzalez En effet, les premières viennent en moyenne 2,8 fois plus au local que les secondes. Pourquoi les personnes les plus exclues du système de sécurité sociale viennent moins souvent que les autres ? Les observations faites sur le terrain confirment la tendance déjà énoncée : une grande partie des usagers ne remplit pas les critères priorisés par le local (il ne s’agit pas d’une population ayant des comportements à risque). En revanche, la population ciblée par le local (la population ayant des comportements à risque) bénéficie d’un accompagnement dans ses démarches. Aussi, l’éducatrice spécialisée a essentiellement, dans sa file active, des personnes régularisées8. Pour mieux comprendre ces comportements différenciés, il serait souhaitable approfondir l’observation participante, explorer les autres associations pour essayer de savoir si l’on observe les mêmes tendances ou pas, et disposer des bases de données solides. Ce que la rubrique « ayant des comportements à risque » veut dire A priori, les renseignements sur l’occupation (prostitution) ou le statut sérologique ne sont pas demandés au Pasaje latino, L’aspect extérieur, le comportement et les demandes des usagers permettent aux responsables de l’accueil de remplir la rubrique « ayant des comportements à risque » ou « non risque » de la base de données (fichier Excel). Par ailleurs, toutes les personnes trans qui sont venues au local ont été considérés comme étant une population « ayant des comportements à risque ». Le Pasaje latino… Le quotidien au local Les personnes qui arrivent au Pasaje latino n’ont pas pris de rendez-­‐vous préalablement. Elles arrivent seules, parfois en groupes de deux ou de trois (en général, les groupes se nouent par nationalités) ; parfois elles se donnent rendez-­‐
vous là-­‐bas. En règle générale, elles sollicitent l’assistante sociale. Cependant, si celle-­‐ci est très occupée ou si elles pensent qu’elles sont à même de les aider, elles se dirigent vers les responsables de l’accueil. Les demandes les plus fréquentes des usagers sont les suivantes : (1) les questions autour de la Sécurité Sociale ; (2) les questions sur la CAF ; (3) l’écriture de courriers ; (4) l’aide pour remplir les impôts ; (5) la prise ou l’annulation de RDV médicaux, (6) s’informer sur les droits. 8 Une partie importante des usagers a obtenu un titre de séjour pour soins. 12 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez De cette typologie il ressort qu’une grande partie des personnes a bien identifié les objectifs du Pasaje latino. En revanche, le public qui n’est pas travailleur du sexe ou trans apprend sur place que le local ne lui est pas destiné. Certains de ces usagers, non concernées par le VIH, s’en plaignent, parfois à haute voix. Ainsi, deux femmes péruviennes qui étaient venues au local soulignent leur mécontentement : « Tu travailles, tu cherches du travail, tu fais ce que tu peux pour t’en sortir… Mais ici, ils ne prennent que les trans, il faut faire le trottoir pour être entendue ? » Par ailleurs, au cours de l’observation au local nous avons constaté que les personnes viennent aussi pour passer le temps. 13 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez La prise en charge de la population trans MF latino-­‐
américaine Pour mieux intervenir dans les pratiques de prévention du VIH, il est indispensable de connaître la culture des migrants. Chez les usagers du Pasaje latino, il faut aborder trois éléments de cette culture : le cheminement vers l’identité trans, la stigmatisation et les niveaux d’incidence du VIH chez les trans MF latino-­‐américains. L’ IDENTITE TRANS DANS LES MILIEUX POPULAIRES D ’A MERIQUE LATINE : UNE REPONSE AU
MODELE RIGIDE DE VIRILITE
Compte tenu de nos observations sur le terrain et des études sur le sujet, nous émettons l’hypothèse que l’émergence de l’identité trans MF dans les zones urbaines populaires d’Amérique latine s’inscrivent dans le cadre d’une extrême rigidité des genres. Dans un système où les rôles sexuels sont très encadrés, il y a peu de place pour les trajectoires divergentes, et ceci dès l’enfance. La virilité « normale » est associée à l’hétérosexualité. Pour être ouvertement « gay », il faut assumer que l’on adopte les codes du genre opposé, les femmes, qui lui aussi est rigide. Cette rigidité des rôles se retrouve également dans la vie sexuelle et affective : la préférence sexuelle s’oriente toujours vers les hommes, et la vie de couple, quand elle existe, reproduit souvent le stéréotypes machiste (mari dominant, voire violent, femme soumise). Aussi, les personnes sont au plus loin du brouillage ou du questionnement du genre. Au contraire, elles renforcent celui-­‐ci, en attribuant les rôles « classiques » aux hommes et aux femmes, comme cela se fait dans la culture populaire de leurs milieux de socialisation initiale. Il semblerait que ces rôles ont été inculqués dès l’enfance. Devenues adultes, les personnes ont ces schémas mentaux avec elles, et les reproduisent dans leurs relations quotidiennes. S TIGMATISATION ET VIOLENCES
Le stigmate qui pèse sur les personnes trans issues des milieux populaires les exclut d’une large gamme de débouchés professionnels. Dans leurs pays, elles peuvent aspirer à travailler dans les métiers de la beauté (cosmétique, coiffure, etc). Mais la stigmatisation, doublée des conditions d’exclusion sociale générale dans ce pays, explique qu’elles sont très fortement représentées dans la prostitution. Aussi, les personnes trans prostituées sont doublement vulnérables, en tant que déviantes à la norme de genre et en tant que déviantes par rapport à la morale sexuelle. Quelques chiffres montrent le niveau effrayant des violences que subit cette population : 14 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez -­‐D’après un rapport de la Cour des DH de l’Organisation des Etats Américains, entre le 1er janvier 2013 et le 1 mars 2014 ont été commis 594 homicides et 174 actes de violence grave dans les pays latino-­‐américains. La grande majorité de ces crimes ont touché les hommes gays et les personnes trans. Ce rapport signale également que « 80% des femmes trans assassinées avaient moins de 35 ans ». -­‐En Colombie, entre 2010 et 2013, ont été commis 360 homicides au sein de la population LGBT, la grande majorité sur des hommes gay et sur des personnes trans. -­‐A Lima, une ONG locale (Instituto Runa) établit les plaintes les plus fréquentes déposées par les personnes trans M F qui se rendent à son siège (en sachant que 80% des personnes affirment avoir subi des violences et agressions, mais seules 17% portent plainte devant les autorités). Les violences les plus fréquentes sont les suivantes : agressions physiques (34%), agressions verbales (28%), arrêt arbitraire par la Police (15%), vol (8%), menaces (7%), extorsion (4%), agression sexuelle (1%). L’impunité est élevée dans ces pays. Au niveau des responsabilités, cependant, les rapports existant pointent vers la Police, les bandes organisés, les compagnons, les groupes de « nettoyage social », et les clients.
VIH DANS LES PAYS D ’ ORIGINE ( ET SUR REPRESENTATION DES TRANS )
Selon les études disponibles, dans les pays d’origine de la majorité des trans résidant en France, le VIH se concentre chez les HSH, et particulièrement chez les personnes trans. La Colombie a la deuxième plus grande concentration de personnes vivant avec le VIH et le sida en Amérique latine. La prévalence est estimée entre 0,7% et 1,1% auprès de la population adulte9 ; la proportion des femmes ayant contracté le VIH est passée de une femme pour treize hommes en 1988 à une femme pour deux hommes en 200810. Selon les études, parmi les HSH (y compris les trans), elle oscille entre 15% et 20%11. Il n’existe pas d’études statistiques ciblées sur le risque du VIH parmi les trans, mais les associations locales fait état d’une très 9 United Nations Programme on HIV/AIDS. “Report on the Global AIDS Epidemic 2013”, 2013. En ligne : http://www.unaids.org/en/media/unaids/ contentassets/documents/epidemiology/2013/gr2013/UNAIDS_Global_Report_2013_en.pdf. 10 Ministerio de Protección Social, Comportamiento sexual y prevalencia de VIH en mujeres trabajadoras sexuales en cuatro ciudades de Colombia, UNFPA, sans date. 11 Maria Cecilia Zea, PhD, Carol A. Reisen, PhD, Ana María del Río-­‐González, MS, Fernanda T. Bianchi, PhD, Jesus Ramirez-­‐Valles, PhD, MPH, and Paul J. Poppen, PhD, “HIV Prevalence and Awareness of Positive Serostatus Among Men Who Have Sex With Men and Transgender Women in Bogota, Colombia”, American Journal of Public Health, January 20, 2015. Et UNFPA, United Nations Population Fund and Colombian Ministry of Health and Social Protection. “Sexual behavior and HIV prevalence among men who have sex with men in 7 cities in Colombia (Bogotá, Medellín, Cali, Barranquilla, Cúcuta, Pereira, and Cartagena)”. Bogotá, Colombia: Ministerio de Salud y Protección; 2011: No. convenio 168. 15 Olga L Gonzalez grande vulnérabilité. Par ailleurs, une étude réalisée avec la méthode RDS (Respondent-­‐Driven Sampling ; voir Zea, 2015) indique qu’ il existe une grande ignorance de la séropositivité, alors même que la loi permet la réalisation de deux tests de dépistage gratuits deux fois par an. Au Pérou, les statistiques officielles établies par la Direction Générale d’Epidémiologie situent l’apparition du virus en 1983. Selon cette source, en 2003, chez les HSH (y compris les trans), la prévalence était de 13,9%12. A Lima, la capitale, 33% des personnes trans interrogées avaient le VIH (en contraste, cette source observait une prévalence de 18% chez les hommes gays et de 15% chez les hommes bisexuels). Les expositions aux autres IST était également très élevée chez les personnes trans interrogées : 51% avaient contracté la syphilis, contre 13% chez les hommes gay, 11% chez les hommes bisexuels et 3% chez les hommes hétérosexuels. La non utilisation du préservatif est évoquée comme la raison principale pour expliquer ces fortes proportions de VIH13. En Equateur, selon les données du Ministère de la Santé, le taux de prévalence pour l’ensemble de la population se situe à 0,24%. Les groupes les plus exposés sont la population trans (avec une prévalence de 31,9%), les HSH (avec une prévalence de 11%), les travailleuses du sexe (avec une prévalence de 3,2%) et la population incarcérée (avec une prévalence de 1,3%)14. Avec ses 1798 personnes comptabilisées séropositives, il semblerait qu’il y a une incidence bien plus élevée du VIH à la province de Guayas (dont la capitale est Guayaquil, première ville par sa population et aussi ville d’origine de la très grande majorité personnes trans rencontrées au local) qu’à la province de Pichincha (dont la capitale est Quito) et où l’on comptabilise 549 personnes séropositives. Rapportées au nombre total d’habitants, on y obtient une incidence 2,3 fois plus élevée. Le Pasaje latino… Une étude réalisée dans les provinces de la côte pacifique (dont Guayas) par l’association communautaire Siluetas15 auprès de 769 personnes trans apporte quelques éléments d’information intéressants supplémentaires : d’un côté, il y a un grand nombre de personnes (43%) qui ignore son état par rapport au VIH. Et surtout, une majorité des personnes (75%) ne pense pas que cette maladie entraîne une limitation pour leurs vies. Selon ces témoignages, la vie sexuelle peut continuer normalement, et si la maladie est détectée, on cherchera une aide 12 Données officielles citées (p. 13) par le rapport « Lineamientos para el trabajo multisectorial en población trans, derechos humanos trabajo sexual y VIH/Sida », Ximena Salazar et Jana Villayzán, Instituto de Estudios en Salud, Sexualidad y Desarrollo Humano, UNFPA, Lima, 2009. 13 Les données sont issues du rapport « Lineamientos… », ibid. 14 “La situación de la epidemia de VIH en Ecuador”, Ministerio de Salud Pública, Viceministerio de Gobernanza y Vigilancia de la Salud, Estrategia Nacional de VIH/Sida, Quito, noviembre de 2012. 15 “Descriptivo de los factores influyentes, en la incidencia del VIH y discriminación de las trans femeninas en la costa ecuatoriana durante el 2012”, Asociación Siluetas, con el apoyo de la Facultad de ciencias psicológicas de la Universidad de Guayaquil, 2013. 16 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez médicale. Les dispositions relatives au permis de séjour en France en rapport avec le VIH Depuis 2011, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, Ceseda, donne la possibilité à un étranger en situation irrégulière ayant contracté le VIH et résidant en France, d’être régularisé, si le traitement n’est pas « disponible » dans son pays. Auparavant, la loi parlait d’une « disponibilité / indisponibilité effective » du traitement. Comme le souligne Aides (2009), « Désormais il est seulement question de savoir si le traitement ‘existe’ quelque part dans le pays d’origine. Cette modification de la loi impacte très défavorablement sur le droit au séjour des personnes malades ». Parallèlement, une instruction de la Direction générale de la Santé, DGS, émise en novembre 2011, protège les personnes vivant avec le VIH et/ou une hépatite virale contre les effets négatifs de cette loi : il s’agit de, l’Instruction n° DGS/MC1/RI2/2011/417 du 10 novembre 2011 relative aux recommandations pour émettre les avis médicaux concernant les étrangers malades atteints de pathologies graves. Ces dispositions reflètent les contradictions au sein de l’administration française, et concrètement les tensions entre un droit de séjour restrictif et le souci relatif à la préservation de la santé publique. Les associations qui travaillent avec la population étrangère sont confrontées en permanence à ces tensions. Dans leur pratique, elles doivent composer en permanence avec ces lois contradictoires, et connaître les cheminements qui leur permettent de faire aboutir au mieux leur mission. Dépistage du VIH et traitements dans leurs pays d’origine En Amérique latine, les autorités sanitaires estiment qu’environ 50% des personnes ayant le VIH ne connaissent pas leur situation sérologique : la prévention et le dépistage devraient davantage cibler les populations en situation de risque. En termes de traitements antirétroviraux, le continent latino-­‐américain a néanmoins fortement avancé dans l’étendue des ces dernières années. Selon les rapports de l’Organisation Panaméricaine de la Santé et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OPS/OMS), trois personnes sur quatre ayant besoin du traitement y accèdent. Ce niveau de couverture est le plus élevé parmi les régions du monde aux revenus moyen et bas. 17 Olga L Gonzalez Les situations sont néanmoins très variables d’un pays à l’autre: dans sept pays (Argentine, Barbados, Brésil, Chili, Cuba, Guyane et Mexique) le traitement parvient à plus de 80% des personnes qui en ont besoin. Dans les pays d’origine des migrants les plus représentés au Pasaje latino, le dépistage est proposé dans les centres de santé, hôpitaux et centres communautaires et les laboratoires privés. Les tarifs oscillent entre la gratuité et les 15 dollars. Les traitements antirétroviraux sont également proposés dans ces pays. Ainsi, en Equateur, en 2013, 31 cliniques, hôpitaux et centres de santé le proposaient à 9 043 patients16. Au Pérou, le Targa (Tratamiento Antirretroviral de Gran Actividad) est gratuit depuis 2004. En 2011, 73 établissements médicaux, ainsi que 3 prisons et 3 ONG le proposaient à plus de 16 mille patients17. En Colombie, les traitements sont théoriquement couverts par le système de santé. Néanmoins, dans de nombreux cas les patients doivent entamer de longues procédures judiciaires afin d’obtenir les traitements. Selon l’Observatoire National de la Gestion du VIH, “en 2010 il y avait dans ce pays 17 820 cas de VIH, 13 104 cas de sida et 21 791 personnes suivies avec des antirétroviraux, pour une couverture de 80%18”. Globalement, il subsiste de nombreux obstacles pour réaliser le dépistage et le traitement. Certains de ces obstacles sont structurels (par exemple, les personnes trans exerçant la prostitution sont fréquemment l’objet de discriminations dans les centres de santé et de dépistage dans leurs pays) tandis que d’autres relèvent davantage de réactions individuelles (ainsi, selon certains rapports consultés, « de nombreuses travailleuses du sexe trans refusent le traitement car les effets secondaires leur déforment le corps, leur principal outil de travail » 19). Le Pasaje latino… La migration des trans M F et le paysage institutionnel de la lutte contre le VIH Cette section propose des réponses aux questions suivantes : Pourquoi y-­‐a-­‐t-­‐il un nombre important de personnes trans qui exercent la prostitution parmi les migrants latino-­‐américains ? Comment s’articule le paysage institutionnel français de la lutte contre le VIH avec cette population ? Quelle est la spécificité du Pasaje latino dans cette configuration ? 16 Les données sont établies par le Ministère de la Santé : « Informe nacional sobre los progresos realizados en Ecuador en 2013 », junio de 2014 et Antirretrovirales para pacientes con VIH se distribuyen con normalidad en todo el país. 17 “Tratamiento antiretroviral », Ministerio de Salud. 18 “Así vamos en salud », http://www.asivamosensalud.org/inidicadores/servicios-­‐de-­‐
salud/grafica.ver/39 19 « Lineamientos para el trabajo multisectorial en población trans, derechos humanos trabajo sexual y VIH/Sida », Ximena Salazar et Jana Villayzán, Instituto de Estudios en Salud, Sexualidad y Desarrollo Humano, UNFPA, Lima, 2009. 18 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez L’ EXPERIENCE MIGRATOIRE DES PERSONNES TRANS : LA PROSTITUTION COMME DEBOUCHE
Il existe une culture partagée, un ensemble de valeurs et de pratiques communes au sein de la population trans latino-­‐américaine, spécialement auprès des ressortissants des trois principaux pays de provenance des usagers du Pasaje latino. Ici, le cheminement vers l’identité trans semble être en rapport étroit avec les règles strictes concernant la virilité et l’homosexualité dans les milieux populaires. Dans les trois pays, les difficultés d’insertion sociale et économique sont similaires pour les personnes trans issues des milieux populaires. Il existe une forte stigmatisation, des discriminations et des harcèlements au quotidien. Ce contexte, plus les ruptures familiales, font que l’assignation au champ de la prostitution est très forte. Elle semble même être constitutive de l’identité trans. Les personnes connaissent les codes du monde de la prostitution en même temps qu’elles s’immergent dans le parcours de la transidentité. Souvent, les personnes trans évoluent dans ce milieu (el « ambiente »), que l’on peut qualifier comme déviant, depuis leur adolescence. Alors que souvent elles ont du faire face à de douloureuses ruptures familiales, ce milieu est garant de protection, de relations sociales, parfois d’amitiés. Il est source d’information pour la gestion du travail, du logement, et fournit les codes de la présentation de soi. C’est dans ce milieu, par le bouche-­‐a-­‐oreille, que les personnes prennent connaissance des expériences migratoires de certaines d’entre elles. Par la suite, le milieu devient leur principal moyen de socialisation en Europe : en attendant d’avoir de l’expérience, les anciennes sont indispensables, que ce soit pour accéder à un emplacement dans le Bois (il faut avoir un soutien solide pour débuter), pour avoir des renseignements sur le logement, pour connaître le réseau des transports, pour accéder au monde associatif, etc. Arrivées dans le pays d’accueil, et habituées à vivre dans ces réseaux de socialisation, il semblerait que les personnes ont peu de contacts avec la population indigène. Ainsi par exemple, les contacts avec le monde trans MF francophone, seraient limités. Les personnes trans usagères du Pasaje latino ont peu de contacts, également, avec les migrants originaires de leurs pays. En somme, ce monde donne l’impression de fonctionner en huis-­‐clos : les personnes rencontrées au local résident dans des hôtels20 ou dans des meublés très modestes qui rappellent les inquilinatos (locations mensuelles pour les 20 Certains hôteliers semblent avoir compris le train de vie des personnes trans et en tirer profit. Il nous fut signalé le cas de certains hôteliers possédant des plusieurs studios minuscules qu’ils louent très cher (un studio de 7m2 coûte 700€ ; un appartement de 20m2 est loué à 1 400€ ; par ailleurs, les chambres d’hôtel coûtent environ 50€ par nuit). 19 Olga L Gonzalez personnes pauvres) de leurs pays (voir à ce sujet le reportage photo réalisé par Mara Mazzanti21). Quelques-­‐unes vivent en colocation. En dehors de ce monde, où l’on peut difficilement compter sur les autres, les personnes sont très isolées. Quelques-­‐unes ont un conjoint, mais elles semblent être minoritaires parmi les usagers du Pasaje latino. Ces personnes n’ont pas d’enfants, la relation avec la famille au pays est souvent difficile. Parallèlement, l’émigration comme marque de réussite sociale est un signe largement partagé dans les couches populaires et moyennes de ces pays. Et l’idée selon laquelle faire la prostitution en Europe est une manière d’obtenir une bonne rémunération a fait son chemin chez les trans. Certes, la prostitution est un terrain où l’on subit la violence au quotidien, mais ceci est vécu comme un aléas du métier. La prostitution est aussi une activité qui permet d’obtenir des revenus. Et surtout, c’est une identité, une occupation qui donne sens aux jours. C’est aussi une forme d’avoir une vie sociale. Ce n’est pas une activité occasionnelle pour compléter un maigre revenu, ni une activité limitée au jeune âge, comme cela peut être le cas chez les femmes qui l’exercent. Elle façonne une identité, et ce d’autant plus que les perspectives dans le monde du travail salarié sont très faibles. Le Pasaje latino… L ES ASSOCIATIONS DE SANTE POUR LES MIGRANTS LATINO - AMERICAINS TOUCHES PAR LE
VIH
En 2014, il existait quatre associations en région parisienne qui ciblaient le même public, les migrants latino-­‐américains en situation de risque par rapport au VIH : le Pastt, le Pasaje latino, Acceptess-­‐T et Pari T, et dont voici les caractéristiques marquantes : • Un niveau de financement inégal De très grandes différences budgétaires et institutionnelles existent entre ces associations. D’un côté, il y a Acceptess-­‐T et Pari T, avec des financements ponctuels et réduits, de l’autre, le Pastt et le Pasaje latino, qui bénéficient d’un financement important depuis plusieurs années. Dans ces conditions, leurs capacités à développer des projets ne sont pas les mêmes. • Usagers : A l’exception du Pasaje latino, qui comme on l’a vu reçoit des migrants non concernés par le VIH (et ponctuellement du Pastt, en raison des demandes de domiciliation), ces associations reçoivent quasi exclusivement des personnes trans ayant exercé ou exerçant la prostitution. • Coopération inter-­‐associative : 21 “Hôtel des poupées”: Mara Mazzanti. Lien URL: http://www.mara-­‐
mazzanti.com/photos/imagevue/?content%2FHotel+des+poupees%2F 20 Le Pasaje latino… •
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Olga L Gonzalez Ces associations communiquent peu, parfois s’évitent. Il existe d’anciennes animosités (deux de ces associations sont nées de scissions au sein du Pastt) qui rendent difficile le travail conjoint22. Souvent, la bonne ou la mauvaise coordination dépend de la personne qui occupe le poste clé de l’assistante sociale23. Par ailleurs, chacune de ces associations veut préserver son savoir-­‐faire et son public. Une des conséquences de cette configuration est qu’il est difficile de savoir s’il y a une rotation des usagers (il possible que les demandes des mêmes usagers soient faites dans plusieurs de ces associations). Projets : Il y a une évolution des projets mis en avant aujourd’hui. Alors qu’il y a une dizaine d’années la voix sur les trans migrants latinos était portée de manière hégémonique par le Pastt (lequel militait dans le sens d’un communautarisme trans autour des risques de santé en lien avec les IST et autour du travail prostitutionnel), aujourd’hui, cet axe n’est plus aussi central. La revendication pour les droits des trans se maintient dans les autres associations, mais de nouvelles formes apparaissent : les questions du VIH et de la prostitution laissent un peu de place à la visibilité des trans dans l’espace public et à la question de l’insertion sociale. Salariés et bénévoles Aujourd’hui, l’association la plus ancienne (le Pastt) embauche des professionnels qui ne sont pas trans (il y a quelques années, ce point était considéré comme une condition impossible à modifier). Par ailleurs, à l’exception du Pasaje latino, toutes ces associations travaillent avec des bénévoles. La possibilité, pour les migrant.E.s trans, d’acquérir de l’expérience et de valider les acquis, voire de débuter un parcours professionnel salarié, est valorisante. 22 Ainsi, par exemple, le Pastt a organisé une rencontre inter-­‐associative en avril 2015 et a « oublié » d’inviter Acceptes T. 23 T., [éducatrice spécialisée]) : « C’est grâce à la nouvelle assistante sociale que j’ai pu enfin travailler avec le Pastt. Car même avec Acceptess-­‐T, c’est difficile » 21 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez 4. Qui répond aux demandes des migrants latino-­‐
américains ? Le travail sur le terrain montre que les initiatives associatives ou militantes pour les migrants hispanophones qui ne sont pas en situation de risque par rapport au VIH sont rares. Elles reposent sur de rares individus motivés. Lorsque ceux-­‐ci disposent de structures pour faire le travail (consulat, association), le travail aboutit. Mais l’environnement est difficile, et très souvent les individus sont poussés à la « débrouille »24, à la méfiance envers les formes d’organisation collective, aux stratégies basées sur les intérêts individuels. Dans cet univers, prospèrent les organisations religieuses comme alternative pour accéder aux droits sociaux. Initiatives militantes et individuelles Une première remarque s’impose : alors même qu’il y a un noyau d’exilés, réfugiés et militants politiques parmi les Latino-­‐américains, peu nombreux sont ceux qui s’impliquent dans le travail avec les migrants « économiques », les personnes arrivées massivement depuis la fin des années 1990. Voici deux cas de figure remarquables : L A U NION
Une des rares initiatives de migrants travaillant pour défendre les droits de migrants fut le projet de La Union, évoqué dans la première section. Malgré la fin du partenariat avec Arcat, l’association poursuit aujourd’hui ses activités. Dirigée depuis 2012 par Rocio Canales, juriste péruvienne, on y fait des permanences dans un local situé à l’Avenue Philippe Auguste. Le local ouvre uniquement les samedis après-­‐midi et fait face à une demande importante (une trentaine de personnes). En plus de la présidente, qui tient la permanence juridique, y travaillent bénévolement une psychologue (en général une étudiante en fin de cursus ou en début de carrière), et d’autres personnes motivées. Diverses activités sont proposées aux adultes et aux enfants : des ateliers de sophrologie, des ateliers de conte, des cours de français. Les besoins sont grands, parfois lourds. L’équipe ne réussit pas à faire face à toutes les demandes. Les bénévoles y restent peu de temps. Les personnes trans ne viennent pas. En revanche, quelques personnes y sont dirigées par le Pasaje latino. 24 Pour la notion de “débrouille”, voir mon article « Les droits sociaux à l’ère des migrants : La ‘débrouille’ des Latino-­‐américains en France », in Migrations Société, n° 102, revue du Centre d’information et d’études sur les migrations internationales, Paris, p. 255-­‐273, 2005. 22 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez U N ASSISTANT SOCIAL AU C ONSULAT DE C OLOMBIE
Certains consulats des pays andins ont des dispositifs d’information et d’assistance sociale pour leurs ressortissants. Cependant, ces dispositifs ne sont pas permanents. Ainsi dans le consulat de Colombie, le poste (contractuel) de travailleur social est relié à une personne, Oscar Arbelaez. Assistant social diplômé d’Etat et Master en politiques publiques, ancien employé de Médecins du Monde, MDM, il a été embauché par le Consulat de Colombie entre 2000 et 2002 et depuis 2012 à nouveau. Durant la première période, au début des années 2000, il s’est approché d’Arcat. Les deux institutions ont réalisé des activités de présentation de leurs services de manière conjointe, lors des soirées festives organisées par les Latino-­‐
américains. A son retour en 2012, Oscar n’a pas eu de contacts avec Arcat ou avec le Pasaje latino. Il travaille avec d’autres partenaires institutionnels, comme le Centre Flora Tristan (structure pour femmes victimes de violences). Durant ses permanences, il reçoit 4 à 8 personnes par jour et fait face à de nombreuses demandes. Il souligne la part grandissante de demandes des femmes (victimes de violences, divorcées, sans ressources, etc). Par ailleurs, durant l’été, lors des tournois de foot des Latino-­‐américaines au Bois de Vincennes, le Consulat amène le « kit consulaire » (un petit kiosque mobile où sont présentées les actions du Consulat et de ses partenaires). L’assistant social du Consulat de Colombie ne reçoit pas la population trans exposée au VIH (qu’il recevait au début des années 2000). Il connaît l’existence du Pasaje latino à cause du travail réalisé dans le passé, mais il ne connaît pas les autres institutions dédiées à cette population. Oscar déplore le manque de communication entre les différentes structures. Il ignore ce que d’autres consulats sont en train de faire en termes d’assistance sociale. Les églises : des filières « naturelles » Il existe plusieurs églises et services paroissiaux en langue espagnole en région parisienne ; certaines de ces églises disposent d’un « service social ». Mais même quand elles ne disposent pas officiellement de tels services, les curés, pasteurs, et autres autorités religieuses ont une position centrale. Ces personnes ont un ascendant sur la communauté des croyants, et de ce fait ils deviennent des intermédiaires importants des demandes de la communauté latino-­‐américaine. Pour les migrants, il est tout naturel de se diriger vers ce genre d’institutions : renouant avec les pratiques observées dans le pays, on sait qu’on y soutient les personnes démunies, qu’elles donnent confort aux personnes. 23 Olga L Gonzalez Le travail de terrain a montré que les églises hispanophones sont une institution de première importance pour un grand nombre de migrants provenant d’Amérique latine. A côté des anciennes églises et missions catholiques, comme l’église espagnole de la rue la Pompe dans le 16ème arrondissement, fondée il y a un siècle, les églises chrétiennes non catholiques montent en puissance. De fait, cet essor des églises chrétiennes, documenté –bien que sous-­‐évalué– pour d’autres communautés, est à mettre en relation avec les nouvelles vagues migratoires. A l’instar de ce qui arrive dans d’autres communautés et dans d’autres régions du monde25, ces églises deviennent les accompagnatrices des migrants dans leur parcours. Car si les églises catholiques font une aide sociale qui s’assimile à la charité, les églises chrétiennes ont plusieurs autres avantages : elles s’adaptent mieux aux temps et aux normes sociales qui courent, elles ont des méthodes modernes et un enracinement de type réticulaire transnational, elles donnent une réponse aux besoins pratiques et spirituels des personnes, elles sont administrées par des Latino-­‐américains, favorisant le processus d’identification, enfin elles font participer activement ses membres (au lieu d’en faire des personnes assistées). Néanmoins, les personnes qui sont déviantes par rapport aux normes très conservatrices qui régissent la famille ne sont pas admises dans ces communautés : ces églises sont fermées aux migrants transgenre (et plus largement, aux personnes LGBT). Dans certains cas, elles sont signalées et exclues. Le Pasaje latino… 25 Paola García, « Integración y migración : las Iglesias pentecostales en España », Amérique Latine Histoire et Mémoire. Les Cahiers ALHIM, 20 | 2010, Publié le 8 avril 2011. URL : http://alhim.revues.org/3691 24 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez 5. Le Pasaje latino : point saillants et perspectives Cette section commente des aspects positifs et moins positifs observés au local, indique des pistes d’action, suggère des modifications à court et moyen terme. La section est élaborée compte tenu de l’observation réalisée entre la fin de l’année 2014 et le printemps 2015. Les points positifs constatés au local La reconnaissance institutionnelle, les bons retours des usagers, le bon ciblage d’une partie du public le plus exposé au VIH et son suivi sont parmi les points les plus remarquables du local : U NE VISIBILITE AUPRES DES MIGRANTS ET UN SOLIDE ANCRAGE INSTITUTIONNEL
Nous avons vu le contexte dans lequel est né et dans lequel agit le Pasaje latino. Depuis ses débuts, le local a été sollicité par une population aux diverses identités de genre (à part égales trans MF, hommes et femmes). Cette caractéristique est bien une spécificité du Pasaje latino, révélatrice de la reconnaissance que celui-­‐ci a acquis au fil des années dans le milieu des migrants, y compris parmi les primo-­‐arrivants. Le local possède par ailleurs une reconnaissance certaine de la part des institutions médicales en lien avec le VIH et la population latino-­‐américaines. A la différence des autres structures hispanophones pour les trans MF en situation de risque par rapport au VIH, le Pasaje latino peut s’appuyer sur une grande association, Arcat. Celle-­‐ci met à sa disposition une importante gamme de services destinés aux migrants : une juriste formée dans le droit des étrangers, des assistantes sociales pour appuyer, relayer les demandes ; la structure du Point Solidarité, le service d’accompagnement à la vie sociale, les prestations d’insertion professionnelle, le médecin de l’association. Le local a établi des partenariats institutionnels (avec les services hospitaliers –Bichat, Ambroise Paré– avec la Sécurité Sociale). S ATISFACTION DES USAGERS « AYANT DES COMPORTEMENTS A RISQUE » VIS - A - VIS DU
LOCAL
Les usagers du local viennent à celui-­‐ci très majoritairement par le « bouche à oreille » : les personnes savent qu’il y a ici des personnes pouvant les orienter, et d’autres compatriotes ont eu des bonnes expériences ; en somme, on connaît cette association, on en parle. Les retours par rapport au local sont globalement positifs, surtout parmi les personnes trans. Les propos de B., usagère fréquente, sont transposables à beaucoup d’autres personnes : « Il faut dire, la jeune femme fait bien son boulot. Miguel Ange, lui aussi, a aidé beaucoup de personnes ». K. : « Le jeune homme, le Mexicain, il est très aimable. Et l’autre personne à l’accueil [E.], au début j’ai eu 25 Olga L Gonzalez des problèmes avec elle, mais maintenant ça va très bien ». On se rappelle des démarches que l’on a pu réaliser ici. A. : « J’y ai obtenu mon AME ». K : « On m’a aidé avec le Pass Navigo ». Les usagers fréquents considèrent qu’en échange de l’attention reçue, il faut rendre quelque chose au local. Ainsi, B. dit : « C’est vrai que parfois les filles [les usagères trans M F] ne sont pas à la hauteur ». B. se réfère à la demande faite par T. [l’éducatrice spécialisée] à plusieurs usagères fréquentes, dans le sens d’assister aux ateliers de prévention. B. regrette que les « filles » ne viennent pas, pour « rendre un service » à T. En somme, la perception du local est positive, même si parfois les temps d’attente sont longs ou qu’il faut revenir dans l’après-­‐midi ou le lendemain parce que « l’assistante sociale est occupée ». Mais s’il y a des critiques, elles proviennent davantage des usagers non priorisés par le local. Car les personnes non trans savent bien que le local ne leur est pas destiné, or il y a un réel besoin d’obtenir des informations pour les démarches de tout type. Le Pasaje latino… L E PUBLIC PRIORITAIRE EST CIBLE ET PRIS EN CHARGE
Le local a une forte demande mais il essaye de se concentrer sur la population trans MF, laquelle est venue en France pour exercer la prostitution, et sur les personnes « ayant des comportements à risque » : ainsi, alors qu’un tiers des personnes se rendant au local sont des personnes trans MF, en termes de nombre de passages elles représentent plus de la moitié. Cette population avait déjà, avant d’arriver en France, de niveaux très élevés d’exposition au VIH. Par la suite, son parcours migratoire difficile, la difficulté de s’insérer dans d’autres champs d’activités, les conduites à risque rendent encore plus flagrant son niveau d’exposition au VIH. Passé le « filtre » de l’accueil, la majorité des personnes suivies par l’éducatrice spécialisée réussissent à obtenir l’AME ou la CMU (si elles sont régularisées), et les personnes séropositives bénéficient d’un suivi médical complet (prise en charge de 100% pour les soins, mise à disposition du réseau hospitalier, spécialistes -­‐proctologue, endocrinologue…) et d’un soutien institutionnel important (comme le PILS, Plateforme Interassociative pour le Logement Sida). Les aspects à améliorer Le Pasaje latino connaît mal, et est mal connu, des initiatives hispanophones pour les migrants latino-­‐américains. Par ailleurs, on observe des phénomènes de segmentation, de baisse du nombre d’usagers et une faible représentation d’une partie du public priorisé. L E P ASAJE LATINO N ’ EST PAS CONNU PAR LES INITIATIVES D ’ OUVERTURE DE DROITS POUR
LES MIGRANTS
26 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez Comme on a vu dans ce rapport, les églises catholiques et évangéliques hispanophones et certains consulats fournissent aujourd’hui l’essentiel de l’aide sociale aux migrants (notamment pour les usagers non prioritaires pour le Pasaje latino). Ces services ne connaissent pas, ou peu, le travail qui est effectué au Pasaje latino. Ainsi, l’existence du local a été connu à l’église de la Rue de la Pompe et à au Foyer « El paso » de Neuilly par le biais de cette recherche, et c’est aussi au cours de cette enquête que le Consulat de Colombie a repris connaissance du travail du local. La réciproque est également vraie : au Pasaje latino, on ignore le type de travail qui est effectué dans ces services. Il semble d’autant plus important de prendre connaissance de ceux-­‐ci qu’il s’agit d’institutions très présentes dans la vie des migrants. U NE SEGMENTATION DES USAGERS
Comme on a vu, même si la grande majorité des usagers sont des Latino-­‐
américains, qui plus est, des ressortissants des pays andins, la fréquentation du local est différente selon les nationalités et selon le niveau de risque. Ce dernier varie considérablement selon les pays ou région d’appartenance : les Péruviens et les Equatoriens sont davantage de personnes trans « ayant des comportements à risque », tandis que les Colombiens et les personnes provenant d’Espagne sont davantage une population constituée d’hommes et de femmes « non risque ». L’occupation du local est le fait, majoritairement, des Equatoriens, qu’ils soient en situation de risque ou pas. En revanche, une partie des usagers prioritaires (comme les Péruviens « ayant des comportements à risque ») viennent moins souvent au local. Les observations réalisées et l’examen de la base de données ne permettent pas de savoir pourquoi il existe une telle configuration. Il faudrait développer une enquête pour examiner (1) ce que l’on nous a dit concernant la plus faible présence de Colombiens trans MF (il y aurait peu de personnes trans exerçant la prostitution en France suite à l’élimination des nouvelles filières par les « anciennes »), (2) ce que l’on peut présumer par rapport à la forte présence des personnes Equatoriennes (par exemple : existe-­‐t-­‐il une filière migratoire depuis Guayaquil ?), enfin (3) si la population péruvienne ayant des comportements à risque se rend plutôt vers d’autres structures. U NE PARTIE DU PUBLIC PRIORITAIRE VIENT TRES PEU AU LOCAL
Comme on l’a vu, il existe une assiduité différenciée : un quart des usagers vient fréquemment au local (70 personnes viennent plus de 10 fois par an) ; à côté, environ la moitié des usagers n’y viennent qu’une fois par an,. 27 Olga L Gonzalez Parmi les personnes qui viennent très peu au local, il y a une part croissante de personnes ayant des comportements à risque. Ainsi, le comportement des personnes « ayant des comportements à risque » est le même que celui des « non risque » (55% ne sont venus qu’une seule fois) ; et les hommes « ayant des comportements à risque » ont plus tendance à faire un seul passage que les hommes « non risque », qui viennent donc plus souvent. Est-­‐ce qu’une partie des personnes « ayant des comportements à risque » ne retournent pas parce qu’elles n’ont pas des démarches à effectuer ? Ou est-­‐ce que ces personnes ne voient pas l’intérêt à s’y rendre, dés lors qu’elles ne sont pas contaminées ? Le Pasaje latino… Un difficile écueil: déviance et VIH Cette enquête a permis de mieux comprendre comment de multiples facteurs s’articulent chez les personnes trans MF issues des couches populaires : premiers élans sexuels dans un contexte de répression de l’homosexualité ; séparation stricte des genres ; l’inscription, à un jeune âge26, dans les règles de conduite d’un milieu fortement stigmatisé ; le mirage de l’émigration et l’assignation quasi exclusive au champ de la prostitution dans le pays d’accueil ; enfin le vieillissement (qui porte préjudice dans le milieu prostitutionnel), la résignation due au manque de perspectives ascendantes ; la perte d’attaches dans le pays d’origine ; les contacts quasi inexistants avec la population locale… Cet ensemble de facteurs fait de ces individus des déviants (au sens sociologique du terme). Aussi, le niveau très élevé de VIH parmi cette population, aussi bien dans le pays d’origine que dans le pays d’accueil, doit être analysé dans ce contexte plus général, et dans la continuité de mode de vie de personnes trans MF. La question est de quelle manière leur attitude par rapport aux infections et à la maladie (prise de risque, réticences par rapport au traitement –perçu comme trop invasif ou atteignant l’identité27, recherche active de l’infection) peut être modifiée. A notre sens, ni une réponse strictement médicale, ni une réponse strictement communautaire ne sont suffisantes. Contrairement aux stratégies des politiques publiques adoptées dans la lutte contre le VIH pour d’autres populations (chez les jeunes gays du Marais ou chez les usagers de drogues), une approche plus intégrale nous semble nécessaire. En effet, à notre sens la réponse des « entrepreneurs de morale » par rapport à des trajectoires déviantes devrait tenir compte du fait que, comme dit H. Becker, « il faut une défaillance des contrôles sociaux qui tendent habituellement à maintenir les comportements en conformité avec les normes et les valeurs fondamentales de la société pour 26 Negroni (2011) remarque que la décision de ne pas suivre l’assignation de sexe de naissance dans les milieux urbains d’Amérique latine intervient à un jeune âge dans les milieux populaires (chez les adolescents ou les adultes jeunes), tandis que parmi les couches moyennes il arrive plus tard. 27 La lipodystrophie, un effet secondaire du traitement antirétroviral, est source d’angoisses et de parfois de rejet des traitements. 28 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez qu'apparaisse un comportement déviant ». Prosaïquement dit, cela signifie que les comportements et attitudes par rapport à la maladie ne changeront en profondeur que si le milieu, lui même, est modifié par le contact avec d’autres milieux où le fait, par exemple, d’attraper volontairement la maladie, est sanctionné socialement. A notre sens, rompre l’isolement des personnes trans, essayer de faire en sorte qu’elles soient davantage en relation avec d’autres milieux (leurs compatriotes, les personnes trans françaises), leur donner la possibilité d’apprendre la langue française… ces différentes actions répercuteraient dans une modification de leurs systèmes de valeurs par rapport à la maladie et donc sur leur santé. Recommandations (pour le futur) : Pour les raisons évoquées plus haut, l’existence d’un local hispanophone destiné prioritairement aux trans MF, dans un contexte d’éclosion d’autres associations ciblant le même public, nous semble positif et nécessaire, mais insuffisant en termes de politique publique de lutte contre le VIH. Afin d’avoir une approche plus sociologique par rapport aux spécificités de cette population, nous avons élaboré des recommandations concrètes : nous les déclinons ici en actions que le local pourrait mener seul, et en actions que le local pourrait mener avec d’autres structures. R ECOMMANDATIONS A METTRE EN PLACE PAR LE P ASAJE LATINO
Dans le court terme : • Améliorer la collecte et la saisie des données Pour avoir été souvent au local et vu sa dynamique, nous savons que le travail de saisie n’est pas facile (parmi les raisons : l’affluence importante certains jours ; la nécessaire confidentialité et la difficulté de poser certaines questions ; la diversité des demandes ; l’évolution des cas de figure au fil du temps…). Tout en tenant compte de ces difficultés, il nous semble indispensable d’améliorer et de mettre en valeur le travail de saisie. Comme il s’agit d’un sujet relativement technique, nous faisons les remarques relatives aux actuels problèmes de saisie des données directement dans l’Annexe (disponible dans la version longue de ce rapport). • Bien définir le rôle de l’animatrice de prévention, en lui donnant un rôle plus actif. Les deux animatrices de prévention ont exprimé une certaine déception ou amertume par rapport à des aspects de leur travail. M., animatrice de prévention jusqu’à décembre 2015, a ouvertement exprimé le manque de motivation, « sentir que je distribue des préservatifs uniquement ». E., quand à elle, affirmait « au moins ici, aujourd’hui je fais quelque chose », un jour où l’éducatrice 29 Olga L Gonzalez spécialisée n’était pas là et qu’elle préparait le matériel (les sachets de préservatifs et le gel) et répondait aux questions des personnes. Toutes les deux aiment sentir que le travail qu’elles font est utile, nécessaire. Elles aiment avoir certaines responsabilités. Ainsi, E. aime pouvoir orienter les personnes dans certaines démarches. Quand l’affluence est importante, et que T. [l’éducatrice spécialisée] ne peut pas accueillir tout le monde, elle prend plus facilement des initiatives. Ce poste est très important pour la collecte des données, pour établir un contact avec les usagers, pour les orientations qui de fait y sont réalisées. Il faudrait cerner plus précisément les tâches, les mettre en valeur, encourager les formations. • Dynamiser les ateliers Parmi les activités régulières du local, et dirigées vers les personnes trans, existent notamment les ateliers. Organisés au cours de l’année sur des thématiques liées à la santé, « ils sont obligatoires », m’explique T. [l’éducatrice spécialisée], « à raison d’un par mois ». Ils se veulent un espace de convivialité, et d’échange. D’après nos observations et échanges, ils pourraient être plus dynamiques, leur contenu pourrait être plus varié, et on pourrait intégrer les demandes des usagers. A présent, ils sont ciblés autour des IST (mais le sujet, très souvent traité, ne génère pas le grand enthousiasme des usagers28). En revanche, nous avons observé que la convivialité autour d’une tarte ou d’une boisson est très apprécié (c’est une composante très importante des ateliers et une forme de garantir un minimum de présence). Rappelons que pour plusieurs usagers du local, ce genre d’espaces est un des rares moments de partage en dehors de leur quotidien ou de leur logement. La question qui se pose est double : comment assurer une plus grande fréquentation et une participation plus active des usagers ? Dans les autres associations, les ateliers ou conférences autour du thème du travail ont attiré beaucoup de public (en revanche, c’étaient des réponses concrètes que les personnes voulaient, des possibilités d’insertion concrètes et non de vagues pistes –présentation de Pôle Emploi, etc.). Les usagers ont des demandes (au-­‐
delà des questions ponctuelles traitées avec l’assistante sociale) qu’ils ne formulent pas (malgré l’installation d’une boîte à idées, loin de leurs pratiques29). Durant l’enquête de terrain, on m’a demandé quelles possibilités existaient dans le monde du travail et, plus largement, quelles possibilités existaient pour avoir une activité, remplir ses après-­‐midi, y compris en tant que bénévoles. Peut-­‐être Le Pasaje latino… 28 Il semblerait qu’il y a quelques années, quand les IST étaient moins connues des usagers, il y avait un plus grand intérêt à cet égard. Et signalons que des femmes en ont été particulièrement reconnaissantes. D., usagère du local, disait à M., animatrice spécialisée : « Je remercierai toute ma vie ce que j’ai appris ici concernant les maladies vénériennes. Je voudrais apprendre tout cela et le raconter aux femmes péruviennes, là-­‐bas ». 29 Le rapport de cette population avec le monde de l’imprimé et de l’écrit est distant. Durant mon temps d’observation, je n’ai pas vu ces personnes consulter les brochures ou dépliants. 30 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez serait-­‐il possible de réfléchir à combiner ces éléments, travailler en amont avec des associations de réinsertion pour l’activité, tout en pérennisant la pratique des repas conviviaux ? Il existe certainement des associations qui pourraient être intéressantes pour ce public. A moyen terme : Un(e) deuxième animateur (trice) à l’accueil Durant une bonne partie de l’observation sur le terrain, l’accueil était assuré par deux personnes (E. et W.). L’ambiance au local, les retours du personnel ont été alors très positifs : lui, plus familiarisé avec la langue française et avec les outils informatiques, elle, plus familiarisée avec les démarches administratives, tous les deux se complétaient bien. Les usagers trouvaient des réponses à leurs demandes, T. [l’éducatrice spécialisée] dans son bureau pouvait s’occuper des personnes plus calmement. Avoir une deuxième personne à l’accueil (animateur ou animatrice), même si elle n’est pas là tous les jours, semble une bonne idée, d’autant plus qu’elle peut former l’animatrice de prévention pour qu’elle soit plus autonome, sache mieux manier les outils informatiques et la base de données. • Développer une coopération avec d’autres associations pour réaliser des activités sur place Dans le but de favoriser le mélange des populations issues de différents milieux et de rompre la dynamique d’isolement des personnes trans, il est possible d’envisager une coopération avec d’autres associations pour réaliser des activités diverses. Nous songeons à des cours de français (c’est un besoin réel pour les trans et une demande récurrente), et à des activités telles qu’un vidéoclub, ou des ateliers proposant des activités pratiques. Pour établir cette coopération, il faudrait tirer les leçons du partenariat avec La Union durant les premières années, et ne pas répéter les mêmes erreurs. Les champs de compétence et d’action de chaque institution devraient être clairement définis, les règles d’utilisation du local bien circonscrites (entre autres, il faudrait définir des profils d’usagers différents pour l’utilisation de l’ordinateur). Enfin, la présence de bénévoles pourrait dynamiser la vie au local et enrichir les relations sociales des personnes trans. •
A METTRE EN PLACE PAR LE P ASAJE LATINO ET PAR D ’ AUTRES INSTITUTIONS
Cette section propose des pistes de partenariat qui pourront être développés par le Pasaje latino avec d’autres institutions intéressées par le sujet (financeurs, monde associatif, consulats, partenaires publics ou privés…). Etant donné qu’il faut définir préalablement le cadre de cette coopération, nous n’envisageons ces actions que dans le moyen terme. 31 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez A moyen terme : • Améliorer la coordination inter-­‐associative pour les personnes trans Comme on a vu, les différentes associations travaillant en prévention du VIH chez les personnes trans latino-­‐américaines n’ont pas d’étroits contacts ; au contraire, les rivalités du passé et les jalousies du présent l’emportent sur les idées de collaboration. Au-­‐delà des cas possibles de personnes ayant réalisé les mêmes demandes (la question des « doublons ») se pose la question des stratégies conjointes pour réduire le niveau de transmission du VIH. Il nous semble indispensable qu’il existe des réunions périodiques inter-­‐
associatives. Dans le moyen terme, il faudrait favoriser des espaces pour apprendre et contraster les expériences. • Améliorer la coordination inter-­‐associative pour les personnes non trans Comme on l’a vu, à ce jour il n’existe pas de grande association non religieuse qui prenne en charge les migrants latino-­‐américains ; il existe un réseau institutionnel important pour les personnes trans, en raison de leur niveau d’exposition au VIH. Néanmoins, le local et les églises ont une grande demande de personnes non trans. Il faudrait améliorer la connaissance du réseau associatif, à l’heure actuelle quelque peu éparpillé, pour y diriger les personnes non trans hispanophones. Signalons que très souvent les besoins de ces deux populations sont similaires (démarches administratives, besoin d’écrivain public, besoin d’écoute). L’expérience d’associations ayant travaillé avec les migrants, comme Migrations Santé, pourrait inspirer des formes d’organisation et d’action. • Une Maison pour tous les migrants latino-­‐américains Dans une stratégie de santé globale et d’insertion sociale, il nous semble souhaitable qu’il n’existe pas une séparation aussi nette entre la population trans et la population non trans. Est-­‐il envisageable, à moyen terme, de mettre en place une Maison pour tous les migrants latino-­‐américains ? Ce type de structure proposerait un suivi social, un service d’écrivain public, la délivrance de conseils médicaux, une écoute psychologique, des activités culturelles, des ateliers pratiques… Des professionnels (assistantes sociales, présence ponctuelle d’un médecin, animateurs), des bénévoles, des stagiaires, des responsables associatifs lui donneraient vie. Ce serait un lieu mixte où seraient représentées les différentes nationalités, provenant de milieux sociaux différents. Il y aurait une présence d’étudiants (stagiaires, bénévoles), de personnes trans, de migrants économiques, de réfugiés… 32 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez A l’image d’un lieu comme la Cité Universitaire, cette structure serait financée en partie par les gouvernements d’origine. Outre les services sociaux et médicaux cités, il faudrait faire en sorte que des activités sociales communes y soient réalisées (apprentissage de la langue française, vidéo-­‐clubs, conférences, ateliers pratiques). • Travailler les outils de prévention en direction des clients La prévention par rapport au VIH devrait concerner également les clients des personnes prostituées. Arcat pourrait envisager de réaliser des partenariats avec des associations qui travaillent en direction des clients pour travailler en prévention, réaliser des campagnes pour le port du préservatif et pour le dépistage en direction des clients des personnes trans MF. 33 Le Pasaje latino… Olga L Gonzalez Ouvrages cités Aides, “Migrant/étranger vivant en France : Ma santé et mes droits”, 2014. Alessandrin, Arnaud, « Du « transsexualisme» à la « dysphorie de genre » : ce que le DSM fait des variances de genre », Socio-­‐logos. Revue de l'association française de sociologie [En ligne], N°9, 2014, mis en ligne le 29 avril 2014. URL : http://socio-­‐logos.revues.org/2837 Amaro Quintas, Ángel Manuel, “Triplemente vulnerabilizadas: prostitutas, inmigrantes y transexuales. Vulnerabilidad en la salud, servicios de salud y contexto/s”, Universidad de Alicante, IUDESP, Vicerrectorado de Investigación, 2010. URL: http://193.145.233.67/dspace/handle/10045/14020 Aparicio, Rosa ; Giménez, Carlos, « Análisis y Diagnóstico de la Situación de la Colonia Colombiana en España », Travail réalisé par les Universités Comillas et Autónoma de Madrid avec le soutien de l’Ambassade de Colombie, 2002. Asociación Siluetas, “Descriptivo de los factores influyentes, en la incidencia del VIH y discriminación de las trans femeninas en la costa ecuatoriana durante el 2012”, con el apoyo de la Facultad de ciencias psicológicas de la Universidad de Guayaquil, 2013. Becker, Howard, Outsiders: études de sociologie de la déviance, Paris, A.-­‐M. Métailié, 1985. Camacho, Margarita, “Cuerpos en tránsito: trans-­‐vestis latinoamericanas en Barcelona. ‘Europa me ha dado todo y me ha quitado todo’”, p. 83-­‐97, CIDOB edicions, Barcelona, 2015. URL: https://www.cidob.org Dejean, Frédéric « Visibilité, reconnaissance et enjeux identitaires: Visibilité et invisibilité des églises évangéliques et pentecôtistes issues de l’immigration : une quête de reconnaissance », e-­‐
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