Numéro 004 -‐ Septembre 2015 Volume 1

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Université de Ouagadougou
--------------École Doctorale Lettres, Sciences Humaines et Communication
-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐ Laboratoire d’Études et de recherches sur les Milieux et les Territoires
(LERMIT)
--------------
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou
-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐-‐ Numéro 004 -‐ Septembre 2015 Volume 1
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, Numéro 04, Sept. 2015, Vol. 1
i
R-G-O
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou
R-G-O est une revue scientifique annuelle. Éditée et diffusée par le Laboratoire
d’Études et de recherches sur les Milieux et les Territoires (LERMIT), elle est dotée
d’un comité scientifique. Les numéros sont publiés soit en version papier, soit en ligne,
soit enfin les deux à la fois.
Les opinions émises dans les articles n’engagent que leurs auteurs. La revue n’est pas
responsable des manuscrits qui lui sont confiés et se réserve le droit d’y opérer des
modifications, pour des raisons éditoriales
ii
UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU
--------------------École doctorale Lettres, Sciences
Humaines et Communication
----------------Laboratoire d’Études et de
Recherches sur les Milieux et
Territoires (LERMIT)
Burkina Faso
-----------Unité - Progrès - Justice Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou (RGO)
Directeur de publication : Professeur ZOUNGRANA Tanga Pierre
Rédacteur en chef : Professeur OUEDRAOGO François de Charles
Comité scientifique
- AKIBODE Koffi Ayéchoro, Professeur, Université de Lomé
- ALOKO-N’GUESSAN Jérôme, Directeur de recherche, Univ. Cocody, Abidjan
- BOKO Michel, Professeur, Université d’Abomey-Calavi, Cotonou
- BOUZOU MOUSSA Ibrahim, Professeur, Université Abdou Moumouni, Niamey
- HOUSSOU Segbè Christophe, Professeur, Université d’Abomey Calavi
- OUEDRAOGO François de Charles, Professeur, Université de Ouagadougou
- TCHAMIE Thiou Tanzidani Komlan, Professeur, Université de Lomé
- ZOUNGRANA Tanga Pierre, Professeur, Université de Ouagadougou
- AMADOU Boureima, Professeur, Université Abdou Moumouni, Niamey
Comité de lecture
-‐ OUEDRAOGO François de Charles (géographie de la santé),
-‐ ZOUNGRANA Tanga Pierre (géographie, aménagement et SIG),
-‐ DIPAMA Jean-Marie (géographie, environnement, SIG & Télédétection),
-‐ YAMEOGO Lassane (géographie rurale),
-‐ LOMPO Olivier (géographie et environnement)
Conseil scientifique
-‐ IGUE O. John (géographie économique, Cotonou)
-‐ MENGHO Maurice Bonaventure (géographie humaine, Brazzaville)
-‐ SAMBA-KIMBATA Joseph Marie (climatologie, Brazzaville)
-‐ SOME P. Honoré (géographie rurale et télédétection, Ouagadougou)
iii
SOMMAIRE
KOFFIÉ-BIKPO Céline Yolande et ADAYE Akoua Assunta :
Géographie des conflits fonciers dans la région du Bas-Sassandra, en
Côte d’Ivoire …………………………..……………………………….
1
GBESSO François G. H., AKOGNONGBE Arsène J. S. & VISSIN
Expédit W. : Contamination de Tilapia guineensis par le cadmium dans
le chenal de Cotonou……………………………………………………... 23
ALOKO-N’GUESSAN Jérôme & BOSSON Eby Joseph : Étude
géographique du système sanitaire de Côte
d’Ivoire………………………………………………………………….... 43
AZONHE Thierry : Paramètres climatiques et infections respiratoires
aigües dans la ville de Parakou..…………………………………………
61
TRAORE Issouf, SIE Ali, YE Maurice, OUEDRAOGO François de
Charles, KAPPAS Martin : Impact de la logique paysanne de léspaceassainissement sur la demande de latrines familiales dans la vallée du
Sourou, nord-ouest du Burkina Faso…………………………………….. 75
VODOUNOU K. Jean Bosco : La dynamique urbaine de Parakou au
moyen des images satellitaires Landsat……………………………….….
97
KADOUZA Padabô : Croissance urbaine et mutations agricoles autour
de la ville de Kara, au Nord-Togo…………….......................................... 119
ADO SALIFOU Arifa Moussa : Le rôle des acteurs locaux dans la
résistance des territoires face au processus de décentralisation, dans la
commune de Guidimouni, au Niger……………………………………… 135
YAO BELI Didier : La crise malienne et l’approvisionnement en bétail
et viande du marché abidjanais...…............................................................ 157
NGOUALA Mabonzo Médard, MBILOU Urbain Gampio, SAMBAKIMBATA Marie Joseph : Contribution des systèmes d’information
géographique et de la modélisation des écoulements à la connaissance de
l’aquifère côtier du bassin versant de la Loémé (Congo Brazzaville)........ 173
iv
IMPACT DE LA LOGIQUE PAYSANNE DE LÉSPACEASSAINISSEMENT SUR LA DEMANDE DE LATRINES
FAMILIALES DANS LA VALLÉE DU SOUROU, NORD-OUEST DU
BURKINA FASO
TRAORE Issouf (1), SIE Ali (1), YE Maurice (1), OUEDRAOGO François
de Charles (2), KAPPAS Martin (3)
(1) Centre
de Recherche en Santé de Nouna ;
de Ouagadougou ;
(3) Université de Göttingen, Allemagne
(2) Université
RESUME
La présente étude tente une cartographie de límpact de la logique paysanne
de léspace-assainissement sur la demande de latrines familiales. Le but de cette
étude est de fournir des informations utiles pour une meilleure promotion de
lássainissement en milieu rural. Un total de 4868 chefs de ménages ont été enquêtés
dans 37 localités dans la Vallée du Sourou au Nord-ouest du Burkina Faso. Les
résultats indiquent que 1914 d’entre eux, avaient des latrines soit un taux global
dáccès à lássainissement familial de 39%. La cartographie de la demande de
latrines permet d’observer en général que les concessions situées au centre
disposaient plus de latrines que celles qui sont construites à la périphérie.
L´établissement humain (dougou, en langue jula), dans la logique paysanne, est vu
comme un super-espace composé de deux espaces: le centre dougoukôno) et la
périphérie (banankô). Chaque espace-assainissement correspond à des utilisateurs
privilégiés. Les projets de promotion de l’assainissement et de l’hygiène devraient
tenir compte de la complexité des changements comportementaux, des facteurs
culturels, de lénvironnement de l´établissement humain, des facteurs
démographiques et bien entendu, la pauvreté qui alimentent la logique paysanne de
léspace-assainissement et influencent de ce fait, la demande de latrines familiales
dans un contexte rural.
Mots clés : latrines, assainissement, logique paysanne, espace, vallée du Sourou,
Burkina Faso
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°04, Sept. 2015, Vol. 1
75
IMPACTS DE LA LOGIQUE PAYSANNE DE L’ESPACE SUR LA DEMANDE DE LATRINES AU SOUROU
ABSTRACT
Impact of the peasant philosophy of space-sanitation on the demand for familial
latrines in the Sourou Valley, North-west of Burkina Faso
The present study tried to map the impact of the peasant philosophy of the spacesanitation on the demand for familial latrines. The goal is to provide useful
information to better promote the sanitation in rural area. For that 4868 compounds
were surveyed in 37 settlements in the Sourou Valley, North-western Burkina Faso.
Results showed that 1914 had latrines i.e., a global rate of access to sanitation of
39%. The mapping of the demand for latrines showed access rate that in general
compounds at the center had more latrines than those at the peripheral area.
According to the peasant philosophy, the settlement (dougou, in local language jula)
is seen as a super-space composed by two spaces: the center (dougoukônô) and the
periphery (banankô). To each space-sanitation fit privileged users. Projects
promoting hygiene and sanitation should take into account the complexity of
behavioral changes, cultural factors, the environment of the settlement, demographic
factors and the poverty that feed the peasant philosophy of space-sanitation and
influence the demand for familial latrines in a rural context.
Key words: latrines, sanitation, peasant philosophy, space, Sourou valley, Burkina
Faso
INTRODUCTION
Selon le document de Politique et Stratégie Nationales
d’Assainissement (PSNA), l’assainissement au Burkina Faso peut être défini
comme un ensemble d’actions permettant d’améliorer les conditions de vie et
d’habitat des populations, de préserver leur santé et de protéger les ressources
naturelles. Il ne consiste donc pas seulement à la fourniture d’ouvrages, mais
aussi à la mise à disposition de services dans un contexte social, institutionnel
et financier adéquat (MECV, 2007). Lássainissement est un concept
transversal prenant en compte la collecte, la conservation, l’enlèvement et la
réutilisation/recyclage sûrs des excrétions humaines (matières fécales et
urine), la gestion/réutilisation/recyclage des déchets solides (ordures), la
collecte et gestion des déchets industriels, la gestion des déchets dangereux
(dont les déchets hospitaliers, chimiques, radioactifs et autres substances
dangereuses) (Evans, 2005).
L’assainissement qui est essentiel à la santé, contribue à la dignité et
au développement social, protège l’environnement et génère des bénéfices
76
TRAORE ISSOUF, SIE ALI, YE MAURICE, OUEDRAOGO FRANÇOIS, KAPPAS MARTIN
économiques (UN WATER, 2008). Un meilleur assainissement réduit les
schistosomiases, le trachome, les helminthiases, le choléra, les diarrhées, la
pneumonie et la malnutrition, entre autres, qui provoquent des maladies et la
mort de millions de personnes (Grisorio et al., 2005 ; Poda et al., 2006 ;UN
WATER 2008). Aujourd'hui, 2,6 milliards de personnes, parmi lesquelles
près d'un milliard d'enfants, vivent sans accès à un assainissement de base.
Toutes les 20 secondes, un enfant de moins de cinq ans meurt des suites d'un
assainissement médiocre. Cela signifie 1,5 million de décès pouvant être
évités chaque année (UN WATER, 2008). La prise de conscience de
l’importance de l’assainissement pour le développement humain a
véritablement émergé dans les années 1990 avec la décennie internationale de
l’eau potable et de l’assainissement et le Sommet mondial sur
l’environnement et le développement à Rio en 1992. Elle a été renforcée lors
du Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg en 2002.
L’assainissement a été intégré aux Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD) et plus spécifiquement à l’OMD 7, Cible 10, qui vise
à réduire de moitié « d’ici 2015, la proportion des personnes n’ayant pas
d’accès durable à de l’eau potable et à un assainissement de base »
(OMS/UNICEF, 2004).Sans amélioration de l'assainissement, aucun des
autres Objectifs du Développement Durable (ODD) auxquels le monde s'est
engagé ne sera atteint à l´échéance de 2030.L’adoption de la stratégie
nationale du sous-secteur de l’assainissement en 1996 a constitué un fait
majeur dans le développement de l’assainissement au Burkina Faso. Pour la
première fois, un document de référence consacrait le point de départ d’un
développement réel de l’assainissement, concrétisant une volonté politique
des autorités nationales. Il a été demandé à tous les projets et programmes de
développement d’intégrer cette dimension dans leurs activités (DGAEUE,
2011).
Quoique le terme « assainissement » couvre un secteur bien large
dáctivités, celui-ci s’insère dans le cadre de cet article, dans la logique de
l’assainissement, qui incorpore la gestion des excrétions humaines par
lútilisation de latrines autonomes (TEARFUND, 2007). Il est important que
chaque concession ait des latrines propres et entretenues pour disposer les
matières fécales et éviter les maladies quélles peuvent transporter. Le
Burkina Faso comptait en 2006 plus de 14 millions d’habitants, dont près de
80 % en milieu rural pour lesquels le taux d’accès à un système
d’assainissement amélioré était de 6 % (OMS/UNICEF, 2008). Selon les
chiffres officiels fournis par le document de Programme National
dÁpprovisionnement en Eau Potable et Assainissement à l´horizon 2015
(PN‐AEPA-2015) (DGRE, 2006), la couverture en 2005 en milieu rural, était
estimée à 10 % en considérant qu'une partie des latrines "traditionnelles"
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°04, Sept. 2015, vol. 1
77
existantes, appartenant à environ 20 % des ménages, remplissent les critères
de sécurité, d'utilisation effective et de pérennité. Le taux d’accès à un
assainissement amélioré en milieu rural, quelle que soit la source retenue, ne
dépassait pas 10 % en 2006, alors qu’il était de 2 % en 1990 (Eau Vive,
2010). Selon le rapport de lénquête nationale sur láccès des ménages aux
ouvrages dássainissement familial, la défécation à l’air libre est la pratique la
plus répandue dans le pays et cela concerne 6 ménages sur 10 (DGAEUE,
2011).
Ces statistiques montrent que la progression du taux d’accès à
lássainissement est très lente, malgré les campagnes de sensibilisation et de
promotion des latrines familiales menées par de nombreux programmes
depuis deux décennies. L’assainissement en milieu rural, malgré lábsence
d’obstacle apparent, ne progresse pas suffisamment. Lóbjectif général de la
présente étude est dáppréhender les raisons de la faible demande de latrine
familiale en milieu rural ; il en résulte un objectif spécifique, celui de voir si
cette demande répond à une logique spatiale. Le but est de fournir des
informations utiles pour une meilleure promotion de lássainissement en
milieu rural.
1. APPROCHE METHODOLOGIQUE
Afin de mieux cerner les multiples facettes de límpact de la logique
paysanne de léspace - assainissement sur la demande de latrines familiales,
cette étude descriptive et transversale sést appuyée sur une approche
quantitative et qualitative. La démarche méthodologique inclut le choix du
site d´étude, la méthode de collecte de données quantitative et qualitative, la
méthode dánalyse des données collectées sur le terrain.
1.1. Site de l´étude
La présente étude est menée dans la Vallée du Sourou, au nord-ouest
du Burkina Faso (Figure 1). Le site d´étude, la vallée du Sourou, représentée
par la figure 1, couvre une superficie de 884 km2 et comporte 37 localités. Il
correspond à une zone humide par excellence, drainée par la rivière Sourou.
Cet espace dispose de nombreuses potentialités agricoles (Bethemont et al.,
2003 ; Karthe et al., 2011). Celui-ci connaît depuis 1976, une série
dáménagements hydro-agricoles à grande échelle dont la dernière date de
2014 (Cissé, 2000 ; Traoré, 2013). La vallée, suite à l’irrigation de
périmètres, a accueilli de nombreux colons agricoles recrutés sur lénsemble
du territoire national (Cissé, 2000 ; Karthe et al., 2011 ; Traoré, 2013). Elle
est devenue un pôle dáttraction et les mouvements de population en ont fait
une zone mixte dún point de vue géographique, ethnique, culturel et
économique. Cést dans cette bande de 7 km de part et dáutre de la rivière
Sourou que les données de terrain ont été collectées.
78
Figure 1: Localisation du site d´étude
79
1.2. Collecte de données
-
Collecte de données quantitatives
La première étape a consisté en un inventaire complet des concessions
par la méthode de porte-à-porte. Selon lÍnstitut National de la Statistique et
de la Démographie (INSD), la concession est définie comme étant une unité
d'habitation formée par une ou plusieurs constructions entourées ou non par
une clôture, où habitent un ou plusieurs ménages (INSD, 2009). La
concession peut également comporter en milieu rural, un ensemble de
constructions clôturées autour duquel existent une ou plusieurs maisons
d'habitation dont les occupants déclarent appartenir à l'ensemble clôturé
(ibidem). Au cours de cet inventaire, effectué du 2 au 28 mars 2011, la
présence/absence de latrine familiale a été renseignée et les concessions géolocalisées à láide dún récepteur portatif de GPS (système de positionnement
global). Le nombre de personnes vivant dans la concession a été également
recensé.
-
Collecte de données qualitatives
La deuxième étape de la collecte des données a consisté en des
interviews auprès des chefs de ménage pour recueillir les raisons de la
présence/absence de latrine dans la concession. Les interviews ont été
réalisées suivant un pas de 5 pour les concessions détentrices de latrine et un
pas de 7 pour les concessions n’en disposant pas. Elles ont concerné un total
de 383 chefs de ménage avec des latrines et 422 chefs de ménage trouvés
sans latrine.
Lénsemble des données collectées sur le terrain ont été saisies et un
contrôle de qualité a été effectué avant leur analyse.
1.3. Analyse des données
-
Calcul du taux dáccès à lássainissement familial
Le taux d’accès à l’assainissement familial 1 a été calculé selon la
formule du PN-AEPA-2015 (DGRE, 2006). Le test du Chi2 de Pearson a été
fait avec le logiciel STATA pour mesurer l’influence de la distribution des
concessions sur la demande de latrines familiales (King, 1969).
-
Calcul des proportions (%) par raison justificative de la
présence/absence de latrines familiales dans les concessions
Seuls les entretiens complets ont été analysés soit 375 pour les
concessions trouvées sans latrine et 359 pour les concessions détentrices de
latrines. Ainsi pour une raison donnée, la proportion est égale au nombre de
1
Ce taux est obtenu en rapportant le nombre de concessions/ménages qui ont accès à
l’assainissement familial au nombre total de concessions/ménages.
80
chefs de ménage ayant avancé la même raison divisé par le nombre total de
concessions interviewées avec succès, multiplié par 100.
-
Mesure de la distribution géographique des latrines familiales
Les statistiques spatiales pour la mesure de la distribution
géographique des latrines familiales dans les localités d´étude ont été
obtenues automatiquement par léxécution de commandes appropriées à
láide dún système dínformation géographique (SIG) (Scott & Janikas,
2010). La commande de la distance standard (SD) permet au logiciel ArcGIS
10 de calculer un rayon unique par localité d´étude en fonction de la
concentration ou dispersion des concessions autour du centroїde (Lefever,
1926 ; Scott & Janikas, 2010). La valeur de la SD représentée sur une carte,
donne un cercle. Quant à la commande de léllipse de déviation standard
(SDE), elle permet à ArcGIS 10 de calculer deux rayons (un petit et un
grand) par localité d´étude en prenant en compte la tendance centrale, la
dispersion et la direction tendancielle des concessions (Lefever, 1926 ; Scott
& Janikas, 2010). Les valeurs du SDE, représentées sur une carte, forment un
ellipsoïde. Ainsi, il est possible de comparer statistiquement les taux dáccès
à lássainissement entre les concessions à líntérieur et à léxtérieur des
polygones SD et SDE. La commande dáuréole (buffer) à multiples anneaux,
a été utilisée pour créer des anneaux concentriques de 250 m chacun pour
mesurer la friction ou diminution de límplantation de latrine au fur et à
mesure que lón s´éloigne du centroїde. Une lecture des données laisse
apparaître une importante extension géographique des concessions. Celle-ci a
été observée dans trois localités (Di, Gouran et Niassan) avec des concessions
situées à plus de 1500 m du centroїde. Il a fallu dáilleurs neuf anneaux de
250 m chacun pour couvrir la totalité des concessions à Gouran. Par contre
dans quatre localités (Bantombo, Bissan, Bouna et Kouri), la totalité des
concessions sont situées dans un rayon de 500 m du centroїde. Finalement,
pour mieux mesurer la friction de l’implantation de latrines au fur et à mesure
que l’on va vers la périphérie du village, trois bandes de distance ont été
comparées : 0 à 250 m, 250 à 1000 m et 1000 à 2500 m du centroїde des
concessions.
2. RESULTATS
Les données quantitatives ont permis de faire le point de la
distribution de la population par localité d’étude ; de mesurer l’accès à
l’assainissement familial et la distribution des latrines autour du centroїde des
concessions. Les données qualitatives ont permis de mettre en relief les
raisons de l’absence et de demande de latrines dans les concessions. La
81
cartographie de la logique paysanne de l’espace-assainissement a été rendue
possible en combinant les résultats des données quantitatives et qualitatives.
2.1. Distribution de la population par localité d´étude
La figure 2 est l’expression du résultat du recensement de la
population qui s’est déroulée du 2 au 28 mars 2011, soit un total de 51.540
habitants pour lénsemble des 37 localités d´étude.
Figure 2: Distribution spatiale de la taille de population par localité d´étude
Source: Données de terrain, mars 2011
Il apparaît, sur la base de l’analyse des données de la figure 2, que 4
des 37 localités ont plus de 3.000 habitants et 17 d’entre elles, ont moins de
500 habitants. Les valeurs extrêmes de populations varient de 8.282 habitants
pour Guièdougou à 40 habitants pour Yayo-Koura.
2.2. Accès à lássainissement familial
Les taux dáccès à lássainissement des concessions par localité
d´étude sont présentés dans la figure 3.
82
Figure 3: Taux dáccès à lássainissement des concessions par localité
Source : Données de terrain, mars 2011
La structuration de la figure 3 permet, dans un premier temps, de
distinguer trois groupes de localités d´étude. Le premier groupe se compose
de 10 localités dans lesquelles aucune des concessions ne dispose de latrine à
la date de lénquête. Le deuxième groupe comprend 20 localités qui ont des
taux d’accès à l’assainissement familial inférieurs à 50%. Le troisième
groupe concerne 7 localités dont au moins la moitié des concessions dispose
de latrines. Sur les 4.868 concessions inventoriées, 1.914 disposent des
latrines, soit un taux global dáccès à lássainissement familial de 39%.
La figure 3 donne, dans un deuxième temps, une idée de la proportion
de population vivant dans les concessions sans latrine. Les pourcentages
extrêmes vont de 100% pour les 10 villages sans latrines à 13% pour Badala.
Un total de 26.637 personnes sont dénombrées comme appartenant aux 2.954
concessions sans latrines familiales, soit 51,7% de la population totale. Les
effectifs extrêmes de population vont de 2.925 personnes pour la localité de
Niassan à 18 personnes pour celle de Badala.
2.3. Raisons de l’absence de latrines familiales dans les concessions
L’absence de latrine, observée auprès des 375 personnes interrogées,
s’explique par l’évocation de 22 raisons. La figure 4 présente les 10
premières raisons de la non construction de latrines familiales dans la zone
d´étude.
83
Figure 4: Raisons de non demande de latrines familiales
Une lecture des données de la figure 4 laisse apparaître que 56% des
concessions attribuent lábsence de latrine à leur état de pauvreté. La
deuxième raison qui sous-tend cette option est avancée par 10% des
concessions dont les chefs de ménage considèrent qu’ils sont « proches de la
nature ». Les personnes qui résident dans 9% des concessions, expriment leur
aisance à déféquer dans la nature.
Les 359 concessions enquêtées ont avancé un total de 38 raisons pour
soutenir l’option en faveur d’un accès à l’assainissement familial. La figure 5
présente les 10 raisons les plus fréquemment citées pour justifier la
construction d’une latrine familiale dans les concessions.
84
Figure 5: Motifs de demande de latrines familiales
Les données de la figure 5 montrent que de toutes ces raisons,
l’éloignement des concessions familiales de la nature est perçu comme une
contrainte qui détermine 18% des concessions à entreprendre la construction
de latrines familiales. Le respect dû aux personnes âgées intervient dans 10%
des concessions en faveur de cette option salutaire. Il en est de même pour
10% des concessions pour qui, l’amélioration de l’hygiène de vie vue sous
l’angle de la « protection contre certaines maladies », est une des raisons
potentielles.
2.4. Distribution spatiale des latrines familiales
Le nombre moyen de latrines familiales par quartier varie entre 0,3 à
Soro et 89 à Guièdougou. La figure 6 présente les statistiques de línfluence
du quartier sur la disponibilité de latrines familiales dans les concessions. Les
localités d´étude son rangées dans l’ordre croissant, selon la valeur du Chi
carré de Pearson. Les villages formés dún seul quartier ne sont pas
représentés dans la figure 6 puisqu’il faut a priori, au moins deux quartiers
pour exécuter la commande du Chi carré.
85
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Niassan
Guièdougou
Di
Débé
Gouran
Sono
Nion
Toumani
Lô
Yaran
Oué
Leri
Bouna
Illa
Benkadi
Lanfièra
Bissan
Soro
Koumbara
Kouri
Koubè
Bantombo
Zampana
Chi 2
Figure 6: Influence du quartier sur límplantation de latrines familiales par
localité d´étude
Localités d´étude (ordre décroissant selon la valeur du Chi 2)
Source : Données de terrain, 2011
Il est admis (figure 6) que línfluence du quartier sur la disponibilité
de latrines qui se fonde sur les valeurs du Chi carré de Pearson, est bien réelle
dans 5 localités (Gouran, Débé, Di, Guièdougou et Niassan) (p < 0,001).
Les tableaux I et II présentent les statistiques spatiales de la
distribution des latrines à líntérieur et à léxtérieur des polygones SD et
SDE. Les localités d´étude sont rangées par ordre alphabétique. La simulation
de l’effet de concentration des latrines familiales à l’intérieur et à l’extérieur
des polygones SD et SDE par localité d’étude, a seulement tenu compte des
villages dáu moins 50 concessions ; ce qui apparaît sur les tableaux I et II.
Le tableau I montre que la valeur de la SD est unique à chaque
localité. Ainsi, les rayons varient entre 213 m à Kouri et 887 m à Niassan.
Lémplacement de la concession à líntérieur du polygone SD a
significativement influencé límplantation de latrines dans trois localités (Di,
Guièdougou et Sono) (p < 0,001). Dans deux villages (Bantombo et Gouran),
les valeurs de Chi carré de Pearson étaient nulles. Cela signifie que
lémplacement de la concession ná eu aucune influence sur la demande de
latrine familiale. Dans lénsemble, les concessions à líntérieur du cercle ont
implanté plus de latrines comparativement aux concessions situées à
léxtérieur du cercle. Les taux dáccès à lássainissement étaient de 45%
contre 36% (p < 0,001), respectivement.
86
Tableau I: Concentrations de latrines familiales à líntérieur et à léxtérieur
des polygones SD par localité d´étude
Localité
d´étude
Bantombo
Benkadi
Bissan
Bouna
Débé
Di
Gouran
Guièdougou
Illa
Koumbara
Kouri
Lanfièra
Léri
Niassan
Nion
Oué
Sono
Yaran
TOTAL
Rayon
223
343
285
268
561
610
650
609
360
299
213
259
321
887
424
439
445
258
-
NC
38
53
37
31
229
400
200
441
84
91
57
68
89
416
71
136
240
120
2801
Intérieur
NL
6
5
9
14
73
268
83
320
30
25
14
52
31
149
11
48
93
33
1264
%L
15,8
9,4
24,3
45,2
31,9
67,0
41,5
72,6
35,7
27,5
24,6
76,5
34,8
35,8
15,5
35,3
38,8
27,5
45,1
Extérieur
NC
NL %L
19
3
15,8
29
7
24,1
30
10 33,3
21
10 47,6
114
26 22,8
330 147 44,5
53
22 41,5
251 125 49,8
86
20 23,3
44
8
18,2
39
7
17,9
24
21 87,5
56
19 33,9
215
87 40,5
24
0
0,0
90
26 28,9
80
10 12,5
75
23 30,7
1580 571 36,1
Chi2
0,000
3,244
0,662
0,030
3,050
37,166
0,000
36,105
3,177
1,386
0,593
1,317
0,012
1,308
4,205
1,009
18,941
0,226
33,522
p
1,000
0,072
0,416
0,862
0,081
0,000
0,999
0,000
0,075
0,239
0,441
0,251
0,911
0,253
0,040
0,315
0,000
0,634
0,000
La friction de límplantation de latrine à mesure que l’on s´éloigne du
centroїde est observée dans 56% des localités d´étude (Tableau I).
Le tableau II montre que les valeurs de SDE sont uniques à chaque
localité. Dúne part, les petits rayons varient de 134 m à Benkadi à 551 m à
Gouran. Dáutre part, les grands rayons vont de 240 m à Kouri à 1185 m à
Niassan. Dans trois villages (Di, Guièdougou et Sono) lémplacement de la
concession à líntérieur du polygone SDE a été déterminant dans la demande
de latrine familiale (p < 0,001). Dans lénsemble, les concessions à líntérieur
de léllipsoïde ont implanté plus de latrines par rapport aux concessions à
léxtérieur de léllipsoïde. Les taux dáccès à lássainissement sont
respectivement de 46% contre 35% (p < 0,001). La friction de límplantation
de latrine à mesure que lón s´éloigne du centroїde est observée dans 78%
des localités d´étude (Tableau II).
87
Tableau II: Concentrations de latrines familiales à líntérieur et à léxtérieur
des polygones SDE par localité d´étude
Localité
d´étude
Bantombo
Rayons
Petit
Grand
162
270
NC
34
Intérieur
NL %L
6
17,6
Extérieur
NC NL %L Chi2
23
3
13,0 0,219
p
0,640
Benkadi
134
466
53
7
13,2
29
5
17,2
0,244
0,621
Bissan
216
340
38
10
26,3
29
9
31,0
0,180
0,671
Bouna
152
347
30
16
53,3
22
8
36,4
1,471
0,225
Débé
434
616
215
73
34,0
128
26
20,3
7,271
0,007
Di
491
710
400
261
65,3
330
154
46,7 25,456 0,000
Gouran
551
736
202
84
41,6
51
21
41,2
Guièdougou
328
797
419
307
73,3
273
138
50,5 37,175 0,000
Illa
334
384
93
31
33,3
77
19
24,7
1,521
0,217
Koumbara
248
342
94
25
26,6
41
8
19,5
0,776
0,378
Kouri
182
240
55
15
27,3
41
6
14,6
2,196
0,138
Lanfièra
149
334
64
49
76,6
28
24
85,7
0,996
0,318
Léri
287
353
86
28
32,6
59
22
37,3
0,347
0,556
Niassan
409
1185
357
141
39,5
274
95
34,7
1,541
0,214
Nion
351
485
69
10
14,5
26
1
3,8
2,091
0,148
Oué
362
505
134
49
36,6
92
25
27,2
2,186
0,139
Sono
392
493
233
91
39,1
87
12
13,8 18,522 0,000
Yaran
142
336
111
37
33,3
84
19
22,6
-
-
2687
1240
46,1
1694
595
35,1 51,874 0,000
TOTAL
0,003
2,681
0,958
0,102
La figure 7 montre le nombre total de concessions inventoriées pour
chaque niveau de distance ainsi que les taux d’accès à l’assainissement
familial correspondant. Il en résulte que plus de 43% des 1 044 concessions
de la zone d´étude situées au centre disposaient de latrines, contre moins de
40% pour les 305 concessions situées à la périphérie. Toutefois, cette
distribution nést pas très significative (Chi 2 = 1,99 ; p = 0,368).
88
Figure 7: Friction du taux d’accès à l’assainissement familial selon la
distance au centroїde des concessions
La figure 8 compare le taux d’accès aux latrines familiales des
concessions dans la bande 0-250 m et 250-1000 m du centroїde à l’échelle du
village. Sur les 18 localités concernées, 12 soit 67% ont une différence
positive ; contre 6 soit 33% pour lesquelles la différence est négative. Cela
prouve que dans la majorité des localités d’étude, le taux d’accès à
l’assainissement familial est plus élevé au centre qu’à la périphérie du
village.
89
Figure 8: Différences du taux d’accès à l’assainissement familial entre la
bande 0 - 250 m et 250 - 1000 m par localité d’étude
2.5. Logique paysanne de léspace-assainissement
A la lumière de ce qui précède, la philosophie paysanne de léspaceassainissement peut être schématisée (Figure 9). Rappelons que
l´établissement humain (dougou en langue nationale jula) s’identifie à un
super-espace lui-même composé de deux espaces du point de vue de
lássainissement : le centre (dougoukôno) et la périphérie (banankô).
Léspace central comporte par ailleurs, deux sous-espaces-assainissement,
líntérieur de la concession (koukônôna) et le dehors (kènèma) ou
léxtérieur/alentours de la concession. La latrine est implantée dans la
concession et matérialisée ici par le point carré noir (Figure 9).
90
Figure 9: Schématisation de la logique paysanne de léspace-assainissement
Chaque espace-assainissement correspond à des utilisateurs
privilégiés. La ligne horizontale en tirets et la double flèche montrent que
lútilisation des espaces-assainissement par les principaux utilisateurs est en
pratique théorique. A la question « où est-ce que les membres de votre
concession accomplissent leurs besoins ? » 71,73% des concessions sans
latrine évoquent le plein air. 21,07% affirment utiliser les latrines des
concessions situées dans leur voisinage. 7,20% le font, soit en plein air, soit
dans les latrines de leur voisinage. Par ailleurs, à la question de savoir s’il y a
des membres de la concession qui nútilisent pas la latrine familiale, il ressort
que dans 95% des concessions détentrices de latrine, les enfants ne lútilisent
pas. Dans les 5% restant, lénsemble des membres l’utilisent. Alors,
cherchant à savoir où est-ce que les membres de la concession qui nútilisent
pas la latrine défèquent, 93% des concessions concernées ont indiqué que les
enfants font les selles dehors, contre 6% où les enfants utilisent des pots de
chambre et 1% où les enfants utilisent à la fois des pots de chambre et le
plein air.
3. DISCUSSION
Malgré les multiples raisons de demande de latrine familiale, tout
laisse à penser que límplantation de cette infrastructure suit une logique
paysanne. Celle-ci est basée sur lórganisation rurale de léspaceassainissement.
91
3.1. Logique paysanne de léspace-assainissement
Les motivations « personnelles » des individus à assurer un meilleur
assainissement familial peuvent être différentes. La périphérie de
l´établissement humain dans la représentation paysanne de léspaceassainissement, est léspace dédié à la défécation en plein air. Les fèces
humaines, en langue nationale jula, sont désignées par le vocable banankô-ta
qui signifie littéralement ce qui appartient au banankô, à léspace
périphérique. Son couvert végétal (buisson, bois) offre des conditions
díntimité pour láccomplissement des besoins chez les personnes adultes.
Plus ces points d’aisance dans la nature sont éloignés ou absents, plus la
population demande des latrines familiales et vice-versa (Figure 4 et 5). De
même, dire que les latrines sont construites pour permettre aux personnes
âgées de satisfaire à leurs besoins, renvoie à lídée que ces personnes âgées se
trouvent dans l’incapacité de parcourir de longues distances pour atteindre la
périphérie ou banankô. Il est socialement admis que les enfants défèquent en
plein air à léxtérieur des concessions. Cet espace laissé entre les concessions,
et en général sans cachette, correspond à ce que les communautés qualifient
de kènèma ou dehors. La latrine familiale se situe dans la concession, offrant
ainsi líntimité imposée par la société aux personnes âgées. Toutefois, dans
les localités où aucune concession ne dispose de latrine, tout le monde, quel
que soit son âge, accomplit ses besoins en plein air (kènèma et banankô). Il y
a donc souvent une inadéquation entre la disponibilité de latrines et leur
utilisation effective.
3.2. Disponibilité de latrine familiale et utilisation
Il est difficile de déterminer le nombre de personnes qui défèquent à
láir libre ou dans les latrines dans les localités où certaines concessions en
disposent. Les relations de « bon voisinage » font que les latrines familiales
sont utilisées par les membres des concessions voisines. Le rapport de la
DGAEUE (2011) relève que le partage de l’ouvrage est nettement plus
important en milieu rural et plus encore en zone non lotie. En milieu rural,
plus de 70% des ouvrages sont partagés contre 55,8% des ouvrages en milieu
urbain. Le réseau social est plus important en milieu rural quén milieu
urbain. De ce fait, on ne peut pas dire systématiquement que les 23.807
personnes vivant dans les concessions sans latrines n’y ont pas accès. De
même, il serait trop hasardeux de dire que les 24.903 personnes vivant dans
les concessions ayant des latrines les utilisent, quand on sait que plus de 10%
des concessions ont réalisé leurs latrines seulement pour les personnes âgées.
Aussi, faut-il remarquer quíl y a une tranche d´âge réservée aux enfants pour
quíls puissent se servir des latrines et éviter des désagréments dórdre
hygiénique. Lábsence de système d´éclairage dans les latrines dans la zone
d´étude limiterait leur utilisation pendant la nuit. Lágriculture étant la
92
principale occupation dans la Vallée du Sourou, les paysans passent plus de
temps hors des concessions. Sur les périmètres irrigués, il néxiste aucun
dispositif dássainissement. Lénsemble des exploitants qui travaillent à
longueur de journée sur les périmètres irrigués, accomplissent leurs besoins
dans lénvironnement ambiant en plein air. Cést pourquoi la flèche
horizontale à double sens (Figure 9) est utilisée pour compléter la dimension
complexe de la présence/absence de latrines et leur utilisation réelle en milieu
rural. Léspace-assainissement en milieu rural, malgré cette complexité, se
prête bien à lórganisation.
3.3. Cartographie de la logique paysanne de léspaceassainissement
Lórganisation de léspace-assainissement dans la philosophie
paysanne répond à une logique centrifuge. La densité de latrines familiales
diminue du centre vers la périphérie. La représentation graphique de la
logique paysanne de léspace-assainissement doit être nuancée. En se basant
sur la SD, on relève que 2 villages ont observé le même pourcentage de
latrines aussi bien à líntérieur qu´à léxtérieur du polygone (Chi2 = 0), contre
6 localités disposant plus de latrines à léxtérieur qu´à líntérieur du polygone
(Tableau I).
En général, le taux d’accès à l’assainissement familial diminue au fur
et à mesure que l’on s’éloigne du centre du village mais il ne s’annule pas
(Figures 7 et 8). Les fonctionnaires (agents de santé, enseignants du primaire
et du secondaire, le personnel de lÁutorité de mise en valeur de la Vallée du
Sourou (AMVS), de lÍnstitut de lÉnvironnement et de Recherches
Agricoles (INERA) sont généralement installés en périphérie et dotés de
latrines. Cést pourquoi la proportion des concessions détentrices de latrines,
à l’échelle du village, est souvent très élevées à la périphérie. Exceptés YayoKoura et Winrèbèrè, 80% des villages sans latrines sont lacustres ou situés
près de la rivière Sourou (Figures 1 et 3). Pour ces concessions, « il est
difficile d'aménager une fosse car la nappe est trop superficielle ». Ces
villages, en général, sont bâtis sur les hauteurs pour faire face à línondation
saisonnière. Dès lors, une raison évoquant le manque déspace pour
construire une latrine, peut être admise (Figure 4).
La défécation dans la nature est un phénomène courant en zone non
lotie où vivent les ménages les moins aisés et où la précarité de l’habitat
n’incite pas à la construction de latrines (DGAEUE, 2011). On relève ainsi
que les comportements des ménages en matière d’assainissement familial
vivant en zone non lotie sont très similaires à ceux des ménages vivant en
milieu rural (ibidem). Cést dire que la tendance de ceux qui résident en
périphérie est la défécation en plein air. Ce comportement peut avoir un
impact sur la contamination de lénvironnement et sur la santé humaine.
93
3.4. Effets induits par lábsence de latrines familiales
Le péril fécal favorise la persistance et la transmission de certaines
maladies tropicales négligées, notamment les maladies diarrhéiques, les
schistosomiases et les helminthiases transmises par le sol, dans la Vallée du
Sourou (Poda et al., 2006 ; Traoré, 2013). Ce type de contamination est
lápanage des localités situées sur la rivière Sourou. L'évacuation améliorée
des excréments humains protège la qualité des sources d'eau potable. Par
contre, límplantation de latrines traditionnelles non aménagées pourrait
conduire à la pollution des puits traditionnels, principale source déau dans la
zone d´étude.
CONCLUSION
Dans la Vallée du Sourou, la demande de latrines familiales est
profondément influencée par lórganisation paysanne de léspaceassainissement. La promotion de l’assainissement représente un défi
substantiel en matière de communication. Il est extrêmement complexe et
subtil de prédire à partir de quand l’une ou l’autre des motivations ci-dessus
devient persuasive ou convaincante pour un individu, un ménage ou une
communauté. Aussi, certaines raisons avancées par les enquêtés peuvent-elles
servir de message fort pour booster la demande de latrines familiales. Les
projets de promotion de l’assainissement et de l’hygiène doivent tenir compte
de la complexité des changements comportementaux, des facteurs culturels,
de lénvironnement de l´établissement humain, des facteurs démographiques
(âge) et bien entendu, la pauvreté qui alimentent la logique paysanne de
léspace-assainissement et influencent de ce fait, la demande de latrines
familiales dans un contexte rural.
Pour une meilleure promotion de lássainissement familial en milieu
rural, il faudrait avant tout convaincre la communauté et faire changer les
mentalités. Les excréments ne doivent plus être perçus comme un produit
appartenant à lénvironnement périphérique. Des actions devront être
également engagées pour que la réalisation de latrines prenne en compte les
femmes et les filles qui constituent la couche de la société la plus vulnérable
à la défécation en plein air. Les bénéfices liés à la réutilisation sure des fèces
dans lágriculture en vue de láugmentation des rendements doivent être
portés à la connaissance des paysans. Pour cela des séances dínformation, de
communication et d´éducation pour un changement de comportement durable
símposent.
94
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96

Numéro 004 -‐ Septembre 2015 Volume 1

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