La mafia des esclaves du silence, Libération, mai 2000

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La mafia des esclaves du silence, Libération, mai 2000
www.liberation.fr
Libération, no. 5900
SOCIÉTÉ, samedi 6 mai 2000, p. 20
La mafia des esclaves du silence. Un réseau ukrainien qui exploitait les sourds-muets a été
démantelé.
PIVOIS Marc
Ils ne sont que des ombres glissant furtivement un petit papier de couleur sur les banquettes des trains
juste avant le départ ou sur les tables des restaurants: «Je suis sourd-muet, aidez-moi...» C'est à peine
si on les voit poser un briquet, un porte-clés, un quelconque colifichet. Tout aussi discrètement, ils
reprennent quelques minutes plus tard ce bref message de détresse, parfois il y a un peu d'argent, puis
ils s'évanouissent comme s'ils n'avaient jamais existé. Sans rien réclamer. Si vous tentez de leur
parler, vous n'obtenez qu'un sourire poli. Ces fantômes, on sait désormais qu'ils sont aussi des
esclaves. Les enquêteurs de l'Ocriest (Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et
de l'emploi d'étrangers sans titre), assistés des limiers de la Brif (brigade de répression et
d'intervention financière), ont lancé un vaste coup de filet ces jours derniers contre un réseau dont la
spécialité était l'exploitation de ces sourds-muets et qui s'était autobaptisé «mafia noire». L'opération
policière, appelée «Stakhanov», a permis, au terme de neuf mois d'enquête, l'interpellation de 46
personnes et la saisie d'un million de francs en diverses devises, francs, marks et dollars.
7000 francs de loyer. Cette «mafia noire» avait ses racines en Ukraine. Dans les villes et villages de
l'ex-Empire soviétique, en Ukraine donc, mais aussi en Russie, en Biélorussie, en Moldavie et dans la
Roumanie voisine, les «parrains» recrutaient des sourds-muets à qui ils promettaient un avenir plus
souriant en Europe occidentale. Appâtés par la promesse de soins ou de prestations sociales
avantageuses, de titres de séjour, ils suivaient leurs protecteurs qui les acheminaient vers l'Eldorado
avec des visas touristiques. La déception était aussi rapide que brutale: devenus clandestins, sans
famille, ces hommes et ces femmes murés dans le silence ne pouvaient qu'obéir docilement à ceux
qui, après avoir promis monts et merveilles, étaient devenus leurs maîtres. Plusieurs centaines de
sourds-muets travaillaient ainsi depuis quatre ou cinq ans dans la plupart des grandes villes de
France.
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Catégorie : Société et tendances
Sujets - Libération : FRANCE; UKRAINE; RUSSIE; BIELORUSSIE
Type(s) d'article : ARTICLE Édition : quotidien deuxième édition
Taille : Long, 723 mots © 2000 SA Libération. Tous droits réservés.
Doc. : news·20000506·LI·179818