Les délégations

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Les délégations
Les délégations dans le domaine de
la santé publique vétérinaire et
phytosanitaire
V1 – 10 septembre 2014
Pour ou contre la délégation ? Impossible de répondre en des termes aussi réducteurs !
Nous allons donc tenter de définir ce qu’est la délégation, de dresser un état des lieux et d’analyser sous quelles
conditions la délégation peut être souhaitable, envisageable ou inappropriée dans le domaine qui nous occupe.
Nous nous appuierons largement sur deux récents rapports du CGAAER 1 2 dédiés au sujet, un rapport de l’observatoire des missions et des métiers (OMM)3 ainsi que sur les contributions individuelles de deux adhérents qui se
reconnaîtront et que nous remercions.
I - Qu’est-ce que la délégation ?
Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion
d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est
substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. 4
Elle se distingue, en droit, du marché public de services, du contrat de partenariat public-privé et de la mission
de service public confiée, sous la dénomination de délégation, à une personne privée par voie législative ou
réglementaire, ou par un faisceau d’indices tels que l’intérêt général de son activité, ses conditions de création,
d’organisation et de fonctionnement, les obligations qui lui sont imposées, les mesures prises pour vérifier que les
objectifs fixés sont atteints...
Notre propos n’étant pas ici de comparer les différentes formes juridiques de ‘ délégation’, nous
utiliserons dans le reste du document le terme ‘externalisation’ pour évoquer l’ensemble des
situations où les missions de service public ne sont pas réalisées directement par les services de
l’État mais sont confiées à d’autres.
II - Quel sont les ‘délégations’ existantes ?
De très nombreuses missions de la DGAl sont déjà externalisées à divers ‘délégataires’ (tableau extrait du rapport
n°13 030 du CGAAER) :
Délégataire
Mission
EdE
Identification
GNIS-SOC
Certification semences et plants
Passeport phytosanitaire européen,
Poussières de pesticides si enrobage des semences
CTIFL
Certification des plants
Passeport phytosanitaire européen
FranceAgriMer
Certification des plants de vigne
Passeport phytosanitaire européen
Equarrissage
Alimentation, appui export
CEMAFROID
Attestation capacité frigorifique
FREDON
Inspection des exploitations
GDS
Prophylaxies
*Saisie des ruchers
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II - Quel sont les ‘délégations’ existantes ?
Chambre d’agriculture
Surveillance biologique du territoire et BSV
Vétérinaires mandatés
Visite de certification à l’exportation
IFREMER
Prélèvement de coquillages et analyse
GIP pulvérisateurs
Contrôle des pulvérisateurs
I-CAD
Identification des carnivores domestiques
IFCE
Identification des équidés
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Auraient pu être ajoutés à ce tableau :
➢ la participation du personnel à l’inspection post-mortem dans les abattoirs de volaille,
➢ la réalisation des contrôles d’identification par l’ASP,
➢ la réalisation des analyses de contrôles officiels réalisées par les laboratoires départementaux ou privés.
La longueur de cette liste révèle l’éparpillement des tâches progressivement confiées à des délégataires de statuts
divers.
A travers les analyses de contrôle officiel on ne peut que constater ‘l’avance’ prise par la DGAl en matière d’externalisation. Alors que la DGCCRF possède ses propres laboratoires et que les DREAL hébergent une dizaine de
laboratoires d’hydrobiologie, un unique laboratoire interne aux services de l’Etat réalise encore les analyses de
contrôle officiel de la DGAl … à Saint Pierre et Miquelon.
III - Pourquoi externaliser ?
Nous avons identifié trois raisons pouvant justifier une externalisation des missions.
1 . Mieux associer les professionnels
C’est la raison historique qui a vu l’augmentation des missions confiées aux groupements de défense sanitaire,
aux fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles et aux vétérinaires sanitaires. Le ‘trépied’
DSV-GDS-GTV a connu des succès historiques contre de grandes maladies d’élevage et a globalement été
confirmé - au niveau régional et sous des intitulés plus modernes - suite aux États généraux du sanitaire.
Cette approche relève probablement davantage d’une nécessaire co-production de la sécurité
sanitaire plutôt que d’une délégation.
2 . Le recours à des compétences spécifiques dont l’État ne dispose pas en interne
Dans les années 2000, le transfert au CEMAFROID du contrôle de la conformité technique et sanitaire des
véhicules frigorifiques relevait probablement de cette logique. Aujourd’hui l’État ne dispose plus de compétences
en interne pour évaluer le ‘délégataire’. Nous tirerons plus loin les leçons de cette expérience.
Lorsqu’il a été question de faire des contrôles nutritionnels en restauration collective et alors que l’État n’avait pas
encore développé de compétences en interne, peut être une externalisation de cette mission nouvelle aurait-elle pu
être envisagée ?
3 . Faire des économies
Après tout, pourquoi pas ? Mais à condition qu’il soit démontré que la mission externalisée est
réalisée avec une qualité au moins égale (disponibilité, compétence, impartialité) et pour un coût
inférieur.
Or, à notre connaissance, ces conditions n’ont jamais été vérifiées, y compris par les récentes missions du
CGAAER :
➢ D’une part, lorsque les missions sont externalisées, l’État estime qu’il s’agit pour lui d’une économie nette,
alors qu’il devrait intégrer le report de charge et y ajouter le coût de la supervision.
➢ D’autre part l’État perd rapidement les compétences pour en faire une évaluation et une supervision correcte,
d’autant que souvent la délégation n’est décidée, ou plutôt subie, qu’en réaction à une situation déjà fortement
dégradée...
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III - Pourquoi externaliser ?
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Ce qui nous amène à la dernière et seule réelle mauvaise raison :
4 . Abandonner au pied du mur budgétaire...
A ce stade nous nous contenterons de citer le CGAAER :
‘Des projets de délégations ont été exposés devant la mission comme le contrôle de la remise directe au consom mateur final et de la restauration collective. Ces projets viseraient un objectif nouveau : maintenir une activité de
contrôle quand les moyens internes à l'État ne permettent plus d'atteindre un niveau de qualité suffisant.’
IV - Quoi externaliser ?
A ) Approche juridique
Les textes encadrent les possibilités de délégation stricto sensu.
1 . La jurisprudence du conseil constitutionnel
Le service public de sécurité est un « service public à valeur constitutionnelle » qui ne saurait être l’objet
d’aucune forme de privatisation...
… mais, le Conseil constitutionnel a subtilement dégagé la notion de « prestations techniques détachables des
fonctions de souveraineté » contournant ainsi l’objection selon laquelle toutes les prestations matérielles de
police ne sont susceptibles d’aucune délégation, tel est le cas de la désinfection des bâtiments d’élevage lors
d’opérations de police sanitaire par exemple.
2 . Le règlement 882/2004
Il permet aux Etats Membres de déléguer les contrôles officiels à des organismes accrédités, mais pas les
« mesures coercitives » dans les domaines vétérinaires.
La directive 2000/29/CE ne contient pas la même restriction pour les contrôles officiels en protection des
végétaux.
3 . Le Code rural et de la pêche maritime (CRPM)
L’article L.201-13 autorise à déléguer aux OVS et OVVT ... à l'exclusion de la recherche et de la constatation des
infractions et du prononcé des "décisions individuelles défavorables à leur destinataire". Il est donc plus restrictif
que la directive CE pour les végétaux.
4 . La note de service du 13 mars 2013 sur la nouvelle gouvernance sanitaire
Elle est fragile, car en prévoyant que les OVS et OVVT puissent consigner les produits susceptibles d'être
dangereux, elle va possiblement au-delà de ce que permet le règlement 882/2004 et le CRPM.
B ) Approche sectorielle
Un certain nombre d’externalisations semblent désormais entérinées (EdE, CEMAFROID, GDS …). D’autres ont
été ou sont envisagées à des stades plus ou moins avancés.
1 . Inspection ante et post-mortem en abattoir
En 2011, un rapport commandité par le MAAF à la société Blézat consulting indiquait que des économies
pourraient être réalisées en externalisant l’inspection en abattoir. Face aux réactions des personnels et des
abattoirs, le ministère a renoncé à ce projet.
Plus récemment, la France a proposé un ‘programme pilote’ en abattoir de volaille basé sur la participation du
personnel de l’abattoir aux tâches d’inspection. 9 des 10 propositions faites ont été retoquées par l’Union
européenne.5
Il est donc probable que le sujet soit clos pour un certain temps dans ce domaine.
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IV - Quoi externaliser ?
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2 . Réalisation des prélèvements dans le cadre des plans de contrôle et de surveillance
Au cours de l’été 2014, la DGAl a réalisé un sondage auprès des DDPP pour connaître leurs positions sur la
possibilité de déléguer les prélèvements de contrôle officiel aux laboratoires départementaux d’analyse (LDA).
Nous pouvons aisément reconnaître que les LDA possèdent les compétences pour réaliser et convoyer les
prélèvements qu’ils analysent. La question méritait donc probablement d’être posée dans la mesure où les services
de l’État conservaient la maîtrise du ciblage.
De ce que nous savons, les réponses des DDPP sont globalement défavorables. Peut-être ont-elles estimé que le
temps gagné en externalisant les prélèvements aurait largement été consommé par l’élaboration et le suivi des
conventions ? Deux activités qui ne font en tout cas pas appel aux mêmes compétences.
Par ailleurs, les LDA semblaient eux aussi défavorables dans la mesure où ils attendent toujours que l’Etat leur
donne une visibilité globale et durable de ses attentes à leur égard.
Le sujet semble désormais enterré.
3 . Certification sanitaire aux mouvements intracommunautaires d’animaux
Les conditions actuelles de travail en DDPP ne permettent pas aux vétérinaires officiels signataires de vérifier par
eux-mêmes la réalité des mentions qu’ils attestent. Ils certifient donc sur la base des constats réalisés par les
vétérinaires sanitaires praticiens.
Afin d’aller au bout de cette logique, la DGAl prévoit que le vétérinaire sanitaire – devenu mandaté – signe le
certificat par lui-même. S’il en possède indéniablement la compétence technique, un sujet est rapidement apparu
sur son indépendance économique vis à vis de l’exportateur. Afin de prendre en compte ce risque, il a d’abord été
envisagé que la rémunération soit fixe et indirecte, financée par une ‘taxe’ collectée auprès des exportateurs.
Ce mode de financement n’a pas pu être mis en place car il entraînait une perte de charge trop élevée (frais de
collectes, TVA).
Selon nos informations, la DGAl envisage donc d’externaliser la certification sanitaire des animaux vivants aux
vétérinaires mandatés via une rémunération directe, négociée de gré à gré avec l’exportateur. La profession
vétérinaire, bien consciente des risques liés à ces pratiques, a fait part de son opposition à ce projet.
4 . Remise directe, voire restauration collective
La diminution sévère et continue des effectifs de 2004 à 2014 a sérieusement impacté la capacité de nos services à
inspecter les quelque 400 000 établissements de remise directe. Aujourd’hui, le responsable de programme alloue
43 ETP à ce domaine6, ce qui représente des fréquences d’inspection – pour autant que cette notion ait encore un
sens – de l’ordre d’une fois tous les 30 ans.
Le citoyen/consommateur n’est hélas pas pleinement conscient de cette réalité. Le projet de loi d’avenir pour
l’alimentation, l’agriculture et la forêt prévoit de rendre transparents les résultats des contrôles officiels. Il n’est
bien entendu pas envisageable pour l’administration de le faire avec les fréquences actuelles, ce qui mettrait en
lumière ses insuffisances. L’externalisation associée à la transparence sur les résultats est alors présentée comme
vertueuse : elle permettra d’augmenter la fréquence de contrôle et les services auront la maîtrise des suites.
Jusqu'à présent les externalisations étaient motivées par une meilleure association des professionnels (GDS,
FREDON) ou le recours à des compétences spécifiques (CEMAFROID, IFREMER), le CGAAER considère à
juste titre qu’il s'agirait donc là d'un objectif nouveau : 'maintenir une activité de contrôle quand les moyens
internes à l'État ne le permettent plus d'atteindre un niveau de qualité suffisant.'
Ne perdons pas de vu qu’il s’agit probablement de la mission la plus visible pour nos services. Pour preuve, c’est
à l’occasion de l’opération alimentation vacances que le ministre communique chaque année sur l’activité des
services de la DGAl.
Afin d’éviter d’être taxés de dogmatisme ou de conservatisme, analysons froidement le projet sous l’angle des
compétences, de la faisabilité juridique, de l’indépendance, du coût et du financement.
Compétences
Qui aujourd’hui plus que les agents des services vétérinaires possède la compétence pour réaliser ces inspections ?
Les professionnels eux-mêmes, dans leur grande majorité, reconnaissent cette compétence et réclament plus de
contrôles. 7
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IV - Quoi externaliser ?
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Faisabilité juridique
Une forme d’externalisation envisagée serait de rendre obligatoire, à une fréquence fixée par l’administration, la
réalisation d’audit par un prestataire. Les services de l’Etat baseraient leur action sur les résultats de ces audits.
Or le règlement 882/2004 ne permet pas aux États membres de fixer des règles nationales supplémentaires pour
imposer aux professionnels de la chaîne alimentaire un tel contrôle périodique obligatoire, à leur charge.
L’administration pourrait seulement inciter les professionnels à réviser leurs guides de bonnes pratiques pour
s'obliger à ce contrôle périodique obligatoire, voire pour s'obliger à payer une ‘contribution volontaire obligatoire’
pour mutualiser la prestation. Les professionnels voudront-ils s’imposer cette charge nouvelle ?
Indépendance
Dés lors que le contrôle est réalisé par un prestataire choisi et rémunéré par l’exploitant se pose la question de
l’indépendance. Sans même que l’influence ne soit explicite, il arrive que le prestataire anticipe les désirs de son
client. Qui n’a pas observé de différences notables entre les résultats d’audits réalisés par des prestataires en
restauration collective et les conclusions des contrôles officiels ?
Coût
Serait-il vraiment moins cher de faire réaliser ces inspections par des acteurs moins compétents
et moins indépendants ?
Aujourd’hui une inspection sanitaire sous accréditation coûte 500€ en moyenne8, probablement moins en remise
directe.
Le CGAAER a ainsi estimé le coût de l’externalisation : 'Si on voulait estimer le coût de la délégation de
l'inspection pour la restauration commerciale, une facturation du contrôle de premier niveau délégué au privé à
hauteur de 2000 € HT par an paraîtrait une hypothèse raisonnable. Le prix du repas dans un restaurant moyen
d'une ville de province augmenterait avec cette hypothèse de 0,50 € et passerait ainsi de 12 € à 12,50 €'
(hypothèse de 2 inspections par an comme dans certains Etats des USA, 30 repas par jours sur 6 jours'
N’oublions pas qu’en cas d’externalisation, le ‘délégataire’ ne pourrait en aucun cas être habilité à gérer les suites
pour les établissements non conformes. Il faudrait donc ajouter le coût du recontrôle par les services de l’Etat !
Financement : Qui doit payer ?
La principale question est ‘de savoir si la mission déléguée est d'intérêt général touchant l'ensemble des Français,
donc à financer par l'impôt, ou si elle est d'intérêt particulier pour les restaurateurs, donc à financer par eux.
Suivant la réponse qui est de nature politique plus que technique, la dépense pour l'inspection sera transférée ou
non sur le restaurateur quitte à provoquer une augmentation du prix des repas.'
De cette réponse dépendra le sens à donner à nos missions au sein de ce ministère.
5 . Laboratoires d’analyse des contrôles officiels
Les laboratoires vétérinaires départementaux ont été détachés des directions des services vétérinaires dans les
années 80, sans qu’une compétence spécifique n’ait été accordée aux Conseils généraux desquels ils dépendent
désormais. Le projet de loi de réforme territoriale interroge aujourd’hui sur l’avenir de ces laboratoires et met en
lumière l’erreur historique de ne pas avoir prévu de compétence spécifique aux Conseils généraux lors du
transfert. Une récente mission interministérielle 9 a rappelé la compétence des 3700 agents qui y travaillent et leur
capacité à répondre aux besoins de l’Etat en cas de crise, aux côtés des 4500 agents du programme 206.
A défaut de réflexion globale sur le rôle et l’avenir des laboratoires départementaux, nous continuerons d’observer
leur lente érosion, les laboratoires privés s’emparant des analyses rentables en laissant à la collectivité la charge de
l’entretien des compétences rares, des astreintes et de l’épidémiosurveillance.
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V - Points de Vigilance
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V - Points de Vigilance
Le bilan des externalisations actuelles est sévère et appelle une grande vigilance. Ces fragilités sont-elles consubstantielles de l’externalisation ou peuvent-elles être gérées ?
L’externalisation est un aller sans retour
‘L’analyse des délégations existantes montre que l'Etat est en position de faiblesse une fois qu'il a délégué ’. ‘Une
mission déléguée est quasiment sans retour possible’.
Le contrôle de second niveau, une utopie ?
Il est difficile de contrôler un délégataire qui est par ailleurs un partenaire (chambre d’agriculture, GDS,
FREDON, ...).
Les agents ne sont pas toujours compétents et motivés pour le contrôle de second niveau.
L'accréditation du délégataire ne remplace pas un contrôle de second niveau mais peut y contribuer. Cependant,
certaines activités (épidémiosurveillance, gestion de crise) ne disposent pas de référentiel d’accréditation.
'Après que l'État ait transféré tous ses moyens et son savoir faire au délégataire, les services gardent pendant
quelques années la mémoire du sujet délégué. Cette ressource s'amenuise jusqu'à disparaître avec le temps.'
Afin d’éviter cet écueil, tous les observateurs s’accordent à dire que l'Etat doit conserver la réalisation de contrôles
inopinés (à une fréquence adaptée), y compris dans les domaines délégués, pour entretenir les compétences
internes et contribuer au contrôle de second niveau. Est-ce vraiment réaliste ? Lorsqu’il a commencé à déléguer, la
tentation est grande de tout externaliser...
La nature du délégataire
La nature du délégataire peut fournir une certaine garantie. Établissement public et association professionnelle ne
présentent évidemment pas le même risque de conflit d’intérêt.
Nous observons cependant qu’une fois la mission externalisée le statut du délégataire peut subrepticement évoluer
au fil du temps. Ainsi les analyses de contrôle officiel ont d’abord été externalisées aux LDA avant d’être
revendiquées par des groupes privés (pour les plus rentables uniquement).
Lorsque le contrôle des véhicules frigorifiques a été externalisé au CEMAFROID en 2008, il était un groupement
d’intérêt économique. En 2010, il est devenu société en nom collectif au sein d’une holding. Depuis le 1er janvier
2014 il est une société par actions simplifiées, tout en ayant conservé le monopole du contrôle des véhicules
frigorifiques.
Une nécessaire vision d’ensemble
Les différents rapports insistent sur le risque d’externaliser au fil de l’eau, en fonction des ‘opportunités’ qui se
présentent, et sur la nécessité d’une vision d’ensemble du sujet.
De notre point de vu, un préalable indispensable est la réalisation d’une analyse de risque nationale afin de fixer
une fréquence d’inspection théorique ne tenant pas compte des moyens disponibles. Ensuite seulement, la
comparaison de l’objectif avec les moyens disponibles peut permettre d’une part de plaider l’obtention de moyens
appropriés et d’autre part d’envisager des externalisations à condition qu’une étude d’impact préalable en ait
démontré l’intérêt.
Cette approche est adoptée par le MEDDE en matière d’inspection des ICPE. Leurs effectifs ont augmenté de
47 % au cours des 10 dernières années !10
Bien entendu, nous continuons à demander à ce que cette approche quantitative se fasse en cohérence avec les
pressions de contrôles observées dans des pays comparables.
Faut il espérer la crise ?
‘Le maintien de compétences internes à l'Etat est indispensable pour gérer les crises’.
L'État doit veiller à s’assurer de la permanence de la mission en toutes circonstances et notamment si le
délégataire devient défaillant pour une quelconque raison. Il sera aussi vigilant à disposer des données informatiques et des moyens de les traiter pour être capable de reprendre la main en cas de nécessité impérative.
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Conclusion
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Conclusion
‘L’Etat ne peut pas tout faire’ certes, mais doit-il pour autant ne rien faire ? Devenir un ‘Etat stratège’,
éthéré ?
Un Etat fort sur la mission régalienne de gestion des risques alimentaires, vétérinaires et phytosanitaires ne
signifie pas que l’Etat fait tout. Il doit s’appuyer sur les compétences là où elles existent, structurer et animer des
réseaux de partenaires, déléguer lorsqu’il le choisit et est en mesure de superviser les délégations.
Mais déléguer n’est pas abandonner ce qui semble aujourd’hui être envisagé dans le cœur de métier. Cela suppose
une étude d’impact préalable, un financement adapté et de vrais moyens de supervisions. Il ne doit pas s’agir
d’une modalité de retraite en ordre dispersé lorsque l’Etat, au pied du mur, constate qu’après plusieurs années de
désinvestissement il n’est plus en mesure d’assumer ses responsabilités dans un domaine.
Les délégations multiples à des organismes divers concourent à l'affaiblissement de la capacité de l'Etat à maîtriser
les politiques dont il a la charge. Dans un domaine régalien, les conséquences peuvent être dramatiques.
NOUS PARTAGEONS ENTIÈREMENT LES CONSTATS DE L’OMM :
‘les personnels souhaiteraient avoir de la DGAL des informations sur les coûts des délégations et connaître les justifications avancées
pour le transfert d’activités (jugées intéressantes et auxquelles la majorité est attachée). Il leur semble que conserver des fonction naires, indépendants des organisations professionnelles et syndicales agricoles et déjà formés pour remplir des missions de service
public, serait moins coûteux pour le budget de l’État qu’une délégation.’
Dans ces conditions, le SNISPV est opposé à toute nouvelle externalisation tant qu’une étude d’impact préalable
n’aura pas prouvé que la mission est mieux conduite (compétence, indépendance, disponibilité) à moindre coût
(incluant les transferts de charges, le coût de la supervision et les recontrôles pour donner les suites aux situations
non conformes).
De façon cohérente, nous demandons qu’un bilan identique soit tiré des délégations existantes qui aboutisse, dans
le cas où il est défavorable, à la réintégration dans les services de l’Etat des délégations dont le rapport
coût/efficacité est jugé insuffisant.
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Références
1 ) Rapport du CGAAER n°13 030 sur les délégations de missions à la Direction générale de l’alimentation, décembre 2013
2 ) Rapport du CGAAER n°13 039 ‘Les leçons à tirer pour la DGAl de l’analyse de la délégation de missions de service public en France et
dans l’Union européenne
3 ) OMM, Les métiers du contrôle des délégations de la direction générale de l’alimentation, août 2014
4 ) loi ‘Sapin’ n°93-122 du 29 janvier 1993 modifiée et complétée par la loi MURCEF en 2001 (art. 38).
5 ) Note de service orientations stratégiques programme 206, année 2015
6 ) Note de service orientations stratégiques programme 206, année 2014
7 ) Communication de l’Union des Métiers et de l’Industrie de l’Hotellelie (UMIH), septembre 2013
8 ) Indicateur du programme 206
9 ) Mission interministérielle IGF-CGEF-IGA-CGAAER, Rapport sur l’optimisation du recours par l’Etat aux réseaux de laboratoires publics,
juin 2012
10 ) Chiffres présentés par le MEDDE lors du regroupement des inspecteurs ICPE en 2013
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