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VRA chez les adolescentes victimes d'agression sexuelle
Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
Année 11, Numéro 2 - Décembre 2013
Violence dans les relations amoureuses et symptômes de stress
post-traumatique chez les adolescentes ayant dévoilé une
agression sexuelle
Martine Hébert1, Marie-Eve Brabant2, & Isabelle Daigneault3 [Quebec, Canada]
1
Département de sexologie, UQAM, Montréal, Québec, Canada
Département de chirurgie, CHU Ste-Justine, Montréal, Québec, Canada
3
Département de psychologie, Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada
2
Cette recherche a été rendue possible grâce à une subvention du Centre de recherche interdisciplinaire sur
les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS). Nous tenons à remercier Huguette Joly et
tous les intervenants du Centre d’intervention en abus sexuels pour la famille, Anne Lauzon et les
intervenants du Centre jeunesse de Montréal et de la Montérégie ainsi que les adolescentes qui ont accepté
de participer au projet.
Résumé
Cette recherche transversale explore la prévalence de la victimisation au sein des relations amoureuses
chez un échantillon clinique de 100 adolescentes (M = 14,68 ans) bénéficiant de services psychosociaux
sous la loi sur la protection de la jeunesse ou débutant une intervention de groupe dans un organisme
communautaire suite au dévoilement d’une agression sexuelle. La présente analyse explore la contribution
de la revictimisation au sein des relations amoureuses à la prédiction de symptômes de stress posttraumatique. Parmi les participantes, un peu plus de la moitié rapportaient avoir vécu au moins un épisode
de violence en contexte de relations amoureuses. La revictimisation est associée à des symptômes plus
importants chez les adolescentes. En effet, une régression hiérarchique a révélé qu’au-delà du niveau de
bouleversement associé aux différents évènements de vie adverses vécus, le fait de vivre la violence au
sein des relations amoureuses contribuait à la prédiction de symptômes de stress post-traumatique
atteignant le seuil clinique. Des pistes pour les pratiques d’intervention et de prévention auprès des
adolescentes victimes d’agression sexuelle sont abordées.
Mots-clés: agression sexuelle, violence dans les relations amoureuses, symptômes de stress posttraumatique.
Abstract
This cross-sectional study explores the prevalence of victimization in romantic relationships in a clinical
sample of 100 adolescents (M = 14.68 years) receiving psychosocial services under the youth protection act
or participating in a group intervention in a community organization after the unveiling of sexual abuse. The
present analysis explored the contribution of revictimization in the context of romantic relationships in the
prediction of post-traumatic stress symptoms. A little more than half of adolescents reported having
experienced at least one episode of violence in the context of their romantic relationships. Revictimization
was associated to greater symptoms in teenagers. Indeed, a hierarchical regression revealed that over and
above the level of distress associated with adverse life events experienced, experiencing violence in intimate
relationships contributed to the prediction of symptoms of post-traumatic stress reaching the clinical
threshold. Avenues for intervention practices and prevention among adolescent victims of sexual assault are
discussed.
Key-Words: Childhood sexual abuse, dating violence, post-traumatic stress symptoms.
Journal International De Victimologie 11(2)
Hébert et al.
L’agression sexuelle est fréquemment vécue
par des personnes n’ayant pas encore atteint l’âge
adulte. Ainsi, une méta-analyse récente ayant
regroupé 217 publications provenant de différents
pays et publiées entre 1980 et 2008 a estimé la
prévalence de l’agression sexuelle avant l’âge de
18 ans à 18% chez les filles et à 7,6% chez les
garçons (Stoltenborgh, Van IJzendoorn, Euser, &
Bakermans-Kranenburg, 2011). La majorité des
études publiées a mis l’accent sur l'identification
des symptômes à long terme de l’agression
sexuelle subie durant l’enfance en s’appuyant sur
des études rétrospectives menées auprès
d’échantillons d’adultes. Les résultats indiquent
sans équivoque que l’agression sexuelle subie
durant l’enfance est liée à de multiples
conséquences à long terme. En fait, différentes
recensions en arrivent à conclure que l’agression
sexuelle durant l’enfance est un facteur de risque
non spécifique pour un ensemble de troubles
psychologiques à l’âge adulte, dont la dépression,
les idéations suicidaires, les troubles anxieux et le
trouble de stress post-traumatique (TSPT), mais
également des problèmes d'ordre médical et des
comportements sexuels à risque (Maniglio, 2009).
Malgré la prolifération des études sur ce
thème depuis les 30 dernières années, nos
connaissances quant aux conséquences à court
terme chez les jeunes ayant vécu une agression
sexuelle demeurent encore très parcellaires. Ainsi
nous en savons encore relativement peu sur le
parcours des victimes au moment de leur entrée
dans la phase cruciale de l’adolescence, période
où elles font face à des enjeux importants liés,
entres autres, à l’identité et à l’intimité.
Les études menées à ce jour identifient des
séquelles négatives associées à un historique
d’agression sexuelle chez les adolescents. En fait,
les adolescents recrutés dans les centres
d’intervention et de traitement suivant le
dévoilement d’une situation d’agression sexuelle
sont susceptibles d’afficher des niveaux élevés de
détresse psychologique (Daigneault, Hébert, &
Tourigny, 2006). D'autres résultats font référence à
la présence de symptômes de dissociation et de
comportements
extériorisés
(troubles
du
comportement, toxicomanie, délinquance, fugue),
ainsi qu’à différents comportements sexuels à
risque (âge précoce des premiers rapports sexuels,
nombre plus élevé de partenaires sexuels, contacts
sexuels sans protection) (Fernet, Hébert, Gascon,
& Lacelle, 2012), davantage présents chez les
adolescents ayant vécu une agression sexuelle. La
recherche suggère également qu’à l’adolescence,
les victimes d’agression sexuelle présentent un
risque important d’idéations ou de tentatives
suicidaires (Brabant, Hébert, & Chagnon, 2012;
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Martin, Bergen, Richardson, Roeger, & Allison,
2004).
Le trouble de stress post-traumatique
(TSPT) est l’une des constellations de symptômes
les plus fréquemment identifiées chez les victimes
d’agression sexuelle (Paolucci, Genuis, & Violato,
2001). Les critères diagnostiques de l'état de stress
post-traumatique réfèrent à la manifestation de
symptômes d’intrusion, d’évitement des stimuli
reliés au traumatisme et d’hyperéveil. Une
recension des recherches portant sur le trouble de
stress post-traumatique à l’adolescence et publiées
entre 2000 et 2011 révèle que 57% des
adolescents qui avaient subi un trauma sexuel
présentaient un TSPT (Nooner et al., 2012). En fait,
l’une des premières recensions des études
empiriques – dont les principales conclusions
demeurent d’actualité – avait souligné que les
symptômes
de
stress
post-traumatique
constituaient l’une des deux seules manifestations
typiques des jeunes victimes d’agression sexuelle
par rapport à d’autres populations cliniques
(Kendall-Tackett, Williams, & Finkelhor, 1993).
Les
adolescents
présenteraient
une
vulnérabilité particulière face au développement
d’un TSPT. Ainsi, ils ont un taux d’exposition à des
évènements
traumatiques
plus
élevé
comparativement aux adultes, ce qui est aussi le
cas de leur taux de TSPT (Nooner et al., 2012).
Les adolescentes présenteraient un taux de TSPT
deux fois plus élevé que les garçons (Kilpatrick et
al., 2003; Nooner et al., 2012). Toutefois, au sein
d’un échantillon d’adolescents (n = 389) âgés de 8
à 16 ans rapportant une agression sexuelle et
ayant été en contact avec des services
psychosociaux, les garçons avaient tout autant de
TSPT que les jeunes filles (Maikovich et al., 2009).
Certains facteurs liés au trauma vécu
semblent influencer la présence et l’intensité des
symptômes liés au TSPT. Les caractéristiques de
l’évènement traumatique telles que la durée, la
sévérité et le lien avec l’agresseur semblent jouer
un rôle sur l’intensité des symptômes liés au TSPT
(Molnar, Buka, & Kessler, 2001). Ainsi, une
agression sexuelle chronique, très sévère (avec
pénétration ou une tentative de pénétration) ou
impliquant l’utilisation de la force serait associée à
davantage de symptômes du TSPT (Boney-McCoy
& Finkelhor, 1995; Wolfe, Sas, & Wekerle, 1994).
Par ailleurs, le fait d’avoir vécu plusieurs traumas
dans l’enfance peut aggraver la sévérité du TSPT
(Nooner et al., 2012). Bon nombre d’études ont
d’ailleurs
fait
valoir
l’important
taux
de
cooccurrence
des
situations
de
mauvais
traitements. Dans une vaste enquête téléphonique
effectuée auprès de plus de 2 000 enfants et
adolescents,
ceux
ayant
été
victimisés
VRA chez les adolescentes AS
sexuellement étaient particulièrement susceptibles
d’avoir subi un autre type de victimisation dans le
passé. En effet, 97% d’entre eux affirmaient avoir
vécu au moins un autre événement traumatique et
dans 43% des cas, il s’agissaient de maltraitance
(Finkelhor, Ormrod, Turner, & Hamby, 2005). Ainsi,
les jeunes victimes d’agression sexuelle sont
susceptibles de rapporter d’autres formes de
victimisation pendant l’enfance, notamment d’avoir
été témoins de violence conjugale, victimes d’abus
physique ou de négligence pendant l’enfance
(Nooner et al., 2012).
Outre le nombre de victimisation ou
d’évènements de vie adverses vécus, il importe
aussi de considérer la perception de l’impact de
ces évènements qui peut influer sur l’intensité du
TSPT. Dans leur recension, Nooner et al. (2012)
stipulent que même en contrôlant pour le nombre
d’évènements
traumatiques
vécus,
les
adolescentes sont tout de même deux fois plus
susceptibles d’être au prise avec un TSPT que les
adolescents. Ainsi, des variables distinctes selon le
genre pourraient influencer le développement de
TSPT.
Entre
autres,
il
semble
que
comparativement aux garçons, les jeunes filles
sont davantage susceptibles d’entretenir des
perceptions négatives d’elles-mêmes et du monde
environnant suite à un trauma. D’ailleurs, de telles
cognitions se sont révélées être des facteurs
prédictifs du TSPT parmi la population générale
d’adolescents et d’adolescentes (Nooner et al.,
2012).
Alors que la présence d’autres formes
d’évènements traumatiques a été prise en compte,
la présence de violence dans les relations
amoureuses est rarement considérée afin
d’expliquer l’ampleur des symptômes de stress
post-traumatique chez les adolescentes agressées
sexuellement. Pourtant, une des plus inquiétantes
conséquences associées à l’agression sexuelle
vécue pendant l’enfance est le risque de
revictimisation sexuelle et relationnelle auquel les
victimes sont exposées. Bien que les mécanismes
en jeu ne soient pas encore clairement définis,
certains modèles conceptuels offrent des pistes
pour mieux comprendre le phénomène (Hébert,
Daigneault, & Van Camp, 2012). À titre d’exemple,
certains auteurs suggèrent que le sentiment
d’impuissance – décrit dans le modèle des
dynamiques traumagéniques de Finkelhor et
Browne (1985) – souvent ressenti par les jeunes
victimes d’agression sexuelle peut les conduire à
utiliser des stratégies d’autoprotection moins
efficaces lors de situations à risque (Banyard,
Arnold, & Smith, 2000). En outre, les sentiments
d’impuissance ressentis par les victimes, de même
que les difficultés de régulation des émotions
résultantes d’une agression sexuelle et différentes
formes de mauvais traitements vécus en
concomitance, peuvent leur rendre difficile la
reconnaissance des comportements violents et la
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rupture d’une relation empreinte de violence
(Banyard et al., 2000). L’agression sexuelle durant
l’enfance a aussi été liée à un plus jeune âge lors
des premières relations sexuelles et à un nombre
plus élevé de partenaires sexuels, qui en euxmêmes constituent des facteurs associés à un
risque plus élevé de subir de la victimisation dans
le contexte des relations amoureuses à
l’adolescence et au début de l’âge adulte (Vézina &
Hébert, 2007) et ainsi d’augmenter le risque de
développer un TSPT.
Plusieurs études ont documenté le risque
accru de vivre de la violence sexuelle, physique ou
psychologique de la part d’un partenaire amoureux
à l’âge adulte après une agression sexuelle durant
l’enfance (Coid et al., 2001; Daigneault, Hébert, &
McDuff, 2009; Desai, Arias, Thompson, & Basile,
2002; DiLillo, Giuffre, Tremblay, & Peterson, 2001;
Whitfield, Anda, Dube, & Felitti, 2003). Les études
ayant exploré ce risque de revictimisation chez les
adolescentes avec un historique d’agression
sexuelle sont par contre beaucoup plus rares.
Tourigny, Lavoie, Vézina et Pelletier (2006)
concluent que le fait d’avoir vécu une agression
sexuelle intrafamiliale contribue à la prédiction de
la victimisation psychologique et physique dans les
relations amoureuses chez un échantillon issu de
la communauté de 427 adolescentes âgées de 13
à 17 ans. En fait, les jeunes ayant vécu une
agression sexuelle intrafamiliale sont près de trois
fois plus à risque de rapporter subir de la violence
physique et de la violence psychologique au cours
de la dernière année en contexte amoureux. Par
contre, dans leur analyse, l’agression sexuelle
n’apparaît pas associée au risque de vivre la
victimisation
sexuelle
dans
les
relations
amoureuses.
Certaines études ont aussi exploré la
prévalence de la violence au sein des relations
amoureuses chez des échantillons d’adolescents
signalés pour mauvais traitements et donc
considérés plus à risque de vivre à nouveau de la
violence. Ainsi, deux études québécoises auprès
d'adolescentes référées ou suivies en Centre
jeunesse majoritairement pour agression sexuelle
révèlent des taux de violence dans les relations
amoureuses nettement supérieurs à ceux observés
auprès d'adolescentes provenant de la population
générale. On observe en effet que de 82 à 88%
des jeunes rapportent avoir subi de la violence
psychologique, 45 à 67% de la violence physique
alors que 70% mentionnent avoir vécu des
situations de coercition sexuelle (Cyr, McDuff, &
Wright, 2006; Manseau, Fernet, Hébert, CollinVézina, & Blais, 2008).
Dans une des rares études à avoir mis en
lien l’accumulation des effets de l’agression
sexuelle et la violence dans les relations
amoureuses, il est d’abord constaté que près de la
moitié des adolescentes qui ont subi une agression
Hébert et al.
sexuelle durant l’enfance rapportaient avoir été
agressées psychologiquement, physiquement ou
sexuellement dans leurs premières relations
amoureuses à 15 ans, ce qui représente le double
du taux relatif aux adolescentes non victimes
d’agression sexuelle (Hébert, Lavoie, Vitaro,
McDuff, & Tremblay, 2008). Les conséquences
d’avoir vécu les deux formes de traumatismes ont
par la suite été mises en évidence, révélant que
85% des filles rapportant une agression sexuelle
impliquant une pénétration et de la violence dans
leurs relations amoureuses souffrent d’au moins un
trouble intériorisé, par rapport à 23% des filles qui
n’ont pas subi de traumatismes multiples. Le fait de
subir les deux types de traumatismes a également
été associé à une probabilité de six à sept fois plus
élevée de souffrir de symptômes extériorisés.
L’effet cumulatif de l’agression sexuelle
durant l’enfance et de la violence dans les relations
amoureuses est donc avéré, notamment en ce qui
concerne une augmentation accrue des taux de
symptômes intériorisés et extériorisés. Toutefois,
aucune étude similaire auprès d’adolescentes nous
permet de savoir si cet effet cumulatif entraîne
également davantage de symptômes liés au TSPT
que lorsque les traumatismes durant l’enfance ne
sont pas accompagnés de revictimisation en
contexte amoureux à l’adolescence.
La présente étude vise donc à : a)
documenter la prévalence de la violence dans les
relations amoureuses chez un échantillon
d’adolescentes victimes d’agression sexuelle; b)
explorer la contribution de la violence au sein des
relations amoureuses à la prédiction des
symptômes de stress post-traumatique atteignant
le seuil clinique, et cela, au-delà d’autres
évènements de vie qui pourraient également
contribuer aux symptômes liés au TSPT. De telles
analyses pourront offrir des pistes d’interventions à
privilégier auprès des adolescentes victimes
d’agression sexuelle.
Méthodologie
Participants
Les participantes (n = 100), toutes âgées
entre 12 et 17 ans (M = 14,68 ans, ET = 1,38), ont
été recrutées dans trois centres d’intervention. Les
adolescentes suivies au Centre jeunesse de
Montréal et au Centre jeunesse de la Montérégie
alors
qu’elles
bénéficiaient
de
services
psychosociaux sous la loi sur la protection de la
jeunesse ont été invitées à participer. Des
adolescentes débutant une intervention de groupe
pour victimes d’agression sexuelle au Centre
d’intervention en abus sexuel pour la famille
(CIASF) de Gatineau ont également été sollicitées.
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Mesures
Les participantes ont été invitées à remplir
des questionnaires portant sur la violence dans les
relations amoureuses, les symptômes du TSPT et
les évènements de vie adverses. L’intervenant
psychosocial responsable du dossier était appelé à
remplir
la
grille
d’information
sur
les
caractéristiques des agressions sexuelles vécues.
Violence dans les relations amoureuses.
Différentes formes de victimisation dans le contexte
des relations amoureuses ont été évaluées par une
adaptation du Conflict Tactics Scales (Straus,
Hamby, Boney-McCoy, & Sugarman, 1996). Quatre
énoncés portaient sur la présence de violence
psychologique, sept énoncés sur la violence
physique et cinq questions réfèrent aux blessures
subies suite aux incidents de violence. Tous les
énoncés font référence aux expériences vécues au
cours des 12 derniers mois avec le partenaire
amoureux actuel ou avec le dernier partenaire si la
participante n’avait pas de partenaire au moment
de la passation du questionnaire.
Symptômes de stress post-traumatique.
Une version abrégée de 40 énoncés du Children’s
Impact of Traumatic Events Scale-Revised (CITESR; Wolfe, Gentile, Michienzi, Sas, & Wolfe, 1991) a
été traduite en français (Hébert & Parent, 1999) et
utilisée pour évaluer les symptômes de stress posttraumatique en lien avec l'agression sexuelle
vécue. Chaque énoncé comporte une échelle de
réponse en trois points (faux, un peu vrai, très vrai).
Trois dimensions sont considérées afin d’évaluer
les symptômes du TSPT: intrusion, évitement et
hyperéveil. Aux fins de cette étude, un score
dichotomique a été dérivé à partir des critères du
DSM-IV (American Psychiatric Association, 2000)
pour distinguer les participantes présentant un
TSPT de celles n’en présentant pas.
Évènements vécus. Les 20 évènements
adverses vécus au cours de l'enfance et de
l'adolescence ont été recensés à l'aide du
Questionnaire on Events from Childhood and
Adolescence (QECA; Thériault, Cyr, & Wright,
1996). En plus d'inscrire la présence ou l'absence
pour chacune des situations investiguées, les
participantes devaient indiquer l’âge au moment où
la situation a débuté et s’est terminée, ainsi
qu’évaluer son niveau de bouleversement en lien
avec l’évènement (pas du tout, peu, assez,
extrêmement bouleversée).
Caractéristiques des agressions sexuelles.
Un questionnaire élaboré spécifiquement pour
cette recherche a été rempli par l’intervenant
responsable de l’adolescente afin de recenser les
caractéristiques des agressions sexuelles vécues
(sévérité des actes impliqués, lien à l’agresseur,
fréquence, etc.).
VRA chez les adolescentes AS
Procédure
Le consentement écrit a été sollicité chez
les adolescents ainsi qu’auprès des parents ou
d’une figure parentale en position d’autorité pour
les adolescentes de moins de 14 ans. Les
participantes ont rempli le questionnaire en
présence d’une assistante de recherche et ont reçu
un certificat-cadeau en guise de remerciement pour
leur participation. À la fin de la passation, les
participantes ont reçu une liste de ressources
d’aide (lignes téléphoniques, sites web). De plus,
au cours de la semaine suivante, l’assistante de
recherche a contacté chaque participante par
téléphone afin d’évaluer la présence possible de
détresse liée à la passation des questionnaires.
Cette recherche a été approuvée par le comité
d’éthique de l’Université du Québec à Montréal, de
même que par les différents milieux collaborant à
ce projet. Outre les considérations habituelles, les
participantes ont été informées que leur
participation était volontaire et qu’elles pouvaient
se retirer du projet de recherche en tout temps.
Résultats
Les résultats seront discutés sous deux
rubriques principales. D’abord, les données
descriptives concernant l’agression sexuelle
permettront de fournir un portrait global des
caractéristiques des agressions sexuelles vécues
par les adolescentes. La fréquence des différents
évènements de vie adverses, ainsi que leur impact
perçu par les participantes seront présentés. Par la
suite, les principales données quant à la
prévalence des différentes formes de violence
vécues au sein de la relation amoureuse actuelle
ou de la plus récente relation amoureuse seront
résumées. Finalement, les analyses visant à
explorer les facteurs prédisant les symptômes du
TSPT seront considérées. L’analyse de régression
logistique vise à évaluer la contribution de la
victimisation dans le contexte des relations
amoureuses, et ce, au-delà du nombre total
d’évènements adverses vécus et du niveau de
bouleversement associé à ces évènements, tel que
rapporté par les adolescentes.
Données descriptives
Les données indiquent que plus de la
moitié des participantes ont rapporté avoir vécu
une agression sexuelle intrafamiliale (64,3%) et
une minorité (5,1%) mentionnent que l’agression a
été perpétrée par un inconnu. Pour 42,2% des
adolescentes, l’agression a impliqué un contact
physique avec pénétration ou l’utilisation de force.
Pour près du tiers des adolescentes (31,5%),
l’agression peut être décrite comme chronique,
s’échelonnant sur une période de plus de six mois.
La très vaste majorité (98%) des agressions
sexuelles a été perpétrée par des hommes. Les
données descriptives quant aux situations
Journal International De Victimologie 11(2)
d’agression sexuelle vécues sont présentées au
Tableau 1.
L’analyse des données exposées au
Tableau 2 révèle que plusieurs des adolescentes
rencontrées dévoilent avoir vécu des évènements
de vie adverses. En effet, elles rapportent en
moyenne avoir vécu 9,66 évènements. Plusieurs
d’entre elles ont d’ailleurs été témoins de violence
conjugale verbale (63%) ou physique (39,7%) et
certaines ont subi de la violence verbale (53,4%)
ou physique (35,6%) au sein de leurs familles. Plus
de la moitié des adolescentes mentionnent avoir
vécu une situation de placement en famille ou
centre d’accueil.
Parmi les 100 participantes, 73 ont
rapporté
avoir
un
partenaire
amoureux
actuellement ou avoir eu un partenaire au cours
des
12
derniers
mois.
Le
pourcentage
d’endossement d’au moins un épisode de
victimisation selon chacune des formes de violence
considérées est présenté au Tableau 3. Un score
dichotomique a été dérivé pour distinguer les
adolescentes ayant rapporté au moins un épisode
de victimisation au sein de la relation amoureuse
actuelle (n = 39) de celles n’en rapportant pas (n =
34). Ainsi un peu plus de la moitié des
adolescentes qui rapportaient une relation
amoureuse au cours des 12 derniers mois (53,4%)
mentionne avoir vécu au moins un épisode de
violence de la part de leur partenaire.
Facteurs liés aux symptômes de stress posttraumatique
Pour l’échantillon total (n = 100), 45,2%
des adolescents obtiennent un score clinique de
symptômes du TSPT. Des analyses ont été
effectuées afin de vérifier si la sévérité des gestes
commis, la durée et le type d’agression sexuelle
sont liés aux symptômes du TSPT. Des analyses
de chi-carré ont été effectuées afin de vérifier si les
caractéristiques de l’AS sont liées au pourcentage
de cas atteignant le seuil clinique. Les résultats
révèlent qu’il n’y a aucune différence significative
concernant la sévérité de l’agression sexuelle sur
2
le pourcentage de symptômes du TSPT clinique (χ
(1) = 0,01, ns). Des résultats similaires sont obtenus
pour le type d’agression vécue (intra- ou
extrafamiliale) puisqu’il n’y a pas de différence
significative entre les jeunes agressés par un
membre de la famille immédiate ou élargie et ceux
2
agressés par une connaissance ou un inconnu (χ
(1) = 0,20, ns). Par ailleurs, le pourcentage de cas
atteignant le seuil clinique ne semble pas non plus
2
associé à la durée de l’agression sexuelle (χ (1) =
1,14, ns).
Les données indiquent que parmi les
adolescentes ayant un partenaire amoureux
actuellement (n = 73), 42,3% obtiennent un score
de symptômes de TSPT atteignant le seuil clinique.
Une analyse de chi-carré a été menée afin de
Hébert et al.
vérifier le pourcentage d’adolescentes ayant
obtenu une cote clinique à l’échelle de symptômes
de TSPT en lien avec le fait de vivre la violence au
sein de la relation amoureuse actuelle. Les
données révèlent une différence significative entre
2
les deux groupes (χ (1) = 3,94, p < 0,05). Ainsi,
chez les adolescentes vivant la violence dans le
contexte amoureux, 52,5% obtiennent une cote se
situant au seuil clinique comparativement à 29,0%
au sein du groupe d’adolescentes ne vivant pas de
violence.
Une analyse de régression logistique
hiérarchique a été menée afin d’évaluer si la
victimisation en contexte amoureux contribuait à la
prédiction de symptômes du TSPT atteignant le
seuil clinique, tout en contrôlant pour l’âge, le
nombre d’évènements de vie adverses et l’impact
perçu de ces évènements. Les résultats indiquent
2
que l’équation atteint le seuil de signification (c (4) =
18,91, p < 0,001). Deux variables contribuent à la
prédiction de symptômes du TSPT atteignant le
seuil clinique. Ainsi le niveau de bouleversement
associé aux différents évènements de vie adverses
vécus est associé à un risque plus élevé de
présenter des symptômes du TSPT. De plus, la
victimisation dans le contexte des relations
amoureuses apporte une contribution unique
significative à la prédiction des symptômes
cliniques de TSPT. L’adolescente est près de
quatre fois (Rapport de cote = 3,97) plus à risque
de démontrer des symptômes du TSPT atteignant
le seuil clinique si elle rapporte vivre de la violence
au sein des relations amoureuses, peu importe son
âge, le nombre d’autres évènements adverses
vécus et le degré de bouleversement rapporté en
lien avec ces autres évènements.
Discussion
L’objectif de cette étude était d’explorer la
contribution de la victimisation au sein des relations
amoureuses sur les symptômes du TSPT chez les
adolescentes victimes d’agression sexuelle.
D’abord, il faut souligner que malgré leur jeune âge
(M = 14,68 ans), un peu plus de la moitié des
participants ayant fréquenté un partenaire
amoureux au cours de la dernière année, rapporte
avoir vécu au moins un épisode de victimisation. Il
demeure difficile de comparer les données de
prévalence avec celles obtenues dans les études
antérieures en raison de disparités quant aux
instruments de mesure utilisés. Néanmoins,
Foshee et Reyes (2011a) concluent qu’à travers
différentes études, les estimés les plus
conservateurs auprès d’échantillons issus de la
communauté suggèrent qu’à l’adolescence, près
de 1 adolescente sur 10 rapporte avoir été victime
de violence physique et 1 sur 3 dévoile une
situation de victimisation psychologique au sein de
ses relations amoureuses. Nos données recueillies
auprès d’un échantillon d’adolescentes ayant
dévoilé une agression sexuelle révèlent des taux
Journal International De Victimologie 11(2)
plus élevés suggérant que 1 adolescente sur 2 a
vécu au moins un épisode de violence
psychologique alors que 1 sur 5 a vécu une
conduite témoignant de violence physique à son
égard de la part de son partenaire amoureux au
cours des 12 derniers mois.
Dans la présente étude, les conduites les
plus souvent rapportées font état de victimisation
psychologique, ce qui rejoint les résultats des plus
récentes enquêtes auprès des adolescents de la
communauté (Foshee & Reyes, 2011a). Ces
épisodes de violence psychologique ne doivent pas
être banalisés puisqu’ils peuvent s’avérer être
précurseurs de manifestations de violence
physique (O’Leary & Slep, 2003). Mentionnons que
dans la présente étude, plus du tiers des
adolescentes ayant vécu de la violence
psychologique rapportaient aussi avoir vécu de la
violence physique. Par ailleurs, les données
colligées sur les blessures sont particulièrement
préoccupantes en suggérant que la violence du
partenaire amoureux est liée à des blessures
(ecchymose, coupure, fracture), une douleur
ressentie jusqu’au lendemain et même dans
certains cas, à la nécessité d’une visite médicale.
Mentionnons que les études ayant exploré les
blessures suivant les épisodes de violence en
contexte
amoureux
à
l’adolescence
sont
relativement rares (Archer, 2000).
Les résultats indiquent qu’un nombre
important des adolescentes victimes d’agression
sexuelle affiche des symptômes du TSPT. Ainsi, le
taux de symptômes atteignant le seuil clinique pour
l’échantillon total est de 45,2% des adolescentes,
ce qui dépasse largement les indices de
prévalence trouvés auprès d’échantillons normatifs.
À titre d’exemple, par le biais d’un échantillon
représentatif d’adolescents américains, Kilpatrick et
al. (2003) rapportent que la prévalence de TSPT se
situe à 6,3% chez les filles âgées de 12 à 17 ans.
Nos données indiquent par ailleurs que la
revictimisation - le fait de vivre la violence au sein
des relations amoureuses – est lié à une
aggravation des symptômes. En effet, les
adolescents ayant subi une agression sexuelle et
vécu la violence en contexte amoureux au cours
des 12 derniers mois sont près de 4 fois plus à
risque d’afficher des symptômes du TSPT
atteignant le seuil clinique. Ce résultat est similaire
à ceux obtenus auprès de populations adultes
indiquant que l’agression sexuelle durant l’enfance
et la victimisation répétée à l’âge adulte entraîne
des
conséquences
plus
importantes
que
l’agression sexuelle durant l’enfance sans
revictimisation ultérieure. La recension d’études
d’Arata (2002) a notamment révélé que la
conclusion la plus constante à travers les études
portant sur l’effet de la revictimisation sexuelle
indiquait que cette dernière entraînait plus de
comportements sexualisés, de dissociation et de
VRA chez les adolescentes AS
symptômes du TSPT. Arata concluait son étude en
soulignant que de plus amples études devaient être
réalisées afin de permettre une compréhension
plus claire de ces problématiques. En ce sens, la
présente étude confirme les résultats antérieurs
selon lesquels la revictimisation entraîne plus
fréquemment un TSPT, et ce non seulement à
l’âge adulte, mais à l’adolescence également.
L’effet cumulatif s’observe donc à court terme, au
moment même où la revictimisation survient dans
le contexte d’une première relation amoureuse à
l’adolescence.
En outre, les données indiquent qu’une
proportion importante des adolescentes a rapporté
avoir été exposée à d’autres formes de mauvais
traitements et d’évènements de vie adverses au
cours de l’enfance, dont il faut tenir compte dans le
développement d’une compréhension de leurs
trajectoires développementales. Les données sont
donc en lien avec les études antérieures ayant
documenté
l’importante
cooccurrence
des
situations de mauvais traitements. Dans la
présente étude, la perception de l’impact de ces
évènements varie beaucoup d’un évènement à
l’autre, et cet impact perçu semble être l’élémentclé plutôt que le nombre d’évènements vécus
lorsque l’on s’intéresse à la prédiction de
symptômes plus sévères. Les caractéristiques de
l’agression
sexuelle
vécue
évaluées
par
l’intervenant (sévérité des actes impliqués, durée
de l’agression, agression intra- ou extrafamiliale)
ne sont pas en lien avec le TSPT. Une étude
antérieure avait notamment documenté qu’une
mesure plus subjective – soit le degré de détresse
rapportée par l’adolescente elle-même en lien avec
l’agression sexuelle vécue - permettait de prédire
l’intensité des symptômes rapportées par les
adolescentes, notamment les symptômes du TSPT
alors que des indicateurs qualifiant la sévérité du
trauma vécu ne contribuaient pas à la prédiction
(Daigneault et al., 2006).
Les résultats de cette étude exploratoire
comportent des implications au plan des services
d’interventions auprès des adolescentes victimes
d’agression sexuelle. D’abord, les intervenants
appelés à offrir des services aux jeunes victimes
auraient avantage à évaluer de façon systématique
non seulement les symptômes de détresse
psychologique associés au trauma sexuel vécu
incluant le TSPT, mais aussi l’histoire des
fréquentations amoureuses et la présence possible
de victimisation psychologique, physique et
sexuelle au sein des relations amoureuses. Ainsi,
en raison de la prévalence élevée de la violence au
sein des relations amoureuses chez cette clientèle,
des stratégies de dépistage plus systématiques
apparaissent indiquées. Par ailleurs, considérant
les conséquences sur la santé dont les blessures
physiques chez certains des jeunes, il importe
d’encourager le dévoilement des situations de
victimisation.
Journal International De Victimologie 11(2)
Plusieurs interventions visant à réduire les
séquelles liées à l’agression sexuelle ont été
implantées au cours des dernières années et l’une
de ces approches a été identifiée comme une
pratique exemplaire, soit l’approche Trauma
Focused-Cognitive Behavioral Therapy (TF-CBT)
(Hébert, Bernier, & Simoneau, 2011). La TF-CBT a
fait l’objet de plusieurs évaluations incluant des
études randomisées qui attestent de son efficacité.
Cette approche cible notamment les symptômes du
TSPT (Cohen, Deblinger, Mannarino, & Steer,
2004), mais par contre ne cible pas la violence ou
les conduites coercitives au sein des relations
amoureuses, ni d’autres problématiques associés
(abus de substances, comportements sexuels à
risque) auxquelles les adolescentes victimes
d’agression sexuelle sont susceptibles d’être
confrontées (Danielson et al., 2012). En raison de
la prévalence élevée de victimisation au sein des
relations amoureuses chez les adolescentes
victimes d’agression sexuelle, il y aurait lieu
envisager d’introduire une composante de
traitement abordant plus spécifiquement cette
problématique.
Les programmes de prévention de la
violence dans les relations amoureuses sont en
général liés à une amélioration des connaissances
et des attitudes chez les participants (Foshee &
Reyes, 2011b; Ting, 2009). Certaines études ayant
documenté
l’impact
des
programmes
sur
l’incidence de la violence, ont également noté une
réduction de la perpétration et/ou de la victimisation
(Foshee & Reyes, 2011b). Bien que les
programmes diffèrent quant aux approches
utilisées, la majorité vise à prévenir ou réduire la
violence dans les relations amoureuses des jeunes
à travers une meilleure connaissance de la
problématique, en modifiant les attitudes tout en
favorisant le développement d’habiletés de
communication et de résolution de problèmes et en
encourageant les comportements de sollicitation
d’aide.
Au Québec, notons entre autres le
programme ViRAJ (Lavoie, Vézina, Gosselin, &
Robitaille, 1994; Lavoie, Hotton-Paquet, Laprise, &
Joyal Lacerte, 2009), qui s’adresse aux jeunes de
14-15 ans et aborde le contrôle au sein du couple,
en mettant l’accent sur la violence psychologique et
la violence sexuelle. Une adaptation d’un tel
programme de prévention ayant donné lieu à des
effets probants pourrait cibler le risque de
revictimisation chez les adolescents ayant été
victimes
d’agression
sexuelle.
Ainsi,
les
interventions visant les jeunes victimes d’agression
sexuelle – souvent dispensées en modalité de
groupe - pourraient intégrer une composante
préventive afin d’optimiser les changements au
plan des attitudes face à la violence et aussi afin
d’aider les jeunes à reconnaître et agir face aux
situations de coercition.
Hébert et al.
La présente étude comporte certaines
limites. D’abord, les analyses réalisées n’ont pas
tenu compte de la sévérité ni du type de violence
subie. Par ailleurs, l’instrument utilisé pour évaluer
la violence dans les relations amoureuses – tout
comme la majorité des outils actuellement
disponibles – ne permettait pas de cerner le
contexte des gestes subis. De plus, la mesure
utilisée n’a pas considéré la présence de violence
sexuelle au sein des relations amoureuses, alors
que cette forme de victimisation semble
relativement fréquente chez la population
adolescente (Van Camp et al., soumis).
Finalement, le devis transversal de l’étude ne
permet pas d’apprécier la temporalité des variables
évaluées. Les études futures devront s’appuyer sur
un devis longitudinal afin d’explorer l’évolution des
trajectoires de symptômes du TSPT chez les
adolescentes victimes d’agression sexuelle. Ce
type d’approche permettrait notamment de
discerner si les symptômes du TSPT sont des
conséquences suivant la violence dans les
relations amoureuses, et d’explorer le possible rôle
médiateur du TSPT face au risque de
revictimisation. Les symptômes d’hyperéveil,
d’intrusion et d’évitement associés au TSPT
pourraient interférer avec la capacité des jeunes à
reconnaître les situations à risque et à se protéger
de situations potentiellement violentes. En fait, une
analyse suggère que la dimension de l’hyperéveil
est l’élément-clé qui agit comme médiateur du lien
entre l’agression sexuelle et la revictimisation à
l’âge adulte (Risser, Hetzel-Riggin, Thomsen, &
McCanne, 2006). Cette possibilité devra être
évaluée auprès d’échantillons d’adolescents.
Finalement, les études futures devront explorer les
possibles facteurs de résilience qui expliquent
pourquoi
certaines
adolescentes
victimes
d’agression sexuelle réussissent d’une façon ou
d’une autre à « éviter » une trajectoire de
revictimisation.
En conclusion, les adolescentes ayant
vécu une agression sexuelle sont nombreuses à
rapporter des expériences de victimisation dans le
cadre de leurs premières relations amoureuses, et
ces expériences semblent contribuer à la sévérité
des symptômes du TSPT. Les approches
d’interventions devront tenter d’innover afin d’éviter
les trajectoires de revictimisation chronique chez
cette clientèle vulnérable.
Journal International De Victimologie 11(2)
VRA chez les adolescentes AS
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Hébert et al.
Tableau 1
Caractéristiques des agressions sexuelles vécues
n
%
Âge lors du premier épisode (n = 94)
Moins de 6 ans
7-12 ans
12 ans et +
18
38
38
19,2%
40,4%
40,4%
Identité de l’agresseur (n = 98)
Membre de la famille immédiate
Membre de la famille élargie
Connaissance
Inconnu
63
12
18
5
64,3%
12,2%
18,4%
5,1%
Type d’agression (n = 90)
Contact physique sans pénétration
Contact physique avec pénétration ou force
52
38
57,8%
42,2%
Durée de l’agression (n = 89)
Un épisode
Quelques épisodes
Chronique
21
40
28
23,6%
44,9%
31,5%
Note. Le n varie en raison de données manquantes dans les dossiers cliniques.
Hébert et al.
Tableau 2
Fréquence des évènements stressants et niveau de bouleversement rapporté par les participantes
Niveau de
bouleversement
Fréquence
(1 - 4)
Événement
%
M (E.T.)
Maladie ou accident ayant nécessité ton hospitalisation
35,6%
2,48 (1,19)
Maladie ou accident ayant nécessité l'hospitalisation d'un de tes
43,1%
2,84 (0,93)
parents
Trouble de santé mentale chez un membre de famille
28,8%
2,71 (0,96)
Problème d'argent
35,6%
2,73 (1,04)
Séparation ou divorce des parents
72,6%
2,45 (1,24)
Décès d'un membre de la famille
64,4%
3,23 (0,94)
Violence conjugale physique
39,7%
3,00 (1,22)
Violence conjugale verbale
63,0%
3,16 (0,95)
Violence physique
35,6%
3,54 (0,71)
Violence verbale
53,4%
3,38 (0,78)
Violence entre les enfants
46,3%
2,72 (1,03)
Agression sexuelle vécue par un autre membre de famille
38,4%
3,19 (1,04)
Incarcération d'un membre de famille
38,4%
2,14 (1,11)
Alcoolisme dans famille
63,9%
2,82 (1,07)
Abandon des enfants par un des parents
42,5%
3,19 (1,01)
Placement
60,3%
3,09 (0,96)
Témoignage au tribunal
41,1%
2,47 (0,94)
Témoignage à la police
74,0%
2,82 (1,05)
Journal International De Victimologie 11(2)
VRA chez les adolescentes AS
Tableau 3
Prévalence des différentes formes de victimisation par le partenaire actuel
Violence psychologique
T'insulter, sacrer, hurler, crier après toi
Lors d'un désaccord, quitter les lieux en montrant sa frustration ou
faire quelque chose pour te contrarier
Te traiter de noms (comme laide, grosse) ou détruire quelque chose
qui t'appartenait
Menacer de te frapper, menacer de te lancer un objet
Au moins un épisode de violence psychologique
Violence physique
Lancer un objet pouvant te blesser, tordre ton bras ou tirer tes
cheveux
Te pousser ou bousculer, t'agripper brusquement
Te gifler
Te menacer avec un couteau ou une arme, te donner un coup de
poing
Tenter de t'étrangler ou te projeter brutalement contre le mur
Te battre ou te brûler ou t'ébouillanter volontairement
Te donner un coup de pied
Au moins un épisode de violence physique
Blessures
Te faire un bleu, une ecchymose ou une petite coupure suite à une
bagarre
Ressentir une douleur physique jusqu'au lendemain suite à une
bagarre
T'évanouir suite à un coup sur la tête
Avoir besoin d'une visite chez le médecin, suite à une bagarre
Avoir subi une fracture à la suite d'une bagarre
Au moins un épisode de blessures
Journal International De Victimologie 11(2)
n
% ayant vécu
au moins un
épisode
21
37
28,8
50,7
15
20,5
13
17,8
38
52,1
7
9,6
9
7
4
12,3
9,6
5,5
3
2
5
4,5
2,7
6,8
14
19,2
8
11,0
11
15,1
1
4
2
1,4
5,5
2,7
13
17,8
Hébert et al.
Tableau 4
Résultats de la régression logistique
Prédicteurs
B
-0,13
SE
0,20
Wald
0,41
dl
1
p
ns
Nombre d’évènements
vécus
-0,02
0,08
0,08
1
ns
0,98
Niveau de
bouleversement
2,31
0,71
10,75
1
0,001
10,13
Victimisation dans la
relation amoureuse
1,31
0,59
4,90
1
0,05
3,72
Âge
Journal International De Victimologie 11(2)
Rapport de cote
0,88

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