Le dieu du carnage de yasmina reza en

Transcription

Le dieu du carnage de yasmina reza en
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Universität zu Köln
Analyse du stage en situation
Dr. Wolfgang Pütz
Wintersemester 09/10
30.06.2010
Le dieu du carnage de Yasmina
Reza en cours de FLE
2
Table des matières
Seite
1
Introduction............................................................................. 3
2
Contenu de la pièce................................................................ 4
3
Aspects importants et tâches pour le travail sur Le dieu du
carnage en cours de FLE ....................................................... 5
3.1
Avant la lecture : les attentes des élèves........................................ 5
3.2
Le début de la lecture : la situation de départ .................................. 6
3.3
Les caractères et les relations entre les personnages..................... 8
3.4
La présence de la violence et l’importance des objets dans Le dieu
du carnage..................................................................................... 10
3.5
Les caractéristiques du genre : les différences entre Le dieu du
carnage et une pièce de théâtre classique .................................... 15
4.
Conclusion ............................................................................ 18
Bibliographie ............................................................................... 20
Eidesstattliche Erklärung
3
Introduction
Les pièces de théâtre de Yasmina Reza sont des pièces très appréciées et
très souvent jouées en France et dans d’autres pays. Reza a eu un grand
succès entre autres, avec les pièces Art (1994), Trois versions de la vie (2000)
et Le dieu du carnage (2007). Ce sont des pièces du type « théâtre
contemporain ». Yasmina Reza se sert d’éléments classiques de la comédie et
utilise de nouveaux éléments en même temps. Selon Denis Guenon, Yasmina
Reza « cherche à fonder une nouvelle comédie sans pour autant tomber dans
la régression esthétique et idéologique qu’on reproche souvent à un théâtre qui
fait rire ».(Grewe p.22)
Dans Le dieu du carnage, il n’y a plus que quatre personnages. L’action
est dominée par les conversations entre les personnages et se déroule dans
une salle de séjour qui appartient à l’un des protagonistes. Les rapports entre
les protagonistes changent plusieurs fois pendant l’action ; deux personnes qui
s’entendent bien au début de la pièce peuvent se trouver en conflit quelques
instants plus tard.
La combinaison d’éléments traditionnels et nouveaux est l’un de plusieurs
aspects qui se prête bien comme sujet en cours de FLE. L’avantage de Le dieu
du carnage par rapport aux pièces classiques est que l’action et les sujets
traités ont un lien avec la vie des élèves étant donné qu’elles traitent de
personnes d’aujourd’hui. Mais cela ne suffit pas pour motiver les élèves à
travailler sur cette pièce. Pour le cours de FLE, il faut choisir des approches
variées et des tâches qui correspondent au niveau des élèves. En outre, il est
important de traiter la pièce pas seulement comme un texte mais aussi comme
une pièce qui sera représentée sur scène.
Les pièces Art et Trois versions de la vie jouent un rôle important dans les
cours de FLE en Allemagne. Pour Art et Trois versions de la vie, il existe plus
de matériaux pour les cours de français que pour Le dieu du carnage. Cela est
simplement du au fait que les deux premières pièces existent plus longtemps.
(Il y a un dossier pédagogique de Klett Verlag pour Art ) Pour Le dieu du
carnage on il n’y pas beaucoup d’analyses ni dans la didactique de FLE ni dans
la littérature en général.
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C’est pourquoi je vais préparer différentes tâches sur Le dieu du carnage
pour un cours de FLE. Je vais présenter des tâches pour l’avant-lecture, pour le
début de la lecture de la pièce et pour la lecture proprement dite.
Avant de présenter les tâches, je vais tout d’abord donner quelques
informations sur le contenu de Le dieu du carnage. Pour chaque série de
tâches, je commencerai par une sorte d’analyse qui servira à montrer les
résultats qui peuvent être trouvés en travaillant sur les tâches. Par ailleurs, je
présenterai les objectifs de ces tâches pour le cours de FLE.
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Contenu de la pièce
Deux couples , les Houillié et les Reille, se rencontrent chez les Houillié
suite à une bagarre entre leurs fils Bruno et Ferdinand. Comme son fils Bruno a
été blessé par Ferdinand, Véronique Houillé veut parler aux Reille et propose
que Ferdinand s’excuse.
Mais les avis divergent, qu’il s’agisse de déterminer qui est le coupable de
cette bagarre et de savoir si cette rencontre a un sens. La bagarre ne reste pas
d’ailleurs la seule raison pour les conflits entre les personnages pendant cette
soirée qu’ils passent ensemble et les conflits ne se produisent pas uniquement
entre les deux couples.
Alain Reille, qui est avocat, est tout le temps occupé à régler ses affaires
en téléphonant avec son portable. Par le biais de ses conversations on apprend
qu’il plaide pour un groupe pharmaceutique accusé d’avoir fabriqué des
médicaments toxiques. Le comportement d’Alain ne plaît pas à sa femme
Annette qui en a assez de s’occuper seule de la maison et de leur fils.
D’un autre côté le comportement de Michel Houillié est critiqué par les
deux femmes parce qu’il a relâché en liberté le hamster de sa fille à cause de
sa phobie contre les rongeurs. Plus tard, au cours de l’action, la mère de Michel
Houillié téléphone à son fils et on apprend qu’elle prend des médicaments du
même groupe pharmaceutique qui est défendu par Alain. Cela mène à un autre
conflit entre les deux couples.
Les relations entre les protagonistes deviennent de plus en plus tendues
et les conflits s’accumulent sans être résolus. On commence même à boire de
l’alcool pour pouvoir mieux supporter la situation. Vers la moitié de l’action, les
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conflits ne sont plus représentés seulement dans la conversation mais aussi
dans l’action. Annette Reille a mal au cœur et vomit sur les livres d’art de
Véronique. Plus tard, elle jette le portable de son mari dans le vase. À la fin les
Reille quittent les Houillié sans qu’ils se soient réconciliés.
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Aspects importants et tâches pour le travail sur Le
dieu du carnage en cours de FLE
Dans cette partie de mon mémoire je vais parler des sujets que l’on peut
traiter dans un cours de FLE quand on analyse la pièce Le dieu du carnage de
Yasmina Reza. Ces sujets vont être liés à différents aspects, comme le drame
en tant que genre littéraire, les conflits entre les personnages, le langage utilisé
par les protagonistes, les personnages et leur caractère. Après avoir présenté
ces sujets, je concevrai pour chaque sujet des tâches à réaliser pour le cours
de FLE.
2.1
Avant la lecture : les attentes des élèves
Avant de commencer la lecture de la pièce, on peut choisir d’introduire le
texte en parlant des attentes des élèves envers la pièce.
Pour ce type
d’introduction de la pièce, il est très important que le texte soit encore inconnu
aux élèves. On parle dans ce cas d’une approche créative. Selon Dorotea
Höner (p.87 in Krechel), les approches créatives ont plusieurs avantages : elles
peuvent motiver les élèves et faciliter
l’accès au texte, de même que leur
permettre un accès émotionnel à la pièce.
Pour introduire Le dieu du carnage dans un cours de FLE, on pourrait
commencer par décrire une affiche ( ci-dessous) sur laquelle on voit des photos
des personnages au début et à la fin de leur rencontre. On peut observer que
les physionomies ont beaucoup changé et que les personnages ont l’air de
s’être disputés. Après la description neutre de l’affiche, on pourrait demander
aux élèves quelles émotions ils éprouvent en regardant l’affiche, ce qui a pu se
passer et pourquoi les physionomies des personnages ont changé. En plus, on
pourrait parler des attentes des élèves quant au contenu de la pièce et se
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demander du quel genre de conflit à la question duquel conflit il pourrait s’agir
entre les personnages.
Dans le cas des questions présentées ci-dessous on pourrait en traiter un
partie en classe sous la forme de discussion et une autre partie sous la forme
de travail individuel.
Pour chaque variante les résultats seraient noté au
tableau.
Questions et tâches possibles à propos de l’affiche :
1. Qu’est-ce que vous éprouvez en regardant l’affiche ?
2. Décrivez l’affiche.
3. Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi est-ce que l’apparence des
personnages a changé ?
4. Qu’est-ce que vous vous imaginez comme contenu de la pièce ?
5. Quel genre de conflit s’est produit entre les personnages ?
6. Quelles relations existent entre les personnages ?
Affiche
2.2
Le début de la lecture : la situation de départ
Après avoir commencé le cours sur Le dieu du carnage par une tâche de
l’avant-lecture, on peut continuer le cours en lisant le début de la pièce avec les
élèves. Les trois premières pages du texte (Reza 2008 p. 5-8) fonctionnent
comme une exposition et fournissent des informations sur la situation de départ
de la pièce et sur les personnages.
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Dans ces premières pages on apprend que Ferdinand Reille, le fils
d’Annette, a frappé Bruno Houillié, le fils de Véronique et de Michel. On
apprend aussi où, quand et comment cette bagarre a eu lieu et on est informé
sur les conséquences de la bagarre, à savoir les blessures de Bruno. Dans cet
extrait, on a l’impression que les personnages vont aboutir à un accord, car ils
se parlent encore d’une façon polie. Mais étant donné que les élèves avaient
déjà vu sur l’affiche qu’un conflit allait se produire, il s’impose de faire encore
une tâche créative sur les attentes des élèves. Afin que Le dieu du carnage ne
soit pas seulement traité comme une lecture mais aussi comme une pièce de
théâtre destinée à être jouée sur scène, les élèves pourraient inventer une suite
pour le dialogue initial.
Avant de passer à cette tâche, il faut que les élèves s’occupent de la
situation de départ de plus près parce qu’elle est essentielle pour l’action qui
suit. Dans ce cas, la tâche pourrait consister à écrire un petit article de journal
sur les événements qui se sont passés avant la rencontre des Houillié et des
Reille. L’objectif de cette tâche serait de transformer un genre de texte en un
autre genre en respectant toutes les caractéristiques nécessaires. Pour un
article de journal il est important de décrire l’évènement d’une façon objective et
au présent. Il faut intégrer les circonstances de l’évènement comme le temps,
l’endroit et les participants.
Tâches possibles:
1. Lisez le début de la pièce jusqu`à page 8, ligne 9.
2. Pourquoi est-ce que les personnages se sont rencontrés ? Rassemblez
les informations sur l’évènement produit et sur les circonstances. Puis,
écrivez un petit article de journal.
3. Comment vous imaginez-vous la suite de la conversation ? Inventez une
suite en groupes de quatre personnes et jouez les conversations dans
votre groupe. Soyez prêts à présenter votre dialogue en classe.
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2.3
Les caractères et les relations entre les personnages
Quand on travaille sur une pièce de théâtre en cours de FLE, il faut inclure
l’analyse des personnages et de leur caractère. En observant les propos et le
comportement des personnages dans Le dieu du carnage on remarque
plusieurs particularités. Un aspect frappant est que les personnages ont des
traits stéréotypes. En lisant ou en écoutant les conversations on a l’impression
qu’on connait « ce genre de caractère ».
Alain Reille est l’homme d’affaires qui ne pense à rien d’autre qu’à son
travail d’avocat. Il n’a pas de scrupules quand il s’agit de défendre un client et il
est tout le temps en train de téléphoner avec son portable sans lequel il ne
pourrait pas vivre. Par conséquent, il n’a pas le temps pour sa famille et sa
femme est mécontente. En plus, le mariage avec Annette est déjà son
deuxième mariage et il a
un enfant du premier mariage. Cela lui donne
l’apparence d’un macho égoïste et indifférent à sa famille.
Annette Reille travaille comme conseillère en gestion de patrimoine mais
elle doit s’occuper aussi de son fils et du ménage. Ce rôle et le comportement
de son mari ne la plaisent pas du tout. On a l’impression qu’elle est frustrée,
nerveuse et labile. Au début de la pièce elle est le personnage qui parle le
moins et qui n’attire guère l’attention des autres. Il faut qu’elle vomisse sur les
livres d’art de Véronique pour que les autres s’intéressent à elle et s’occupent
d’elle. A partir de ce moment, elle commence à donner son avis et à parler plus.
Véronique
Houillié
peut
être
décrite
comme
une
intellectuelle
philanthrope qui s’intéresse à l’art et à la culture. Elle est écrivain et est
spécialisée sur l’Afrique. Véronique est le personnage qui se sent le plus
concerné par la bagarre entre les deux enfants et qui s’intéresse le plus à une
réconciliation entre les deux. Elle se présente comme une personne
raisonnable et elle se sent supérieure aux autres personnages. Dans la vie
conjugale, c’est elle qui a plus d’autorité.
Michel Houillié est une « mauviette » qui essaye de souligner sa virilité en
racontant que, dans son enfance, il était chef de bande. Il se laisse dominer par
sa femme et c’est lui qui à manger aux invités. Il apparaît d’autant moins viril
qu’il a peur d’un hamster. On se moque de son métier, car il est grossiste en
articles ménagers. Le fait qu’il vend des articles ménagers est un symbole pour
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le rôle qu’il joue dans sa famille. La différence entre les rôles de Michel et
d’Alain devient claire quand Annette dit : « Mon mari n’a jamais été un père à
poussette ! » et Véronique répond en disant : « Toi Michel, tu appréciais de
prendre soin des enfants et tu conduisais la poussette avec joie .». (p. 25 l.4)
Un autre aspect important au niveau des personnages est que l’on ne
trouve ni de héros ni d’antihéros parmi les personnages. Aucun personnage ne
nous semble avoir vraiment raison ou se comporter d’une façon plus
sympathique ou plus juste que les autres. Il semble impossible de choisir un
personnage que l’on aime ou que l’on déteste et à qui l’on pourrait s’identifier
complètement. Tous les personnages montrent des faiblesses dont certaines
nous énervent plus que d’autres.
En ce qui concerne les relations entre les personnages on peut observer
qu’il n’y a pas d’oppositions ni alliances constantes. Mais on voit que presque
tous les duos possibles se trouvent soit en conflit soit en accord, suivant le
sujet de la conversation. Les oppositions et les alliances changent sans cesse
jusqu’à la fin de la pièce. Cette alternance entre oppositions et alliances nous
montre que tous les personnages ont besoin d’une sorte de reconnaissance de
la part d’un des personnages. Dès qu’un conflit se produit entre deux
personnages, les deux autres prennent parti pour l’un des deux.
Pour travailler sur les personnages dans Le dieu du carnage en cours de
FLE, on pourrait commencer par une caractérisation des personnages et diviser
la classe en quatre groupes (ou huit groupes dans une grande classe). Chaque
groupe doit s’occuper d’un personnage. Les élèves commencent par
rassembler les informations sur leur personnage et son comportement. Puis, les
groupes présentent leurs résultats en classe. Afin de découvrir les traits
stéréotypes des personnages, chaque groupe doit trouver deux phrases qui
représentent bien le caractère du personnage. En plus les groupes doivent
reproduire ces phrases en employant des gestes, des expressions de visage et
une intonation qui conviennent aux caractères.
Le travail sur les relations entre les personnages se fera dans six groupes.
Chaque groupe doit analyser les rapports possibles des personnages dans des
passages donnés : Annette-Véronique (p. 40, 45, 28), Annette-Alain (p. 27, 32,
41), Annette-Michel (p. 34, 40) , Véronique-Michel (p. 45), Véronique-Alain (p.
22, 27), Michel-Alain (p. 37, 30). La tâche consistera à observer les conflits et
les alliances dans les relations et à commenter les résultats. En plus, les élèves
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doivent faire une illustration qui montre la relation entre les deux personnages.
L’objectif de cette tâche sera que les élèves se rendent compte que presque
tous les personnages peuvent être en conflit ou en accord avec les autres
suivant le sujet dont ils parlent. Les élèves devront découvrir des motifs dans
les relations comme : Véronique et Annette se solidarisent pour critiquer le
comportement d’Alain.
Tâches possibles : caractérisation
1. Caractérisez votre personnage.
2. Trouvez deux phrases typiques pour ce personnage et qui reflètent bien
son caractère.
3. Reproduisez ces paroles en utilisant des gestes et des expressions de
visage qui, selon vous, conviennent au caractère.
4. Est-ce que vous aimez ce personnage ou pas ? Notez les raisons pour
lesquelles vous l’aimez ou vous ne l’aimez pas et faites un tableau : pour
– contre.
Tâches possibles : relations entre les personnages
1. Lisez le passage du texte donné et observez la relation entre les deux
personnages.
2. Quel type de relations existe-t-il entre les deux ? Est-ce qu’ils se trouvent
en conflit ou en accord ? Décrivez vos observations et faites des
commentaires sur les origines de cette relation.
3. Faites une illustration qui montre la relation entre les deux personnages.
2.4
La présence de la violence et l’importance des objets dans Le
dieu du carnage
Selon Roswitha Guizetti, les trois pièces de Yasmina Reza Art, Trois
versions de la vie et Le dieu du carnage contiennent des éléments de violence.
Des objets
(le portable d’Alain, le livre de Véronique) ou des personnes
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absentes (les fils Bruno et Ferdinand) sont les raisons pour les conflits entre les
protagonistes. Dans Le dieu du carnage, l’aspect de la violence se trouve déjà
dans le titre et la violence entre les deux garçons est la raison pour laquelle les
personnages se sont rencontrés. Dans Le dieu du carnage, comme dans les
autres deux pièces, il y a un fort degré de violence verbale. Plus tard, dans
l’action, la violence est aussi utilisée contre des objets.
Le degré de violence augmente au cours de l’action, comme on le voit
aussi dans la quantité et dans l’intensité des conflits. La violence se reflète dans
le langage que les personnages utilisent. Au début de la pièce, les personnages
essayent encore de se comporter d’une manière raisonnable et polie. C’est
pourquoi ils utilisent des expressions qui sont prises de certains jargons : en
parlant de la bagarre au début de leur rencontre ils utilisent le langage médicale
( « la tuméfaction de la lèvre supérieure, une brisure des deux incisives ») pour
parler des blessures de Bruno et Allain Reille emploie le langage d’avocat pour
nier le culpabilité de son fils. Il préfère dire que son fils était « muni » d’un bâton
plutôt que « armé ». En recourant à des jargons les personnages montrent leur
intention d’être neutres et raisonnables et de se comporter « comme des
adultes », contrairement à leurs fils. Il y a encore d’autres éléments qui
appartiennent à ce « langage de raison ». Au début, on utilise une langue
standard qui ne contient ni d’expressions vulgaires envers les autres ni
d’expressions du langage familier. Les personnages se montrent polis de polis :
on se remercie, on concède à des points ( le mot « oui » est souvent utilisé), on
se fait des compliments mutuellement (« Annette : Elle sont ravissantes ces
tulipes »).
Le premier conflit se produit entre Véronique Houillié et Alain Reille. Alain
se moque de Véronique parce qu’elle veut que les deux garçons se rencontrent
et en parlent eux-mêmes. Alain trouve cette idée ridicule et exagérée. D’abord il
montre son attitude avec une politesse exagérée ( il prend ses distances par
rapport à elle) mais d’un ton ironique : « Madame, il faudrait beaucoup de
choses. Il faudrait qu’il vienne, il faudrait qu’il en parle, il faudrait qu’il regrette,
vous avez visiblement des compétences qui nous font défaut, nous allons nous
améliorer mais entre-temps soyez indulgente. » (p.27 l. 15)
Un peu plus tard au cours de l’action, les hommes commencent à parler
avec plaisir de leurs souvenirs de leurs bandes. Au lieu de s’indigner de la
violence entre leurs fils, Alain et Michel comparent leurs propres expériences de
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bagarres de leur enfance à celles de leurs fils. Les deux femmes n’arrivent pas
à comprendre ce comportement. Annette ne veut pas « entrer dans les
querelles des enfants » (p.31 l.13) et Véronique veut aussi parler de la violence
entre les deux garçons comme quelque chose de cruel qu’il faut éviter.
Le prochain conflit se produit entre Michel et Alain. Michel fait un
commentaire négatif sur les laboratoires pharmaceutiques qui sont défendus
par Alain. En revanche, Alain dit que Michel n’est pas « censé de partager ma
conversation ». (p.37 l.2) À ce moment de l’action, l’usage de la violence
verbale commence. Les deux hommes se moquent mutuellement du métier de
l’autre : Michel dit : « Vous faites un drôle de métier quand même » et Alain
répond « Et vous ? Vous faites quoi ? ». Ici, les disputes ne sont pas encore
graves et on n’utilise pas d’injures.
Le premier personnage qui utilise des injures est Annette. Elle commence
à avoir mal au cœur et après avoir dit cela elle n’est plus aussi réservée et polie
qu’auparavant. D’abord, elle donne son avis sur l’éducation de son fils et après,
elle demande à Alain d’arrêter les appels sur son portable en utilisant des
injures : « merde » et « ça fait chier le portable (…)» Ce qui montre aussi une
sorte de violence verbale, c’est l’usage d’impératifs. Mais au moment où
Annette utilise des impératifs et des injures contre son mari, il commence à
utiliser le nom « toutou » pour elle après qu’elle a vomi sur les livres de
Véronique. Annette ne reste pas le seul personnage à utiliser des injures.
Quand Michel et Véronique vont ensemble à la salle de bains pour nettoyer les
livres, ils échangent leurs avis sur leurs invités en utilisant des gros mots
comme :
« dégueulé »,
« gerber »,
« mécanismes
des
chiottes »
et
« merdeur ».
Dans l’ensemble, on ne peut pas dire que le langage violente remplace le
langage de raison à un certain moment de la pièce. Après la conversation sur
les Houillié, Véronique et Michel reviennent dans la salle de séjour. Ils
échangent encore des politesses avec les Reille, s’excusent pour leur
comportement et demandent à Annette comment elle se sent. Le langage de
raison alterne avec le langage violent, mais on peut observer que la quantité de
langage violente qui contient des insultes et des gros mots augmente et que la
quantité de la langue de raison diminue. Le sujet de la violence linguistique est
même abordé par Annette qui dit : « L’insulte est une agression ». (p.52, l.9)
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Bien qu’elle pense au conflit entre Ferdinand et Bruno en prononçant cette
pensée, cela concerne aussi le comportement des protagonistes.
Le comportement raisonnable et poli des personnages (« Véronique : nous
nous efforçons d’être conciliants, et modérés. » (p.53, l.17) fonctionne comme
un masque qui cache la « vraie » personnalité. Annette répond à la remarque
de Véronique qu’ils sont « modérés en surface » (p.54, l.2) Véronique réagit en
proposant de cesser de porter les masques en dit : « Puisque nous sommes
modérés en surface, ne le soyons plus » (p.56, l.5). À partir de ce moment, les
personnages ont encore moins de scrupules à utiliser des injures et ils
commencent même à insulter leurs fils : Michel les appellent « les deux petits
cons » et il dit « morveuse » pour sa fille. Michel admet que sa femme l’a
« déguisé en type de gauche » et que normalement il est un « caractériel pur ».
(p.62, l.17).
À la fin de la pièce, la violence verbale est aussi utilisée par Véronique
pour faire partir les Reille : Elle dit : « Foutez le camp » (p.92, l.7). Le moment
où les Reille veulent partir est accompagné par des insultes comme « Bouclelà », « La ferme! », « petit pédé » etc.
Dans Le dieu du carnage on ne trouve pas seulement des formes de
violence verbale, mais aussi de la violence contre des objets. Ce type de
violence est utilisé le plus fréquemment par Annette. C’est elle qui vomit sur les
livres d’art de Véronique, qui jette le portable d’Alain dans le vase de tulipes et
qui bat les fleurs à la fin de la pièce. Une fois, c’est Véronique qui prend le sac
d’Annette pour le lui rendre d’une telle façon qu’elle casse le poudrier et le
vaporisateur qui se trouvent à l’intérieur. La réaction des propriétaires des
objets qui viennent d’être endommagés est marquée par le désarroi et par la
panique. Surtout quand les livres de Véronique et le portable d’Alain sont
endommagés, les réactions sont très émotionnelles. Le comportement de
Véronique et de Michel qui commencent à nettoyer et sécher les livres et celui
d’Alain qui essaye de réparer son portable font penser à la réanimation d’une
personne qui est morte. Les personnages semblent être plus concernés par ces
objets que par leur partenaires et leur familles. Alain, qui était indifférent et
équilibré en parlant de la bagarre entre les garçons, se montre désespéré à la
vue de son portable endommagé.
Pour le travail en cours de FLE, on pourrait faire une analyse du langage
utilisé dans Le dieu du carnage et du rôle que la violence joue dans la pièce.
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On pourrait commencer par un travail individuel où l’on demande aux élèves de
montrer comment le sujet de la violence est employée dans la pièce et
comment elle est employé par les personnages. Puis, on pourrait leur faire
analyser comment le langage est utilisé quand les personnages sont
raisonnables et quand ils ne le sont pas. Pour cette comparaison, on pourrait
faire un tableau avec les moyens linguistiques utilisés dans les deux cas.
Afin de parler de la violence contre les objets dans la pièce on peut lire le
passage du texte où Annette jette le portable de son mari dans le vase (p.8587). Dans ce cas on pourrait discuter sur la réaction d’Alain et demander aux
élèves de se rappeler d’un évènement dans leur vie où ils étaient extrêmement
tristes et désespérés à cause d’un objet. Les élèves pourraient écrire une
entrée dans un journal intime pour décrire cette expérience et leurs sentiments.
Après, on pourrait faire une discussion sur le commentaire d’Annette :
« Les hommes sont tellement accrochés à leurs accessoires » (p.86) et se
demander si les gens dans notre société sont trop matérialistes et s’occupent
trop des objets.
Les deux dernières tâches ont pour objectif de rendre possible une
identification des élèves avec les protagonistes. En traitant un sujet
sociocritique la pièce a par ailleurs l’avantage pour les élèves d’avoir un
rapport à leur propre vie.
Tâches possibles :
1. Quel rôle est-ce que la violence joue dans Le dieu du carnage ?
2. Comment est-ce que les formes de violence sont employées par les
personnages ?
3. Quels moyens linguistiques sont utilisés par les personnages quand ils
se comportent d’une façon raisonnable et quand ils ne le font pas ?
Écrivez vos résultats dans un tableau avec les catégories « langage de
raison » et « langage de violence ».
4. Alain est désespéré quand Annette jette son portable dans le vase.
Rappelez-vous d’une situation où vous étiez triste ou furieux à cause
d’un objet. Écrivez une entrée dans un journal intime à propos de cette
expérience.
15
5. Annette dit que « Les hommes sont tellement accrochés à leurs
accessoires ».
Est-ce que vous pensez que, dans notre société, on
s’intéresse trop aux objets ?
2.5
Les caractéristiques du genre : les différences entre Le dieu du
carnage et une pièce de théâtre classique
Un aspect d’ analyse pour Le dieu du carnage en FLE pourrait être la
comparaison de cette pièce à une pièce de théâtre classique ( p. ex. Tartuffe
de Molière) Ce point de vue présuppose que les élèves ont déjà lu une pièce de
théâtre classique en cours. Mais comme le travail en cours de FLE avec Le
dieu du carnage aura lieu environ à partir de la sixième année d’apprentissage,
on peut alors être sûr que les élèves auront déjà traité une pièce classique, au
moins en cours d’allemand.
En regardant le tableau des personnages dans Le dieu du carnage, on
peut constater qu’il ne correspond pas au type de tableau que l’on trouve dans
une pièce classique. Il est plutôt minimaliste. D’abord, on n’y trouve plus que
quatre personnages qui ne sont décrits ni par leurs relations ( p. ex. femme de
x, neveu de x, amant de x etc.) ni par leurs métiers ( p. ex. servante, notaire
etc.) mais on n’apprend que leurs prénoms et surnoms.
En ce qui concerne les didascalies dans Le dieu du carnage, il y
a
plusieurs caractéristiques qui correspondent à la forme classique. La pièce Le
dieu de carnage contient des didascalies qui sont écrites en italique comme
c’est le cas usuellement. Elles ont la fonction d’indiquer des bruits, des gestes
et la façon de parler des personnages, elles annoncent les entrées, les sorties
et certaines actions des personnages. Ces fonctions sont les mêmes que dans
la pièce classique. Pour continuer la comparaison, les élèves pourraient se
demander si les didascalies classiques ont encore d’autres fonctions. Une
différence frappante entre Le dieu du carnage et les pièces classiques peut être
observée au niveau de la description du décor . Les didascalies qui décrivent la
scène dans Le dieu du carnage se caractérisent par un manque de décor. Ce
fait est commenté avant la pièce par le commentaire : « Le salon. Pas de
réalisme. Pas d’éléments inutiles. » (Reza, p.4)
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En regardant la division de la pièce, on s’aperçoit qu’elle ne contient ni
actes ni scènes comme une pièce de théâtre classique qui est divisée en trois à
cinq actes et en plusieurs scènes.
On peut toutefois parler d’une sorte d’exposition au début de Le dieu du
carnage. Les didascalies et la conversation initiale nous informent sur la
situation de départ. Au cours de l’action, on apprend encore d’autres
informations sur les personnages, sur leurs métier, leur vie conjugale, ce qu’ils
aiment.
Il n’est pas possible d’identifier un point culminant dans Le dieu du
carnage. En revanche, la pièce contient plusieurs tournants qui changent le
déroulement de l’action : p. ex. l’appel de la mère de Michel empêche les Reille
de partir.
La fin de la pièce est une fin ouverte et quelconque. Les Reille quittent
l’appartement des Houillié en se disputant. La fin pourrait se produire déjà plus
tôt ou plus tard dans la pièce: les Houillé devaient déjà être partis plusieurs fois.
Il n’y a pas de dénouement où les conflits sont résolus comme c’est le cas
dans la comédie classique. Il n’y a pas non plus de catastrophe à la fin de la
pièce comme on le connaît dans la tragédie classique. Cela veut dire que Le
dieu du carnage nie le destin, contrairement à une pièce de théâtre classique.
En plus, il n’y a pas de cohérence classique des actions qui se
développent jusqu’à une fin déterminée, mais plutôt une quantité d’actions et de
sujets ( p. ex. les fils, le hamster, la vie conjugale des deux couples, le portable
d’Alain) dont les personnages parlent ou qui se développent à partir de
certaines situations. Ces sujets aboutissent presque toujours à des conflits. Et
tous les sujets reviennent plusieurs fois au cours de l’action. C’est pourquoi on
peut parler plutôt d’une circularité que d’une linéarité d’actions. Une autre
caractéristique de Le dieu du carnage qui montre que l’action n’est pas fixée et
déterminée est l’influence des événements extérieurs, comme l’appel de la
mère de Michel, sur l’action. À propos de ce phénomène, Andrea Grewe écrit :
« Tout souci classique d’unité et de cohérence semble abandonné : si unité il y
a (…) exclusivement l’unité du lieu de la représentation et du temps de la
représentation ». (Grewe 2007 p.26)
En regardant toutes les caractéristiques susmentionnés d’une pièce de
théâtre, on peut constater que Yasmina se sert d’éléments traditionnels, comme
les didascalies et l’exposition le montrent. Puis, il y a d’autres éléments
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traditionnels du théâtre qui sont utilisés, mais modifiés :
le tableau de
personnages et le décor sont minimalistes. En ce qui concerne les autres
points, il existe des différences importantes.
Pour les cours de FLE, on pourrait faire pour les élèves un tableau dans
lequel ils doivent écrire les différences et les similarités entre Le dieu du
carnage et une pièce de théâtre classique suivant les aspects caractéristiques
qu’ils connaissent. Au cas où l’on a déjà travaillé sur une pièce de théâtre
classique ( p. ex. Le Tartuffe de Molière) dans la classe de FLE, les élèves
pourraient apporter la pièce en question en cours pour puvoir comparer les
deux. Pour des classes avec un niveau bas, on pourrait déjà remplir la première
colonne qui contient les éléments du théâtre classique.
L’objectif de cette comparaison est que les élèves se rappellent des
éléments du théâtre classique et se rendent compte des différences entre le
théâtre classique et le théâtre contemporain. En plus ils approfondissent, et
apprennent du vocabulaire pour parler d’une pièce de théâtre.
Tâches possibles :
Travaillez à deux :
1. Rappelez-vous des éléments caractéristiques que l’on trouve dans une
pièce de théâtre classique. Écrivez-les dans la première colonne.
2. Réfléchissez sur les similarités et les différences entre le théâtre
classique et Le dieu du carnage d’après les éléments que vous avez
trouvés.
3. Discutez vos résultats avec un autre groupe et complétez le tableau par
de nouveaux aspects
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Tableau :
Eléments du théâtre
classique
Similarités
Différences
Didascalies
La division de la pièce
….
4. Conclusion
Le dieu du carnage de Yasmina Reza est approprié pour être traité en
cours de FLE à partir de la cinquième année d’apprentissage. Le niveau de
langage n’est pas difficile et l’action est facile à comprendre, dans la mesure où
il s’agit de dialogues sur des sujets simples.
Les tâches que j’ai présentées s’occupent de plusieurs aspects différents
de la pièce : des personnages, du langage, des aspects formels du texte, des
qualités d’une pièce de théâtre et des sujets qui sont abordés dans la
conversation des personnages.
Certaines tâches se penchent sur l’approche créative aux textes et
d’autres contiennent des aspects traditionnels d’analyse d’un texte. Les tâches
créatives servent à motiver les élèves en facilitant l’accès au texte. L’analyse
formelle du texte permet aux élèves d’apprendre les caractéristiques d’une
pièce de théâtre
Pour le travail avec une pièce de théâtre il est important aussi de montrer
aux élèves que la pièce a été écrite pour être présentée sur scène. C’est
pourquoi j’ai ajouté des tâches où les élèves peuvent jouer des passages de la
pièce.
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La diversité d’aspects de la pièce et d’approches veut permet de donner
aux élèves un cours intéressant et motivant sur Le dieu du carnage de Yasmina
Reza.
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Bibliographie
Reza, Yasmina (2008) : Le dieu du carnage (Reclam ), édité par Roswitha
Guizetti
Höner, Dorothea : Umgang mit Texten dans : Französisch Methodik (Cornelsen:
2007), édité par Krechel, Hans-Ludwig
Nieweler, Andreas (éd.) (2006) : Fachdidaktik Französisch (Ernst Klett
Sprachen GmbH)
Albert, Marie-Claude et Souchon Marc (2000) : Les textes littéraires en classe
de langue (Hachette)
Müller, Peter et Zoch, Helga (2002) : Art. Dossier pédagogique (Ernst Klett
Verlag)
Guénon, Denis (2005) : Avez-vous lu Reza (Albin Michel)
Grewe, Andrea (2007) : L’art de la comédie à l’âge du postdramatique dans
Lendemains 128, S. 22-41
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Eidesstattliche Erklärung
Hiermit versichere ich, dass ich die Hausarbeit selbstständig verfasst und keine
anderen als die angegebenen Quellen und Hilfsmittel benutzt habe. Alle
Ausführungen, die ich anderen Schriften wörtlich oder sinngemäß entnommen
habe, habe ich kenntlich gemacht. Die Arbeit war in gleicher oder ähnlicher
Fassung noch nicht Bestandteil einer Studien- oder Prüfungsleistung.
Aleksandra Tatusch