A la lumière d`un requiem - L`Ensemble Vocal Lausanne

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A la lumière d`un requiem - L`Ensemble Vocal Lausanne
SAMEDI 18 FÉVRIER 2012 L’EXPRESS-L’IMPARTIAL
JEUX VIDÉO
SP
Une vie après la mort
Remerciez le gnome Formorous
qui vous ramène à la vie.
Vous pouvez commencer la quête
aux Royaumes d’Amalur. PAGE 16
LE MAG
MICHEL CORBOZ Un grand chef pour les jeunes des Hautes Ecoles de Suisse romande.
A la lumière d’un requiem
PROPOS RECUEILLIS PAR
DOMINIQUE BOSSHARD
UN CERTAIN ATAVISME
On peut dire de Michel Corboz
qu’il a véritablement incarné
l’Ensemble vocal de Lausanne
pendant 50 ans. Un ensemble
créé en 1961, propulsé sur les
scènes internationales quelques
années plus tard, grâce à l’enregistrement des «Vêpres» de
Monteverdi, une œuvre pas du
tout mise en lumière à l’époque.
Depuis, de Buenos Aires à Tokyo,
de Copenhague à Lisbonne, le
chef a beaucoup bourlingué, touché aux tempéraments les plus
divers. «La musique est un trait
d’union, elle m’a permis de rencontrerlesgens», confie une voix affable au téléphone. Michel Corboz
a remis l’an dernier les rênes de
son EVL à Guillaume Tourniaire,
«la perle rare». Mais il est loin
d’en avoir fini avec la musique,
comme en témoignent, dans un
avenir proche, des projets à Lisbonne, Brême, Hanovre, Madrid... Demain, c’est à Neuchâtel
qu’il fait escale, pour y diriger l’orchestre et le chœur des Hautes
Ecoles de Suisse romande. A l’affiche: «Ein deutsches Requiem»
de Brahms.
«Mon père chantait dans une chorale, il était lui-même le fils d’un chef
de chœur très connu en Gruyère. On
peut parler d’atavisme», dit Michel
Corboz à propos de son parcours. Né
à Marsens, le futur chef grandit en
effet dans un coin de pays où l’on
chante beaucoup. «C’était avec fierté
que l’on faisait partie du chœur de
l’église du village». L’oreille se forme
au chant grégorien, à la polyphonie,
et c’est tout naturellement que,
jeune homme, Michel Corboz entre à
l’Ecole normale, où l’enseignement
de la musique est prépondérant. Au
dernier jour, une place de maître de
chapelle l’attend à Lausanne, dans
la plus grande paroisse du diocèse.
«J’y ai fait mes premières armes,
avec un chœur important.» Les Neuchâtelois, eux, n’ont sans doute pas
oublié que Michel Corboz a dirigé,
durant plusieurs années, La Cécilienne de La Chaux-de-Fonds et La
Chanson du Pays de Neuchâtel! Michel Corboz, un chef habité, s’est même produit devant la foule du Paléo, comme ici en 2007.
Vous connaissez fort bien ce
Requiem de Brahms; est-ce
vous qui avez tenu à l’inscrire
au programme?
C’est le choix d’Hervé Klopfenstein, directeur de la Haute
Ecole de musique de Lausanne.
Mais quand il a proposé cette
œuvre, automatiquement, j’ai eu
envie de dire oui. Je me sens concerné par ces textes, des textes
de vie et de mort. On imagine un
requiem comme un tunnel sombre, mais ce n’est pas du tout ça.
Ce Requiem de Brahms est traversé de joie et de lumière. Et il
est particulier, car contrairement aux autres, écrits en latin
sur des textes liturgiques, celuici l’est en allemand, et tiré de la
Bible; il est en partie bâti sur les
Béatitudes. Brahms a lui-même
choisi ces textes, il était habité
par eux, on le sent dans son écriture. Il y a de la chair et de l’esprit
dans cette œuvre; du merveilleusement terrestre et du
hautement spirituel. Ce mélange est très humain.
Comment avez-vous travaillé
avec les jeunes des Hautes
Ecoles de Suisse romande?
En fait, je m’y prends toujours
de la même façon, je vais directementlàoùilsemblequejedoisaller, car je sens que les gens ont
faim ou besoin de quelque
chose. D’un concert à l’autre, je
ne fais pas exactement les mêmes nuances; la conviction est la
même, mais la réalisation bouge
car à chaque fois le vaisseau et le
public diffèrent. Avec l’Ensemble vocal de Lausanne, le travail
est un peu plus intuitif parce
qu’ils sont habitués à moi. Mais
en peu de services de répétition,
j’ai pu faire que ce chœur de jeunes soit un peu mon chœur. Armin Jordan me disait: «Quand
on dirige, ça marche tout de suite
ou ça ne marche jamais!» (rire).
Là, choristes et musiciens ont
été minutieusement choisis. Ils
ont été préparés, musicalement
bien sûr, et choralement pour
cette pièce en particulier. J’ai été
gâté, je suis arrivé devant un
chœur magnifique et enthousiaste, qui adore cette œuvre.
LA CRITIQUE DE... GASPARD PROUST
Si vous ne deviez retenir que
quelques œuvres parmi celles
qui ont émaillé votre voyage
musical?
Quand j’étais jeune, à 17-18
ans, je n’aimais que la musique
de Bach. Je trouvais que tous les
autres, même Mozart, lui
étaient très inférieurs. Il m’a fallu du temps pour diriger le Requiem de Mozart, et maintenant, c’est une œuvre que j’ai
faite mienne. J’ai donc appris à
aimer certaines choses. Jeune,
j’étais tellement intéressé par la
musique sacrée, que jamais je
n’aurais imaginé faire de l’opéra.
Vingt ans plus tard, j’ai dirigé la
Messe de Puccini, que j’ai été
amené par hasard à connaître et
Personne n’est intouchable. «Je me suis déjà mis à
la place d’un handicapé, surtout à celle de parking.»
Les profs? Huit ans d’école pour retourner à
l’école. Les femmes. Bien sûr. Classées comme
des vins. Du grand cru bourgeois à la trentenaire
«vin de table». Passons sur le vinaigre. Le sexe?
Pas très ragoûtant à l’entendre. Même s’il est omniprésent. L’humoriste joue la provoc’ et pousse
à la réflexion. Baudelaire? Censuré pour pornographie au 19e. Et de réciter les vers. Le spectateur de se dire: c’était plutôt pour les idées. La
salle rit. Fort. S’est-elle, un instant, demandée si
on peut rire de tout?
Au bout d’une heure et demie d’un one man
show sans temps mort, Gaspard Proust anticipe
le rappel. Et se casse. Comme il est venu. A travers
la salle. Les salves d’applaudissements n’y changent rien. Il l’a dit. C’est fini! L’artiste ne s’est pas
foutu de la gueule du public. DANIEL DROZ
qui est devenue un tube. J’ai senti que j’avais aussi un tempérament qui aurait pu faire de moi
un chef d’opéra. En fait, chaque
année m’a fait connaître une
nouvelle œuvre, j’y étais poussé
par Michel Garcin, directeur de
la maison de disques Erato. Ce
fut la «Passion selon saint Matthieu», une autre fois l’«Orfeo»
de Monteverdi, «L’ercole
amante» de Cavalli, «David et
Jonathas» de Charpentier...
Puis, j’ai touché à des musiques
plus modernes, Honegger,
Frank Martin...
Quelles qualités, selon vous,
sont-elles requises pour devenir un bon chef de chœur?
+
INFO
Neuchâtel: temple du Bas, demain
à 17h. Solistes: Marion Rolland, soprano,
et Marcin Habela, baryton.
= LE LIVRE DE LA SEMAINE
Humour noir sans concession, mais avec réflexion
Gaspard Proust est cynique. Il manie le politiquement incorrect comme d’autres l’humour
gras. Il en a fait la preuve mercredi au Locle et
jeudi à Neuchâtel. Certains comparent déjà l’artiste au très regretté Pierre Desproges. Posons un
bémol! Ce dernier maniait la langue française
avec davantage de subtilité. Ce bémol posé, pas
question de gâcher son plaisir. Pour autant qu’on
apprécie l’humour noir. Très noir. Très vache.
Cultivé aussi.
«Il faut avoir le courage de reconnaître que le nazisme a commis des erreurs. Envahir la Pologne au
lieu de la Suisse, c’est comme habiter en face de la
banque centrale et braquer le kebab.» Le nazisme
est très présent comme la politique. «Le nazisme,
c’est un peu comme un meeting de Ségolène Royal
mais avec des idées.» Le catholicisme. «J’ai très
longtemps voulu faire prêtre, mais j’étais trop timide
pour aborder les enfants.» Facile, diront certains.
KEYSTONE
Je dirais qu’il faut avoir des aptitudes, plus que des connaissances. Apprendre à diriger
n’est pas très compliqué, il faut
assimiler certains codes, la géométrie des gestes. L’important
n’est pas là. L’important, c’est de
communiquer le froid et le
chaud, de donner de la lumière.
Un bon chef de chœur, c’est celui qui a ce charisme-là, cette
sensualité, le goût de la couleur.
Celui qui touche la musique
avec sa main. La musique n’est
pas seulement l’affaire de l’esprit, elle doit être aussi merveilleusement terrestre. Quand
on aime à ce point quelque
chose, on a besoin que les autres
l’aiment aussi. C’est cela être
chef de chœur. «La page blanche»
BÉNÉDICTE
CONTI
LIBRAIRIE
LA MÉRIDIENNE
LA CHAUX-DEFONDS
«Bon… Je faisais quoi déjà?» C’est sur
cette phrase, connue de tous que s’ouvre
cette bande dessinée. Alliant le graphisme chic et simple de Pénélope Bajieu
au scénario alambiqué de Boulet, l’histoire nous emmène à Paris où la mémoire
d’une jeune fille assise sur un banc a disparu.
Apparemment, elle s’appelle Eloïse Pinson, elle a un chat et travaille dans une librairie. Voilà les seules pièces du puzzle
de sa vie qu’elle a pu assembler. Bien
qu’une armée de médecins ne trouve aucune raison à cette amnésie, elle est bien
décidée à découvrir qui elle est et pourquoi toute sa vie s’est effacée en quelques instants.
Avec l’aide d’une collègue, Eloïse va me-
ner l’enquête pour rassembler les miettes
d’un passé qu’elle ne comprend pas. Tout
dans la vie de cette fille lui paraît étranger
mais surtout à l’opposé de ce qu’elle
semble être aujourd’hui. La clef de cette
énigme se trouve-t-elle dans ce passé
éclipsé ou plutôt dans ce futur qu’elle va
pouvoir reconstruire?
Un très beau récit sur la recherche de sa
propre identité et de la prise en main de
sa vie. «La page blanche»
Pénélope Bajieu &
Boulet
Delcourt
176 p.