Tout ce qu`il faut savoir sur la mode hypersexualisée par Marilyne
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Tout ce qu`il faut savoir sur la mode hypersexualisée par Marilyne
Compte rendu de la conférence « Tout ce qu’il faut savoir sur la mode hypersexualisée » donnée par Mariette Julien, le mercredi 10 février 2010 Par Marilyne Claveau, maîtrise en études littéraires, concentration en études féministes Une semaine avant le lancement de son livre La mode hypersexualisée publié dans la collection Contrepoint aux éditions Sisyphe, Mariette Julien donnait une conférence sur « Tout ce qu’il faut savoir sur la mode hypersexualisée », dans le cadre du cycle des conférences-midi organisées par l’IREF. Docteure en communication et professeure à l’École supérieure de mode de Montréal à l’Université du Québec à Montréal, Mariette Julien a aussi été tour à tour photographe, journaliste pour le Magazine MBA (Master Business Administration), journaliste recherchiste pour la télévision à Radio-Canada, consultante pour des compagnies comme Lise Watier Cosmétiques, Séphora international ou Les parfums Oscar de la Renta. En 1997, elle a publié L’image publicitaire des parfums communication olfactive chez L’Harmattan. De plus, elle dirige aujourd’hui le Groupe de recherche sur l’apparence (GRAP) qui se donne pour mission de théoriser le phénomène de la mode. Réelle passionnée par l’image et la représentation, spécialiste en sémiotique visuelle, madame Julien s’intéresse particulièrement aux liens entre mode et société. La mode serait « une des manifestations les plus éloquentes de notre culture », selon Mariette Julien. Elle serait étroitement liée aux façons de penser d’une société et directement engendrée par ses valeurs. La conférencière établit donc un lien direct entre la surenchère du sexe présente dans la culture contemporaine et le phénomène d’hypersexualisation vestimentaire. La mode hypersexualisée Si toute une controverse est créée autour du phénomène de la mode hypersexualisée, c’est parce que cette manière de se (dé)vêtir vient bousculer plusieurs valeurs traditionnelles, mettant désormais à l’avant-plan la représentation d’une femme aux mœurs légères : « Pour la première fois de l’histoire, des femmes qui ne sont pas prostituées adoptent les codes de la prostitution pour jouer le jeu de l’appétence sexuelle. Et la plupart d’entre elles ne sont pas en âge de se reproduire », affirme Mariette Julien. Fillettes, adolescentes et même femmes ménopausées affichent une image qui connote à la fois la sexualité libérée et la soumission au désir masculin. D’un point de vue sociétal, ce phénomène entraînerait une reconfiguration des âges : dès lors la fillette se fait femme et la femme devient enfant. De plus, il imposerait le corps sexualisé comme une norme à l’ensemble de la société, notamment par le matraquage publicitaire. Madame Julien définit la mode hypersexualisée comme « une esthétique de l’apparence qui met l’accent sur la sexualité ». Quant aux marqueurs visuels associés à cette mode, ils se déclinent en vêtements, accessoires et attitudes empruntés au monde de la prostitution, du bondage et du sadomasochisme : décolletés plongeants, vêtements moulants, transparents, laissant voir certaines parties intimes, talons très hauts, bas résille, augmentation mammaire, épilation des parties génitales, yeux charbonneux, faux ongles, faux cils, extensions capillaires, pour n’en nommer que quelques uns. Mariette Julien ajoute que ces marqueurs visuels sont aussi présents chez les hommes, on parle alors d’allure pimp ― ou proxénète ― où les vêtements inspirés entre autres de la culture hip-hop sont mis en valeur (vêtements amples, bijoux démesurés, en or, casquettes portées avec ou sans bandana). Cette hypersexualisation affecterait également les vêtements et Compte rendu de la conférence « Tout ce qu’il faut savoir sur la mode hypersexualisée » donnée par Mariette Julien, le mercredi 10 février 2010 les accessoires pour bébés. Certaines compagnies créent des hochets arborant le logo de playboy et des tenues à connotation sexuelle (camisoles à motifs léopard, couches avec dessin de string ou vêtements à inscriptions vulgaires). En nommant ces différentes manifestations de la mode hypersexualisée, Mariette Julien souligne l’omniprésence du monde marchand dans ces tendances : les compagnies créent des produits qui vont se vendre. Il y aurait donc une demande pour ces vêtements et ces accessoires hypersexualisants. Influences vestimentaires et corporelles Mariette Julien tisse des liens entre histoire de la mode et valeurs sociales. Elle explique, par exemple, que la mode valorise souvent l’esthétique rebelle. En effet, pour se renouveler, la mode tente de se positionner contre le discours dominant : « il y a toujours une philosophie derrière une proposition esthétique ». Elle ajoute que la mode serait, la plupart du temps, inspirée par trois facteurs : le passé, l’exotisme et la vie sexuelle des individus. Elle insiste sur diverses propositions esthétiques qui auraient influencé la mode de plusieurs générations et dont on pourrait retrouver des traces dans la mode hypersexualisée : la jeunesse rebelle (1960), les Hippies (1970), les Punks (1970), Madonna (1980) et ses héritières (Lady Gaga en 2010), les Harajuku Girls (1980), les poupées Barbie et Bratz, remontant jusqu’à la Pin-up girl (1890). Julien constate que chacun des mouvements ajoute un degré subversif aux précédents et que l’escalade nous mène à la mode hypersexualisée. Facteurs sociaux La chercheuse ajoute qu’en plus de s’inspirer de ces divers courants esthétiques, la mode hypersexualisante est influencée et favorisée par plusieurs facteurs sociaux. En premier lieu, elle nomme la pornographisation qu’elle définit comme « le recyclage de l’esthétique pornographique » dans les médias qui traduirait « l’importance que notre société accorde au sexe ». Par conséquent, elle précise qu’étant donné que notre imaginaire collectif est inondé d’images issues de la pornographisation, le lien avec la mode hypersexualisée devient évident. Dans le sillage de cette influence, la valeur d’une personne se limiterait à son attrait sexuel, ce qui menace la construction identitaire des adolescentes, voire de plusieurs femmes. De plus le marketing de la mode aurait une influence directe sur le phénomène de l’hypersexualisation. Entre autres, les compagnies de cosmétiques et de vêtements présentent des images stéréotypées de femmes qui répondent aux fantasmes masculins, annonçant non pas un rouge à lèvres ou un parfum, mais le plaisir sexuel, contribuant à la surenchère du sexe omniprésente dans les médias. En plus de ces facteurs liés aux univers du marketing et de la pornographie, Mariette Julien explique que des phénomènes comme l’eximité (un terme emprunté à Lacan qui signifie intimité surexposée) ou la dictature du « tout voir et être vu » participent de la création d’une mode hypersexuée. Les jeunes et les moins jeunes, en quête de gloire instantanée, influencés par la téléréalité, les médias sociaux, la presse people, cherchent à copier le style vestimentaire des gens riches et célèbres (les « beautiful people »). Dans un monde où le scandale fait vendre et où l’allure bon enfant est complètement dépassée, la mode hypersexualisée s’en trouve justifiée. Julien fait d’ailleurs un parallèle avec la chute de la religion observée dans plusieurs sociétés occidentales : alors qu’autrefois on valorisait la force de l’esprit et la quête spirituelle, dans la société contemporaine, « la quête de l’absolu passe par le corps ». La promotion d’une image Compte rendu de la conférence « Tout ce qu’il faut savoir sur la mode hypersexualisée » donnée par Mariette Julien, le mercredi 10 février 2010 impure de la femme s’accorderait avec une certaine recherche d’authenticité où « l’insoumission, l’impolitesse rapprochent les femmes de leur côté naturel et de leur vérité profonde », alors que la pudeur serait attachée à des valeurs plus traditionnelle. Conclusion Mariette Julien, dans sa conférence tout comme dans son livre, cherche les traces des ramifications entre la mode hypersexualisée et les différents mouvements sociaux. Dans un monde où l’art de la séduction est placardé sur la place publique, où la pornographie est accessible en deux clics de souris, où la déliaison amoureuse est courante, même à 50 ans, où l’hyperconsommation valorise l’emballage plutôt que le contenu, exposer son corps deviendrait un acte banal. Même si elle est loin de cautionner ces goûts vestimentaires et qu’elle souligne les effets pervers de cette génération qui est amenée de plus en plus jeune à se définir en fonction du regard de l’autre, Mariette Julien, à travers ses recherches, a voulu révéler les liens qui pouvaient être tissés entre cette mode qui dérange et les valeurs de notre société contemporaine.