Séance 4 - La pensée critique de l`École de Francfort
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Séance 4 - La pensée critique de l`École de Francfort
Séance 4 - La pensée critique de l’École de Francfort 1. Le contexte et les fondations La pensée critique issue de l’École de Francfort naît entre les deux guerres mondiales (1914-1918 et 1939-1945). La révolution a lieu en Russie en 1917 alors que les pays d’Europe de l’Ouest sont marqués par l’arrivée au pouvoir de régimes autoritaires, voire plus. Elle est développée au sein de l’École de Francfort, qui comprend des philosophes (Adorno, Horkheimer, Marcuse) mais aussi des chercheurs en sciences sociales et humaines (Habermas) et des littéraires (Benjamin). Elle est surtout européenne à l’origine puis aussi nord américaine avec l’immigration d’Adorno, Horkheimer et Marcuse pour les ÉU. Les penseurs de l’École partagent deux sources d’inspiration : - l’analyse de Karl Marx qui relève de la philosophie, de l’économie et de la sociologie, - la psychologie des profondeurs de Sigmond Freud. L’objectif consiste dans la perspective de Marx à montrer l’essence des choses derrière les apparences. Pour Marx, les sociétés sont caractérisées par les conflits, notamment entre le prolétariat et la bourgeoisie. Il estime que le prolétariat va prendre le pouvoir et que le capitalisme va ainsi s’effondrer. Dans la perspective de Freud, l’accent est mis sur l’inconscient. 2. Les principales recherches Les travaux reposent largement sur la réflexion personnelle critique qui les conduit à la « dialectique de la raison ». La raison est émancipatrice et asservissante. Ils se demandent pourquoi les révolutions n’ont pas eu lieu, s’intéressent au totalitarisme et prennent leurs distances par rapport à l’URSS. Ils se demandent pourquoi les ÉU ne deviennent pas une dictature comme d’autres pays capitalistes. Leur réponse : un régime autoritaire « déguisé » sous des traits démocratiques suffit à contrôler la société, et ce grâce au poids du complexe militaro-industriel et à l’industrie culturelle. Adorno estime que toute oeuvre d’art porte en elle des enjeux artistiques mais aussi sociaux, philosophiques et historiques. Mais le développement des moyens de communication placés entre les mains des intérêts capitalistes a transformé l’expression artistique en industrie culturelle. Les capitalistes utilisent les moyens de communication (radio, télévision, journaux, cinéma, musique, spectacles) pour imposer les modèles de comportement et de consommation qui conviennent à leurs intérêts. Quant à Benjamin, il s’est interrogé sur le statut de l’art à l’ère de la reproductibilité technique. Il se pose la question de l’aura d’une œuvre d’art à partir du moment où celle-ci est largement reproduite. Mais il reconnaît que l’industrie culturelle peut être positive en étant source de plaisir. 3. Les caractéristiques de la pensée critique Un objet commun : l’industrie culturelle. L’information et la culture en tant que produit industriel et mis en marché. La problématique suivante : « comment l’industrie culturelle exercet-elle un rôle idéologique qui contribue à assurer le maintien du système capitaliste qui exploite pourtant une majorité de la population au profit d’une minorité ? » L’industrie culturelle exerce une fonction idéologique cruciale : orienter les modes de consommation, contrôler le temps de loisir libéré et convaincre la population qu’elle vit dans la meilleure société possible. Les produits remplissent le temps de loisir. Mais ils sont sérialisés et standardisés, donc produits de la même façon que les autres produits de l’industrie. Ils véhiculent des valeurs capitalistes : réussite individuelle, place centrale de l’argent et des valeurs matérielles, psychologisation des rapports sociaux. La méthodologie : analyse des contenus des produits culturels et réflexion personnelle. Le lieu : l’Université, notamment les départements de philosophie, de sociologie, de psychologie. L’Université, surtout en Europe, est le lieu où la pensée critique a pu se développer. Mais le travail est souvent isolé et effectué sans grands moyens financiers. 4. Bilan et critiques Une abstraction philosophique jugée stérile par les activistes. La formation d’une « classe moyenne », qui remet en cause l’analyse de la société en deux classes. La non prise en compte d’éventuelles spécificités propres à chaque média dans le cadre des processus d’industrialisation et de marchandisation. L’absence de réflexion sur la réception et l’appropriation, le récepteur, l’usager semblant ne disposer d’aucun pouvoir, d’aucun sens critique. Mais... Depuis les années 80, les inégalités économiques et sociales se sont à nouveau beaucoup creusées et sont plus importantes que jamais. La critique marxiste sur les rapports d’exploitation a laissé place à une diversification des analyses sur la domination (voir les travaux de Pierre Bourdieu et des Cultural Studies). Le processus d’industrialisation est plus que jamais d’actualité et le marketing tend à avoir un rôle de plus en plus crucial dans le processus de marchandisation. Et les ÉU mènent une politique impériale reposant largement sur le complexe militaro-industriel et sur l’hégémonie de leurs industries culturelles.