Histoire de Saint - Saint-Michel-de

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Histoire de Saint - Saint-Michel-de
Histoire de Saint-Michel
Sa seigneurie d’origine, commune à d’autres territoires que celui de
maintenant, date de 1672, sa paroisse commune date de 1678, sa
paroisse autonome de 1693, son toponyme « Saint-Michel » de
1698, sa seigneurie autonome de 1736, son presbytère de 1739 et
son
Bourg (village), le premier et donc plus vieux en Bellechasse, prend
forme dans les années 1800.
Histoire de la seigneurie.
L'histoire de Saint-Michel commence en 1672 par la concession d'une
seigneurie à un noble de Bretagne : Olivier Morel de La
Durantaye. Arrivé en Nouvelle-France avec M. de Tracy en 1665 en
tant que lieutenant dans le régiment Chambellé c'est comme
capitaine de sa compagnie qu'il se joint aux compagnies du régiment
de Carignan-Sallières. Haut gradé de l'armée française, il contribue à
la construction de forts sur la rivière Richelieu et fait plusieurs
incursions en territoire iroquoien pour imposer la paix. Il sera
commandant du fort Michillimakinak dans la région des Grands Lacs.
Il sera aussi homme d'affaires, fera le commerce des fourrures, du
poisson et du bois de mâture, sera membre du Conseil souverain et
bien sûr seigneur de Saint-Michel. C'est Jean Talon, intendant du roi
français Louis XIV, qui lui concède la seigneurie avec obligation de
peupler le territoire.
Avant d’être une municipalité de la MRC de Bellechasse gérée par un
Maire et son Conseil, Saint-Michel a donc été une Seigneurie gérée
par un Seigneur. Les municipalités mises en place entre 1845 et
1854 pour remplacer les seigneuries voient officiellement le jour en
1854. Si en 2012, Saint-Michel couvre 158 ans de régime municipal,
il couvre 182 ans de régime seigneurial.
Voici l’évolution de la seigneurie La Durantaye au fil des années.
1) En 1672 une seule seigneurie existe en Bellechasse entre la
seigneurie de Beaumont et celle de Berthier-Bellechasse. Elle est
concédée par Jean-Talon à Olivier Morel et porte le nom de La
Durantaye. Elle mesure 2,8 lieues par 2,8 lieues soit 13.4 kilomètres
de front au fleuve par 13.4 kilomètres de profond et elle comprend le
territoire actuel des municipalités de Saint-Vallier, Saint-Michel, La
Durantaye et la partie nord de la municipalité de Saint-Raphaël à la
hauteur du chemin Sainte-Catherine là où il traverse la Rivière du
Sud.
2) En 1693 la seigneurie La Durantaye est agrandie au sud. Deux
lieues (9,6 kilomètres) s’ajoutent aux 2,8 lieues (13.44 kilomètres)
pour aller chercher le reste du territoire de l'actuelle municipalité de
Saint-Raphaël jusqu’à Armagh. Elle est aussi agrandie d’une lieue
(4,8 kilomètres) par une lieue à l’ouest. S’ajoute alors une partie du
territoire de l'actuelle municipalité de Saint-Charles au sud de la
seigneurie de Beaumont avant que celle-ci ne soit agrandie à la
rivière Boyer. Incidemment l’agrandissement de la seigneurie de
Beaumont se fera 20 ans plus tard en 1713.
3) En 1696 la seigneurie La Durantaye est à nouveau agrandie au sud
ouest pour aller chercher le territoire actuel des municipalités de
Saint-Gervais et une autre partie de l'actuelle Municipalité de SaintCharles à la rivière Boyer jusqu'à la seigneurie La Martinière à l’ouest
collée à la seigneurie de Lauzon. Beaumont n’a toujours pas été
augmentée.
4) En 1713, la seigneurie Beaumont est agrandie et augmentée du
double au sud sur la même largeur, à même la seigneurie de La
Durantaye qui perd alors une partie de son territoire au profit du
seigneur Couillard.
5) En 1716 le seigneur Olivier Morel scinde la seigneurie La
Durantaye en deux parties à partir du domaine seigneurial situé à
l'embouchure de la rivière Boyer au fleuve de part et d’autre de la
rivière qui sert de frontière aux municipalités actuelles de SaintMichel et Saint-Vallier. Une maison de ferme qui sert de manoir est
située à l’ouest de la Boyer à son embouchure au fleuve sur une terre
bornée au nord par l’actuelle Anse Mercier à l’est des trois campings.
6) En 1720, la partie est de la seigneurie La Durantaye au fleuve (qui
inclue la totalité du domaine seigneurial , de part et d'autre de
l'embouchure de la Rivière Boyer) est achetée de Louis-Joseph Morel
par Monseigneur de Saint-Vallier pour les Mères Hospitalières de
l'Hôpital Général de Québec (Augustines). Cette partie est de la
seigneurie La Durantaye au fleuve forme alors une seigneurie
autonome. Elle a une profondeur de 2,8 lieues ou 13.4 kilomètres
jusqu’à l’actuel chemin Sainte-Catherine de Saint-Raphaël et prend le
nom de Saint-Vallier avec comme nouveau seigneur les Mères
Hospitalières de l'Hôpital Générale de Québec (Augustines). Cette
seigneurie sera achetée par François Tarieu de Lanaudière en 1767
qui en devient le nouveau seigneur. Ses 8 enfants, hériteront de la
seigneurie en propriété indivise comme coseigneurs et feront
construire le Manoir De Lanaudière de Pointe St-Vallier en 18091810.
7) En 1736, la partie ouest de la seigneurie La Durantaye au fleuve
(qui inclue entre autres les secteurs de Saint-Gervais et ce qui reste
du secteur de Saint-Charles après l'agrandissement de la seigneurie
de Beaumont) est acheté de la Succession Morel par Jacques Hugues
Péan de Livaudière. C'est alors qu'elle prend le nom de la paroisse.
On l'appellera désormais Seigneurie de Saint-Michel. Au total, elle
comprend le secteur de l'actuelle municipalité de Saint-Raphaël
(sauf la partie nord située dans la seigneurie de Saint-Vallier), le
secteur des municipalités actuelles de Saint-Michel et La Durantaye,
le secteur de l'actuelle municipalité de Saint-Gervais et le secteur de
l'actuelle municipalité de Saint-Charles dans la partie située entre la
seigneurie La Martinière à l’ouest et celle de Beaumont alors
agrandie.
8) En 1744 la seigneurie de Saint-Michel s'agrandit à son tour. Un
territoire situé à l'ouest entre les seigneuries La Martinière et
Beaumont s'ajoute à la seigneurie. Cet agrandissement de la
seigneurie de Saint-Michel fera parti d'un secteur plus grand
revendiqué par Lafontaine de Belcourt et rebaptisé Livaudière par
Jacques Hugues Péan de Livaudière au terme d’un long procès. À
partir du fleuve, depuis la chute à Mailloux de l’actuel Moulin de
Beaumont, la seigneurie de Saint-Michel longe désormais la
seigneurie de Beaumont à sa frontière est, la contourne au sud à la
Rivière Le Bras et l’encercle en longeant sa frontière ouest vers le
nord jusqu’à la seigneurie de Vincennes, sa voisine du bord de l’eau
au fleuve.
9) En 1752 le seigneur Jean Hugue Péan, le fils de Jacques,
augmente à nouveau la seigneurie Saint-Michel pour aller chercher la
presque totalité du territoire des municipalités actuelles de SaintNérée, Saint-Lazare et Saint-Damien Nord. La rue principale actuelle
du village de Saint-Damien est située à la frontière qui délimite alors
la seigneurie de Saint-Michel du futur canton (township) de
Buckland.
En scindant sa seigneurie de La Durantaye en deux parties (1716)
Olivier Morel donnait donc naissance à deux seigneuries qui
deviendront autonome : la partie est qui devient seigneurie
autonome de Saint-Vallier en 1720 lorsqu'achetée par Monseigneur
de Saint-Vallier et la partie ouest qui devient autonome sous le nom
de Saint-Michel en 1736 lorsqu'achetée par Michel Jacques Hugues
Péan de Livaudière. La seigneurie de Saint-Vallier ne sera jamais
agrandie mais celle de Saint-Michel le sera en 1744 (secteur
Livaudière) et 1752 (secteur Saint-Nérée, Saint-Lazare et SaintDamien nord jusqu'à la rue principale du village actuel de SaintDamien).
La seigneurie de Saint-Michel s'enrichit ensuite d'une population
venue de L'Acadie: d'abord, de 1745 à 1747 des Micmacs et des
Malécites qui campent près de l'Anse Mercier; puis en 1755-17561757, des Acadiens fuyant à travers bois la déportation des leurs.
Plusieurs s'installent sur le territoire actuel de Saint-Gervais (SaintMichel seigneurie et paroisse à l'époque depuis 1696) et développent
les rangs 1 et 2 appelés par la suite première et deuxième Cadie.
Seulement une vingtaine des 50 chefs de famille d'origine sont
encore là au moment de la fondation de la paroisse Saint-Gervais et
Protais en 1780. La maladie et la misère sont en grande partie
responsables de leur disparition.
En 1765 la seigneurie est vendue à Joseph Brassard Deschenaux qui
devient le quatrième seigneur de Saint-Michel. Avant de porter le
nom de Saint-Joseph, la rue du bord de l'eau, dans le village de
Saint-Michel, s'appelait «Deschenaux». Une carte datant de 1896 et
qu’on peut consulter au bureau municipal témoigne de ce fait.
En 1832, Léger Launière, fils de Josephte Deschenaux et de Michel
Launière, finit par hériter de l'ensemble de la seigneurie qu'avait
laissé en héritage à ses quatre enfants le seigneur Joseph Brassard
Descheneaux. Cinquième et dernier seigneur de Saint-Michel, Léger
Launière se fera construire un manoir dans le village là où est située
la maison de la famille Vézina, à côté de la croix de fer du 300ième. Le
manoir sera habité ensuite par Prudent Morin et vendu à Arthur Roy
qui le démolira en 1921. Il en utilisera le bois pour construire sa
résidence, laquelle deviendra la propriété de la famille Vézina. Léger
Launière sera maire de Saint-Michel pendant trois ans. À sa mort il
sera inhumé sous son banc d'église.
Histoire de la paroisse
Avant de former une paroisse autonome en 1693, un an après la
paroisse de Beaumont, Saint-Michel fait parti d’une immense
paroisse sans titulaire érigée canoniquement par Monseigneur de
Laval en 1678 pour toute la rive sud. C’est cette paroisse des touts
débuts, commune à d’autres territoires, que l’on fête à Saint-Michel.
Si, à tous les 25 ans, Saint-Vallier fête l’année de création de sa
paroisse autonome en 1713-1714 et Beaumont fête l’année de
création de sa seigneurie en 1672, Saint-Michel fête l’origine
paroissiale de son territoire. L’année 1678 marque un tournant dans
l’histoire car avant 1678 aucune organisation paroissiale n’existe. En
1678 l’érection de cette grande paroisse qui regroupe le territoire de
toutes les seigneuries de la rive sud du fleuve entre Lotbinière et
Lislet-sur-Mer permet aux quelques familles établies sur le territoire
de Saint-Michel de recevoir l’essentiel des services religieux. Ce sont
des missionnaires rattachés au Séminaire de Québec qui parcourent
le vaste territoire et font office de curé itinérant en l’absence de
toute chapelle ou presbytère. La messe est dite chez l’habitant.
L’année 1678 rappelle donc aux Michelois la toute première
organisation paroissiale du territoire.
La paroisse Saint-Michel-de-La Durantaye est érigée canoniquement
en 1698 après s’être appelée Saint-Laurent pendant cinq ans depuis
l’ouverture des premiers registres à ce nom déposés à Beaumont en
1693. Parce qu’elle ne veut pas fêter son anniversaire en même
temps que la paroisse Saint-Pierre, tel que prescrit par le calendrier
liturgique, la paroisse de Saint-Paul de l’Isle d’Orléans change de
saint patron pour se mettre sous la protection de saint Laurent en
1698. Pour éviter toute confusion la paroisse Saint-Laurent-de-La
Durantaye située en face de l’Isle adopte l’Archange Saint-Michel
comme titulaire et prend le nom de Saint-Michel-de-La Durantaye. La
paroisse n’a pas encore de chapelle presbytère.
Les paroisses autonomes de Saint-Michel et de Saint-Philippe-SaintJacques (paroisse de Saint-Vallier) résultent d’une division de cette
paroisse Saint-Michel-de-La Durantaye trois ans avant que la
seigneurie La Durantaye ne soit elle-même scindée. En voici
l’explication : dans les seigneuries de Vincennes et de Beaumont, les
petites rivières qui se jettent au fleuve sont pourvues de ponts assez
rapidement mais plus à l’est dans la seigneurie d’Olivier Morel la
rivière Boyer présente un problème. En 1759 on la traversait encore
« en canot à marée haute et à cheval ou en voiture à marée basse ».
Les autorités religieuses réclamaient depuis longtemps un pont à la
Boyer qui aurait permis aux censitaires situés à l’Ouest de la rivière
d’avoir accès plus facilement à la chapelle paroissiale de Saint-Michel
de La Durantaye construite à l’est en 1702, sur la terre de Jacques
Corriveau, à l’emplacement actuel de l’école « Le Rucher » de Saint-
Vallier. En 1713-1714, l’absence de pont amène Monseigneur de
Saint-Vallier à créer deux paroisses à même le territoire de cette
grande paroisse. Les Michelois situés à l’est de la rivière Boyer à son
embouchure au fleuve changent donc d’allégeance paroissiale et
deviennent paroissiens de Saint-Philippe et Saint-Jacques. Comme
nous l’avons vu ils changeront également d’allégeance seigneuriale
six ans plus tard en devenant censitaires de la seigneurie de SaintVallier. Durant l’année qui précède la scission paroissiale le seigneur
Olivier Morel donnait un terrain à la paroisse Saint-Michel-deLadurantaye qui allait devenir paroisse Saint-Philippe et SaintJacques à l’Est de la Rivière. Ce terrain correspond au site actuel du
cimetière de Saint-Vallier. C’est là qu’on construira plus tard une
église de pierre qui servira au culte jusqu’en 1904.
À leur tour à la suite de la scission de la grande paroisse, les
Michelois de l’ouest se construisent une chapelle à même la terre
donnée par le cultivateur Lacroix, sur le site actuel de l’église de
Saint-Michel, dans la « cuvette » au bas du coteau.
Au moment de la Conquête, la paroisse Saint-Philippe Saint-Jacques
compte environ 900 habitants. Elle possède une église de pierre,
commencée en 1716 et ouverte aux fidèles en 1722, elle le restera
jusqu’en 1904.
Pour sa part, la nouvelle paroisse Saint-Michel compte 800
paroissiens en 1759 et possède une église fonctionnelle en pierre
depuis 1736, année où la seigneurie de Saint-Michel est achetée par
Michel Jacques Hugues Péan. En remplacement, trois autres églises
suivront: 1815, 1856 et 1872. Le territoire de la paroisse couvre
celui de la seigneurie Saint-Michel ainsi qu’une partie de la
seigneurie Saint-Vallier, à l’ouest de la rivière Boyer à son
embouchure au fleuve, là où les Mères Hospitalières de l’Hôpital
Général de Québec, seigneur des lieux depuis1720, exploitent, à
l’instar des Morel avant eux depuis 1674, la ferme qui tient lieu de
manoir. Cette ferme domaniale est bornée au fleuve par l’Anse
Mercier. Les « seigneuresses » de Saint-Vallier sont donc
paroissiennes de Saint-Michel du fait que la ferme qui sert de manoir
à leur seigneurie se trouve à l’intérieur des limites de la paroisse
Saint-Michel. Si l’embouchure de la rivière Boyer sert de frontière
aux deux paroisses, la frontière des deux seigneuries se trouve à
l’ouest de l’anse Mercier entre Pointe Saint-Michel et Pointe Samson
au centre de la plage Saint-Laurent-Gagnon et de ses deux
Campings. En scindant sa seigneurie, Olivier Morel n’avait pas voulu
scinder la terre domaniale qu’il destinait à son fils aîné Louis Joseph.
La totalité du domaine seigneurial situé de part et d’autre de la
rivière Boyer était donc incluse dans la partie est de la seigneurie La
Durantaye qui formera la seigneurie de Saint-Vallier en 1720. Il ne
faut pas confondre ici territoire paroissial et territoire seigneurial.
Histoire du village
Aucun village n’existe en Bellechasse sous le régime français.
Québec l’interdit formellement. Il faut défricher, cultiver et donc
posséder une terre pour se bâtir maison. Au minimum, on exige un
terrain d’un arpent et demi de large par trente arpents de profond.
Une fois un premier rang développé, les autorités s’assurent qu’un
deuxième rang le soit, puis un troisième et un quatrième avant de
consentir à l’établissement d’un bourg (village).
Durant tout le régime français les habitants de Bellechasse vivent
donc sur leur terre le long de chemins de rang qui côtoient le fleuve.
En moyenne, les terres ont trois arpents de front par 40 de profond.
Aucun voisin à moins de 500 pieds. Aucune agglomération. Assez
rapidement, en remplacement d’une première chapelle presbytère
construite dans la paroisse sur la terre d’un cultivateur, il y a l’église
paroissiale (1722 à Saint-Vallier, 1733 à Beaumont, 1736 à SaintMichel) où il se rassemblent tous les dimanches. On s’y rend à cheval
ou en bateau, mais aussi à pied l’été et en raquette l’hiver. Il y a
ensuite la salle des habitants, à même le presbytère où vit leur curé,
il y a le cimetière, il y a les services religieux mais pas de village
(bourg) ou de hameau c’est-à-dire pas d’agglomérations de maisons
autour des lieux de culte pour qu’artisans, commerçants et notables
puissent s’installer et faciliter le travail du cultivateur. C’est
l’autarcie. L’habitant doit tout faire lui-même en solidarité avec ses
voisins de rang et chaque famille doit s’auto suffire. C’est le système
d. La débrouillardise devient une condition de survie et plusieurs y
voient l’origine du talent créateur des anciens canadiens devenus
Québécois. La nécessité crée l’invention. Le terme village, employé
par les anciens, désigne des colons établis sur des terres disposées
en rangée le long d’une voie d’eau ou d’une voie de terre. On dira
d’eux qu’ils demeurent au village du rang Sainte-Catherine ou au
village du rang trois. Le terme village ne désigne pas une
agglomération autour d’un point central mais un secteur particulier
où l’on trouve des maisons à l’intérieur de censives disposées en
rangée. Côte est synonyme de chemin de rang et village est
synonyme de rang. Le premier chemin de rang, le fronteau, sera la
côte fluviale c’est-à-dire le bord de l’eau, le chemin d’eau lui même
et le mot côte servira longtemps à nommer les autres chemins qui
serviront à relier les censives entre elles à l’intérieur de rangs qui,
parallèles au premier, se développeront par la suite. L’usage du mot
côte est antérieur aux mots chemin de rang pour désigner ces
chemins de traverse parallèle au cours d’eau, fleuve ou rivière. Par
exemple, on parlera de « la coste du Rang croche ». De même, le
terme « Kannata » utilisé par les Iroquoiens du Saint-Laurent pour
désigner leur village (amas de cabanes) prendra un nouveau sens. Il
ne désigne plus des « amas de cabane » à l’indienne comme
Stadaconé ou Hochelaga ou à l’européenne comme Québec, TroisRivières ou Montréal mais des habitations disséminées en rangée le
long de la côte de part et d’autre du Saint-Laurent puis, par
extension, la plaine côtière, la Vallée du Saint-Laurent et l’ensemble
du territoire habité.
Québec autorise la création d’un premier bourg en Bellechasse à la
fin du régime français en 1754. On en trace les limites mais personne
ne s’y installe avant les années 1800. La récession économique,
conséquence de la Guerre de 7 ans (1756 à 1763), suivie de
l’Invasion du Québec par les futurs Américains 12 ans plus tard,
peuvent expliquer ce retard. À la suite du refus de la France
d’honorer ses dettes les Canadiens sont privés d’une rondelette
somme de 16 millions de livres qu’ils possèdent en monnaie de
papier au moment de la Conquête. Plusieurs hommes chefs de
familles impliqués dans les conflits sont aussi décédés. Les
troupeaux sont décimés et les dommages subis par les cultivateurs
sont importants. On a besoin de toute la main-d’œuvre disponible
pour remettre les fermes en état de produire à nouveau. Il faut
reconstruire.
En 1800 donc, le bourg prend forme. Au recensement de 1815 il y a
12 maisons autour de l'église et la maison Michel Germain (120 rue
Principale) est du nombre. Vers 1830, Joseph Bouchette y dénombre
une trentaine de maison et en 1851 on en conte 104. Selon Serge
Courville Saint-Michel et Saint-Thomas de Montmagny constitue alors
les deux plus grosses agglomérations de la Côte du Sud. À la fin du
19ième siècle le village de Saint-Michel comprend 170 emplacements
à l'intérieur d'un espace tricoté serré de rues étroites.
Entre 1845 et 1855, le système seigneurial, maintenu jusque-là
après la conquête anglaise, est aboli progressivement pour laisser
place aux municipalités. C'est à ce moment que le bourg de SaintMichel devient village par incorporation (1845). En 1849 SaintMichel est choisi pour être le chef-lieu du comté de Bellechasse, ce
qui mène à la construction d'un « palais de justice » maintenant
Bibliothèque (1859) et à l'établissement de notables dans le
village : juge, avocat, huissier, registraire (greffier) qui s'ajoutent au
médecin et notaire déjà présents. C'est également au 19ième siècle
que seront construits le collège (1853), le quai (1858), le lieu de
pèlerinage Notre-Dame-de-Lourdes (1879) en remplacement de la
chapelle Saint-Joachim située alors au coin sud-ouest de la Rue
Principale et de l'Avenue de la Grève, et le couvent (1890) qui
remplacera à son tour celui de 1861 qui avait été déménagé là en
1865. Comme pour le bourg qui devient village en 1845 la paroisse
devient municipalité de paroisse en 1855 à la suite de l'abolition
officiel du système seigneurial en 1854.
Saint-Michel-de-laDurantaye
commencera
à
se
faire
appeler Saint-Michel-deBellechasse. Si La Durantaye faisait référence à la seigneurie,
Bellechasse fait référence au comté, d'abord créé sous le vocable
Hertford en 1791 et rebaptisé Bellechasse en 1829 en souvenir de sa
plus ancienne seigneurie, celle de Bellechasse concédée à Nicolas
Marsolet en 1637 et ré concédée à Alexandre Berthier qui en profite
pour l’agrandir en 1672. Le comté continuera de s'appeler
Bellechasse mais il perdra la seigneurie Berthier-Bellechasse
(maintenant Berthier-sur-mer) en 1850 au profit du comté de
Montmagny.
Au 20ième
siècle on ajoute aux institutions une deuxième
chapelle Sainte-Anne (1905) en remplacement de la première située
plus à l'ouest. On installe l'électricité en 1923. On ajoute une école
primaire (1960), un hôpital (1966), une Caisse populaire au 76, rue
Principale (1973) en remplacement de l'ancienne située au 59, rue
Principale (1937), un centre communautaire (1976), une jetée et
marina (1991) en remplacement du quai, un golf (1991-1992), un
théâtre d'été (1975), plusieurs commerces et de nombreux hôtels
(transformés maintenant en résidences privées) pour recevoir
pèlerins et visiteurs.
En 2003, Saint-Michel fêtait le 325ième anniversaire de cette grande
paroisse commune érigée canoniquement en 1678. On profite de
l'occasion pour créer des panneaux d'interprétation à teneur
historique et pour lancer un Festival de Chant choral, enraciné dans
la tradition et ouvert à la modernité, qui devient dès lors le Festival
de Saint-Michel-de-Bellechasse qui en 2008 portera le nom de
Festival choral, patrimonial et culturel.
Le caractère singulier de Saint-Michel en regard des autres
municipalités peut se définir en 5 points:
1) Sa longue histoire. En 2008 on parle d'un territoire seigneurial et
paroissial qui a 336 ans d'histoire : sa seigneurie commune date de
1672, sa paroisse commune de 1678, sa seigneurie autonome date
de 1736, sa paroisse autonome de 1693, son presbytère de 1739 et
son bourg, le plus vieux de Bellechasse, prend forme dans les années
1800. Quant au toponyme Saint-Michel il date de 1698.
2) L'emplacement de son village. Il est bâti à hauteur d'eau dans une
cuvette ouverte sur le fleuve par son côté nord. Sa géographie
particulière fait en sorte que les ressources du fleuve deviennent
facilement disponibles. À la vocation agricole de Saint-Michel
s'ajoute donc une vocation maritime.
3) Le caractère urbain de son vieux bourg. Les collines
environnantes empêchent l'étalement et amènent une grande
concentration de maisons souvent imposantes dont plusieurs auront
une double vocation : résidentielle et commerciale. L'espace est
restreint et les maisons nombreuses sont construites très près les
unes des autres.
4) La qualité de son patrimoine bâti. Autant de maisons «pièce sur
pièce» bien conservées qui datent du 19ième siècle et qui, malgré
leur grande diversité de style et l'ajout de couleurs en complément,
sont restées blanches à 85%, est un phénomène unique au Québec.
C'est ce qui lui a permis de s'inscrire parmi les plus beaux villages du
Québec à titre de "village blanc".
5) Le nombre de ses estivants. La population de Saint-Michel
double durant la belle saison : chalets, résidences secondaires,
maisons mobiles et tentes en camping.
Sa position privilégiée au
fleuve fait de Saint-Michel un véritable centre de villégiature.
La légende des vieux fusils.
Une peinture de l’artiste Françoise Pascals intitulée Les Vieux fusils
huile 16 po x 20 po, 1998 est accompagnée du texte suivant : « À
l’heure où le passé et le présent se confondent au cœur de la nuit
bleue, ils (les révoltés) veillent sur leur village dans l'espoir qu'un
jour, une nuit, les âmes engourdies des villageois entendent la voix
des vieux fusils, ceux qui refusent de se rendre » Saint-Michel a donc
sa légende : les vieux fusils, appelée aussi les excommuniés ou les
révoltés. Cette légende prend son origine dans un événement qui
s'est passé dans l'église de Saint-Michel au moment où l'armée du
Congrès américain envahit le Québec en 1775 afin d'en faire sa
14ième Colonie. Pour éviter que les Canadiens de la Vallée du SaintLaurent deviennent Américains, Sa Majesté britannique Georges III
donne force de loi au Quebec Act en juin 1774. L'Acte de Québec
abolit le serment du Test qui obligeait les catholiques à nier
l'infaillibilité du Pape, la virginité de Marie et la présence réelle du
Christ dans l'hostie pour obtenir un poste dans la haute fonction
publique. Ce serment du Test est remplacé par un simple serment
d'allégeance. L'Acte de Québec redonne aux Canadiens le libre
exercice de la religion catholique et à l'Église le droit d'exercer et de
percevoir la dîme. Les lois civiles françaises sont rétablies et le
régime seigneurial maintenu. Enfin, le territoire est agrandi pour
inclure la région des Grands Lacs dont une partie deviendra plus tard
le Haut Canada (1791) avec l'idée stratégique géopolitique
d'encercler les Québécois (habitants des seigneuries de la vallée du
Saint-Laurent sur une partie du Canada que les Anglais désignent
Province of Quebec) pour mieux les contrer. Dans le même esprit et
la même stratégie d'encerclement, les Anglais restés fidèles à la
Couronne britannique après l'indépendance américaine (les
loyalistes) occuperont les terres situées autour des seigneuries à
l'intérieur d’un territoire divisé en cantons. Bien que stratégique
cette loi est généreuse puisqu'elle consolide les bases de la nation
québécoise. Toutefois, certains paroissiens restés amers après la
Conquête voient dans l'invasion américaine l'occasion de renverser le
gouvernement britannique en Canada. De Kamouraska à Beaumont,
la Côte du Sud est alors le théâtre d'une guerre civile: pères contre
fils, frères contre frères : 170 se joignent à la milice pro
britannique, dirigée par le seigneur Beaujeu de l'Île aux Grues,
contre 150 qui se joignent à la milice pro américaine. Cinq de ces 150
miliciens furent excommuniés par monseigneur Briand, septième
évêque de Québec, pour avoir manifesté publiquement leur
désaccord avec l'Église qui elle, prônait la collaboration avec l'armée
anglaise du gouverneur Carleton. «C'est assez longtemps prêché
pour les Anglais», crièrent-ils au prédicateur jésuite en pleine messe
dominicale. Chassés de la communauté, ils vécurent reclus dans le
sud de la seigneurie. À leur mort, ils furent enterrés dans un champ
du quatrième rang de Saint-Michel (aujourd'hui La Durantaye) sur la
propriété de la famille Cadrin où ils avaient vécus. Leurs restes
furent exhumés en 1880 et inhumés de nouveau dans le cimetière de
Saint-Michel à l'endroit réservé aux enfants morts sans baptême.
Depuis, certains ont assuré avoir vu les corps sortir de leur tombe et
errer dans la nuit. Encore aujourd'hui, par les soirs de brume et de
pleine lune, on peut voir les cinq excommuniés, ou plutôt leurs
fantômes, se promener autour de l'église avec leurs vieux fusils
français (mousquets) sur l'épaule. Pareille légende devait fournir le
sujet d'un long poème au poète Louis Fréchette. Ce poème intitulé
Les excommuniés fut publié en 1887 dans La légende d'un peuple.
Notons enfin que les Michelois ont déjà porté le surnom de feux
follets ainsi nommés par les habitants de l'Île d'Orléans qui, par les
soirs de beau temps, voient sur la grève plusieurs feux allumés par
les gens de Saint-Michel pour se chauffer le coeur. Évidemment,
pour les gens de Saint-Michel les feux follets ce sont les habitants de
l'île Orléans qui eux aussi allumaient des feux sur la grève.
Références : Une histoire du Québec racontée par Jacques
Lacoursière. Lacoursière Jacques, Les Éditions du Septentrion,
Québec, arrondissement Sillery, 2002.Saint-Michel-de-La-Durantaye,
notes et souvenirs, 1678-1929. Père Marie-Antoine Roy. Imp.
Charrier et Dugal Ltée, Québec, 1929.En passant par la Côte de
Bellechasse . . . j'ai rencontré trois beaux villages! Brochure
produite par la Municipalité régionale du comté de Bellechasse et
réalisée par le Groupe de recherche en histoire du Québec Inc.,
recherche et rédaction : Bourget Clermont, Côté Robert, Québec
1993.Contes et légendes de la Côte-du-Sud. Fondation Héritage
Côte-du-Sud, Les Éditions du Septentrion, Québec, 1994. SaintMichel-de-Bellechasse- trois cents ans d'histoire 1678-1978.
Collaboration entre de nombreux citoyens de Saint-Michel et la
Commission scolaire régionale Louis Fréchette, de Lévis, avec l'active
participation de madame Jeannine Fougère-Richard, du Service de
l'Éducation permanente. Presses et Éditions Etchemins. Lévis 1977.
Paul St-Arnaud Webmestre. Philosophe de formation, photographe
de profession, historien autodidacte par passion, membre
administrateur de la Société Historique de Bellechasse, coauteur du
livre Bellechasse, du livre sur le Patrimoine religieux de Bellechasse
et du livre sur Robert Lamontagne; auteur d'une publication sur le
patrimoine bâti de Saint-Michel et de plusieurs articles dans la revue
« Au fil des ans » ainsi que sur le site web de la SHB.

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