La grève des personnels de nettoyage s`éternise dans l`hôtel de

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La grève des personnels de nettoyage s`éternise dans l`hôtel de
La grève des personnels de nettoyage s’éternise
dans l’hôtel de luxe W Paris-Opéra
Le Monde.fr | 21.10.2015 à 16h07 | Par Francine Aizicovici
La tension monte au W Paris-Opéra, un hôtel 5 étoiles en plein cœur de Paris. Les
personnels de la sous-traitance du nettoyage, en grève depuis le 29 septembre sans
obtenir la moindre avancée, ont prévu de manifester pour « la solidarité » jeudi
22 octobre, avec la CGT et des collègues d’autres établissements. Le défilé ira de
l’hôtel Prince de Galles au W Paris-Opéra, deux propriétés du groupe Starwood
Hotels and Resorts. Les salariés revendiquent notamment un treizième mois, le
remboursement intégral de la carte Navigo, le paiement double des jours fériés et des
dimanches travaillés, la transformation des contrats précaires en contrats à durée
indéterminée.
Au W Paris-Opéra, la situation actuelle jette une lumière crue sur des pratiques
managériales « d’un autre âge », estime la CGT. « Salaires de misère, mépris, droits
bafoués », résume le syndicat. Une vingtaine des 25 salariés que compte Luxe et
Traditions – l’entreprise de sous-traitance – sont en grève. Un épisode de plus dans le
long combat de la CGT des hôtels de prestige et économiques (CGT-HPE) pour
aligner les droits des salariés de la sous-traitance hôtelière à ceux des établissements.
Aucun dialogue ne s’est noué avec la direction de l’hôtel, le groupe Starwood justifiant
que « ce ne sont pas [ses] salariés » qui sont en grève. Or, si Luxe et Traditions, qui
n’a pas non plus répondu à nos sollicitations, serait prêt à négocier, selon la CGT,
l’hôtelier ne semble pas ouvert à une revalorisation en conséquence du prix de
prestation fournie par son sous-traitant.
« Sang-froid »
Mais le conflit s’envenime. Mardi 20 octobre, après un incident entre une déléguée
CGT gréviste et un non-gréviste, la direction de l’hôtel a indiqué qu’elle allait porter
plainte contre la première, selon la CGT. Du coup, la salariée a elle aussi déposé
plainte contre le salarié, qui, dit-elle, l’a « bousculée » plusieurs fois ce jour-là, et
contre le directeur de l’hôtel. Sollicité, celui-ci ne nous a pas répondu.
La déléguée CGT, Pelagie Temegne, dit avoir été bousculée « trois ou quatre
fois » par le responsable d’hébergement devant l’hôtel, où avait lieu un
rassemblement quotidien. « Je ne voulais pas céder à cette provocation, car je sais
que la direction n’attendait que cela », dit-elle. « Le W Paris-Opéra cherche
manifestement l’incident pour aller devant le tribunal mais les camarades gardent
leur sang-froid », constate Claude Lévy, responsable de la CGT-HPE. Selon lui, le
responsable d’hébergement prétend que la syndicaliste lui a « griffé le doigt ».
La police a été appelée par la direction, qui a visionné les vidéos de surveillance de
l’hôtel et « a bien vu que je n’avais pas touché cette personne », souligne
Mme Temegne. « Ce qui rend malade la direction, c’est qu’elle ne s’attendait pas à ce
que le mouvement dure si longtemps. Mais les salariés tiennent grâce à notre caisse
de grève » créée il y a des années par la CGT-HPE, observe M. Lévy.
Elue au CE de l’hôtel
La CGT, et en particulier Mme Temegne, gêne sans doute l’hôtel, qui avait demandé
le licenciement de la déléguée pour faute à l’inspection du travail, sans l’obtenir. « Le
dossier contenait des fautes fabriquées, des soi-disant plaintes de clients alors que,
ce jour-là, je ne travaillais pas », explique Mme Temegne.
Et puis la CGT a réussi « ce qui est sans doute une première en France », se félicite
M. Lévy. S’appuyant sur la loi de 2008 autorisant les salariés de la sous-traitance à se
présenter aux élections des délégués du personnel dans les entreprises utilisatrices –
sous certaines conditions –, et aussi en cas de délégation unique du personnel (DUP)
selon la jurisprudence, Mme Temegne et deux de ses collègues de Luxe et Traditions
ont été élus le 15 avril 2015 à la DUP du W Paris-Opéra. Puis Mme Temegne a été
élue, il y a quelques jours, secrétaire du comité d’entreprise de l’hôtel, et une de ses
collègues, trésorière. Le chemin pour en arriver là a été « un combat », dit-elle. « La
direction a tout fait pour nous discréditer auprès de mes collègues. Mais on y est
arrivé et on a obtenu 75 % des voix [au premier collège]. C’est déjà une belle
victoire. »
Francine Aizicovici
Journaliste au Monde