La longue grève des personnels de nettoyage de l`hôtel de luxe W

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La longue grève des personnels de nettoyage de l`hôtel de luxe W
La longue grève des personnels de
nettoyage de l’hôtel de luxe W Paris-Opéra
aboutit à un accord
Le Monde.fr | 21.10.2015 à 16h07 • Mis à jour le 21.10.2015 à 20h44 | Par Francine Aizicovici
Après plus de trois semaines de grève des personnels de sous-traitance du nettoyage
des chambres de l’hôtel 5 étoiles W Paris-Opéra, un accord de fin de conflit a été
trouvé mercredi 21 octobre dans l’après-midi. Ce texte, signé entre le sous-traitant
Luxe et Traditions, la CGT des hôtels de prestige et économiques (HPE) et la CFDT,
répond en grande partie aux revendications avancées. Les salariés voient ainsi leur
revenu augmenter de 180 euros net par mois, indique la CGT.
Du coup, la manifestation des employés de l’hôtellerie parisienne, prévue jeudi 22
octobre pour soutenir les grévistes, se transforme en défilé pour « fêter l’accord »,
précise Claude Lévy, responsable de la CGT HPE. Elle partira de l’hôtel Prince de
Galles, géré par Starwood Hotels and Resorts tout comme l’est le W Paris-Opéra,
pour rejoindre un rassemblement de salariés d’Air France devant l’Assemblée
nationale.
Les salariés de Luxe et Traditions revendiquaient un treizième mois, qu’ils n’ont pas
obtenu. En revanche, ils ont eu gain de cause sur le remboursement intégral de la
carte Navigo (contre 50% aujourd’hui), le paiement double des jours fériés
(majoration de 50% actuellement), la transformation des contrats à durée déterminée
en contrats à durée indéterminée, qui concerne 8 salariés selon la CGT, une prime de
panier de 7, 05 euros par jour contre 2 euros actuellement, etc. Un épisode de plus
dans le long combat, souvent victorieux, engagé par la CGT HPE pour aligner les
droits des salariés de la sous-traitance hôtelière sur ceux des établissements parisiens
où ils exercent.
Mais le conflit laissera sans doute des traces au W Paris-Opéra. Il a en effet jeté une
lumière crue sur des pratiques managériales « d’un autre âge », estime la
CGT. « Salaires de misère, mépris, droits bafoués », résume le syndicat. Une
vingtaine des 25 salariés que compte Luxe et Traditions dans cet hôtel, étaient en
grève depuis le 29 septembre. La CFDT de l’hôtel ne soutenait pas ce mouvement.
Pendant tout ce temps, aucun dialogue ne s’est noué avec la direction de l’hôtel,
Starwood justifiant que « ce ne sont pas [ses] salariés » qui sont en grève. Or, si Luxe
et Traditions, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, était prêt à négocier, indique la
CGT, l’hôtelier ne semblait pas ouvert à une revalorisation en conséquence du prix de
prestation fournie par son sous-traitant.
« Sang-froid »
La tension n’a cessé de monter, débouchant sur de la violence. Mardi 20 octobre a eu
lieu un incident entre une déléguée CGT gréviste et un non-gréviste. La déléguée
CGT, Pelagie Temegne, dit avoir été bousculée « trois ou quatre fois » par le
responsable d’hébergement devant l’hôtel, où avait lieu le rassemblement
quotidien. « Je ne voulais pas céder à cette provocation, car je sais que la direction
n’attendait que cela », dit-elle. « Le W Paris-Opéra cherchait manifestement
l’incident pour aller devant le tribunal mais les camarades ont gardé leur sangfroid », constate M. Lévy. Selon lui, le responsable d’hébergement prétend que la
syndicaliste lui a « griffé le doigt ».
La police a été appelée par la direction de l’hôtel. Elle a visionné les vidéos de
surveillance de l’hôtel et « a bien vu que je n’avais pas touché cette
personne », souligne Mme Temegne. « Ce qui rend malade la direction, c’est qu’elle
ne s’attendait pas à ce que le mouvement dure si longtemps. Mais les salariés ont
tenu grâce à notre caisse de grève » créée il y a des années par la CGT-HPE, observe
M. Lévy. Selon la CGT, la direction de l’hôtel a indiqué qu’elle allait porter plainte
contre la déléguée. Du coup, celle-ci a déposé plainte mercredi 21 octobre pour
violence contre le salarié qui l’a « bousculée » et contre le directeur de l’hôtel pour
incitation à la violence. « Il venait provoquer les grévistes », indique M. Lévy.
Sollicité, le directeur ne nous a pas répondu non plus.
Elue au CE de l’hôtel
La CGT, et en particulier Mme Temegne, gênent sans doute la direction de l’hôtel, qui
avait demandé l’autorisation de licenciement de la déléguée pour faute à l’inspection
du travail, sans l’obtenir. « Le dossier contenait des fautes fabriquées, des soi-disant
plaintes de clients alors que, ce jour-là, je ne travaillais pas », explique
Mme Temegne.
Et puis la CGT a réussi « ce qui est sans doute une première en France », se félicite
M. Lévy. S’appuyant sur la loi de 2008 autorisant les salariés de la sous-traitance à se
présenter aux élections des délégués du personnel dans les entreprises utilisatrices –
sous certaines conditions –, et aussi en cas de délégation unique du personnel (DUP)
selon la jurisprudence, Mme Temegne et deux de ses collègues de Luxe et Traditions
ont été élus le 15 avril 2015 à la DUP du W Paris-Opéra. Puis Mme Temegne a été
élue, il y a quelques jours, secrétaire du comité d’entreprise de l’hôtel, et une de ses
collègues, trésorière. Le chemin pour en arriver là a été « un combat », dit-elle. « La
direction a tout fait pour nous discréditer auprès de mes collègues. Mais on y est
arrivé et on a obtenu 75 % des voix [au premier collège]. C’est déjà une belle
victoire. »
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Francine
Journaliste au Monde
Aizicovici