Le mot du juriste

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Le mot du juriste
Le mot du juriste
L’œuvre logicielle
Définition de l’œuvre logicielle
La loi ne donne pas de définition du mot logiciel. Pour les instances les plus officielles tant à l'échelle
nationale qu'internationale, le logiciel semble se définir comme un "ensemble d'instructions qui ont pour but
de faire accomplir des fonctions par un système de traitement de l’information, appelé ordinateur".
Le logiciel est considéré par les tribunaux comme une forme bien "originale" au regard de la conception
française du droit d'auteur. Ils s’accordent à dire que l’originalité du logiciel se définit comme la marque de
l’effort individualisé. Ce n’est donc plus l’empreinte de l’esprit humain chère aux plus aux grands penseurs
de la propriété littéraire et artistique, mais la sueur du front de l’homme qui est le critère de l'originalité. Pour
être reconnue, l'œuvre logicielle devra porter la marque de l’investissement personnel et individualisé de son
auteur.
La jurisprudence, en matière d'œuvre logicielle, voit le plus souvent dans l'organigramme, dans les lignes
d'instructions, les codes de programmation (non visibles à l’écran) d’un ensemble non détachable du
programme lui-même. Les effets visuels (ligne graphique, symboles, menus, décors et personnages)
répondent à une création de forme qui, si elle fait preuve d'originalité, bénéficie dans la plupart des
circonstances d'une protection indépendante de celle attribuée au logiciel.
La protection des logiciels par le droit d’auteur est indifférente au support (papier, rubans magnétiques,
disquette, disques, mémoires d’ordinateur).
Le logiciel, un type d’œuvre bien original
Le droit d’auteur applicable au logiciel connaît un infléchissement au regard des règles du droit traditionnel
applicable à l’œuvre classique tant notamment sur le terrain de rémunération de la création, de la cession
des droits d’auteur par l’effet du contrat de travail, du droit moral, du droit patrimonial que des règles de
copie privée.
Infléchissement défavorable : la rémunération
La rémunération peut être forfaitaire sans qu’il soit nécessaire de rechercher si les conditions de droit
commun sur le recours au forfait sont remplies.
Infléchissement défavorable : la cession automatique à l’employeur
En matière de logiciel, le titulaire de droits est souvent l'employeur, l'entreprise chargée de sa réalisation, car
les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un salarié dans l'exercice de ses
fonctions ou d’après les instructions de l’employeur, sont automatiquement dévolues à ce dernier par le
simple effet du contrat de travail. Il est totalement indifférent que le salarié ait créé le logiciel chez lui ou sur
son lieu de travail. Ce qui importe, ce sont ses fonctions : le logiciel doit avoir été créé soit dans le cadre de
ses fonctions, soit dans le but de faciliter ses fonctions.
Les créations logicielles du personnel intérimaire appartiennent à l’employeur de la société d’intérim : la
société de travail temporaire. Celles de l’étudiant stagiaire lui appartiennent, sauf clause contraire, puisqu’il
n’y a en général pas de contrat de travail.
Infléchissement défavorable au niveau du Droit moral
Le créateur d’un programme dispose de moins de prérogatives de droit moral qu’un créateur ordinaire.
Le droit de retrait ou de repentir qui permet à un auteur de retirer son œuvre de la circulation, ou bien de la
modifier s’il veut la faire évoluer pour mieux la faire correspondre à sa pensée créative, a été supprimé en
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matière de logiciels par la loi de 1985. La raison de cette suppression est d’ordre économique. Il faut éviter
la paralysie de l’entreprise par l’exercice du droit de retrait et de repentir du salarié.
L’auteur de logiciel ne peut protester contre les modifications de son programme opérées par le
cessionnaire, que lorsque ces modifications portent atteinte à son honneur ou à sa réputation. L’auteur ne
peut se contenter de la seule preuve de l’altération de son œuvre, il doit prouver les conséquences néfastes
pour son honneur ou pour sa réputation de cette altération. Le droit au respect est donc diminué car aucun
juge ne dira que le fait d’ajouter une fonctionnalité à un logiciel porte atteinte à l’honneur ou à la réputation
de l’auteur du programme.
Les deux autres attributs du droit moral de l’auteur de logiciel, le droit à la paternité qui permet à l’auteur de
bénéficier du privilège absolu de voir sur son œuvre l’inscription de son nom et de ses qualités, et le droit de
divulgation qui lui permet de décider, seul, de l’instant et des procédés et conditions de la communication de
sa création au public, ne se distinguent pas du droit d’auteur traditionnel.
Infléchissement défavorable au niveau des Droit patrimoniaux
Les droits patrimoniaux sont les droits économiques dont bénéficie l’auteur et qu’il peut céder en
contrepartie d’avantages financiers. Ils perdurent toute la vie de l’auteur et encore 70 années après son
décès. Des aménagements ont été faits par rapport au droit d’auteur classique.
La loi énonce trois droits qui sont reconnus à l’auteur d’un logiciel, mais dont un est oublié.
Le droit de reproduction est mis en cause en cas de copie, chargement, stockage, transmission,
exécution et ceci quelle que soit la permanence de la reproduction. La reproduction peut être durable,
provisoire ou éphémère. Les droits de transformation, de traduction, d’arrangement ou d’adaptation sont
également contenus en droit français dans le droit de reproduction.
Le droit de distribution concerne la vente directe au public ou la location. Les droits de vente et de
location appartiennent à l’auteur.
Un droit oublié ! La loi en effet ne prévoit pas que l’auteur de logiciel dispose du droit de
représentation. Ce droit qui permet en général à l’auteur de représenter son œuvre devant le public est le
parent pauvre des logiciels. Pour le moment, la question est assez théorique car les hypothèses où le droit
de représentation est en cause sont rares. On voit mal l’auteur déclamer des lignes de code. Les effets
audiovisuels mettent en cause le droit de représentation, mais il n’y a pas de problème puisque ces effets
sont soumis au droit d’auteur classique.
Infléchissement défavorable au niveau du droit de copie
La copie privée, licite en droit commun, connaît des règles spéciales en matière de logiciel. La loi énonce
que la personne ayant le droit d’utiliser le logiciel peut faire une copie de sauvegarde lorsqu’elle est
nécessaire pour préserver l’utilisation du logiciel. Cette règle est présentée de façon positive, c’est-à-dire
comme conférant un droit à l’utilisateur légitime. Mais en réalité, cette règle, loin d’accorder un droit à
l’utilisateur, lui retire le droit qui lui est accordé en droit commun. La reproduction pour un usage privé n’est
possible que pour la seule copie de sauvegarde. Toutes les autres copies sont illicites. La reproduction
destinée à des tiers est impossible, mais aussi celle faite pour un usage collectif dans le cadre d’une
collectivité, ou encore la reproduction faite par une personne sur son propre matériel pour son usage
personnel, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une copie réalisée afin de parer à toute destruction matérielle ou
toute disparition accidentelle du programme.
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POINT D’ATTENTION SUR LA NÉCESSITE DE BIEN IDENTIFIER L’ŒUVRE LOGICIELLE
Il est très important de savoir distinguer l’œuvre logicielle des autres types de création en raison de ses
spécificités et implications juridiques : rémunération forfaitaire, cession automatique des droits d’auteur à
l’employeur, interdiction de copie privée ... Son identification n’est pourtant pas aisée car c’est une forme
abstraite qui ne s’adresse pas au sens de l’homme et qui ne parle qu’à la machine. Il est donc plus facile
d’identifier ce qui n’est pas du logiciel que le logiciel lui-même. Un logiciel n’est pas une base de données, ni
une œuvre multimédia, par exemple. Toutefois, beaucoup de ces œuvres peuvent contenir ou s’exprimer
grâce à une composante logicielle, laquelle ne semble jamais pouvoir s’identifier à elle seule avec les deux
formes de créations ci-dessus, sauf erreur de droit.
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