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Miguel Hernández Les chants rugueux de la terre • • • • Parcours de Miguel Hernández Le jardinier de la terre Choix de textes Bibliographie Ah, comme elle est belle la terre de mon jardin. Elle sent un parfum de mère qui rend amoureux... Miguel Hernández avait les entrailles nouées à la terre et la tête contre les chaudes mamelles de ses chèvres. De là tous les tressaillements du monde lui parvenaient. Lui le petit paysan « à la tête de patate », savait dire au vent et aux hommes le pouls des choses qui battent, des hommes qui souffrent. Dans un jardin de bouches Futures et dorées, Mon ombre brillera. Parcours de Miguel Hernández Il était né dans une petite ville, Orihuela, près d'Alicante, le 30 octobre1910. Son père était gardien de chèvres. Il y passa sa jeunesse en gardant les troupeaux et en regardant passer les rêves dans les nuages, attendant sur le dos que ses chèvres broutent le temps qui passe. Autodidacte à peine dégrossi par les Jésuites (école San Domingo de 1924 à 1925), il ne se nourrissait que de livres de poésie et de rosée. Aussi étonnant que cela puisse paraître c'est le très complexe et tortueux Gongora qui le fascina et modela ses premiers poèmes (les lunes examinées1933- Peritos en lunas). De Gongora il avait pris le goût des images fantasques, incongrues alliées à une forme stricte. Saint-Jean de la Croix était aussi une de ses lectures préférées. Son meilleur ami fut Ramón Sigé, écrivain officiel de la ville. Répondant à un appel intérieur il quitte sa ville natale, sa femme et ses enfants pour rejoindre Madrid, comme un papillon vers la lampe. Sa solitude semblait trop étroite et le besoin de rencontrer d'autres poètes trop fort. Et à 21 ans le voici sur les routes passant de la poussière au bitume. Ses rencontres avec Lorca, Alberti et Neruda sont pour lui un choc profond. Lui le paysan taciturne se trouve en face des grands poètes espagnols et qui le reconnaissent et le protègent. Tous s'émerveillent devant ce « pasteurpoète » qui sent si bon la terre et l'authentique. Lui continuait à se sentir perdu, sans la tendresse de ses chèvres, ni le frémissement de la terre. Il se résigna à travailler chez un notaire. Il n'y rencontra pas l'obscure magie du droit, mais l'amour en la personne de Josefina Manrresa. Sa poésie se soulève alors en chant sensuel. « El rayo que no cesa » (la lumière qui jamais ne s'éteint), entrevoit le tragique de la vie et la magie de l'amour. Il fut aussi le secrétaire de José María Cossío, spécialiste taurin. Peu à peu l'influence déterminante de Pablo Neruda change son écriture. Il se dégage de l'ombre de l'ami précieux Ramón Sigé, englué dans le religieux, et qui meurt en 1935 le laissant quasiment orphelin. Et ce jeune paysan prend conscience des houles sociales, de la souffrance du peuple. Il deviendra après sa mort, une icône des communistes. En 1936, Miguel devient totalement madrilène dans cette atmosphère de guerre montante qui rôde. Ses amis soutiennent la République et tout naturellement il les rejoint. Ses poèmes chantent « la liberté à défendre ». L'horrible guerre civile qu'il voit monter, la tragédie du quotidien, change du tout au tout son écriture qui devient compacte et violente. Partisan de l'armée républicaine en septembre, 5é régiment, il voit son fils mourir et les carnages de la guerre tout autour de lui. Il devient le commissaire à la culture du « Bataillon de El campesino ». Sa foi communiste le fait participer à Moscou au Vème festival du théâtre soviétique. Plus important que cela il se sera marié en 1937, chez lui à Orihuela avec Josefina. Il aura un fils Manuel Ramón en 1938, qui mourra en bas-âge et dont il ne verra ni la naissance, ni la mort, et un autre Manuel Miguel en 1939. Pour eux il écrit de merveilleux poèmes de tendresse et d'espoir (Berceuse à l'oignon). Lui, enfant jamais idolâtré mais battu par son père qui ne supportait pas de le voir lire et écrire au lieu de surveiller le troupeau, aura su écrire les plus touchants poèmes d'amour, sans que jamais la haine ou la vengeance ne niche en lui. Sa vérité d'homme fit sa vérité de poète, portant en lui trois blessures: d'amour, la mort, de la vie. Et surtout les blessures de son peuple. Sa joie d'écrire en gravant dans sa tête les mots avant de les coucher sur papier, lors de ses longues marches, se transmet dans la passion de ses mots. Sa liberté insolente, son authenticité profonde, son éthique qui lui fera refuser toute compromission même pour sauver sa vie, en font une figure inaltérable de poète debout, de l'homme debout. Un homme solidaire et solaire, ardent artisan des mots. Il est mort les yeux ouverts, physiquement et symboliquement, confiant dans les hommes. Le pasteur d'Orihuela fait maintenant paître ses mots dans les prairies d'étoiles et il court toujours après ses chèvres avant que nulle ne nous manquent les jours de grande faim de l'espoir. Le jardinier de la terre Témoin de l'atroce il transcrit dans ses recueils « Viento del pueblo » (1937) et « El hombre acecha » (1938), la déshumanisation des hommes. Après le triomphe du fascisme de Franco, il tente de s'enfuir au Portugal, alors que ses amis lui proposent de se réfugier à l'ambassade du Chili, mais la Garde Civile l'arrête et le torture. Dans sa prison de Madrid, à Torrijos, il continue à écrire de la poésie, souvent sur du papier-toilette ou des morceaux épars de papier. Ses amis (Neruda surtout),intercèdent pour le sauver et le faire s'enfuir. Mais lui, fier et orgueilleux de la bonté et de la dignité des pauvres, n'a de cesse que de vouloir revenir dans sa ville natale Orihuela, où sa famille est restée. Neruda s'occupe de sa famille. Mais il ne peut que tenter de prendre de vitesse la condamnation à mort qui plane sur la tête de Miguel Hernández en juillet 1940. Il réussit à faire commuer la peine de Miguel en trente années de prison. Il sera aussi de nouveau emprisonné dans la prison d'Alicante, où avec pour seule compagne sa tuberculose, il passera trois ans. Dans cet isolement total il écrit « Cancionero y romancero de ausencias ». Si forte est la censure que ce recueil ne sera publié qu'en 1958. Miguel Hernández meurt le 28 mars 1942 à cinq heures et demie du matin, portant en lui du fond de ses ténèbres des messages d'espoir. Dans son cachot les fièvres l'ont emporté loin des murs des hommes. Sur les murs de l'hôpital il aura écrit ces ultimes graffitis : Adieu, frères, camarades, amis : laissez-moi prendre mon congé du soleil et des champs. Ainsi se refermait la trajectoire d'un petit paysan, presque inculte qui aura rencontré ses pairs poètes qui ne le rejetèrent point, il aura rencontré aussi l'humanité afin de devenir le porte-parole des opprimés. Sa poésie militante chante encore plus l'amour que la foi en des lendemains radieux. La mort y est tapie, l'injustice est le monstre à abattre, mais l'amour est le plus fort jusqu'au bout. Gabriel Celaya s’était exclamé : « La poésie est une arme chargée de futur ». Le tyran Franco pourrit au milieu des charognes, et la poésie de Miguel Hernández est toujours elle un printemps vivant, le printemps du futur. Le berger-poète, expert sous les lunes, drapé dans la dignité des pauvres, chante les louanges des enfants démunis, du peuple en lutte. Ses poèmes ont l'odeur de la paille, le goût du lait, le chaud réalisme de la terre. Enrique Morente l'a chanté, Paco Ibanez aussi, Vicente Pradal le chantera, ainsi vivent de bouche en bouche les poètes. À jamais. Gil Pressnitzer Choix de textes (...) Parmi les amis de Federico et Rafael il y avait le jeune poète Miguel Hernández. Je l’ai connu lorsqu’il arrivait de ses terres d’Orihuela où il avait gardé les chèvres, en espadrilles et vêtu d’un pantalon paysan de velours. J’ai publié ses vers dans ma revue « Caballo verde » l’éclat et le brio de sa poésie m’enthousiasmaient. Miguel était si paysan qu’il transportait un souffle de terre autour de lui. Il avait un visage de motte de terre ou de patate que l’on arrache d’entre les racines et qui conserve sa fraîcheur souterraine. Il vivait et écrivait chez moi. Ma poésie américaine, faite d’autres horizons, d’autres plaines, l’impressionna et le transforma. Il me racontait de terrestres histoires d’animaux et d’oiseaux. Il était cet écrivain sorti de la nature comme une pierre intacte, à la virginité sauvage et à l’irrésistible force vitale. Il racontait combien c’était impressionnant de poser ses oreilles sur le ventre des chèvres endormies. On pouvait ainsi entendre le bruit du lait qui arrivait aux mamelles, cette rumeur secrète que personne n’a pu écouter hormis ce poète des chèvres. À d’autres reprises il me parlait du chant des rossignols. Le Levant espagnol d’où il provenait, était chargé d’orangers en fleurs et de rossignols. Comme cet oiseau n’existe pas dans mon pays, ce sublime chanteur, ce fou de Miguel voulait me donner la plus vive expression esthétique de sa puissance. Il grimpait à un arbre dans la rue, et depuis les plus hautes branches, il sifflait comme chantent ses chers oiseaux au pays natal. Comme il n’avait pas de quoi à vivre, je lui cherchais un travail. C’était difficile pour un poète de trouver du travail en Espagne. Finalement un Vicomte, haut fonctionnaire des Relations, s’intéressa à son cas et me répondit que oui, qu’il était d’accord, qu’il avait lu les vers de Miguel, qu’il l’admirait, et que celui-ci veuille bien indiquer quel type de poste il souhaitait pour rédiger sa nomination. Rempli de joie, je dis au poète : - Miguel Hernández, tu as enfin un destin. Le Vicomte t’embauche. Tu seras un haut employé. Dis-moi quel travail tu désires effectuer pour que l’on procède à ton engagement. Miguel demeura songeur. Son visage aux grandes rides prématurées se couvrit d’un voile méditatif. Des heures passèrent et il fallut attendre l’après - midi pour qu’il me réponde. Avec les yeux brillants de quelqu’un qui aurait trouvé la solution de sa vie, il me dit : - Le Vicomte pourrait-il me confier un troupeau de chèvres par ici, près de Madrid ? Le souvenir de Miguel ne peut s’échapper des racines de mon cœur. Le chant des rossignols levantins, ses tours sonores érigées entre l’obscurité et les fleurs d’orangers, dont la présence l’obsédait, étaient une des composantes de son sang, de sa poésie terrestre et sylvestre dans laquelle se réunissaient tous les excès de la couleur, du parfum et de la voix du Levant espagnol, avec l’abondance et la fragrance d’une puissante et virile jeunesse. PABLO NERUDA « Confieso que he vivido » 1974 Traduction Vicente Pradal - juin 2004 Ballades de la jeunesse Mon souffle le vent me donne plus de notes que l'oiseau, ma vie est tissée par des illusions; ma poitrine ne sait pas la cruelle déception en moi la tristesse ne peut pas être sombre; Douleur dans mon âme ne peut faire sa demeure. Je suis venu dans la mer voiles doucement enflées de foi et d'optimisme; Je suis une pleine tasse de boisson chaude; Je suis le grand livre qui est la Vie Une Page d'or qui peut s'afficher.... (adaptation personnelle) Élégie à Ramón Sijé Je veux avec mes larmes être le jardinier de la terre que tu occupes et que tu fertilises, si tôt, compagnon de mon âme. Nourrissant de ma douleur sans instrument pluies, orgues et coquillages, je donnerai ton cœur pour aliment aux coquelicots désemparés. Tant de douleur s’amoncelle en mon flanc, mon mal est tel que mon souffle est souffrance Un coup-de-poing dur, un coup glacé, un invisible et homicide coup de hache, une poussée brutale t’as abattu. Nulle étendue plus grande que ma plaie, je pleure mon malheur, ce qui l’entoure et je sens plus ta mort que je ne sens ma vie. Je marche sur des chaumes de défunts, et sans chaleur humaine, sans consolation, j’oscille entre mon cœur et mes occupations. Trop tôt la mort a pris son vol, trop tôt s’est réveillée l’aurore, trop tôt tu tombes sur le sol. Je ne pardonne pas à la mort amoureuse, je ne pardonne pas à la vie inattentive, je ne pardonne ni à la terre, ni au néant En mes mains je déchaîne un ouragan de pierres et d’éclairs et de stridents flambeaux, affamé, assoiffé de désastres. Je veux gratter la terre avec mes dents, je veux trier la terre motte à motte à coups de dents secs et brûlants. Je veux miner la terre jusqu’à ce que je te trouve et embrasser ton noble crâne et te débâillonner et te faire revenir. Tu reviendras à mon verger, à mon figuier : parmi les fleurs en jardins suspendus voltigera ton âme butineuse de cires angéliques et de dentelles. Tu reviendras où roucoulent les grilles des laboureurs énamourés. Tu réjouiras l’ombre de mes sourcils, d’un côté les abeilles, de l’autre ta fiancée, viendront se disputer ton sang. Mon avare voix d’amoureux appelle vers un champ d’amandes écumantes ton cœur, velours déjà fané. Vers les âmes ailées des roses de l’amandier de crème je t’appelle : car nous avons tant de choses à nous dire, compagnon de mon âme, compagnon. Miguel Hernández le 10 janvier 1936 traduction Vicente Pradal/novembre 2003 Que veut le vent de Janvier ? Que veut le vent de Janvier qui descend par le ravin et violente les fenêtres quand te couvrent mes baisers ? Nous effondrer. Nous traîner. Effondrés et traînés les deux sangs se sont éloignés, mais que veut encore le vent chaque fois plus en colère ? Nous séparer. Miguel Hernández traduction : V. Pradal octobre 2004 Les galoches désertes Le cinq du mois de janvier chaque année je mettais mes souliers de berger à la fenêtre froide et trouvais en ces jours qui font tomber les portes, mes galoches vides, mes galoches désertes. Jamais eu de chaussures ni costumes, ni mots, toujours des ruisselets, des peines et des chèvres, vêtu de pauvreté léché par la rivière, je fus des pieds à la tête prairie pour la rosée Le cinq du mois de janvier je souhaitais pour le six que le monde entier fût un magasin de jouets et en allant dès l'aube retourner le jardin mes galoches sans rien, mes galoches désertes.... Le cinq du mois de janvier de notre bergerie, mes souliers de berger je sortais dans le givre, jusqu'au six mon regard pouvait voir à la porte mes galoches gelées, mes galoches désertes. Miguel Hernández traduction : V. Pradal octobre 2004 CANCIONERO Y ROMANCERO DE AUSENCIAS...EXTRAITS Il y avait un trou peu profond. Presque au coeur de l'ombre. Aucun corps d'homme ne se serrait serré dans cette ombre étroite. Avec toi tout s'ouvrait sur cette terre d'ombre. Ma maison avec toi c'était la chambre obscure. Par toi dans ma maison entrait l'éclat la lumière. Ma maison peu à peu est un trou Et je ne voudrais pas que toute cette lumière s'éloigne sans vie de la chambre. Mais avec la pluie, je sens les murs se creuser, les meubles reverdir, j'en écarte vivement les feuilles. Ma maison est une ville, une porte ouverte vers l'aube, une autre, plus ouverte, vers le soir, une autre, vers la nuit, immense. Ma maison est un cercueil. Chanson terrible sous la pluie, d'hirondelles au-dehors débordant la peur. Dans ma maison un corps s'absente. Dans ma maison nous deux reste un nom. Traducteur inconnu site Emmila Gitana Je m'appelle l'argile Je m'appelle argile bien que je m'appelle Miguel argile est mon métier et mon destin qui tâche de sa langue ce qu'elle lèche. Je suis un triste instrument du chemin. Je suis une langue douce et infâme et me jette aux pieds que j'idolâtre. Comme un nocturne boeuf d'eau et de friche qui voudrait être un enfant idolâtré, je charge tes souliers et ce qui les entoure, et transformé en tapis de baisers, j'embrasse et je couvre de fleurs ton talon qui m'insulte. Crains que l'argile ne grandisse soudain, crains qu'elle grandisse et monte et couvre avec tendresse, tendresse et jalousie, ta cheville de joncs qui est mon tourment, crains qu'elle n'inonde la blancheur de ta jambe qu'elle grandisse encore et monte jusqu'à ton front. Crains qu'elle s'élève comme un ouragan, depuis le territoire de l'hiver, qu'elle éclate et qu'elle tonne et qu'elle tombe en déluge à la fois tendre et dure, sur ton sang. Crains l'assaut d'une écume offensée et crains un cataclysme amoureux. Avant que la sécheresse la consume l'argile t'aura transformé en argile. traduction : V. Pradal octobre 2004 La berceuse à l'oignon L'oignon est du givre fermé et pauvre. Givre de tes jours et de mes nuits. Faim et oignon: glace noire et givre grand et rond. Dans le berceau de la faim était mon enfant. Avec le sang de l'oignon il s'allaitait. Mais ton sang, givré de sucre, oignon et faim. Une femme brune, transformée en lune, se répand fil à fil sur le berceau. Ris, enfant, Je t'apporte la lune quand il le faut. Alouette de ma maison, ris beaucoup. Ton rire dans tes yeux Est la lumière du monde. Ris tellement que mon âme t'entendre, remue l'espace. Ton rire me rend libre, me donne des ailes. M'enlève les solitudes, m'arrache de la prison. Bouche qui vole, cour qui sur tes lèvres lance des éclairs. Je me suis réveillé d'être enfant. Ne te réveille jamais. J'affiche ma tristesse. Toi, ris toujours. Toujours dans le berceau, à défendre le rire plume après plume. Vole enfant dans la double lune des seins. Eux, tristes par l'oignon, toi, satisfait. Ne t'effondre pas. Ignore ce qui se passe et ce qui arrive. Miguel Hernández traduction : V. Pradal octobre 2011 Assis sur les morts Assis sur les morts qui se sont tus en deux mois, j embrasse des chaussures vides et j'empoigne rageusement la main du cœur et l'âme qui le maintient. Que ma voix monte aux sommets et descende à la terre et tonne, c'est cela que demande ma gorge dès maintenant et depuis toujours. Si je suis sorti de la terre, si je suis né d'un ventre malheureux et pauvrement, ce ne fut que pour devenir le rossignol des malheurs, l'écho du manque de chance, et pour chanter et répéter à qui se doit de m'écouter, tout ce qui se réfère aux peines, aux pauvres et à la terre. Même si les armes te manquent, peuple aux cent mille pouvoirs, que tes os ne défaillent pas, châtie celui qui te blesse tant qu'il te reste des poings, des ongles, de la salive, et qu'il te reste du cœur, des entrailles, des tripes, des organes virils et des dents. Assassine qui assassine, déteste celui qui déteste la paix de ton cœur et le ventre de tes femmes. Je suis ici pour vivre tant que mon âme résonne, et je suis ici pour mourir, quand mon heure arrivera, dans les sources du peuple dès maintenant et depuis toujours. La vie est faite de plusieurs gorgées et la mort n'en a qu'une seule. traduction : V. Pradal octobre 2011 Venu avec trois blessures Il est arrivé avec trois blessures: celle de l'amour, celle de la mort, celle de la vie,. puis avec ses trois blessures: celle de la vie, celle de l'amour, la mort. J'ai ses trois blessures: celle de la vie, celle de la mort, celle de l'amour. (adaptation personnelle) Les vents du peuple Les vents du peuple me soulèvent Les vents du peuple me traînent ils ont déchirés mon cœur et ils dessèchent dans ma gorge Les bœufs courbent la tête résignés, impuissants Face aux punitions: les lions eux la redressent leurs griffes déchirent et se vengent. Je ne suis pas d’un peuple de bœufs Je suis d’un peuple étreignant les territoires des lions les défilés montagneux des aigles les cordillières des taureaux, empli d’un orgueil haut dressé. Que jamais ne prospèrent les bœufs sur les plateaux nus de l’Espagne. Qui parle de mettre un joug sur le cou d’une telle race ? Qui a posé des ouragans et jamais des jougs ni des chaînes, Ni qui arrête la foudre du prisonnier dans sa geôle ?.... ...Asturien fait de bravoure, Basques de roche blindés La joie de Valence et de l'âme espagnole, comme le champ labouré et aérées comme les ailes; Andalouse de foudre nées entre guitares et forgées sur l'enclume les larmes torrentielles; Estrémadure seigle Galicienne pluie et calme, Catalogne bloc de fermeté, Aragon caste, Murcie dynamite tartinade de fruits, Léon, de Navarre, la faim, la sueur et la hache, les propriétaires Rois de l'exploitation minière, Seigneurs de labour les hommes qui dans les racines, gracieuses comme des racines, vont de la vie à la mort, vont de rien à rien: Je veux mettre des jougs aux gens des mauvaises herbes, jougs qu'ils ne pourront enlever sur leur dos cassé. Dans le crépuscule du bœuf l'aurore se lève. Les bœufs meurent et les robes les aigles, les lions et les taureaux de l'arrogance, et derrière eux le ciel où monte le trouble ou pire. L'agonie du bœuf a le petit visage, de l'animal mâle Mais élargit la création tout entière. Paru dans El Mono Azul le 22 octobre 1936 (adaptation personnelle) extraits du poème Vent du peuple Si je meurs, que je meure la tête haute. Mort et vingt fois mort, la bouche contre le chiendent, j'aurai les dents serrées et le menton provocant. J'attends la mort en chantant car il y a des rossignols qui chantent sur les fusils au cœur des champs de batailles. traduction : V. Pradal octobre 2011 Je reste dans l'ombre (Sigo en la ombra) Je reste dans l'ombre, plein de lumière: Le jour existe-t-il? Est-ce là ma tombe ou le berceau de ma mère? Passez le fouet sur ma peau comme un grand froid Vaisselle qui germe chaude, tendre et rouge. Il se peut que rien ne soit encore né, Ou soit mort pour toujours. L'ombre me gouverne, Si c'est ça la vie, mourir je ne sais pas cela serait ni ne sais que poursuivre la nostalgie tant éternelle. Enchaîné à un costume, il me semble que je poursuis Le dénuement, s’affranchir de ce qui ne peut Être moi et qui rend sombre le regard absent. Mais la texture, la distance, vient avec moi Ombre sur ombre, contre l'ombre qui tourne Dans la vie dénudée qui s’accroît vers le rien. (adaptation personnelle) J’aimerais tant être le jardinier désespéré de la terre que tu emplis et fertilises, - et cela au plus tôt Nourrissant les pluies, les coquillages et les organes de ma douleur sans corps décourageant les coquelicots Donne ton cœur pour les nourrir. Tant de douleur fichée dans mon flanc que j’ai grand mal quand je respire. ……….. Ton cœur, comme velours usé appelle un champ d’amandier moussant ma voix avare est amoureuse. Encloses dans les âmes ailées de ces roses Le suc des amandes t’interpelle, Il nous faut parler maintenant de plusieurs choses ? compagnon de mon âme, compagnon. Recueil des absents (Adaptation personnelle) Tu étais comme le jeune figuier du ravin. Quand je passais tu rêvais de montagnes. Comme le jeune figuier, resplendissant et sombre. Tu es comme le figuier. Comme le vieux figuier. Je passe à présent dans le bonjour silencieux des feuilles sèches. Tu es comme le figuier dans la lente lumière de la vie... Ainsi les saisons et les ports ont l’odeur de la mort Ainsi quand nous mourons se défont les mouchoirs de silence. Nous sommes des corps de vie enterrée sur l’horizon, loin... J’écrivis sur le sable les trois noms de la vie: la vie, la mort, l’amour. Une rafale de vent, de si loin si souvent, de la mer vint nous effacer... Brûle les deux portes, donne la lumière. Je ne sais pas ce qui m’arrive je trébuche dans le ciel... Je voulus dire encore adieu et je vis seulement ton mouchoir de silence s’éloigner. L’impossible. Un vent de poussière vint m’aveugler, m’étouffer, me blesser. Depuis lors j’avale la poussière. L’impossible. Miguel Hernández - Recueil des absents - Extraits traductions Jean Gabriel Cosculluela & Charles Juliet Bibliographie bibliographie en espagnol Perito en lunas, Murcia, Sudeste, 1933. El rayo que no cesa, Madrid, Colección Héroe, 1936. Viento del pueblo, Valencia, Socorro Rojo Internacional, 1937. Versos en la guerra (con otros), Alicante, Socorro Rojo Internacional, 1938. El hombre acecha, Valencia, Delegación de la Secretaría de Propaganda, 1939 Cancionero y romancero de ausencias (1938-1941), Buenos Aires, Lautaro, 1958 (edición póstuma). Pièces de théâtre Quien te ha visto y quien te ve y sombra de lo que eras, Madrid, 1929. El labrador de más aire, Valencia, Nuestro Pueblo, 1937. Teatro en la guerra, Alicante, Socorro Rojo Internacional, 1938. bibliographie en français La foudre n'a de cesse (11 janvier 2002),traduit par Nicole Laurent-Catrice, Éditions Folle avoine Hormis tes entrailles (novembre 1989),, poèmes traduits par Alejandro Rojas Urrego et Jean-Louis Giovannoni, Éditions Unes, 1989, (épuisé). Fils de la lumière et de l'ombre, (Édition bilingue) traduit par Sophie Cathala-Pradal, éd. Sables 1993. Mon sang est un chemin (Mi sangre es un camino), poèmes choisis et traduits par Sara Solivella et Philippe Leignel Xenia, 2010 Miguel Hernández, poètes d'aujourd'hui, n° 105, présentation par Jacinto-Luis Guereña, choix de textes, bibliographie, portraits et fac-similés, éd. Seghers, Paris 1964, (épuisé).