A Barcelone, c`est la mer à boire !

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A Barcelone, c`est la mer à boire !
A Barcelone, c’est la mer à boire !
par Emilien Paron
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Après avoir couru les médailles en 1992, Barcelone court désormais après l’eau douce. La
capitale catalane fait en effet face àdes épisodes de sécheresse récurrents et àune qualitéde
l’eau - distribuée à quelques 4.5 millions d’habitants - pas toujours irréprochable.
L’agglomération a fini par réagir en 2009 avec l’inauguration de sa première usine de
dessalement d’eau de mer, à ce jour la plus importante d’Europe.
L’usine de dessalement du Llobregat
L’objectif est clair : faire face durablement aux épisodes de sécheresse
Eté 2008, une fois n’est pas coutume, la sécheresse frappe Barcelone. La situation est
telle que la capitale catalane doit étancher la soif de ses habitants avec l’eau du Rhône,
transportée par bateau depuis Marseille pour un coût mensuel de 22 millions d’euros. Une
situation heureusement temporaire puisque la ville est alors en pleine construction d’une
station de dessalement d’eau de mer à El Prat de Llobregat. L’objectif est clair : dessaler l’eau
de mer locale - et la facture par la même occasion même si le procédéreste cher - afin de
retrouver une indépendance hydraulique, faire face durablement aux épisodes de sécheresse et
éviter à l’avenir ce genre de situations couteuses et ubuesques.
Couvrir jusqu’à 20% des besoins en eau de la capitale catalane
En fonctionnement depuis 2009, la station vient en complément des stations de
potabilisation du Llobregat et du Ter qui fournissaient jusqu’à maintenant seules en eau
potable l’agglomération barcelonaise. Soit pas moins de 100 communes. Les 230 millions
d’euros investis dans la fabrication de l’usine lui permettent de couvrir jusqu’à 20% des
besoins en eau de la capitale catalane même si actuellement on tourne plutôt autour des 5%.
En effet, en dehors des périodes de sécheresse, la station fonctionne rarement au delàde 10%
de ses capacités mais le monstre est capable en théorie de produire jusqu’à 200 000 m3 d’eau
potable par jour, soit la consommation de plus d’un million de personnes.
L’usine utilise le principe « d’osmose inverse » pour dessaler l’eau de mer
Derrière ces chiffres se cachent un défi technologique
tout aussi impressionnant. L’usine utilise le principe
«d’osmose inverse » pour dessaler l’eau de mer. Pour
une efficacité optimale, l’eau de mer récupérée doit
être la plus propre possible. Ainsi, le captage se fait à
2,2 km de la côte et à pas moins de 30 mètres de
profondeur dans le but d’éviter les pollutions des
bateaux en surface et profiter d’une eau dont la
température et la salinité est stable tout au long de
l’année. Après un tamisage et quelques étapes de
filtrages supplémentaires, l’eau captée débouche dans
une salle aux tuyaux multicolores. C’est ici que se
déroule l’étape clé de l’ «osmose inverse », nécessitant
une pression dans les tuyaux proche de 70 bars. Des
centaines de petits robinets liés àces tuyaux permettent
de vérifier constamment la qualité de l’eau dessalée et
donc l’état des membranes.
La dernière étape consiste en une reminéralisation de l’eau avant que cette dernière
aille hydrater nos voisins catalans. Sur 100 litres d’eau de mer captés, 45 litres d’eau
donneront de l’eau potable tandis que les 55 litres restant constitueront une eau très fortement
salée appelée «saumure ». Une partie de la pression contenue dans la saumure est récupérée
au travers d’échangeurs de pression puis réinjectée à l’eau de mer entrante. Ce procédé permet
d’économiser 50% de l’énergie. La saumure est ensuite rejetée en mer après avoir
préalablement été mélangée avec l’eau issue de la station d’épuration voisine. Cela permet
d’obtenir une salinité finale similaire à celle de la mer et ainsi d’avoir une empreinte
écologique nulle sur le milieu marin.
Le procédécoûte encore cher économiquement et énergétiquement
Le dessalement de l’eau de mer serait-elle donc la solution miracle à la pénurie d’eau
annoncée par un monde qui ne cesse de se peupler et dont les ressources s’amenuisent ? Pas
vraiment. Le procédécoute encore cher économiquement et énergétiquement puisque l’usine
consomme 2,59 kWh pour traiter un mètre cube d’eau. L’eau issue de la désalinisation coûte
60 centimes d’euros par mètre cube lorsque l’usine fonctionne à 10%, et 30 centimes
lorsqu’elle est au maximum de ses capacités. A titre de comparaison, la potabilisation de l’eau
du Ter revient àenviron 11 centimes du mètre cube. Certains critiquent déjàcette course à
«l’eau technologique »en rappelant que celle au gaspillage reste encore la meilleure façon de
lutter contre la raréfaction de l’eau.